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Les principales étapes de la différenciation testiculaire

Femelles XY avec SRY

B. Les principales étapes de la différenciation testiculaire

Au cours de la différenciation testiculaire (Svingen et Koopman, 2013), les cellules de Sertoli sont les premières à se différencier. Elles s’associent les unes aux autres par des moyens de jonctions cellulaires et viennent entourer les cellules germinales pour former les cordons séminifères. Au cours de ce processus, elles changent de morphologie et de localisation : d’un aspect de cellules mésenchymateuses localisées au sein des cordons, elles acquièrent une forme polarisée de cellules épithéliales en même temps qu’elles se localisent à la base des cordons ( Nel-Theemat et al., 2011). La formation des cordons séminifères est observable dès 12.5 jpc chez la souris, c’est le deuxième signe caractéristique de la différenciation testiculaire (Chap2_III-B1). Par des signaux paracrines, les cellules de Sertoli vont ensuite induire la différenciation d’autres types

Page | 40 cellulaires. Ainsi dans un deuxième temps, les cellules de Leydig fœtales et les cellules myoïdes péritubulaires se différencient. Les cellules de Leydig fœtales sont localisées dans l’interstitium avec d’autres types cellulaires : des cellules mésenchymateuses, des cellules immunitaires, des cellules nerveuses, et des cellules endothéliales. Ces dernières vont former le réseau vasculaire caractéristique du testicule et notamment le vaisseau cœlomique. Les cellules de Leydig fœtales assurent, en collaboration avec les cellules de Sertoli, la fonction stéroïdogène du testicule responsable de la masculinisation de l’embryon (voir Chap2_III-C).

La formation du vaisseau cœlomique est le troisième élément caractéristique de la différenciation de la gonade mâle, et elle est impliquée dans la formation des cordons séminifères. Dans un dernier temps, les cellules myoïdes péritubulaires viennent se localiser à la base des cordons séminifères et les renforcent ; douées de péristaltisme, elles contribuent à la libération des spermatozoïdes dans la lumière du tube à l’âge adulte.

En parallèle des structures énoncées plus haut, la tunique albuginée se met en place. Elle est composée de cellules musculaires lisses avec des capacités contractiles (Middendorff et al., 2002). En plus d’une fonction de barrière protectrice, elle régule le flux sanguin, la température, et la pression intra-testiculaire, et encourage la mobilité des spermatozoïdes après la puberté via ses contractions.

III. La cellule de Sertoli contrôle la morphogenèse testiculaire

Les cellules de Sertoli sont les cellules de soutien du testicule, dans le sens où elles vont supporter le développement de la lignée germinale isolée au sein des cordons/tubes séminifères et réguler la production des stéroïdes sexuels. Elles sont aussi, au moins chez la souris, le chef d’orchestre de la différenciation testiculaire et de la masculinisation de l’embryon.

Au début des années 1990 et avant même la caractérisation de Sry, l’équipe d’Anne McLaren produit des souris chimériques faites de cellules XX et XY et démontre que la différenciation des cellules de Sertoli dépend de la présence du chromosome Y (Bourgoyne et al., 1988 ; Palmer et Bourgoyne, 1991). Chez ces souris, les auteurs montrent que les cellules XX et XY contribuent équitablement à l’édifice des différents tissus murins, comme le foie ou le mésonéphros. Ainsi dans le testicule, presque 50% des cellules de Leydig ou myoïdes péritubulaires sont XX, mais ceci n’est pas le cas des cellules de Sertoli où seules 10% de ces cellules sont XX (Palmer et Bourgoyne, 1991). Ces travaux montrent que la différenciation des cellules de Sertoli requiert un génotype XY. L’existence de cellules de Sertoli XX révèle en plus que la différenciation des cellules de Sertoli peut être induite de façon paracrine (par exemple, via le

Page | 41 recrutement de cellules XX dans le contexte de souris chimériques XY--XX) pour compenser un faible nombre de cellules précurseurs par exemple.

Les cellules de Sertoli ont pour origine les cellules de l’épithélium cœlomique qui expriment Sry (Karl et Capel, 1998 ; Albrecht et Eicher, 2001). Comme je le mentionnais dans le paragraphe I-B de ce chapitre, la fenêtre et le niveau d’expression de Sry sont primordiaux pour la différenciation testiculaire chez la souris et notamment pour l’activation du gène Sox9 au sein des précurseurs des cellules de Sertoli (pré-Sertoli). Ainsi, l’induction trop tardive de Sry dans une lignée de souris transgéniques est capable d’induire Sox9 mais pas de maintenir son expression (Hiramatsu et al., 2009). De plus, les souris B6 XYPOS possédant un allèle faible de Sry développent des ovaires ou des ovotesticules (Eicher et al., 1982). Chez ces souris, SRY est détecté de façon homogène dans la gonade, mais SOX9 n’est détecté que dans la partie testiculaire située au centre de l’ovotesticule (Wilhelm et al., 2009). Ces résultats montrent que Sry n’est pas toujours suffisant pour maintenir l’expression de Sox9.

Dans cette partie, je présenterai d’abord les facteurs génétiques impliqués dans la différenciation des cellules de Sertoli. Dans un second temps, je détaillerai le rôle central tenu par les cellules de Sertoli dans la morphogenèse testiculaire. J’aborderai ainsi successivement leur implication dans (i) la formation des cordons séminifères, (ii) le contrôle de la différenciation des cellules de Leydig fœtales et des cellules germinales et (iii) la masculinisation de l’embryon.

A. Aspects génétiques de la différenciation des cellules de Sertoli

A1. SOX9 : l’acteur majeur de la cellule de Sertoli

A1-1. Le rôle de SOX9

Dans le testicule murin, l’expression de Sox9 suit celle de Sry de quelques heures : comme

Sry, Sox9 apparait d’abord au centre de la gonade puis s’étend aux pôles. Son expression est

restreinte aux cellules de Sertoli où elle y est maintenue jusqu’à l’âge adulte (Sekido et al., 2004 ;

Wilhelm et al., 2005). SOX9 est un facteur de transcription à domaine HMG. Contrairement à SRY qui est mal conservée au sein des espèces de mammifères, la protéine SOX9 est très bien conservée chez tous les vertébrés.

Son importance dans la différenciation testiculaire a été mise en lumière par l’observation de mutations hétérozygotes dans l’espèce humaine responsables de la survenue de malformations squelettiques (syndrome de dysplasie campomélique) associées à une inversion sexuelle (femmes 46, XY) dans 75% des cas (Foster et al., 1994 ; Wagner et al., 1994). La duplication de SOX9 chez l’Homme est par ailleurs responsable du développement de testicules chez des individus 46, XX (hommes XX) (Huang et al., 1999). Chez la souris, son invalidation induit une inversion sexuelle de

Page | 42 type femelles XY (Chaboissier et al., 2004 ; Barrionuevo et al., 2006 ; Lavery et al., 2011) et sa surexpression chez des animaux XX, la différenciation de testicules à la place d’ovaires en l’absence de Sry (Vidal et al., 2001). SOX9 est donc l’acteur majeur de la différenciation testiculaire en aval de SRY puisqu’il est capable d’orchestrer le développement d’individus mâles en son absence (mâles XX).

Le rôle de SOX9 au sommet de la cascade génétique mâle a également pu être mis en évidence grâce à la caractérisation de ces cibles. Parmi celles-ci ;

- l’AMH (Anti-Müllerian hormone) est responsable de la régression des canaux de Müller chez les individus XY. Elle est exprimée par les cellules de Sertoli à partir de 12.5 jpc et jusqu’à la puberté chez la souris (Münsterberg et Lovell-Badge, 1991). Le promoteur du gène de l’Amh possède des sites de fixation pour SF1 et SOX9. Ainsi, son expression est activée par SF1 en synergie avec SOX9 (Takada et al., 2006 ; de Santa Barbara et al., 1998 ; Arango et al., 1999) et peut être modulée en présence d’autres facteurs, comme GATA4, WT1 ou DAX1 (Dosage-sensitive sex-reversal, Adrenal hypoplasia critical region, on chromosome X, gene 1) (Tremblay et al, 2001 ;

Nachtigal et al., 1998). Le rôle de l’AMH dans la régression des canaux de Müller sera détaillé dans le paragraphe III-C1 de ce chapitre.

- la PGDS (Prostaglandine D synthase) est l’enzyme qui synthétise la prostaglandine D2 (PGD2) impliquée dans l’amplification du nombre de cellules exprimant Sox9 au sein du testicule (voir paragraphe III_A1-3). Le promoteur de Pgds possède des sites de fixation pour SRY et SOX9 mais seul SOX9 est capable d’activer son promoteur in vitro (Wilhelm et al., 2007). Des expériences de ChIP réalisées à partir de gonades embryonnaires à 11.5 jpc confirment par ailleurs l’existence de l’interaction de SOX9 avec le promoteur de Pgds in vivo (Wilhelm et al., 2007).

- la Neurotrophine-3 est une molécule sécrétée par les cellules de Sertoli pour recruter les cellules endothéliales en provenance du mésonéphros (Cupp et al., 2000)(voir paragraphe III_B1-1). Ce recrutement est nécessaire à la formation des cordons séminifères et du vaisseau cœlomique, impliquant directement SOX9 dans le contrôle de la morphogenèse testiculaire. Le promoteur du gène de la Neurotrophine-3 possède un élément de réponse à SRY qui est activée par SOX9 in vitro (Clément et al., 2011).

- DHH (Desert hedgehog) est une molécule de signalisation exprimée puis sécrétée par les cellules de Sertoli dès 11.5 jpc chez la souris (Bitgood et al., 1996 ; Yao et al., 2002). Cette molécule est nécessaire à la différenciation des cellules de Leydig fœtales (voir paragraphe III_B2-2). Des expériences de ChIP-on-chip montrent que SOX9 régule directement l’expression de Dhh in vivo (Li

Page | 43 - CYP26B1 (Cytochrome P450, family 26, subfamily b, polypeptide 1) est l’enzyme qui dégrade l’acide rétinoïque dans le testicule permettant ainsi de maintenir les cellules germinales XY dans un état de quiescence. Elle est exprimée par les cellules de Sertoli dès 11.5 jpc (Koubova et

al., 2006 ; Bowles et al., 2006). Des études réalisées in vitro montrent que SOX9 active l’expression de Cyp26b1 en synergie avec SF1 (Kashimada et al., 2011b). L’interaction directe de SOX9 avec le promoteur de Cyp26b1 a récemment été confirmée in vivo grâce à des expériences de ChIP-on-chip (Li et al., 2014).

A1-2. La régulation de l’expression de SOX9

Chez l’Homme, la souris et toutes les espèces étudiées, le gène SOX9 est séparé des gènes codants alentours par de grandes séquences intergéniques (Bagheri-Fam et al., 2001). La comparaison des séquences entourant SOX9 chez trois espèces (Homme, souris, poisson-globe) a permis de montrer la présence de sites conservés entre -290 et +450 kb pouvant être impliqués dans le contrôle de l’expression de SOX9 (Bagheri-Fam et al., 2001). Néanmoins, l’étude fonctionnelle de certains de ces sites chez la souris n’a pas permis de révéler de séquence contrôlant son expression spécifiquement dans la gonade mâle (Bagheri-Fam et al., 2006). Dans l’espèce humaine, des translocations chromosomiques du chr 17 conduisent au développement d’une dysplasie campomélique et à une inversion sexuelle de type femme XY. Chez certaines de ces patientes, les points de cassure sont localisés à plus d’1 Mb en amont de SOX9 ce qui suggère que les séquences qui régulent l’expression testiculaire de SOX9 sont situées très en amont de celui-ci (Pfeifer et al., 1999).

Comme je le mentionnais dans le paragraphe I-D1 de ce chapitre, l’élément TESCO a été mis en évidence comme étant une séquence de 1.4 kb localisée 13 kb en amont de Sox9, qui régulerait son expression dans le testicule chez la souris (Sekido et Lovell-Badge, 2008). Au sein de l’élément TES, il existe une séquence de 180 pb hautement conservée dans l’évolution qui contient des éléments de réponse à plusieurs familles de facteurs de transcription (SOX, TCF/LEF, Forkhead, DMRT et GATA) (Bagheri-Fam et al., 2010). Grâce à des expériences de ChIP, Sekido et Lovell-Badge montrent que SRY et SF1 se lient directement sur plusieurs sites de l’élément TES in vivo, activant l’élément TES et donc l’expression de Sox9 de façon synergique (Sekido et Lovell-Badge, 2008). Ces résultats ont permis aux auteurs de proposer un modèle de la régulation de Sox9 dans le testicule qui serait divisée en 3 étapes (Figure 8) :

- l’étape d’initiation : SF1 induit l’expression de Sox9 dans les crêtes génitales chez les deux sexes. Ces données sont cohérentes avec l’observation de l’expression de Sox9 par hybridation in

situ dans les crêtes génitales des deux sexes à 10.5 jpc (Morais da Silva et al., 1996), et le fait que