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Figure 29 : Le syndrome BPES dans l’espèce humaine (d’après Crisponi et al., 2001 –

Nature Genetics).

Le syndrome BPES induit des anomalies de la formation des paupières chez les individus des deux sexes. Le diamètre horizontal des paupières est réduit, les paupières supérieures sont abaissées ce qui diminue le champ visuel, et des plis cutanés des paupières inférieures viennent recouvrir les coins internes des yeux. Dans certains cas, la distance entre le coin interne des yeux peut être augmentée. Dans le cas du BPES de type I, ces malformations palpébrales sont associées à une insuffisance ovarienne prématurée chez les femmes. La sévérité du phénotype ovarien varie en fonction du type de mutation.

Page | 95 conduit à une absence de formation des paupières (Uda et al., 2004 ; Boulanger et al., 2014). Chez l’Homme, des mutations hétérozygotes de FOXL2 sont responsables de la survenue du syndrome BPES ; comme j’en parlerai dans le paragraphe suivant, ces mutations engendrent des malformations des paupières qui peuvent être associées à une IOP (Chap4_II). Afin de caractériser l’étiologie des malformations palpébrales, l’équipe de Giovanni Levi a étudié plus en détail l’expression de Foxl2 au niveau crânio-facial chez la souris (Heude et al., 2015). Ils montrent que

Foxl2 est exprimé dans les cellules de la crête neurale crâniale et les cellules du mésoderme crânial

au cours du développement. Ces cellules sont impliquées dans le développement du squelette et des muscles au niveau de la face. En invalidant Foxl2 spécifiquement dans l’un ou l’autre de ces types cellulaires, ils montrent que l’absence de FOXL2 dans ces cellules conduit à une hypoplasie des paupières, des anomalies du développement des muscles extra-oculaires, des yeux et à des altérations mineures du squelette de la face (Heude et al., 2015). Dans l’ensemble, ces résultats obtenus chez la souris récapitulent le phénotype des patients BPES.

II. Le syndrome BPES dans l’espèce humaine

Le BPES (Blepharophimosis, Ptosis, Epicanthus inversus Syndrome) est un syndrome autosomique dominant dans lequel des malformations des paupières sont associées à une IOP (BPES de type I) ou non (BPES de type II) (Figure 29). Les malformations des paupières touchent les hommes et les femmes et possèdent 4 caractéristiques principales : (i) blepharophimosis : une réduction de la taille de la fente palpébrale horizontale, (ii) ptosis : un abaissement de la paupière supérieure conduisant à une diminution de la fente palpébrale verticale, (iii) epicanthus inversus : la présence de plis cutanés au niveau de la paupière inférieure courant des bords internes aux bords externes de l’œil, et (iv) telecanthus : une augmentation de la distance entre les coins médiaux des yeux sans augmentation de la distance entre les pupilles.

Dans le cas d’un BPES de type I, les problèmes de fertilités sont donc limités aux femmes (IOP). Les hommes sont fertiles et transmettent la mutation à leur descendance. Les femmes atteintes de BPES de type I ont des phénotypes d’IOP variables. Certaines présentent une aménorrhée primaire associée à la présence d’ovaires en bandelettes fibreuses (Fraser et al., 1988), d’autres présentent des irrégularités dans leurs menstruations et possèdent des ovaires histologiquement normaux (Méduri et al., 2010).

Des expériences de liaisons génétiques réalisées chez des familles atteintes d’un BPES de type II ont permis d’identifier le locus 3q22-23 comme étant impliqué dans la survenue de malformations des paupières (Amati et al., 1995). Ces travaux ont aussi été réalisés chez des familles atteintes d’un BPES de type I et ont impliqué le même locus (Amati et al., 1996), suggérant

Page | 96 que la mutation du même gène soit responsable des deux pathologies. En 2001, Crisponi et collègues identifient le gène FOXL2 comme étant muté chez les patients atteints de BPES (Crisponi

et al., 2001).

A. Mutations intragéniques de FOXL2

Les mutations intragéniques de FOXL2 représentent environ 80% des cas de BPES (De Baere et al., 2003). Dans 30% des cas, la mutation induit une expansion de la séquence poly-Ala, ce qui augmente la propension des protéines mutées à former des agrégats dans le noyau ou le cytoplasme (Caburet et al., 2004). Les mutations intragéniques localisées dans le domaine forkhead peuvent diminuer la capacité de trans-activation de la protéine (Todeschini et al., 2011). Enfin, certaines mutations peuvent toucher des sites de modifications post-traductionnelles de la protéine.

Dans les cellules KGN, il a été mis en évidence que la protéine FOXL2 existait sous différentes isoformes à différents points iso-électriques (Benayoun et al., 2009). Différentes études

in vitro ont montré que FOXL2 pouvait être phosphorylé (Pisarska et al., 2010), sumoylé

(Benayoun et al., 2009 ; Kuo et al., 2009 ; Marongiu et al., 2010) ou acétylé (Benayoun et al., 2009). Ainsi, la mutation (Y258N) transformant un résidu tyrosine, normalement phosphorylé, en asparagine entraine la survenue d’une IOP non-syndromique (Harris et al., 2002). Par ailleurs, des mutations retrouvées sur des sites de sumoylation ou des conditions de dé-acétylation sont décrites comme diminuant les capacités répressives de FOXL2 sur les promoteurs de ses gènes cibles (Kuo et al., 2009 ; Marongiu et al., 2010 ; Benayoun et al., 2009).

L’observation de cas familiaux ainsi que plusieurs études menées in vitro ont tenté de déterminer une corrélation entre le type de mutation et le type de BPES observé (De Baere et al., 2003 ; Nallathambi et al., 2008 ; Dipietromaria et al., 2009). Il a ainsi été prédit que des protéines tronquées en amont de la séquence poly-Ala induisent généralement le développement d’un BPES de type I. Des mutations entrainant une expansion de la séquence poly-Ala sont en contrepartie majoritairement retrouvées dans des cas de BPES de type II. En revanche, pour des protéines mutées possédant un domaine forkhead ou poly-Ala intact, la prédiction du phénotype est difficile, des variabilités inter-individuelles ayant été retrouvées au sein d’une même famille (De Baere et

al., 2003).

Une mutation homozygote de FOXL2 a été décrite dans la littérature. Elle est présente chez un homme et une femme issus d’une famille consanguine, qui sont atteints de BPES de type II (Nallathambi et al., 2007). La mutation provoque une expansion de 5 résidus alanine (Ala19), au lieu de 10 résidus dans les autres cas décrits (Ala24) (De Baere et al., 2001,2003 ; Caburet et al., 2004). In vitro, la protéine FOXL2-Ala19 a tendance à moins s’agréger que le variant FOXL2-Ala24

Page | 97 (Nallathambi et al., 2007). D’autres membres de cette famille possèdent par ailleurs la mutation à l’hétérozygotie mais ne montrent pas de phénotype de BPES. Cette découverte met en évidence un lien entre la taille de l’expansion poly-Ala et la sévérité du phénotype obtenu, une expansion plus courte dans ce cas, entrainant un phénotype moindre. La fonction ovarienne de la femme atteinte n’a pas été étudiée, mais la généalogie indique qu’elle n’a pas eu d’enfant (Nallathambi et al., 2007). Des cas de mutation de FOXL2 l’impliquant dans le développement d’une IOP non syndromique (sans BPES) ont été rapportés (Harris et al., 2002 ; Laissue et al., 2009 ; Table 7). L’étude menée in vitro montre que la protéine mutante a ses capacités de transactivation diminuées dans l’ovaire spécifiquement. L’activité de FOXL2 n’est cependant pas entièrement abolie.

B. Réarrangements génomiques et mutations régulatrices

En parallèle des mutations intragéniques, des réarrangements du génome induisant la délétion complète ou partielle de FOXL2 ou de ses séquences régulatrices, ont été décrites comme conduisant à un BPES (Beysen et al., 2008).

Les réarrangements du génome incluant des délétions de FOXL2 comptent pour 12% des cas de BPES (Beysen et al., 2005). Ces délétions peuvent être totales ou partielles et inclure d’autres gènes. Par exemple, le gène ATR (Ataxia telangiectasia and Rad3-related protein) est localisé à 6.1 Mb en amont de FOXL2. Une délétion de 7.7 MB touchant FOXL2 et ATR entraine un BPES et un retard mental (de Ru et al., 2005).

En parallèle, les délétions en dehors de FOXL2 comptent pour 5 % des cas de BPES (Beysen

et al., 2005). Ces mutations considérées comme régulatrices récapitulent les mutations

intragéniques de FOXL2 bien que le gène ne soit pas touché. Ces mutations affectent des séquences localisées en 3’ mais surtout en 5’ de FOXL2, qui contiennent des séquences conservées pouvant correspondre à des éléments de régulation en cis de l’expression de FOXL2. Notamment, une délétion d’une région de 7 kb située 283 kb en amont de FOXL2 et touchant PISRT1 et son promoteur (région orthologue à la région PIS caprine) conduisent à une anomalie de l’expression de FOXL2 dans les paupière et à un BPES (D’haene et al., 2009). L’existence de tels cas montrent que des éléments importants situés à distance de FOXL2 sont nécessaires à sa régulation.

Pour résumer, la pathologie développée (BPES avec ou sans IOP) ainsi que sa sévérité dépendent du type de mutation impliquée. Plus l’expression de FOXL2 et/ou son activité sont diminuées, plus le risque de développer un BPES de type I apparait grand et le phénotype sévère. Si l’on veut comparer les phénotypes obtenus chez la chèvre et chez l’Homme, d’abord au niveau du phénotype palpébral, l’invalidation de FOXL2 dans l’espèce caprine (protéine tronquée en amont du domaine forkhead) (Boulanger et al., 2014 – Annexe 2) provoque une agénésie complète des