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B. Les gènes impliqués dans la croissance des crêtes génitales

IV. Les cellules germinales primordiales

Chez les mammifères, la mise en place de la lignée germinale se déroule en plusieurs étapes : (i) la spécification des cellules germinales primordiales (CGP) se fait à partir des cellules somatiques environnantes, (ii) les CGP migrent ensuite depuis les territoires extra-gonadiques jusqu’aux crêtes génitales ; et (iii) la différenciation sexuelle des cellules germinales enfin, est déterminée par leur environnement testiculaire ou ovarien. Seules les deux premières étapes

Figure 3 : Emergence des cellules germinales primordiales chez l’embryon de

souris (d’après Saitou et Yamaji; 2012).

La spécification des cellules germinales primordiales (CGP) débute entre 6 et 6.5 jpc dans l’épiblaste (Epi) proximal grâce à des signaux provenant de l’ectoderme extra-embryonnaire (ExE) (BMP4, BMP8b) et de l’endoderme viscéral (VE) (BMP2) adjacents. A partir de 7.25 jpc, les CGP sont détectées dans le mésoderme extra-embryonnaire (ExM) à la base de l’allantoïde. À 7.5 jpc, elles envahissent l’endoderme viscéral. A 8.5 jpc, les CGP sont en migration dans l’intestin primitif. L’épiblaste s’est différencié en tous les types cellulaires de l’embryon en plus des CGP. L’ectoderme extra-embryonnaire est à l’origine de la majeure partie du placenta.

AVE : endoderme viscéral antérieur ; EM : mésoderme embryonnaire

Allantoïde

CGP CGP

CGP

Page | 30 seront traitées dans ce paragraphe. Par ailleurs, compte-tenu de la difficulté d’accès aux embryons, peu d’études sur la mise en place de la lignée germinale ont été menées chez l’Homme, et la plupart des données existantes sont issues de travaux réalisés chez la souris. Je décrirai donc principalement ce qui a été démontré chez cette espèce.

A. Origine

Chez de nombreux vertébrés, la lignée germinale est spécifiée très précocement au cours du développement embryonnaire à partir d’un déterminant cytoplasmique d’origine maternelle, le « plasma germinatif ». Ce plasma germinatif correspond au stockage d’ARN, de protéines de liaison à l’ARN et d’organelles dans le cytoplasme de l’ovocyte mature. Au cours des premières divisions de l’embryon le plasma germinatif ségrége de manière asymétrique, et les cellules qui en héritent sont les précurseurs des CGP (pour revue, voir Richardson et Lehmann, 2010). Chez les mammifères, un tel plasma germinatif n’existe pas. C’est la signalisation induite par les cellules avoisinantes qui spécifie la lignée germinale.

Grâce à des expériences de lignage réalisées à 6.5 jpc chez la souris, Lawson et Hage montrent que les CGP ont pour origine des cellules de l’épiblaste proximal. Dans ces expériences, les auteurs injectent des cellules épiblastiques avec un colorant pour suivre leur devenir. A ce stade, les cellules de l’épiblaste proximal injectées engendrent des CGP mais aussi d’autres types cellulaires, démontrant que l’épiblaste proximal est à l’origine des précurseurs de la lignée germinale, mais qu’elle n’est pas encore spécifiée (Lawson et Hage, 1994).

B. Spécification

La spécification de la lignée germinale va dépendre d’interactions cellulaires et de la localisation des cellules au sein de l’épiblaste (Figure 3). Elle nécessite aussi la reprogrammation de leur génome : les CGP subissent une répression de gènes « somatiques » en parallèle de l’activation d’un programme de pluripotence, et également une vague de déméthylation de l’ADN, l’effacement de l’empreinte génomique, et la réactivation du second chromosome X chez les femelles. Les CGP sont considérés comme indifférenciées jusqu’à la colonisation des crêtes génitales.

Entre 6 et 6.5 jpc, les signaux BMP (Bone morphogenetic protein) émanant de l’ectoderme extra-embryonnaire (BMP4, BMP8b) et de l’endoderme viscéral (BMP2) agissent sur l’épiblaste proximal adjacent, et sont à l’origine de l’induction des précurseurs des CGP. En effet, l’invalidation de ces gènes (Lawson et al., 1999 ; Ying et al., 2000 ; Ying et Zhao, 2001) ou des gènes codant pour

Figure 4 : La migration des cellules germinales primordiales chez l’embryon

humain (schéma adapté de Greenspan’s Basic & Clinical Endocrinology, 9e, 2011,

Chapter 13).

(A) En fin de 3ème sem, une quarantaine de cellules germinales primordiales (CGP) sont détectées dans la paroi dorsale du sac vitellin, à la base de l’allantoïde en formation. (B) Au

cours de la 5ème sem, les CGP sont retrouvées migrant à travers l’intestin primitif et l’endoderme

viscéral. Elles traversent le mésentère dorsale au cours de la 7ème sem et colonisent les crêtes

génitales au cours des 8ème et 9ème semaines.

Coeur Allantoïde Crête génitale Cloaque Crête génitale Mésonéphros CGP Sac vitellin Intestin antérieur Intestin postérieur

Intestin postérieur

Page | 31 des molécules impliquées dans la transduction du signal (Smad1 (Tremblay et al., 2001 ; Hayashi et

al., 2002), Smad5 (Chang et Matzuk, 2001), et Smad4 (Chu et al., 2004)) induit une diminution, voire la perte des CGP. En réponse à cette signalisation, certaines cellules épiblastiques vont activer l’expression de Blimp1 (B-lymphocyte-induced maturation protein 1) et Prdm14 (PR

domain-containing protein 14), ce qui marque l’émergence des précurseurs des CGP. L’invalidation de ces

gènes chez la souris entraine une diminution du nombre de CGP détectées (Vincent et al., 2005 ;

Ohinata et al., 2005 ; Yamaji et al., 2008). Par ailleurs, des analyses transcriptomiques montrent que l’absence de BLIMP1, un répresseur transcriptionnel, maintient l’expression de la quasi-totalité de gènes normalement réprimés, tandis que l’absence de PRDM14 entraine un défaut d’activation de gènes de pluripotence (Kurimoto et al., 2008).

La voie WNT, via WNT3, est également associée à la spécification des CGP (Ohinata et al., 2009). Son rôle serait de rendre les cellules de l’épiblaste compétentes à la signalisation des BMP. Dans les embryons Wnt3-/-, les cellules positives pour BLIMP1 (précurseurs des CGP) ne sont pas détectées à 7.5 jpc. Ces embryons ne sont pas capables de répondre au signal BMP4 et les Smad associées ne sont pas activées (Ohinata et al., 2009).

Deux autres facteurs, Fragilis et Stella, ont été identifiés comme étant des marqueurs des CGP (Saitou et al., 2002). Néanmoins leur invalidation n’a pas d’effet sur l’établissement et le développement de la lignée germinale (Lange et al., 2008 ; Payer et al., 2003).

C. Migration

Grâce à l’observation d’embryons humains, Witschi (1948) a décrit la migration des CGP de la paroi dorsale du sac vitellin jusqu’aux crêtes génitales (Figure 4).

Chez la souris à 7.25 jpc, les CGP sont détectées dans le mésoderme extra-embryonnaire à la base de l’allantoïde grâce à leur activité phosphatase alcaline (Ginsburg et al., 1990). À 7.5 jpc, elles envahissent l’endoderme viscéral, dans lequel elles acquièrent une polarité morphologique (Figure 3). Entre 8.0 et 9.5 jpc, elles sont incorporées de manière passive dans l’intestin primitif, notamment grâce aux repliements de l’embryon. Les CGP migrent ensuite de manière active (par chimiotaxie et mouvements amyboïdes) à travers le mésentère dorsal, pour coloniser les crêtes génitales autour de 10.5 jpc (Molyneaux et al., 2001 ; Saitou et Yamadji, 2012). Durant leur migration, elles se multiplient activement.

Plusieurs facteurs sont impliqués dans la migration des CGP jusqu’aux crêtes génitales. Parmi eux, le récepteur c-kit et son ligand Steel sont importants pour la prolifération, la survie et la migration des CGP. c-kit est exprimé par les CGP au cours de leur migration, et Steel par les cellules présentes sur leur parcours (Matsui et al., 1990). Les souris invalidées pour ces gènes présentent une diminution de trois types cellulaires : les cellules de la crête neurale, les cellules souches

Page | 32 hématopoïétiques, et les CGP. Ces souris meurent généralement autour de la naissance à cause d’une anémie sévère (Geissler et al., 1981 ; Runyan et al., 2006 ; Gu et al., 2009). Dans le cas des mutants We/We qui présentent une forme sévère de mutation de c-kit, les gonades sont quasiment dépourvues de cellules germinales (Buehr et al., 1993). Le couple SDF1 (Stromal-derived factor 1)/CXCR4 (GPCR chemokine (CXC motif) receptor 4) est impliqué dans le guidage des CGP jusqu’aux crêtes génitales. SDF1 est exprimé au niveau des crêtes génitales et du mésenchyme alentour, tandis que CXCR4 est exprimé par les CGP. La perte de signalisation SDF1/CXCR4 chez la souris induit une diminution du nombre de CGP dans les crêtes génitales (Ara et al., 2003 ;

Molyneaux et al, 2003), et l’expression ectopique de SDF1 entraine une localisation anormale des CGP (Molyneaux et al, 2003). En plus des signaux mentionnés ci-dessus, des protéines d’adhérence comme l’E-cadhérine (Bendel-Stenzel et al., 2000) ou l’intégrine β1 (Anderson et al., 1999) sont impliquées dans la migration des CGP, en régulant soient les interactions entre cellules, soient les interactions des CGP à la matrice extracellulaire. Les CGP adhèrent à certaines glycoprotéines de la matrice extracellulaire, comme le collagène IV, la laminine ou la fibronectine, qui sont présentes selon un gradient le long de la voie de migration des CGP (Garcia-Castro et al., 1997).

Arrivées dans les crêtes génitales, les CGP perdent leur mobilité. Elles sont alors appelées ovogonies dans l’ovaire et spermatogonies dans le testicule. C’est l’environnement somatique dans lequel elles se trouvent qui va contrôler leur différenciation. Ainsi, après une phase de prolifération, les cellules germinales vont soit entrer en méiose dans l’ovaire, soit rester quiescentes jusqu’à la puberté dans le testicule.

D. Spécification des cellules germinales primordiales : la remise en