• Aucun résultat trouvé

Les prémices juridiques de la notion de dangerosité

Dans le document Le traitement pénal de la dangerosité (Page 36-49)

LA DANGEROSITE, LONGTEMPS ENVISAGEE COMME UNE MALADIE A TRAITER

Section 1. L’intérêt de la dangerosité psychiatrique au regard de la dangerosité criminologique

B. Les prémices juridiques de la notion de dangerosité

22. Le dispositif règlementaire axé sur l’état psychique des personnes (a) permit progressivement la construction médico-légale de la notion de dangerosité en analysant le comportement infractionnel à travers les notions scientifiques telles que l’aliénation ou la démence (b).

a. Un dispositif règlementaire axé sur l’état psychique des personnes

23. Le Code civil de 18043 prévoyait des mesures d’interdiction visant autant à protéger la société que l’individu. L’article 489 du Code de 1804 disposait que « le majeur 1 Caire M., Des lettres de cachet à la loi du 5 juil. 2011 : trois siècles et demi d'internement psychiatrique,

Journal français de psychiatrie, 2010/3 n° 38, p.6-11. DOI : 10.3917/jfp.038.0006

2 Senninger J.-L., Notion de dangerosité en psychiatrie médico-légale, EMC Psychiatrie, 2007, 1-8, Article 37-

510-A-10.

3 Code civil des français : éd. originale et seule officielle, éd. Imp.de la République (Paris), 1804, Bibliothèque

nationale de France, département Centre technique du livre, F-18383. Source : bnf.fr (date de mise en ligne : 15/10/2007)

36

qui est dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides ». Dans tous les autres cas, les parents devaient statuer sur l’avenir de l’aliéné pour l’empêcher de troubler l’ordre public. A défaut, la charge pesait sur le Commissaire du Gouvernement1. Cette clause restrictive sera renforcée par le Code pénal de 1810, en prévoyant des peines de police pour ceux qui auraient laissé « divaguer des fous ou des furieux étant sous leur garde »2. La procédure d’interdiction se déroulait devant le Tribunal de première instance3. Ainsi, la justice civile, par le biais du jugement d'interdiction, était un préalable à l'admission de toute personne dans un établissement spécialisé pour les aliénés, hors cas d'urgence. C’était au Conseil de famille, sur ordre du Tribunal, de formuler un avis sur l’état de la personne concernée. L’article 510 ouvrait par ailleurs la possibilité de faire traiter la personne interdite dans son domicile ou de la placer dans une maison de santé ou un hospice. Les conséquences de cette infirmité devaient être établies par des preuves positives et rigoureuses, évitant des décisions arbitraires de l’Administration portant atteinte à la liberté personnelle et aux droits civils de l'individu détenu.

24. Une circulaire du Ministre de l’intérieur mît l’accent sur les abus commis par certains Préfets, en faisant, de leur propre autorité, arrêter des insensés, pour être, sur leur ordre, enfermés dans des maisons de force4. En 1808, le Code d’Instruction criminelle consacre l’institution du juge d’instruction comme juge unique professionnel et opère un partage du procès en deux phases : l’une préparatoire, de type inquisitoire, confiée au juge d’instruction ; l’autre de jugement, de type accusatoire, dévolu à un autre magistrat. Les médecins psychiatres souhaitaient depuis longtemps un principe d’irresponsabilité pénale du malade mental. À partir des années 1820, la doctrine pénale développe une véritable 1 Article 491 c.civ. de 1804

2 Article 475 c.civ. de 1804 3 Article 492 c.civ. de 1804

4 Circulaire du ministre de l'Intérieur à Messieurs les Préfets des départements, 30 frimaire an XII (17 sept.

37

réflexion conceptuelle1 en décomposant la responsabilité pénale des aliénés dans l’optique de mettre en place une justice morale réprimandant les fautes. Les juristes n’observent plus seulement les actes objectifs mais également les causes explicatives de ces actes et s’intéressent ainsi aux propos des aliénistes qui développent la monomanie comme nosologie déterminante. La notion d’anormalité évolue alors comme la problématique centrale en criminologie.

25. Le livre II du Code pénal de 1810 était consacré aux personnes punissables, excusables ou responsables, pour crimes ou délits. Un chapitre unique, comptant 16 articles, prévoyait en son article 64 qu’il n’y a « ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ». Chaque élément de cet article a été soumis à diverses difficultés d’interprétation. La notion de démence, non définie précisément par le législateur, souleva l’épineuse question de l’expertise mentale lors de sa constatation. L’impunité de l’auteur est certaine mais l’expression « ni crime ni délit » montre la confusion entre les notions juridiques d’irresponsabilité , de non-imputabilité , de non- culpabilité voire même d’incapacité. Avec l’article 64, sans l’élément moral pour cause de démence, il n’y avait pas d’infraction. C’est une première incursion de subjectivité dans le droit pénal objectif. « En matière criminelle, la loi qui donne au juge le droit de décider s’il y a crime ou délit, lui donne par cela même, et nécessairement, le droit de décider si l’accusé ou le prévenu est, par son état moral, capable de l’intention perverse sans laquelle il ne peut exister ni délit ni crime (…). Si les juges sont d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, il sera déclaré qu’il n’y a lieu à poursuivre »2.

26. L’intention va devenir une cause d’exonération de responsabilité . Le fait qu’il n'y ait ni crime ni délit ne signifie pas que l'événement n'a pas existé ou qu'il n'y a pas eu de victime, il s’agit simplement d’actes non punissables par la justice pénale : « a pu estimer 1 Suardi S., La maladie mentale et le droit pénal, Thèse, Nice, juin 2010

38

que les faits matériellement reprochés à l’intéressé ne constituaient pas des crimes punissables, faute d’élément moral, à raison de l’état de démence de leur auteur au temps de l’action, la Chambre d’accusation qui constate, conformément à l’avis exprimé par trois experts psychiatres, que le meurtre imputé à l’inculpé est l’expression de la psychose épileptique dissociative complexe dont il est atteint qui, dans le temps de l’action, ne lui permettait aucun contrôle volontaire des pulsions destructrices et que cet état mental au moment des faits répond à la définition de l’article 64 concernant l’état de démence »1. À cette période, la démence devait donc être totale, les diverses situations intermédiaires n’étaient pas encore prises en compte. Ainsi, si l’individu incriminé est déclaré « fou », trois solutions étaient possibles, une ordonnance de non-lieu pouvait être rendue par le juge d’instruction ; l’individu pouvait être relaxé par la juridiction de jugement ; voire même, acquitté, ce qui emportait une décision de remise en liberté immédiate. Le temps de latence entre les procédures mais également la possibilité de divergence d’appréciation entre le magistrat et le Préfet étaient sources de nombreux problèmes. Ainsi, en pratique, le parquet avertissait le plus tôt possible le Préfet et le juge d’instruction ne rendait son ordonnance de non-lieu qu’après l’arrêté préfectoral d’internement pour éviter une remise en liberté.

b. L’analyse du comportement infractionnel prise en compte par le droit pénal

27. L’aliénation mentale est parfois expliquée, par certains scientifiques, en référence à la personne, grâce à l’anthropologie. Franz Josef Gall, médecin allemand, considéré comme le précurseur de la neurophysiologie, à l’origine du mouvement de Phrénologie2, nommée à l’origine cranioscopie, avait établi un lien entre la forme du crâne et les 1 Crim. 14 déc. 1982, Gaz.Pal.-1983-I-somm 178

2 Terme forgé par un disciple, J-G. Spurzheim (1776-1832) correspondant à « l’art de reconnaître les instincts,

les penchants, les talents et les dispositions morales et intellectuelles des hommes et des animaux par la configuration de leur cerveau et de leur tête », selon le titre de l’ouvrage de Franz Josef Gall (1757-1828)

39

tendances psychologiques et pensait que l’anthropologie influait sur la personnalité et étudia donc les fonctions du cerveau1. Par la suite, Darwin (1809-1882)2, estima que l’homme étant issu de la lignée animale, un processus de sélection naturelle s’opère et crée des différences individuelles. Pour créer une société parfaite, il invoquait l’idée qu’il fallait éliminer les moins adaptés à la réalité sociale. Cet homme non évolué, dangereux pour la société, va alors inspirer Lombroso. En 1876, le médecin militaire italien Lombroso publia la première édition de L’Homme criminel3. Il tenta ainsi de comprendre le comportement criminel à l'aide de sa formation de médecin en dégageant un type morphologique de criminel. C’est sous le titre d’anthropologie criminelle que furent tenus sept congrès internationaux dans diverses villes d’Europe, de 1885 à 1913. À cette époque, sous l’influence des idées de Darwin, Lombroso estimait avoir découvert un type général de criminel, dénommé le « criminel-né » quelque temps plus tard par Enrico Ferri. Essentiellement, Lombroso percevait le criminel comme un individu anormal, pathologique, déviant. Cet individu devait porter sur lui les symptômes de sa pathologie et le but de l'anthropologie criminelle était d’en déterminer ces signes. Après avoir longuement pratiqué l’examen anthropométrique, médical et psychologique de délinquants, il pensait arriver à prouver que la morphologie, les réactions biologiques et psychologiques de beaucoup de criminels appartenaient à celles d’un type d’individus restés en arrière dans l’évolution menant à l’homme, proches encore des sauvages primitifs. Cet atavisme, cette réapparition de certains caractères venus des ancêtres qui pouvaient ne pas s’être manifestés dans les générations intermédiaires, lui paraissait expliquer cette singularité. De nombreux critères agissaient selon lui, qu’ils soient anatomiques ou sociologiques tels que l'argot et les tatouages, mais également physiologiques comme l’insensibilité à la douleur, que le criminel-né partageait si bien 1 En collaboration avec J-G. Spurzheim, Des dispositions innées de l'âme et de l'esprit, du matérialisme, du

fatalisme et de la liberté morale, avec des réflexions sur l'éducation et sur la législation criminelle, Schoell, Paris, 1811

2 Darwin C., De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle, 1859

3 Mucchielli L., La réception de Lombroso en France (1880-1900), in « Histoire de la criminologie française »,

40

avec les sauvages. À ses yeux, le criminel-né était voué au crime, car son état de régression par rapport à l’homme normal le rendait inapte à obéir aux lois pénales édictées pour et par des hommes plus évolués que lui. Les éditions successives de « L'Uomo delinquente » ont permis à l’auteur de faire évoluer ses propositions théoriques d'origine. Si Lombroso se risqua surtout à établir une causalité biologique, il ne se détourna pas pour autant des causes exogènes. Dès la deuxième édition en 1878, il aborda les influences néfastes provenant de la pauvreté ou de l'alcool. Il n'hésita pas à faire intervenir dans son système explicatif diverses disciplines. Il empiéta facétieusement sur la discipline juridique en rejetant l'universalité du libre arbitre et emprunta à la psychiatrie le concept de « folie morale », considérée comme une variété de folie qui ne touchait que le sens moral, les facultés intellectuelles pouvant fonctionner normalement. Il utilisa la médecine pour comprendre l’épilepsie et recensa toutes les corrélations qu'il observait entre les types de délits et les anomalies physiques, reliant ainsi les notions d’épilepsie, de folie morale et d’atavisme1. Lombroso cherchait ainsi à fédérer toutes les explications de la criminalité de l'époque, ce qui lui permettait de rendre compte, selon lui, de l’ensemble des comportements criminels qu’il divisait en différentes catégories. Son approche éclectique dérangeait. Lombroso affirmait dès 1875 qu'il n'y avait pas « de crimes qui n'aient ses racines dans différentes causes »2, il voyait plus loin que le déterminisme de la biologie du crime et même si son approche privilégiait l'étude anatomique, elle restait en fait multifactorielle. Il suffit de consulter la table des matières de la première traduction française de L'Uomo delinquente, Lombroso aborde successivement l'influence de la géologie, de la civilisation, de l'alimentation, de l'alcoolisme, des substances toxiques, de l'instruction, de l'économie, de la religion, de l'éducation, de l'hérédité, de l'âge, du sexe, des professions, des prisons, des journaux ou de l'imitation.

1 Lombroso C., 1887, L'homme criminel (criminel né - fou moral - épileptique), Paris, Félix Alcan. Préface de C.

Letourneau

41

28. En 1811, la notion d’aliénation mentale est enfin consacrée dans le vocabulaire médical1. Seule usitée au XIXe siècle, cette notion a longtemps servi à définir l'ensemble des affections de l'esprit. Progressivement le terme de Psychiatrie s'est substitué pour désigner le secteur des maladies mentales et celui de Psychiatre pour remplacer l'aliéniste. Mais les mots « aliénation mentale » et « aliéné » n'ont pas disparu ; ils ont gardé un sens plus restrictif et plus particulier; ils sont restés termes légaux sur le terrain administratif et judiciaire et s'emploient dans les cas où des mesures d'internement, de protection ou d'assistance spéciale s'imposent. En droit civil, tel que Rousseau l’a décrite dans son contrat social, l’aliénation signifie la transmission d’un droit de propriété ou la constitution d’un droit réel qui le démembre2. Toutefois, l’aliénation civile et l’aliénation mentale seront toujours distinguées de par leurs différences de domaines. En 1818, Esquirol écrivait un réquisitoire contre l’état des maisons où sont détenus les aliénés3. Ses revendications ne sont pas passées inaperçues et une circulaire a été adoptée le 16 juillet 1819 par le gouvernement. Le directeur de l’administration départementale et communale créa alors une commission d’études chargée d’étudier la question, dont Esquirol et Pinel firent partie. Cette circulaire pointe la nécessité pour les aliénés « d’être placés dans des établissements qui leur soient exclusivement consacrés » et prévoit la construction de « maisons centrales d’aliénés »4. Il reviendra, dans son Traité des maladies mentales de 18385, dans le cadre d’une réflexion sur la responsabilité pénale, sur la question de la monomanie criminelle6 vivement critiquée par un grand nombre de magistrats. Du grec 1 Hanin, Alienation mentale, Vocab. méd., s.v., d'apr. Quem., t. 1, 1959

2 Lexique des termes juridiques, Dalloz

3 « ces infortunés sont plus mal traités que des criminels et réduits à une condition pire que celle des animaux »,

Des établissements consacrés aux aliénés en france et des moyens de les améliorer, mémoire présenté au ministre de l’intérieur en sept. 1818 par le psychiatre Esquirol, in des maladies mentales considérées sous les rapports médical hygiénique et médico légal, tome second, Esquirol, médecin en chef de la maison royale des aliénés de Charenton.

4 Circulaire ministérielle n°55 du 16 juil. 1819 signée par le comte Decazes, ministre de Louis XVIII, in Bollotte

G. "Il y a 150 ans…", L’information psychiatrique, janv. 1965, n°1, pp.59-60

5 Esquirol J-E., Des maladies mentales (1838), 1989, chap.« Frénésie », p.345

6 Le terme de monomanie désigne une affection psychique qui n’affecte que partiellement l’esprit. Esquirol J-E.,

Des passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l’Aliénation mentale (1805), Thèse de l’Ecole de médecine de Paris, Paris, Librairie des deux mondes, 1980, p.31

42

ancien (μόνος) monos signifiant « une seule » et (μανία) maníā désignant « la folie, démence , état de fureur », elle est généralement définie comme un délire caractérisé par une préoccupation unique, une fixation de l'esprit sur un objet unique, une sorte d’impulsion que l’homme ne peut pas vaincre1. Esquirol a suivi cette définition expliquant que ce délire est partiellement caractérisé par une impulsion plus ou moins violente au meurtre2. Il reprend ainsi la classification nosographique de Pinel, en distinguant la monomanie raisonnante de la monomanie instinctive qui correspondrait plutôt à « un entraînement aveugle, instantané, indépendant de leur volonté »3. Cette monomanie peut alors conduire à des actes dangereux, à un passage à un acte d’une certaine gravité si par exemple l’objet de la préoccupation est une personne.

29. Depuis le XIXe siècle, en médecine légale, le terme démence se limite à la seule notion d'irresponsabilité pénale, ainsi, le diagnostic des démences doit être impérativement étayé par de nombreuses investigations ayant pour objet de préciser la nature du processus pathologique et son dynamisme évolutif. D’un point de vue médical, le « delirium » est un « syndrome cérébral organique, le plus souvent aigu, susceptible d'accompagner diverses affections, et associant une perturbation de la conscience , de l'attention, de la mémoire, de la perception de soi et de l'environnement, de la pensée, du sommeil et des émotions »4. La démence est définie comme « un affaiblissement progressif de l'ensemble des fonctions intellectuelles, dû à une probable lésion des cellules nerveuses cérébrales »5. Il s’agit donc d’un déficit intellectuel dont l’évolution est irrémédiable6. Il existe plusieurs types de démence qui peuvent se diviser en deux catégories : les démences symptomatiques, qui sont le plus souvent vasculaires ou bien la 1 CNRTL, Lexicographie du mot « Monomanie »

2 Traité des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, Paris, J-B

Baillère, 1838, volume II, p.336

3 Esquirol J-E., Mémoire sur la monomanie homicide, Des maladies mentales, volume II, p.796. 4 Dictionnaire Larousse médical, éd. 2006, page 261, définition de delirium

5 Dictionnaire Larousse médical, éd. 2006, page 261, définition de la démence 6 Escourolle R. et Gregogna J., Démence, Encyclopédie Universalis

43

conséquence d'une autre maladie déterminée ; les démences dégénératives ont une classification en évolution, mais la tendance actuelle est de distinguer plusieurs types de démences primitives sans importance de l'âge. En ce qui concerne les symptômes, il s’agit de troubles cognitifs, tels qu'une diminution de la mémoire et de l'attention, mais aussi une baisse du jugement et du raisonnement. Par la suite, des troubles de l'affectivité, du langage et du comportement apparaissent. Cette dégénérescence aux stades successifs peut entraîner le malade à commettre des infractions liées aux trois instincts de conservation, reproduction et d’association. L’état de démence emporte une impossibilité à se déterminer librement au moment des faits. En conséquence, cet état doit avoir existé « au temps de l’action » et doit avoir un rapport causal avec l’infraction. En principe, le diagnostic d’aliénation mentale suffit à déduire l’état de démence au temps de l’action1. L’article C. 345 de l’instruction générale pour l’application du Code de Procédure Pénale précisait déjà que la question doit être posée à l’expert de savoir si l’infraction reprochée à l’inculpé est ou non en rapport avec les anomalies mentales ou psychiques qu’il présente. C’est à partir de ce moment-là que la notion de dangerosité commence à avoir des conséquences pénales importantes à travers la notion de démence.

30. Selon le docteur Rappard2, ancien interne au Centre de traitement et de Réadaptation sociale de l’Hôpital Psychiatrique de Bonneval, la psychiatrie est devenue légitime avec le Code Pénal napoléonien de 1810. En effet, l’article 64, crée un interstice de non-application de la responsabilité pénale faisant échapper le malade criminel ou délinquant dont l’état de démence au moment de faits incriminés par la justice est attesté médicalement, ce qui ouvre la voie à l’inscription de la psychiatrie dans le domaine du non-judiciaire. Cet article reconnaît une causalité nécessaire relevant d’un savoir psychiatrique. L’article 64 du Code pénal de 1810 confirme ainsi l’entrée des experts 1 Georget E., Discussion médico-légale sur la folie ou aliénation mentale, suivie de l’examen du procès criminel

d’Henriette Cormier, et de plusieurs autres, Paris, Migneret, 1826.

2 Rapport de médecine légale du Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française", LXXXVIIIe

44

psychiatres au sein du système judiciaire, pour prendre en compte, non seulement l’acte commis, mais également la personnalité de l’auteur de l’acte. Néanmoins, certaines infractions telles que les attentats aux mœurs ne relevaient pas de l’application de l’article 64 et le recours à un expert dans ces cas-là ne concernait alors que l’état de la victime de l’infraction, afin d’évaluer les dommages qu’elle avait subis et en aucun cas l’auteur des actes. L’ordonnance du préfet de police De Belleyme du 9 août 1828 soumet l’ouverture d’une maison de santé à l’autorisation préalable du préfet de police et reprend l’articulation entre pouvoirs judiciaire et administratif. Dans les années 1830, au paradigme de l’interdiction, notion juridique, se substitue progressivement celui de l’isolement, notion médicale1. L’isolement devient la condition de mise en œuvre et la clé de voûte du « traitement moral » selon Esquirol. Le 29 juin 1835, une circulaire assujettit la question des aliénés à la délibération des conseils généraux en vue de l’élaboration d’une future législation. On pensait qu’il était important d’éloigner des villes les aliénés dans des « Maisons royales de santé » pour « procurer à ses pensionnaires l’air, l’aspect de la campagne et surtout le travail agricole, signalé comme l’un des remèdes les plus

Dans le document Le traitement pénal de la dangerosité (Page 36-49)