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L’évolution de l’analyse du comportement criminel dangereu

Dans le document Le traitement pénal de la dangerosité (Page 49-59)

LA DANGEROSITE, LONGTEMPS ENVISAGEE COMME UNE MALADIE A TRAITER

Section 1. L’intérêt de la dangerosité psychiatrique au regard de la dangerosité criminologique

A. L’évolution de l’analyse du comportement criminel dangereu

34. Beaucoup de criminologues pensent que l’originalité des criminels par rapport aux non-délinquants ne réside ni dans le type, ni dans la force des facteurs, lesquels ne semblent pas suffire à rendre criminel l’individu soumis à leur influence, puisqu’ils agissent sur une proportion au moins égale de non-délinquants, sans convertir ceux-ci en criminels. Leur union fait leur force criminogène, non en soi, mais par quelques 1 Le terme de « nosographie » est apparu en français en 1798, sous l’an VI de la République. Première édition de

la Nosographie philosophique ou méthode de l’analyse, appliquée à la médecine, publiée à cette même date par Philippe Pinel. La Nosographie philosophique traite de l’ensemble de la pathologie médicale.

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particularités à découvrir. L’état mental étant complexe, des chercheurs se sont aperçu que d’autres facteurs devaient être pris en compte (a) pour distinguer et apporter un traitement spécifique en fonction des maladies mentales (b).

a. L’influence de facteurs variés sur la dangerosité de la personne

35. Les débats parlementaires en vue de l’élaboration de la loi de 1838 montrent que la préoccupation des autorités est bien l’intérêt d’un traitement, mais également la sûreté personnelle, celle d’autrui et l’ordre public, ce qui incite à l’isolement des aliénés pour les soumettre à des précautions particulières de surveillance1. Des ambiguïtés ont présidé à cette institutionnalisation. Dans son rapport de mars 1837, Vivien, ancien préfet de police, écrivait « nous n’avons pas voulu faire une loi judiciaire de procédure, une loi de chicane, nous avons considéré d’abord l’intérêt du malade » alors que Portalis, à la Chambre des pairs, le 8 février 1838, déclarait « nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes menacées ou atteintes d’aliénation mentale, nous faisons une loi d’administration de police et de sureté ». Des auteurs2 ont analysé la pratique judiciaire à travers divers procès ayant mis en jeu la folie de l’accusé, entre 1820 et 1865. L’intérêt des magistrats pour « l’intériorité morale des inculpés » est mis en avant. Le rôle des médecins experts progressera en vue d’inciter l’accusé à faire le récit des détails de sa vie. Selon son étude, après 1860, c’est la dangerosité sociale des aliénés qui bouleverse le déchiffrage du crime, « le tournant de 1860 constitue ainsi en matière pénale, l’ultime fin d’un âge classique du pouvoir, un pouvoir capable d’engendrer des monstres dont on ne se demande pas s’ils sont fous ou criminels, et ouvre sur une époque sans monstre, monde de délinquants devenus les objets d’une justice qui s’amalgame de médecine et de psychologie »3.

1 « subordonner les précautions d’isolement à l’interdiction de l’aliéné, ce serait rendre l’interdiction obligatoire,

nécessaire pour tous les cas d’aliénation mentale » Page 11 de la Discussion des Députés et des Pairs.

2 Edelman N., Laurence GUIGNARD, Juger la folie. La folie criminelle devant les Assises au XIXe siècle,

Revue d’histoire du XIXe siècle, 2010/2 (n° 41), 180 p., Éditeur : Société de 1848.

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36. Morel1 instaura les prémices d’une distinction entre psychologie et médecine générale. Avec son traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l'espèce humaine et des causes qui introduisent ces variétés maladives de 18572, ce médecin en chef de l’asile des aliénés, privilégie l'origine héréditaire des maladies mentales. Il posa ainsi les fondements de la théorie de la dégénérescence au milieu du 19e siècle, selon laquelle, sous l'influence d'un milieu dégradé, l'homme souffre et transmet son mal à ses descendants. Ainsi, le mal s'aggrave de génération en génération, jusqu'à la démence . Dans les années qui suivirent, la théorie passe de l'individu au collectif. La folie héréditaire devient alors l’épreuve des courants de pensées visant à expliquer folie et criminalité, tout autant qu'à les prévenir ou y remédier. Le contexte historique est important, la défaite française majeure lors de la guerre de 1870, avec la bataille de Sedan, entraîna la chute du second Empire et une démographie vacillante. Sa classification des maladies mentales repose davantage sur les causes que sur les symptômes. La dégénérescence est définie comme une déviation maladive transmise héréditairement et répondant à des causes variées telles que l’hérédité mais aussi l’influence du milieu social.

37. Garofalo, magistrat italien, concéda sa forme juridique au positivisme. Avec son œuvre principale intitulée « La criminologie » (1885)3, il a donné son nom à cette discipline nouvelle. Il s’efforça de découvrir les éléments constitutifs et permanents d’un crime naturel, c’est-à-dire d’un crime ou délit issu d’actes auxquels une réprobation sociale a été en principe attachée. Il fonda sa conception du crime, non pas sur la violation d’une règle juridique mais plutôt sur la transgression d’une règle morale, d’un sentiment. La dangerosité d’un criminel ressort alors d’une anormalité car il manque de sentiments et n’arrive pas à s’adapter à la société. Cette anomalie concerne le sens moral, il faut la 1 Psychiatre français (1809-1873)

2 Bibliothèque nationale de France, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34572538s 3 L’auteur a lui-même traduit ce livre en français (« La criminologie », 2e éd. Alcan 1890).

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distinguer de l’anomalie de la fonction psychique. La défense sociale doit être selon lui axée sur l’appréciation de la personnalité du délinquant à partir de ses capacités d’adaptation. Il faut donc rechercher les conditions dans lesquelles l’individu cesse d’être dangereux1.

38. Une nouvelle école, « l’école du milieu social », apparaîtra par la suite. Gabriel de Tarde, magistrat, fondateur de la psychologie sociale, insistait sur les interactions qui amenaient le milieu et l’environnement à devenir des facteurs de délinquance2. Il prônait que l’invention et l’imitation tenaient une place très grande dans l’adoption des conduites humaines. Il mit en avant l’importance des comportements appris dans le processus criminel. Le crime est un comportement social qui résulte d’un apprentissage de l’environnement3. Darnal expliquait, dans sa thèse pour son doctorat en médecine, que les « dégénérés » ne sont pas des aliénés, ils ne délirent pas dans le sens absolu du terme, mais ils n’agissent pas comme des « sujets normaux ». Il tente de démontrer cliniquement que leur responsabilité pénale doit être différente. « Ce n’est pas la nature d’un acte qui le rend délictueux, (…) c’est l’interprétation qu’on y attache (…) toujours et dans tous les pays, on a regardé comme criminelles les actions qui étaient préjudiciables aux intérêts de la communauté et nuisaient à son fonctionnement normal »4. Il distinguait ainsi la responsabilité morale unique et irréductible, de la responsabilité pénale, relative et variable. Selon lui, deux choses doivent être considérées, d’une part la connaissance du droit à travers la notion de discernement pour reconnaître l’importance légale d’un acte et d’autre part le libre arbitre qui permet de se décider librement à commettre ou éviter cet acte répréhensible. Le problème qu’il soulève est le manque de connaissances scientifiques des juristes qui, en cas de doute sur l’état mental d’une personne, ne font pas suffisamment appel aux lumières des aliénistes. Il propose de tenir compte de l’ensemble 1 Garofalo, La criminologie, Étude sur la nature du crime et la théorie de la pénalité, 1890.

2 G. de Tarde, La philosophie pénale (1890)

3 G. de Tarde, Les transformations du droit : étude sociologique (1891)

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des conditions physiques et psychiques qui constituent et modifient l’individu. Darnal relevait que trop souvent, lorsqu’un médecin conclut à une responsabilité partielle avec une peine qui devrait être atténuée, le jury s’empresse d’acquitter le prévenu au lieu de le condamner à « séjourner dans un asile tant qu’il ne sera pas guéri et indéfiniment s’il est incurable »1. Durkheim, quant à lui, père de la sociologie, étudie l’effet social en ramenant les faits moraux à des faits sociaux, c’est-à-dire entrainer sur l’individu une contrainte extérieure. Le crime, inévitable mais utile selon lui, n’existe pas en tant que tel mais seulement parce qu’il est réprimé. Il attribuait aux facteurs sociaux une action prépondérante dans la délinquance. Suivant les premiers partisans de la défense sociale , le mal vient du but absolu de la justice pénale à punir le criminel en proportion exacte de la faute morale qu’il a commise. Or la justice pénale a pour seul objet d’assurer, de la meilleure façon possible, la protection de la personne, de la vie, du patrimoine et de l’honneur des citoyens. En 1893, Ferri2, Professeur à l’Université de Rome et à l’Université nouvelle de Bruxelles, mais également Député du Parlement italien, regroupa trois facteurs de délinquance, à savoir des facteurs anthropologiques (individuels), sociaux (éducation, densité de la population) mais également physiques (climatiques). Il insistait sur des facteurs criminogènes individuels, tels que l’hérédité ou la constitution organique mais également des facteurs économiques et sociaux tels que le chômage et la misère. L’accent sera mis sur le rôle du milieu social dans lequel naît, grandit et vit le criminel, en insistant sur l’action de l’environnement.

39. Même si Lacassagne, professeur de médecine légale, a tout d’abord été séduit par la thèse de l’existence d’un type criminel et d’un « criminel-né » généralisé de Lombroso3, sa pensée s’est rapidement construite en opposition à cette théorie, sous l’influence 1 ibid

2 Ferri E., La sociologie criminelle, Première édition en italien, 1893.Traduit de l'Italien par Léon Terrien, Paris,

Félix Alcan, 1914, 2e éd., 640 pages.

3 Lacassagne A., L'homme criminel comparé à l'homme primitif, Bulletin du Lyon médical : 210-217 & 244-

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probable de Gabriel Tarde. En 1905, lorsqu’il commença à dresser un bilan de l’anthropologie criminelle1, sans contredire la démonstration de « l’hérédité du crime », l’existence de malformations anatomiques et d’anomalies physiologiques « très fréquentes », il apporta une critique concernant l’inconstance suffisante pour induire un type criminel, due à la présence chez les criminels de troubles de la sensibilité morale (impulsivité, cruauté, absence de remords, l’imprévoyance et la vanité) et enfin, un état intellectuel « variable »2. L’accent mis sur le « milieu social » n’implique pas le rejet des anomalies physiques et le déterminisme du milieu n’entraîne pas le refus de toute hérédité du crime3. La criminologie de Lacassagne a souvent été condensée, par lui-même comme par ses élèves, autour de certains aphorismes4 tel que « le milieu social est le bouillon de culture de la criminalité ; le microbe, c’est le criminel, un élément qui n’a d’importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait fermenter » ; ou bien, « la justice flétrit, la prison corrompt et la société a les criminels qu’elle mérite »5. Dès 1881, il divisa les criminels en trois catégories, premièrement les « vrais criminels », les « incorrigibles » qui agissent en fonction de leurs instincts, sentiments ; deuxièmement, les « criminels d’actes » qui agissent par passion ou occasion ; troisièmement, les « criminels de pensée », les « criminels aliénés » par hérédité ou disposition acquise. Sa typologie de criminels était rigoureusement calquée sur les différentes couches sociales. Il conclut comme Lombroso que l'alimentation, l'alcool, l'éducation ou encore les crises économiques ou les révolutions pouvaient déséquilibrer l'organisation cérébrale. Dans le « conflit inévitable » qui en résultait, il estimait que les instincts avaient tendance à prendre le dessus sur l'intelligence. Il y avait ainsi dans la société des individus qui étaient « 1 Lacassagne A., Les Archives de l'anthropologie criminelle, 1886

2 Lacassagne A., Les sentiments primordiaux des criminels, Actes du congrès de Bruxelles, 1892, 239-240 3 Laurent E., Les Habitués des prisons de Paris : étude d'anthropologie et de psychologie criminelles (1891) 4 Renneville M., La criminologie perdue d’Alexandre Lacassagne, Criminocorpus revue hypermédia, Histoire de

la criminologie, La revue et ses hommes, URL : http://criminocorpus.revues.org/112 ; DOI : 10.4000/criminocorpus.112

5 Lacassagne A., Les transformations du droit pénal et les progrès de la médecine légale, de 1810 à 1912,

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esclaves de fatales dispositions organiques » qui provenaient soit de l'hérédité soit du milieu social1. Dans les différents travaux qu’il a publiés en dix ans, on peut voir que le milieu social a été l'objet de ses études. Il a ainsi constaté l'existence de deux facteurs reconnus de tous, mais également un troisième facteur, externe, le milieu social, qui tend à prendre de plus en plus une véritable prépondérance2.

40. Le différend, parfois très vif, qui opposa les tenants de l’école italienne et ceux de l’école française finit par un compromis. Dans chaque camp, on admettait déjà que la délinquance ne fût pas due à l’action de facteurs exclusivement individuels ou sociaux. Le titre même de l’ouvrage de Ferri, La Sociologie criminelle, était l’expression de la reconnaissance italienne du rôle des facteurs sociaux. Lombroso, dans les cinq éditions successives de son livre, avait modifié sa théorie pour prendre en compte finalement l’existence de cinq types de criminels : le criminel-né, le criminel-fou, le criminel passionnel, le criminel d’occasion et le criminel d’habitude. D’après ses propres explications, les trois derniers de ces types sont ceux d’individus devenus criminels par le jeu des circonstances du milieu, au moins en grande partie. L’école française, de son côté, ne niait pas l’action des facteurs personnels. Mais, les auteurs doutaient de l’influence décisive sans intervention criminogène des facteurs sociaux et refusaient d’admettre le fatalisme du crime, croyant qu’une action sociale pouvait contrecarrer l’influence du milieu. Von Liszt, concilia les deux opinions avec son « Traité de droit pénal allemand »3 en écrivant que « le crime est le produit des facteurs individuels et des facteurs sociaux au moment du crime ».

41. La littérature scientifique sur l’évaluation du risque de comportements violents met en perspective une série de facteurs variés pour appréhender la dangerosité d’une 1 Lacassagne A., L'homme criminel comparé à l'homme primitif, Bulletin du Lyon médical, 1882, p.255

2 Lacassagne A., Les Archives de l'anthropologie criminelle, 1886 p.183 3 17e éd. (1908) traduite et publiée en français par R. Lobstein (1911)

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personne. Des facteurs historiques permettent de mettre au premier plan tout ce qui concerne la violence subie ou agie par la personne1. D’autres facteurs sont considérés comme prédisposant ou potentiellement capables de renforcer les comportements violents, ils ont trait au mode de vie, ou à des modes d’être (impulsivité, habitus alcoolique ou toxicomaniaque). Le problème réside essentiellement dans la désinstitutionalisation, avec une perte de l’accès aux soins ou une rupture thérapeutique qui concourent à la stigmatisation du risque présenté. Les facteurs contextuels et les éléments déclencheurs sont susceptibles de faciliter ou d’induire le passage à l’acte. Un acte violent fait intervenir différents niveaux de facteurs. Les caractéristiques liées à l’acteur, à l’environnement, à la victime et à l’interaction. Aucun d’eux ne suffit à lui seul et ils ne sont pas spécifiques. La présence de l’un ou l’autre d’entre eux n’impliquent pas forcément l’agression. Comme le fait de ne pas y correspondre, n’implique pas non plus l’exclusion d’un passage à l’acte. Il existe une progression dynamique repérable dont 6 phases peuvent être isolés2. Tout commence par la survenue d’un fait, d’un sentiment ou d’une situation particulière qui prend pour l’acteur de l’acte à venir la place d’un stress, cette phrase se nomme l’activation. S’il n’arrive pas à s’en dégager ou à le gérer lui- même, ce stress s’amplifie, dans une montée en puissance de la frustration, de l’énervement et de l’excitation, c’est la phase de l’intensification. Cette escalade connaît son acmé lors de la crise, qui se caractérise par un débordement des structures de contrôle du sujet qui l’amène à se comporter de manière désinhibée. Une des fonctions de la crise est de permettre l’externalisation du sentiment de tension interne né de l’intensification. Il n’est donc pas rare que cette phase soit suivie de la récupération qui se traduit par une réapparition d’un contrôle possible sur la pulsion agressive. Cependant, cette récupération 1 Selon le professeur F. Millaud, psychiatre à l’Institut Phillippe-Pinel de Montréal et professeur agrégé de

clinique, département de psychiatrie, à l’Université de Montréal, « la précocité des agirs violents, leur sévérité et, à l’inverse l’exposition à des maltraitances et à des modèles familiaux perturbés sont autant d’indicateurs qui vont de pair avec les traumatismes subis à cette occasion ou à l’occasion de séparations ou de placements », Millaud F., Dubreucq J.-L., Evaluation de la dangerosité du malade mental psychotique, Ann. Médico-Psychol. 2005, 163 : 846-851.

2 P.A. Raoult, « Clinique et psychopathologie du passage à l'acte », Bulletin de psychologie 2006/1 (Numéro

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est un processus dynamique qui peut toujours s’interrompre dans une reprise critique si le sujet est immédiatement soumis à de nouveaux stimuli. Ce n’est en effet, qu’au moment de la phase de stabilisation que l’excitabilité se trouve suffisamment contenue. Néanmoins, l’absence d’une dernière phase d’élaboration prédispose ce même sujet à recourir au même schéma affectivo-cognitivo-comportemental si du sens n’a pas pu être mis sur ce qui s’est passé par une mise en lien psychique de la conflictualité qui s’est trouvée activée. Il semble difficile d’aborder le meurtre, ce passage à l’acte, associé ou pas à une psychopathologie, en faisant l’économie de l’étude d’un certain nombre de concepts tels que la violence fondamentale, la dangerosité, l’intentionnalité et l’agressivité. Pour les facteurs cliniques, il faut prendre en considération plusieurs ordres de manifestations violentes1. Les délires paranoïdes et paranoïaques peuvent parfois se combiner avec d’autres facteurs pour conduire à un passage à l’acte violent. Il est classique de reconnaître une potentialité dangereuse à un patient à qui une hallucination auditive donne l’ordre de commettre une agression. Toutefois, plusieurs études soulignent que le lien n’est pas aussi évident et que d’autres facteurs doivent être associés, comme la capacité du patient à résister à la transgression quel que soit son état pathologique ou le crédit qu’il peut attribuer à ces hallucinations2. L’abus de substance est unanimement et indiscutablement reconnu comme prévalent dans nombre de conduites violentes, l’association entre alcool et passage à l’acte violent n’est plus à prouver. Si une attention particulière doit être portée aux facteurs de risque, il ne faut pas sous-estimer les facteurs de protection qui pourront éventuellement modérer le risque évalué. En effet, le support social, l’existence de liens relationnels forts, l’investissement des figures d’autorité ou de traits de personnalité résiliente peuvent interagir3. De même, une alliance thérapeutique,

1 Collectif (Dubreucq J.-L., Joyal C. Millaud F.), Risque de violence et troubles mentaux graves, Ann. Médico-

psychol., 2005 ; 163 : 852-65

2 Collectif (Brabam L. G., Trower P., Birchwood M.), Acting on command hallucinations and dangerous

behavior: a critic of the major finding of the last decade, Clinical Psychology Review, 2004, 24, 513-28.

3 Collectif (Dubreucq J.-L., Joyal C. Millaud F.), Risque de violence et troubles mentaux graves, Ann. Médico-

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une observance médicamenteuse rigoureuse, un environnement familial ou soignant adapté, contribuent également fortement à diminuer le risque.

b. L’obligation positive de traiter les malades mentaux

42. Le projet de loi du gouvernement, déposé par le ministre de l’Intérieur le 6 janvier 1837, reconnaît « que l’isolement du malade, dans un but de traitement, ne devait plus être subordonné à l’interdiction », mais que celle-ci doit demeurer « la condition nécessaire de toute séquestration prolongée au-delà de deux ans ». Dans ce premier projet, ni l’admission du malade ni son séjour ne nécessitent l’intervention d’un médecin pour certifier et contrôler. Seul l’article IV y fait référence, en vue de la sortie. Le 15 janvier 1838, lors de l’explication du nouveau projet de loi devant la Chambre des Pairs, le ministre de l'Intérieur, Bachasson de Montalivet, a demandé que la consécration d'établissements publics et privés destinés au traitement des maladies mentales devienne une obligation positive. Les placements dans les établissements d'aliénés doivent être encadrés par des règles spéciales, ils peuvent être volontaires ou ordonnés par l'autorité publique. L’accent avait été mis sur l’interdiction qui doit être faite à tout chef, directeur ou préposé d'établissement de recevoir un individu sans demande énonciative, sans certificat de médecin, sans preuve de l'individualité de l'aliéné ou sans l'extrait du jugement d'interdiction qui peut être intervenu et si le placement est ordonné, qu'il soit fait mention de toutes ces pièces au bulletin d'entrée. La place des experts psychiatre en tant qu’» hommes de l'art » sera mise en avant pour « visiter » les individus placés.

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