• Aucun résultat trouvé

Apparence dentaire

D.1 C RITIQUE DE LA MÉTHODE

D.1.4 Les phénomènes psychologiques sources d’erreurs de perception

Plusieurs phénomènes connus et décrit par la psychologie interviennent dans notre étude. La perception peut être déformée de la réalité pour plusieurs raisons. Ces déformations sont en grande partie liées au phénomène de catégorisation sociale et à ses conséquences.

D.1.4.1 La projection

La projection est un phénomène intra psychique qui intervient lors des perceptions et jugements et sert à attribuer à autrui des parties de soi-même que l’on refuse ou que l’on méconnaît. Dans le cadre de notre étude, les participants étaient amenés à juger deux visages. Ceci ne peut sans faire sans une part de projection, surtout parce qu’il s’agissait de visages inconnus, ce qui implique de distinguer entre réalité du jugement et projection personnelle des participants.

D.1.4.2 La théorie de l’identité sociale

La perception sociale s’intéresse à la façon dont l'individu perçoit et interprète son environnement social, à la représentation qu’il se fait des gens et de leur environnement social, à comment il se forme une impression d’autrui et à comment il juge les personnes qui l’entourent. Elle s’en tient à l’apparence des personnes et des choses. Du fait de la complexité de l’être humain, des relations sociales, des injonctions de la société, les perceptions sont parasitées et déformées inconsciemment et peuvent ainsi être très différentes de la réalité. Et selon notre perception sociale, les attentes que l'on a vis-à-vis d’une personne ont plus de chances d'être confirmées qu'infirmées, donc elles conditionnent nos comportements.

L’identité sociale est définie comme la partie du concept de soi d’un individu qui résulte de la conscience qu’à cet individu d’appartenir à un groupe social ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance.

Tajfel71 a élaboré la théorie de l’identité sociale suivante :

1. Les individus tentent d'accéder à (ou de maintenir) une identité sociale positive.

2. L'identité sociale positive est basée, pour une large part, sur les comparaisons favorables qui peuvent être faîtes entre le groupe d'appartenance et certains autres groupes pertinents. Le groupe doit être perçu comme positivement différencié ou distinct des autres groupes pertinents.

3. Lorsque l'identité sociale est insatisfaisante, les individus tentent soit de quitter leur groupe pour rejoindre un groupe plus positif, et/ou de rendre leur groupe distinct dans un sens positif.

71 Autin F. La théorie de l’identité sociale de Tajfel et Turner. http://www.prejuges-stereotypes.net/espaceDocumentaire/autinIdentiteSociale.pdf

D-86

Les différents groupes auxquels une personne s’identifie définissent donc, de façon schématique, l’identité sociale d’une personne et c’est le contexte qui activera une identification précise parmi toutes celles composant cette identité sociale. Ces différentes appartenances permettent, outre la construction de l’identité sociale, de se différencier des autres et être ainsi la base d’une discrimination. Dans notre étude, il faut tenir compte de l’appartenance au groupe des personnes âgées et au groupe des jeunes et du jugement que chacun, consciemment ou non, porte sur son groupe et sur l’autre groupe.

D.1.4.3 Catégorisation sociale

Le phénomène de catégorisation a au départ été mis en évidence par Tajfel (1959) dans les mécanismes de perception. Il introduit l'idée que notre jugement perceptif relativement à des objets physiques dépend de la catégorie à laquelle on les a affectés subjectivement. Il a donc défini la catégorisation sociale comme un processus psychologique qui tend à ordonner l’environnement en termes de catégories72 et qui consiste à classer, donc à regrouper au sein de catégories, des individus, des groupes ou bien des événements. Ainsi, il est possible de simplifier la réalité sociale, de la structurer et donc de mieux la comprendre. Trois mécanismes principaux en jeu dans la catégorisation ont été relevés73 :

Induction et déduction : le mécanisme d’induction signifie partir d’un cas particulier pour en conclure une règle générale tandis que la déduction, en sens inverse, signifie tirer une conclusion concernant un événement particulier à partir d’une loi générale. Ainsi, par induction, un individu se verra attribuer à une catégorie sur la base d’un seul trait de personnalité, et par déduction, ce même individu appartenant à un groupe se verra attribuer abusivement tous les traits stéréotypiques de ce groupe.

Surinclusion et surexclusion : quand un sujet doit affecter des individus dans une catégorie, il ne le fait pas sur la base d’une prise en compte objective des traits qui caractérisent ces individus. Le sujet prend en compte la valeur des catégories-cibles, positive ou négative car pour les catégories jugées négativement, les sujets ont tendance à mettre plus d’individus (surinclusion) que pour les catégories jugées valorisantes (surexclusion).

L'affectation d'un individu dans une catégorie est loin d'être objective, en effet cela dépend fondamentalement de la valeur (positive ou négative) que nous accordons à cette catégorie. Ce biais a bien été étudié par Zebrowitz, Bronstad & Lee (2007) qui ont mis en évidence la contribution de la surgénéralisation à partir de visage familier (race blanche vs race noire) sur les préjugés raciaux et les stéréotypes.

Perception sélective et distorsion perceptive : une fois que nous avons affecté un individu à une catégorie, nous lui attribuons les traits de sa catégorie, et il est difficile de nous faire changer d'avis le concernant : indépendamment des attitudes et opinions avoués, notre perception de la réalité sociale est fortement biaisée par les stéréotypes et la catégorisation des "groupes" rencontrés.

De plus, pour Tajfel, être impliqué dans un groupe, entraîne des distorsions (biais perceptifs) dans le traitement de l’information aux niveaux de la perception, de l’évaluation (du jugement) et du comportement. Il existe deux types de biais perceptifs : l’effet de contraste et l’effet d’assimilation. Les biais évaluatifs concernent, pour leur part, la manière de « voir » le monde et de le « juger » et induisent une surévaluation de l’endogroupe et une sous-évaluation de l’exogroupe. Enfin, les biais comportementaux, dont on a parlé précédemment74, induisent un auto-favoritisme et un allo-défavoritisme.

72 Tajfel et Wilkes : catégorisation : http://psychoweb.dnsalias.org/index.php?post/Tajfel-et-Wilkes-1963-%3A-Categorisation

73 Cours de Psychologie Sociale - Dijon : http://psychoweb.dnsalias.org/index.php?post/Categorisation-sociale-%3A-Caracteristiques

74 Chapitre A-2

D-87

Effet de contraste : cet effet inter-catégoriel décrit le fait que si un individu fait partie d'une autre catégorie, nous avons tendance à estimer qu'il est très différent de nous.

L'effet de contraste consiste donc en une accentuation des différences entres les éléments appartenant à des catégories différentes et cette différence est d'autant plus prononcée que les relations entre les groupes considérés est conflictuelle.

Effet d’assimilation : cet effet intra-catégoriel décrit le fait que si un individu fait partie de notre propre catégorie d'appartenance, nous avons tendance à estimer qu'il nous est ressemblant sur bien des points. L'effet d’assimilation consiste donc en une accentuation des ressemblances entres les éléments appartenant à des catégories différentes.

Pour notre étude, il est intéressant de relever ce type de biais perceptif existant entre le groupe de personnes âgées et le groupe de jeunes, mais aussi entre les hommes et les femmes ou même entre le groupe des personnes ayant une apparence dentaire comparable ou non à celle de la photo évaluée.

D.1.4.3.1 Représentation sociale

Une façon moins connotée d’étudier le phénomène du préjugé est de parler de représentation sociale, terme apparu vers les années 60 et dont Jodelet (1993)propose une définition75 :

« La représentation sociale est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social »

Cette forme de connaissance, parce qu'elle se différencie de la connaissance scientifique, est parfois appelée « savoir de sens commun » ou « savoir naïf ». Notre vision du monde, nos comportements, nos relations avec autrui sont guidées par nos représentations, c'est-à-dire nos attitudes, nos savoirs et nos croyances à l'égard des objets qui nous entourent. Dans notre étude, les préjugés, ou représentations sociales, sont à prendre en considération dans le jugement des participants même si il n’est pas possible de les mettre en évidence.

D.1.4.3.2 La formation d’une impression globale

C’est le psychologue Asch (1946) qui s’est le premier penché sur la formation des impressions. Il a montré que notre impression d’autrui est une impression globale, très unifiée et que l’ensemble des traits qui caractérise un individu forme un tout organisé dans lequel la signification de chaque trait dépend de tous les autres. Ce jugement sera par la suite difficile à modifier.

L’impression globale que nous nous formons d’une personne dépend donc de l’ensemble des caractéristiques que nous percevons et que nous organisons dans un agencement particulier.

C’est de cette organisation que dépendrait cette impression. Une fois cette impression formée, ce qui peut mettre seulement quelques minutes, elle va être lourde de conséquences. Cela va orienter nos réactions affectives vis-à-vis de cette personne. Cela va également orienter nos prédictions quant à la possession d’autres comportements et nos inférences par rapport à sa possession de traits de personnalité. Notre étude, grâce aux retouches photo effectuées sur Photoshop, a tenté de minimiser l’apport d’éléments globaux pour le jugement des photos, tentant ainsi de mettre en évidence l’impact de l’apparence dentaire lors du jugement.

Cependant, on ne peut exclure l’impact des autres éléments du visage sur ce jugement, le fait de présenter uniquement des dents pour cibler l’étude ayant été évidement écarté des options à choisir.

75 http://www.psychoweb.fr/articles/psychologie-sociale/128-representations-sociales-definition.html

D-88 D.1.4.3.3 Effet de primauté

Asch (1946) a aussi mis en évidence cet effet qui décrit le fait que l'impression, le jugement global est plus déterminé par les premières informations reçues que par les suivantes. Par exemple, si une personne est d’abord interrogée sur l’intelligence d’une autre et ensuite sur son caractère obstiné et impulsif, elle sera en définitive mieux jugée que si les questions débutent par l’aspect négatif de sa personnalité. Il est a relevé que, dans notre étude, les caractéristiques étaient présentées toujours dans le même ordre et que la première impression formée conditionnait certainement le jugement concernant les autres caractéristiques à juger par la suite.

D.1.4.3.4 Effet de centralité

Asch (1946) a également montré que tous les traits n’ont pas la même importance, certaines caractéristiques étant perçues comme plus centrales et plus déterminantes, tandis que d’autre étant considérées comme de moindre importance, donc périphériques. Les éléments centraux sont les premiers à être saisis et permettent, par la suite, la construction de l’impression globale d’une personne. Dans notre étude, cet effet n’a pas été étudié.

D.1.4.3.5 Les théories implicites de la personnalité : TIP

Ces théories désignent les processus qui permettent à un individu de juger la personnalité d'un autre. Ce concept à été introduit en 1954 par Bruner & Taguiri76. Elles mettent par ailleurs l’accent sur les croyances quant aux relations qui existent entre différents traits de personnalité et permettent de prédire les caractéristiques d'une personne à partir de quelques informations connues. En résumé, ce sont des théories naïves ou des croyances que chaque individu a de la personnalité et qui rendent compte du fait que les gens considèrent que certains traits de personnalité vont généralement ensemble et d’autres non. Ces théories sont construites sur la base de l’expérience vécue et ne sont donc pas basées sur des critères objectifs de validité.

Elles peuvent être spécifiques aux individus ou bien être parfois socialement partagées. Les stéréotypes représentent une classe particulière de TIP. Cet effet n’a pas non plus été étudié dans la présente étude.

D.1.4.3.6 La norme

Il existe deux catégories de normes :

Les normes de comportement portant sur les conduites.

Les normes de jugement portant sur les attitudes, les opinions, les croyances.

La fonction d’une norme est de différencier les événements en fonction de leur désirabilité du point de vue du groupe qui génère la norme. C’est une règle implicite qui nous fait penser, agir sans pour autant qu’elle ait valeur de vérité. Elle est intériorisée, apprise socialement donc jamais contrainte : elle fait bien souvent partie de l’inconscient collectif. Une personne qui ne se conforme pas à la norme risque d’être rejetée par le groupe.

Le conformisme est l’adhésion aux normes et valeurs d’une société. Le comportement est alors en adéquation avec les normes sociales en vigueur.

76 http://isabellesamyn.e-monsite.com/rubrique,rubrique,1012666.html

D-89

Un comportement conformiste peut avoir trois origines différentes : Le conformisme par complaisance afin d’éviter des sanctions

Le conformisme par identification à un groupe afin d’en rester membre

Le conformisme par intériorisation de la norme parce qu’on lui accorde une valeur en soi Cet effet incitant les personnes d’un groupe à agir en fonction de la norme de ce groupe, en l’occurrence par exemple pour le groupe des personnes âgées ou celui des jeunes, n’a pas non pris en compte lors de notre étude.

D.1.4.3.7 L’effet de Halo

Il a été mis en évidence par un psychologue social du nom Thorndike (1920) et se définit comme suit :

« C’est la tendance d’une personne à qui on demande d’évaluer une caractéristique donnée chez une autre personne, à être affectée par l’opinion qu’elle a sur les autres caractéristiques de la personne évaluée ou à être affectée par l’impression générale que lui laisse cette personne. »

Ainsi et de façon abusive, une personne qui aura déjà attribué un trait de personnalité positif ou socialement désirable à une autre personne aura tendance, dans la suite de son évaluation, à juger d’autres traits de personnalité indépendants des précédents tout aussi positivement : ils semblent donc corrélés, ce qui indique la présence de biais importants. Par exemple, Dion, &

al., (1972) a montré que des personnes étaient jugées plus intéressantes et sociables que d'autres uniquement à cause de leur attrait physique. Cet effet, certainement présent dans notre étude comme le suggèrent les résultats obtenus par Larose & Standing (1998) qui affirment que les personnes âgées sont elles aussi sujettes à l’effet de halo, nous incite à être prudent lors de l’interprétation des résultats, spécifiquement ceux concernant les caractéristiques évaluées au milieu ou à la fin du questionnaire.