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L’apparence est ce qu’un phénomène parait être, mais est-elle la réalité ? La beauté extérieure reflète-t-elle la beauté de l’âme (Fatović-Ferenčić, Dürrigl & Holubar, 2004) ? Les apparences peuvent être manipulées afin d’obtenir l’effet désiré chez les personnes cibles ? Grâce à leur connaissance des mécanismes inconscients à l’œuvre lors de la perception, des personnages publiques, par exemple les politiciens (Amadieu, 2002), certains artistes, les médias, les professionnels de la publicité étudient l’image qu’ils projettent ou désirent projeter, image qui ne correspond pas toujours à la réalité, afin d’obtenir l’effet qu’ils désirent. Comme l’explique très bien le philosophe Serge Carfantan23, quotidiennement, l’homme ne se pose pas de questions et prend tout simplement les apparences pour la réalité. Il se laisse imprégner par les jugements des autres et se forme des opinions basées sur les apparences qu’il aura considérées comme des vérités. Nos perceptions sont contrôlées par nos pensées qui elles-mêmes sont conditionnées par notre mémoire. Peu de choses nouvelles émergent donc lorsque nous percevons l’extérieur.

L’homme tente plutôt de faire coller ses propres représentations à la réalité extérieure et en ce sens pratique plutôt la re-connaissance que l’art de l’observation, ce qui rend les perceptions ternes. Contrairement à la perception conditionnée, l’art de l’observation nécessite ouverture, découverte, étonnement ce qui permet aux personnes et objets sujets de révéler leur richesse et leur complexité.

A.3.7 Impact de la beauté sur la perception de différentes caractéristiques

A.3.7.1 Impacts positifs

C’est Aristote qui est à l’origine de la physiognomonie, pratique visant à déterminer les qualités d’une personne à partir de l’observation des traits de son visage. Pour les deux sexes, le visage semble prédire de degré d’attirance de façon bien plus déterminante que le corps (Peters, Rhodes & Simmons, 2007). Plus précisément, l’impact d’une personne sur une autre dépend à 55

% du seul visage (Mehrabian & Wiener, 1967). Cependant, le visage de toute personne peut être perçu comme beau par une personne et moins beau par une autre personne même si les critères de beauté sont très standardisés (Cross & Cross, 1971). Et parmi les éléments du visage, Paunonen & Ashton (2001) ont montré que des yeux plus larges sont associés avec une personnalité honnête et intelligente. Toutes les études citées après font référence à la beauté et à l’attirance du visage dans sa globalité.

Pour mener à bien les études concernant les physiques attrayants, les investigateurs se sont mis d’accord pour utiliser la méthode de la « vérité par consensus » qui permet de déterminer le

22 Le bien, le beau et le vrai, Platon : http://zonecours.hec.ca/documents/A2005-P2-536510.Platonfrancais.pdf

23 http://sergecar.club.fr/cours/percept2.htm

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niveau d’attractivité d’un physique. Ainsi, un physique est attirant si un nombre significatif de

« juges » le désigne comme tel. À partir de ce principe, de nombreuses études ont été menées pour évaluer l’impact d’un physique attrayant dans différentes situations de la vie et concernant diverses perceptions. La beauté d’une personne semble avoir un impact sur les soins médicaux et l’aide, en général, qu’elle recevra, sur ses relations amoureuses ou encore sur sa vie professionnelle, affective et sociale (Sarwer, Grossbart & Didie, 2003) mais aussi sur son sentiment de bien-être (Umberson & Hughes, 1987). Dion, Bersheid & Walster (1972) ont ainsi constaté que les personnes physiquement attirantes étaient perçues comme plus sensibles, gentilles, intéressantes, fortes, modestes, sociables, extraverties et ayant bon caractère. Et Feingold (1992), dans le même ordre d’idées, a montré que les personnes considérées comme belles physiquement sont trouvées plus intéressantes, chaleureuses et habiles socialement tandis que les personnes moins attirantes physiquement sont perçues comme étant plus solitaires et sujettes à l’anxiété. Et enfin, il a été observé que les personnes attirantes sont généralement jugées plus intelligentes (Jackson, Hunter & Hodge, 1995), ayant un pronostic de longévité plus grand (Henderson & Anglin, 2003). Par ailleurs, la beauté physique d’une personne est liée à l’estime qu’elle a d’elle-même et peut même l’améliorer (Patzer, 1997). À conditions professionnelles égales, une personne jugée attirante se sentira plus heureuse que celle jugée peu attirante (Umberson & Hughes, 1987). D’une façon générale, les compétences sociales (sociabilité, extraversion) sont parmi les compétences qui sont le plus fortement liées à l’attirance physique bien que l’évaluation des autres compétences soit également influencée par l’apparence (Eagly & al., 1991 ; Feingold, 1992). Un visage attrayant, quant à lui, semble avoir un effet très positif sur l’évaluation globale de la personne et de sa situation (Van Leeuwen

& Macrae, 2004). Webster & Driskell (1983) ont également constaté que les personnes ayant un beau visage étaient perçues comme plus intelligentes. Elles étaient jugées capables de bien se comporter quelle que soit la situation et de mieux réussir tout ce qu’elles entreprenent. De plus, il leur était attribué de meilleures capacités de lecture et d’abstraction ainsi que d’aptitudes scolaires. Un autre avantage pour les personnes ayant une apparence attirante est qu’elles sont plus susceptibles d’être aidées que les personnes peu attirantes qui elles, se verront plus demander d’aide (Hatfield & Sprecher, 1986).

Les beaux bébés paraissent recevoir plus d’attention que ceux qui le sont moins (Langlois & al., 1995). Les enseignants, quant à eux, ont plus d’attentes concernant les élèves perçus comme attirants qu’envers les autres élèves (Clifford & Walster, 1973). Également, l’attractivité physique d’un enfant est associée à son degré de popularité auprès de ses pairs et affecte ainsi son comportement social (Dion, 1972). Et les bébés de 6 mois semblent capables de différencier des visages d’adultes attrayants de ceux peu attrayants, ce qui suggère la précocité de la capacité à catégoriser donc à utiliser des stéréotypes (Ramsey & al., 2004).

En ce qui concerne les relations de couple et la vie familiale, Cunningham (1986) a observé que les hommes sont plus enclins à prendre un rendez-vous galant, à avoir un rapport sexuel ou à faire un enfant avec une femme attirante qu’avec une femme qui ne l’est pas. Le chercheur a aussi constaté que les femmes attirantes sont perçues comme étant plus fertiles par les hommes.

De plus, il semble qu’on accorde plus de compétences maritales et de probabilité de mariage heureux à une personne jugée attirante physiquement (Dion & al., 1972). Les hommes attirants ont des rapports sexuels plus précoces et plus nombreux que les hommes jugés peu attirants (Mazur, Halpern & Udry, 1994)

Lors d’un entretien d’embauche, les candidats attirants seront considérés comme plus compétents et plus qualifiés que les postulants peu attirants et le salaire proposé sera plus élevé (Dipboye, Arvey & Terpstra, 1977 ; Mobius & Rosenblat, 2006), tout comme pour les cadres au physique attirant (Pfann & al., 2000). De plus, pour un poste à pourvoir, un employeur favorisera un candidat attirant plutôt qu’un autre jugé peu attirant (Cann, Siegfried & Pearce 1981) et lorsque le candidat est médiocre, le fait d’être attirant peut avoir un impact positif (Watkins &

Johnston, 2000). En ce qui concerne les résultats professionnels, la beauté physique est importante tant pour les hommes que pour les femmes (Hosoda, Stone-Romero & Coats, 2003).

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A.3.7.2 Impacts négatifs de la beauté et de l’absence de beauté

La beauté peut aussi induire de mauvaises évaluations : c’est le revers de la médaille. Par exemple, en exposant constamment des images de visages idéaux et attrayants, les medias semblent exercer une influence négative sur la perception de soi des individus particulièrement sensibles à l’apparence de leur visage (Newton & Minhas, 2005). Eagly & al. (1991), quant à eux, ont observé, que les personnes attirantes sont évaluées comme étant moins modestes. Les femmes attirantes sont aussi jugées plus matérialistes, futiles et infidèles (Cunningham, 1986). Un autre domaine où la beauté peut être préjudiciable est lors du procès d’un escroc considéré comme séducteur. Dans ce cas, le jugement rendu pourra être plus dur que si l’accusé était moins attirant physiquement car les jurés et la cour l’identifieront davantage aux victimes trompées par l’escroc séducteur (Sigall & Ostrove, 1975).

Lombroso (1887)24, dans sa tentative d’établir un lien entre physionomie du visage et personnalité, a été jusqu’à affirmer que certaines caractéristiques d’un visage permettent de reconnaître un criminel, idée qu’ont repris Shoemaker, South & Lowe (1973) pour mener une étude visant à préciser l’existence ou non, chez des criminels, de stéréotypes faciaux positifs et négatifs puis, si tel était le cas, à déterminer si les jugements rendus de culpabilité ou d’innocence, pouvaient être mis en relation avec ces stéréotypes. Leurs conclusions confirment l’existence de ces stéréotypes pour quatre types de crimes et l’existence d’un lien, plutôt pour les juges masculins, entre jugement prononcé et stéréotype facial. Une autre étude (Goldstein, Chance & Gilbert, 1984) a montré que des personnes interrogées ont attribués des qualités de tueurs, de voleurs ou de violeurs à certains visages tandis que d’autres étaient perçus comme ceux de médecins, d’hommes d’église ou d’ingénieurs !

Dans le même ordre d’idées, les personnes peu attirantes physiquement sont jugées plus capables de commettre des vols à main armée ou des meurtres que les personnes attirantes : c’est ce qu’on appelle le « délit de sale gueule » qu’évoque Amadieu (2002) par exemple à propos des jugements rendus lors de procès à la faveur d’accusés à la « belle gueule » et à la défaveur d’accusés à la « sale gueule ». Les enfants considérés comme peu attrayants semblent être, quant à eux, punis plus sévèrement par les adultes et considérés comme plus capables de commettre des actes antisociaux que les enfants perçus comme plus attirants (Dion, 1972). Les adultes considérés comme peu attirants physiquement sont perçus comme étant moins compétents socialement, plus malhonnêtes, pas intelligents, psychologiquement instable et antisociaux (Jones, Hannson & Phillips, 1978). Et les perceptions sociales sont affectées par certaines caractéristiques physiques comme une surcharge pondérale (Puhl & Brownell, 2001) et les personnes peu attirantes se verront plus souvent attribuer des maladies mentales (Jones & al., 1978) des problèmes d’épilepsie (Hannson & Duffield, 1976) et une orientation homosexuelle pour les femmes (Dunkle & Francis, 1990). Une apparence disgracieuse peut donc induire, outre des évaluations moins bonnes qu’une apparence attirante, une caricaturisation voire une stigmatisation et un rejet comme par exemple le racisme, ou l’antisémitisme qui s’est appuyé sur des caractéristiques physiques telles que le « nez ethnique », expression d’Alain Finkielkraut.

En ce qui concerne les hommes, la tendance actuelle fait que ce sont plutôt les visages féminins qui sont appréciés que ceux masculins. En effet, hormis dans des contextes professionnels particuliers comme l’armée, les visages d’homme très masculins sont associés à des préjugés négatifs comme la froideur, la malhonnêteté ou l’irresponsabilité envers les enfants (Perrett & al., 1998) Par contre, ces même visages seront préférés par les femmes lorsqu’elles rechercherons des relations sexuelles tandis que des visages plus féminins auront leurs faveur lorsqu’elles voudront se marier (Kruger, 2006).

D’une manière générale et hormis certaines circonstances particulières, les personnes attirantes semblent donc bénéficier d’une meilleure estime de soi (Fox & Corbin, 1989) ainsi que d’une

24 Lombroso C. L’homme criminel : L’homme criminel. Étude anthropologique et psychiatrique.

(Criminel-né - fou moral. Épileptique) Étude anthropologique et médico-légale. 1887

(http://classiques.uqac.ca/classiques/lombroso_cesare/homme_criminel_1887/homme_criminel_1887.html)

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première impression favorable concernant diverses compétences que les autres leur attribuent, principalement les compétences sociales. Elles ont également l’avantage de recevoir de meilleurs traitements dans différentes situations d’interaction sociale, comme par exemple pendant l’enfance, à l’école, dans la vie professionnelle, amoureuse, lors de contact avec les milieux médicaux et judiciaires (Sarwer, Magee & Clark, 2003). De plus, elles sont jugées moins sévèrement lors de comportements négatifs. Ainsi, comme le suggéraient déjà Webster &

Driskell (1983), la beauté peut facilement être la base à un comportement discriminatoire et avoir ainsi un impact sur la vie sociale et psychologique des individus.