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Les particules, un problème de santé publique

Les particules, un problème de santé publique

Les particules fines sont devenues une préoccupation majeure de santé publique car elles provoquent des maladies et inflammations respiratoires. En particulier, des pics de pol-lution de l’air pouvant intervenir localement ou à certaines périodes de l’année agissent sur la santé des populations.

On distingue les particules primaires, directement émises, des particules secondaires, qui sont issues de recombinaisons chimiques entre des molécules en suspension, dont en particulier l’ammoniac. En Europe, l’agriculture est le troisième secteur émetteur de

particules primaires avec, en 2013, 14 % des émissions des PM10 et 3 % des particules fines

(PM2.5)15. L’élevage contribue à un tiers des émissions agricoles en France (Citepa, 2015).

Les élevages de volailles émettent la moitié des émissions totales de l’élevage et la pro-duction porcine 30 % (Cambra-Lopez et al., 2010). Les particules primaires posent surtout problème à l’intérieur des bâtiments d’élevage, les concentrations y étant jusqu’à 45 fois plus élevées qu’à l’extérieur. Une étude a ainsi montré que près de la moitié du personnel en élevage de volailles (Viegas et al., 2013) présentait des symptômes asthmatiques et nasaux. Les conséquences sanitaires des particules sur les animaux d’élevage sont simi-laires à celles sur les travailleurs. De plus, les particules transportent une grande diver-sité de molécules et/ou d’organismes vivants, dont des bactéries (salmonelles, E. coli…) parfois résistantes aux antibiotiques (Chapin et al., 2005) ou des virus comme celui de la fièvre aphteuse. Enfin, de nombreux composés odorants, comme le sulfure d’hydro-gène, responsable de l’odeur d’œuf pourri, sont véhiculés par les particules, et contri-buent aux nuisances olfactives à proximité des bâtiments (Cambra-Lopez et al., 2010). L’alimentation des animaux et les déjections animales sont les principales sources génératrices de particules primaires. L’humidité abaisse leurs émissions. Par exemple, l’aliment sous forme de soupe ou enrichi en lipides, comme cela existe en élevage porcin, réduit de 10 % à 20 % les émissions par rapport à une distribution sous forme solide. C’est aussi lorsque les déjec-tions sèchent sur le sol (caillebotis) ou sur une litière (paille, copeaux de bois) que surviennent les émissions de particules. La perte de poils, de plumes ou la desquamation des animaux sont également source d’émissions de particules, mais leur contribution n’est pas quantifiée.

L’ammoniac, précurseur de particules dans l’air

En comptabilisant les émissions directes et indirectes, l’élevage européen rejette plus de

90 % des émissions d’ammoniac, selon Eurostat16 (année 2013). Dans l’air, l’ammoniac réagit

avec des composés tels que les oxydes de soufre, les oxydes nitreux ou les composés orga-niques volatils (Sutton et al., 2011) et contribue à la formation des particules secondaires préjudiciables à la santé humaine. Mais affecter un pourcentage des particules secondaires à l’élevage par comparaison avec d’autres secteurs est complexe et n’est actuellement pas chiffré. Les composés azotés atmosphériques contribuent par ailleurs à l’acidification des milieux terrestres, aquatiques et aériens et, de manière indirecte, à l’eutrophisation, ainsi qu’à l’émission de GES par nitrification et dénitrification dans les sols.

Au sein de l’élevage, les bovins sont les principaux responsables des émissions européennes d’ammoniac (avec 56 % des émissions), suivis des porcs (27 %) et des volailles (14 %). Le niveau de volatilisation de l’ammoniac varie selon les animaux et entre les régions en raison des différences dans l’alimentation, le logement du cheptel, la gestion des effluents (pH et température) (tableau 4.1), ainsi que selon les conditions climatiques lors de l’épandage des effluents. Cette forte variabilité peut également être reliée aux incertitudes associées aux

15. Les matières particulaires (particulate matter, PM) sont des particules fines d’un diamètre aéro-dynamique inférieur à 10 µm pour les PM10 et inférieur à 2,5 µm pour les PM2.5.

mesures d’émissions gazeuses en conditions de terrain. Réduire les apports d’azote dans les rations des animaux représente le levier principal de réduction des émissions d’ammo-niac dans l’air. Pour les porcins et les bovins, les apports azotés sont régulièrement excé-dentaires par rapport aux préconisations ; or cet excès offre un gain limité de production, tandis qu’il accroît de façon importante les rejets dans les urines (Peyraud et al., 2014). Dans les systèmes avicoles, les recherches sont surtout concentrées sur la maîtrise des émis-sions en bâtiment, car baisser les apports azotés infléchit le gain de poids des animaux.

Les effets de l’élevage sur la qualité de l’eau

Les politiques européennes ont mis l’accent sur les pollutions de l’eau par le nitrate car il entraîne l’eutrophisation des lacs, des rivières et des zones côtières. Dans les pays industrialisés, la majorité des études montre que l’agriculture est la première source de nutriments dans les eaux de surface (Bouraoui et al., 2009). Elle représente environ 60 % des fuites en azote (dont la moitié provient de l’élevage) et environ 30 % des fuites en phosphore vers les milieux aquatiques. L’enrichissement de l’eau en azote et en phos-phore détériore aussi la qualité de l’eau potable, et celle à usage récréatif ou industriel, alourdissant les coûts d’assainissement. Le nitrate est souvent corrélé à la présence poten-tielle d’autres polluants, les résidus de produits vétérinaires et pesticides ou certains métaux lourds. Les impacts varient néanmoins selon la sensibilité des milieux récepteurs. Tableau 4.1. Émissions d’ammoniac pour chaque système de production,

exprimées en grammes d’azote contenu dans l’ammoniac par kg de produit, dans l’UE en 2004. Les émissions délocalisées sont incluses dans les calculs. L’écart-type correspond à la variabilité des résultats sur l’ensemble de l’UE. Source : Leip et al. (2010).

Émissions moyennes d’ammoniac (g N/kg produit) Écart-type Gestion des effluents (%) Pâturage et parcours (%) Épandage (%) Fertilisation minérale (%) Viande bovine 74,0 25,0 45 16 31 8

Viande de petits ruminants 35,7 17,1 17 57 10 16

Viande de porc 27,7 6,0 62 1 31 7

Viande de volaille 19,7 4,4 57 0 33 10

Œufs 12,4 4,4 60 0 27 13

Lait de vache 4,4 1,3 49 8 37 7

Figure 4.3. Émissions annuelles diffuses d’azote (A) et de phosphore (B) d’origine agricole en eau douce (kg N (P)/ha de surface totale) en 2000. Source : Bouraoui et al. (2009).

La fauche ou le pâturage des prairies entraîne moins de risque de lessivage de l’azote que les grandes cultures du fait de la couverture du sol plus continue et du chargement en général plus faible des systèmes herbagers par rapport aux systèmes ensilage de maïs. Ainsi Peyraud et al. (2009) ont-ils quantifié que pour des systèmes laitiers optimisés du Grand Ouest, le lessivage de l’azote était réduit de moitié dans les systèmes herbagers où le chargement est légèrement plus faible (entre 1,4 et 1,7 UGB/ha SFP) que dans les zones mixtes associant cultures et élevage (1,6-1,9 UGB/ha SFP). Le risque de lessivage est plus élevé en prairies temporaires qu’en prairies permanentes, en particulier lors des phases d’implantation ou de retournement des couverts. Une étude par analyse du cycle de vie a toutefois montré un potentiel d’eutrophisation comparable entre un mélange riche en légumineuses (40-50 %) et une prairie permanente qui recevait des niveaux de fertilisation minérale plus élevés (Huguenin-Elie et al., 2012), et ceci pour des niveaux de production de biomasse également comparables. Au pâturage, ce sont les pissats des animaux, très concentrés en urine, qui entraînent un risque accru de lixiviation d’azote. Ce risque est accru par l’augmentation du chargement et l’allongement de la saison de pâturage au-delà de la période de croissance active du couvert.

Les travaux menés en stations expérimentales en France et en Europe ont permis de pro-poser des indicateurs et des outils d’aide à la décision pour minimiser les pertes par lixivia-tion. Ils ont également permis de progresser dans la modélisation des processus impliqués dans le cycle de l’azote en prairie. Les études menées à l’échelle parcellaire intègrent peu à peu une approche pluriannuelle, intégrant à la fois la pérennité du couvert herbacé et l’effet des rotations prairies-cultures sur ces risques de pertes (Vertès et al., 2007). À l’échelle du bassin-versant, les observations et les travaux de modélisation permettent de quantifier les leviers liés à l’agencement des prairies et aux infrastructures paysagères.