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L’enjeu du calcul de la conversion des protéines végétales en protéines animales

L’enjeu du calcul de la conversion des protéines végétales

en protéines animales

Globalement, les animaux ne sont guère efficaces dans l’utilisation de l’azote des pro-duits végétaux : moins de la moitié se retrouve dans le lait, les œufs ou la viande sous forme de protéines, la majeure partie étant donc rejetée dans les déjections. L’efficacité de la conversion en protéines varie en fonction des espèces (ainsi que du stade physio-logique et de la composition du troupeau). Les porcs et les volailles, qui sont granivores et monogastriques, ont en moyenne de meilleurs indices de conversion alimentaire que les ruminants. Leur appareil digestif est adapté pour digérer des graines, alors que les

ruminants ont un rumen adapté pour une alimentation à base d’herbe et de fourrages peu digestibles. Le tableau 3.1 illustre les écarts de taux de conversion alimentaire (ou indice de consommation) entre espèces, c’est-à-dire la quantité d’aliment nécessaire pour obtenir une unité (kg) de produit animal destiné à l’alimentation humaine. Les écarts de taux peuvent être grands, notamment entre systèmes d’élevage de ruminants, car les élevages intensifs ont généralement un recours important aux concentrés protéiques et aux surfaces arables, a contrario de l’élevage pastoral.

De nombreuses ACV visant à comparer l’utilisation des terres en fonction de l’espèce ont été réalisées pour la France, les États-Unis, l’ensemble des pays de l’OCDE ou encore le monde (de Vries et de Boer, 2010 ; Koch et Salou, 2015 ; Peters et al., 2014). Les auteurs concluent que dans des régions d’élevages intensifs comme l’Europe, la viande bovine nécessiterait des surfaces en terres arables trois à quatre fois plus importantes que les

Encadré 3.1. Un diagnostic mondial partagé.

Depuis le rapport « Livestock’s long shadow » publié par la FAO en 2006, la litté-rature scientifique a construit un diagnostic chiffré sur l’emprise environnemen-tale de l’élevage à l’échelle de la planète.

La consommation alimentaire en produits animaux contribue au fait que l’hu-manité a déjà dépassé trois des « limites planétaires » (seuils périlleux de modi-fication des écosystèmes) que sont l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et celle du phosphore ; elle participe à la menace sur deux autres « limites » : le changement d’usage des terres et l’utilisation d’eau douce (Rockstrom et al., 2009).

L’élevage utilise trois quarts des surfaces agricoles mondiales (Foley et al., 2011), dont un tiers de terres arables (FAO, 2006) et deux tiers de prairies et parcours (Zabel et al., 2014). De nombreux travaux soulignent cette compétition entre la production d’animaux ou de végétaux.

Il faut en moyenne 6 kg de protéines végétales pour fabriquer 1 kg de protéines animales (Pimentel et Pimentel, 2003), ce qui veut dire que le « détour » par l’ani-mal coûte en moyenne 85 % des protéines végétales initiales. Ces valeurs varient de 2 à 10 kg selon les espèces (les poules et les porcs sont plus efficaces que les bovins, dont les rations à base de fourrages sont moins digestibles) et selon les pro-duits (les productions de lait et d’œufs sont plus efficaces que celles des viandes). Les animaux d’élevage procurent un tiers des protéines consommées par l’homme au niveau mondial. La demande mondiale en viande a connu une forte hausse sur les cinquante dernières années (estimée à 150 %), principalement dans les pays de l’OCDE et en Chine ; en revanche, la consommation par habitant a stagné ou diminué en Inde et dans plusieurs pays d’Afrique. Globalement, la hausse devrait se poursuivre mais plus modestement d’ici 2050 (+ 73 % selon la FAO ; + 60 % selon Alexandratos et Bruinsma, 2012).

viandes de porc et de volaille. Les résultats pour le cas français (tableau 3.1B) sont légè-rement inférieurs à ceux obtenus pour l’OCDE et les États-Unis, mais les écarts entre espèces se conservent, reflet des taux de conversion (tableau 3.1A).

En revanche, les ruminants sont les seuls à pouvoir digérer l’herbe et à la transformer en protéines. Or les prairies et parcours sont, pour une large part, des surfaces non culti-vables, n’entrant pas en compétition avec l’alimentation humaine, ce qui permet d’ar-gumenter l’efficacité de conversion des protéines issues des systèmes herbagers. Des travaux européens comparent ainsi la quantité de protéines animales comestibles par kg

Tableau 3.1. Deux modes comparables d’évaluation du rendement des animaux par espèce. Les résultats montrent des valeurs inférieures — plus efficaces par animal ou par niveau de production — pour

les monogastriques, et de grandes variations parmi les ruminants. A : Quantité (en kg de matière brute) d’aliment pour bétail nécessaire à la production d’un kg de produit animal dans l’UE-25 ; moyenne pondérée des facteurs en fonction de la production en 2013.

Source : Inra, d’après Leip et al. (2010).

Produit Moyenne Min Max

Viande bovine 44,9 11,3 88,1

Lait de vache 3,7 1,7 7,7

Viande de porc 4,2 3,4 7,1

Viande de volaille 3,7 2,6 7,4

Œufs 2,7 1,9 4,2

Viande de petits ruminants 56,2 13,9 140,2

Lait de petits ruminants 16,0 1,7 25,2

B : Surfaces nécessaires à l’alimentation des différentes espèces animales du cheptel français. Source : Koch et Salou, 2015.

Système de production m2/an/kg de poids vif ou d’œufs

Bovins viande 14,8 à 53,6

Bovins lait 10,5 à 26,7

Porcs 3,5 à 10,6

Poulets de chair 2,7 à 8,9

de protéines végétales comestibles par l’homme mais consommées par les animaux. Si ce ratio est supérieur à 1, le système contribue positivement à l’alimentation humaine. Ils concluent à un ratio supérieur à 1 pour les systèmes laitiers herbagers, un ratio neutre pour la viande de bovins à l’herbe et inférieur à 1 pour les monogastriques et les bovins alimentés avec des rations riches en concentrés et maïs fourrager (Ertl et al., 2015). On peut logiquement penser que ces résultats argumentent en faveur du maintien des sur-faces en prairies et parcours. Or les prairies européennes ont fortement régressé depuis 1960, la perte étant estimée à environ 30 %, soit plus de 7 M ha selon Eurostat (déprise agricole incluse). La poursuite continue de ce déclin suggère que les terres labourables pourraient empiéter encore davantage sur les prairies, au moins en plaine. C’est ce que montrent certains travaux en raisonnant les surfaces à partir du potentiel de production des sols (la fertilité), plutôt qu’à partir des surfaces actuellement cultivées.

L’emprise territoriale des élevages européens