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L’impact des zoonoses

L’impact des zoonoses

L’impact des zoonoses est sanitaire, économique, environnemental et sociétal. Au niveau mondial, un cinquième des pertes de production en élevage serait dû aux maladies. Trois quarts des maladies infectieuses émergentes humaines sont zoonotiques (Jones et al.,

2008), et 60 % des 1 400 agents pathogènes recensés pour les humains le sont aussi pour les animaux. L’Europe est moins affectée que d’autres régions par l’émergence de zoonoses. Il est néanmoins difficile de chiffrer l’impact réel de nombre d’entre elles. En effet, les zoonoses se traduisent souvent par des baisses de production sans manifesta-tions cliniques évocatrices chez les animaux. Les hommes jouent alors le rôle de révéla-teurs, voire de sentinelles, de l’infection animale.

Selon l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire (l’EFSA), en Europe, les zoonoses sont majoritairement contractées par voie alimentaire et sont responsables d’environ 340 000 cas annuels. La salmonellose reste la principale cause de toxi-infections alimen-taires collectives (TIAC), via la consommation d’œufs dans la moitié des cas. Son incidence a cependant été réduite de moitié depuis 2008, suite en partie à l’application d’un règle-ment (2011) fixant un seuil maximal de contamination des denrées. Deux autres affec-tions d’origine alimentaire sont en augmentation : d’une part la campylobactériose, qui est surtout contractée via la consommation de chair de poulet infectée (+ 8 % de 2008 à 2014), et d’autre part la listériose, associée aux préparations au lait cru. Cette dernière est particulièrement grave chez les sujets vulnérables et âgés (2 161 cas dans l’UE en 2014). Les sources d’agents zoonotiques diffèrent selon les étapes de la production :

• l’alimentation du bétail est une source d’introduction d’agents pathogènes. La crise européenne de l’encéphalopathie spongiforme bovine a illustré ce risque dans l’alimen-tation des ruminants, après la modification du procédé de fabrication des farines de viande et d’os pour en réduire le coût. Cette crise a eu un fort impact sociétal. Ses consé-quences en santé publique ont été heureusement plus limitées que les anticipations ne le prédisaient (bilan : 177 victimes en Grande-Bretagne, 27 en France), mais le coût des mesures de gestion sanitaire prises à l’échelle de l’UE a atteint plusieurs milliards d’eu-ros, au Royaume-Uni notamment mais aussi en Allemagne ;

• la contamination des animaux in situ, à la ferme, par des aliments souillés, est relati-vement classique. D’autres contaminations peuvent avoir des impacts majeurs, comme dans le cas de certains virus influenza (grippe) qui sont zoonotiques, telle la souche grip-pale H5N1 (émergence en 2003) qui provoque presque 100 % de mortalité des volailles et est hautement pathogène pour l’homme (58 % de décès en cas d’infection) ; • la vente et la circulation d’animaux vivants sont tributaires du statut « indemne » des élevages, voire de la région ou du pays. L’investissement consenti pour éradiquer la tuber-culose illustre l’enjeu économique associé à ce statut. La France y consacre un budget

considérable depuis 1955, et en 2014 par exemple, les crédits dépassaient 17 M€ (Cavalerie

et al., 2014) ; au Royaume-Uni, où la maladie a réémergé en 1997, le coût des mesures

de police sanitaire s’élève à 1 Md£ pour la décennie en cours (Atkins et Robinson, 2013) ; • les risques aux étapes de fabrication des aliments résultent de la potentielle contami-nation fécale par des germes zoonotiques, du lait ou des carcasses à l’abattoir, ou bien de la contamination croisée des aliments lors de leur transformation. Le non-respect des barèmes thermiques dans le cas du botulisme et la rupture de la chaîne du froid pour divers agents pathogènes jouent un rôle crucial ;

• la grande distribution apporte a priori des gages de sécurité. Mais s’il y a défaillance, l’impact est fort du fait de la large diffusion des lots incriminés. Toute la filière fromagère canadienne a ainsi été fragilisée en 2008 suite à un épisode de listériose responsable de 38 cas cliniques, dont 2 décès (Gaulin et Ramsay, 2010). La transformation artisanale et la commercialisation à la ferme ont l’avantage d’exposer peu de consommateurs, mais le respect généralisé des bonnes pratiques est difficile à garantir ;

• enfin, certains modes de consommation sont source de contamination : la viande peu ou pas cuite et certaines salaisons favorisent les infections à Escherichia coli entérohé-morragiques (ECEH) ou par le virus de l’hépatite E.

Les risques sont différents pour les élevages de plein air ou comportant des périodes de pâturage et pour les élevages confinés. Dans le premier cas, les risques « de voisinage » entre élevages sont bien documentés pour la tuberculose : c’est notamment le principal facteur de risque de contamination dans les départements français les plus infectés (plus de 60 %), mais il est nettement plus faible dans les autres départements (17 %). Dans le second cas, c’est l’amplification des phénomènes qui inquiète. L’épisode de fièvre Q sur-venu entre 2007 et 2010 aux Pays-Bas en élevage de chèvres laitières fut, par exemple, extrême. Les grands effectifs de seulement 300 fermes implantées dans une zone de forte densité humaine ont émis dans l’air de très fortes concentrations de pseudo-spores de Coxiella burnetii. S’est ensuivie la plus conséquente épidémie jamais documentée de fièvre Q, avec 4 107 cas humains déclarés (Morroy et al., 2015). Enfin, l’attrait pour l’écotourisme, les fermes pédagogiques, et le développement de l’élevage de chevaux de loisir en zone périurbaine, ou les micro-élevages en ville, créent de nouvelles inter-faces homme-animal-environnement et augmentent donc les risques sanitaires potentiels. Le rôle de la faune sauvage dans la circulation d’agents zoonotiques est discuté (Billinis, 2013). D’un côté, les micromammifères, les rongeurs, les chauves-souris, les oiseaux, les sangliers et les ruminants sauvages peuvent héberger et transmettre toute une variété d’agents zoo-notiques. Ils constituent aussi des hôtes alternatifs pour des agents zoonotiques habituelle-ment hébergés par des animaux d’élevage. En Grande-Bretagne, le blaireau est ainsi devenu un réservoir de l’agent de la tuberculose bovine. D’un autre côté, la biodiversité de la faune joue un rôle de rempart car elle limite l’expansion d’une espèce réservoir susceptible de devenir prédominante et la pullulation d’arthropodes vecteurs en préservant leurs prédateurs.

L’antibiorésistance, une préoccupation montante

Depuis 2010, de nombreux rapports (OMS, Banque mondiale…) ont alerté sur la menace sanitaire et économique que représente l’antibiorésistance liée à l’usage des antibiotiques chez les animaux d’élevage. Cet usage relève clairement de la dynamique One Health, puisque les enjeux de résistances acquises et échangées par les bactéries concernent à la fois les hommes et les animaux, et que la dissémination des résistances est planétaire du fait de l’intensité du commerce et des transports internationaux. Des modélisations globales prévoient, de plus, une forte croissance des usages d’antimicrobiens en élevage (+ 67 % entre 2010 et 2030 dans une étude de Van Boeckel et al., 2015). Ces usages vont

de pair avec l’augmentation de la demande mondiale en denrées animales. Il est établi que des bactéries résistantes à des antibiotiques ou que des gènes de résistance véhi-culés par des bactéries circulent entre compartiments animal et humain. Néanmoins, les modalités de ce transfert ainsi que son intensité sont encore imparfaitement renseignées. Les mésusages des antibiotiques concourent à amplifier et à accélérer les phénomènes de sélection et de diffusion des résistances. Ils sont la cible des campagnes de préven-tion des résistances. En 2006, la Commission européenne a ainsi interdit l’utilisapréven-tion des antibiotiques comme additifs alimentaires accélérant la croissance des animaux. Cette pratique existait depuis 1940 en élevage industriel et reste en vigueur dans plusieurs pays, comme les États-Unis.

La problématique de l’antibiorésistance inclut l’environnement. Les flores bactériennes commensales et les flores de l’environnement sont souvent désignées comme les plaques tournantes des risques associés aux antibiotiques. En effet, l’exposition des bactéries de l’environnement aux antibiotiques de différentes origines peut favoriser l’émergence et la sélection de résistances. L’impact de l’activité humaine a été démontré. Par exemple, aux Pays-Bas, dans des sols conservés dans une banque d’échantillons, l’abondance des gènes de résistance était 2 à 15 fois plus élevée en 2008 que dans les années 1970 (Knapp et al., 2010). Concernant l’élevage, entre 30 et 90 % des antibiotiques administrés aux animaux sont excrétés sans être métabolisés. Les effluents d’élevage sont donc susceptibles de contenir des substances antibiotiques toujours actives qui continuent d’exercer une pression de sélec-tion sur les bactéries des effluents ou du sol. La littérature scientifique ne permet cependant pas d’évaluer la contribution des effluents d’élevage à l’augmentation de l’antibiorésistance des espèces pathogènes de l’homme et des animaux. En effet, des résistances apparaissent aussi dans des contextes naturels où les bactéries sont isolées, dans des grottes par exemple.