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Con cordances entre les territoires et les exploitations d’élevage

Le découpage géographique caractérise la diversité des grands territoires européens d’élevage, mais ne couvre pas la spécificité des exploitations qui s’y trouvent. C’est pour-quoi nous avons cherché à éclairer les correspondances entre les deux échelles. La diversité des exploitations d’élevage est accessible par le RICA. Les exploitations d’élevage sont classées selon six orientations de production, en fonction de leur SAU et du cheptel. Le croisement entre territoires et orientations de production permet ainsi de porter un diagnostic sur la spécialisation productive des zones géographiques et sur la diversité intra-zone des formes d’élevage. Le RICA ne couvre que les fermes quali-fiées de « moyennes et grandes ». Dans le cas français, ce sont celles dont le produit brut dépasse 25 000 euros, soit seulement deux tiers du nombre total d’exploitations agricoles, mais 90 % des actifs agricoles et de la SAU et 98 % de la production dédiée à l’élevage. Au niveau européen, les quelque 2,5 millions d’exploitations d’élevage « moyennes et grandes » hébergent 98 % des UGB, occupent 53 % de la SAU totale et fournissent 52 % des emplois agricoles directs. Les six principales orientations d’éle-vage diffèrent nettement dans leurs inscriptions territoriale et sociale (tableau 8.1 ; pour plus de détails, voir annexe 1).

Si l’on croise les données nationales ou régionales du RICA, on peut situer les différents types d’exploitations (figure 8.5). L’Allemagne est, par exemple, le premier pays producteur Tableau 8.1. Poids des six principales orientations productives des élevages européens selon le nombre d’exploitations, le nombre d’animaux (en UGB) et leur occupation des terres agricoles. Source : RICA.

Orientation productive Part du nombre d’exploitations (%)

Part des UGB (%) Part de la SAU (%)

Exploitations de polyculture-élevage 14 11 13

Exploitations spécialisées en bovins

lait 13 21 13

Exploitations spécialisées en ovins

et/ou caprins 9 9 10

Exploitations spécialisées en bovins

viande 8 15 12

Exploitations de poly-élevages 6 5 2

Exploitations spécialisées en porcs

européen de lait, devant la France et le Royaume-Uni, mais les exploitations laitières polo-naises, plus petites, devancent en effectif l’Allemagne et la France. La Bavière compte à elle seule plus d’exploitations laitières que les Pays-Bas ou le Danemark. Les exploita-tions spécialisées en ovins et/ou caprins sont surtout localisées en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni. Elles sont rares dans les pays de l’Europe du Nord, où le prix élevé du foncier motive des productions plus intensives et rémunératrices à l’unité de surface. Les exploitations spécialisées en bovins viande sont fortement présentes en Irlande (60 % des exploitations d’élevage du pays), en France et en Espagne. Elles se concentrent sou-vent dans les zones dites « défavorisées » de ces pays. C’est le cas en France du Limousin (74 % des exploitations d’élevage relèvent de ce type) et de l’Auvergne (46 %). Les exploi-tations spécialisées en porcs et/ou volailles sont pour la majorité d’entre elles « hors-sol ». Elles forment la moitié des exploitations d’élevage de Catalogne et une part importante de celles de Rhénanie-du-Nord–Westphalie (29 % des exploitations d’élevage et 21 %

Figure 8.5. Le poids des exploitations d’élevage dans la SAU (%). Sources : DG AGRI-RICA UE 2015/Traitement Inra, Smart-Lereco.

de la SAU), de Bretagne (18 %) et du Danemark (18 %). Ce type d’exploitations est rare dans les régions herbagères. Les exploitations de poly-élevages sont plus fréquentes que les précédentes (6 % de l’ensemble des exploitations agricoles européennes), mais, de plus petite taille, représentent peu d’animaux et de surfaces (5 % et 3 % respective-ment). Ces exploitations, dont la taille moyenne est plus petite que celle des unités spé-cialisées, se retrouvent surtout dans les pays de l’Est (62 300 unités en Pologne, soit dix fois plus qu’en Allemagne et huit fois plus qu’en France). Elles sont très rares dans les pays du nord de l’Europe, où la spécialisation des activités est souvent forte. Les exploi-tations de polyculture-élevage sont les plus nombreuses en effectif total (678 700 unités à l’échelle de l’UE, soit 14 % du total). Elles sont majoritairement localisées en Pologne (près du tiers des unités européennes de ce type et la moitié des exploitations d’élevage du pays) ; on les trouve également au Danemark (23 % des exploitations d’élevage) et, en France, en Poitou-Charentes (33 %).

En étudiant les données françaises26, on peut aller plus loin dans l’approche de la diver-sité régionale des exploitations d’élevage. Il faut, pour ce faire, classer les exploitations en fonction des mêmes critères de densité animale et de surfaces en prairies que ceux retenus pour la typologie des territoires. Dans le cas de la Bretagne, par exemple, les quatre départements (Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan) sont en type 4 « territoire peu herbager à haute densité animale ». Mais, à l’échelle des exploitations, celles dont les caractéristiques structurelles sont compatibles avec les critères et seuils

retenus pour le type 4 (STH/SAU < 40 % et UGB/ha de SAU > 1,2) ne représentent que

78 % du total des exploitations d’élevage. Une exploitation sur cinq relève du type 5 « peu herbager avec cohabitation entre cultures et élevage » ; les 3 types « herbagers » ne concernent en revanche que 1 % des exploitations d’élevage, l’exclusion des prairies temporaires (hors STH) jouant pleinement dans le cas breton. En Auvergne, les quatre départements (Allier, Cantal, Haute-Loire et Puy-de-Dôme) relèvent tous du type 2 « ter-ritoire herbager à densité animale moyenne ». Mais les réalités de terrain sont ici aussi plus diversifiées : un peu plus de la moitié des exploitations relèvent effectivement du type 2, mais un quart relèvent du type 1 « herbager à haute densité animale » ; les autres exploitations d’élevage se partagent entre le type 5 de polyculture-élevage (11 %) et le type 4, plus intensif : « peu herbager à haute densité animale » (8 %).

Plus globalement, les données nationales indiquent le profil type des exploitations en fonction des classes de territoire :

• les exploitations d’élevage du type 1 « herbager à haute densité animale » repré-sentent 16 % de l’ensemble des exploitations françaises d’élevage. Dotées en moyenne de 149 UGB (dont 3/4 d’UGB herbivores) pour 80 hectares de SAU (dont 70 % de STH), ces exploitations sont surtout présentes en Basse-Normandie (37 % des exploitations d’élevage), en Bourgogne (35 %), en Aquitaine (32 %) et en Haute-Normandie (27 %) ;

26. Pour des raisons d’accessibilité aux données individuelles du RICA, ce travail a été conduit uniquement pour les régions françaises.

• les exploitations d’élevage du type 2 « herbager à densité animale moyenne » repré-sentent 28 % de l’ensemble des exploitations françaises d’élevage. Avec 95 UGB (dont 100 % d’UGB herbivores) pour 112 hectares de SAU (dont 72 % de STH et parcours), ces exploitations occupent une place importante en Franche-Comté (85 %), en Auvergne (55 %), en Lorraine (52 %) et en Bourgogne (49 %) ;

• les exploitations d’élevage du type 3 « herbager à faible densité animale » sont très peu nombreuses (2 % des exploitations d’élevage). En effet, le seuil de densité animale utilisé à l’échelle des territoires (moins de 0,4 UGB par ha de SAU) s’avère très bas pour les exploitations relevant du champ RICA, y compris pour celles pourtant clairement en systèmes extensifs. Avec 47 UGB herbivores pour 163 hectares, dont 34 hectares de prai-ries permanentes et 92 hectares de parcours et landes peu productives, ces exploitations de type 3 sont souvent orientées en production ovine. Elles sont surtout localisées dans le sud-est du pays : la Corse (25 % des exploitations d’élevage), Provence-Alpes-Côte d’Azur (22 %) et Languedoc-Roussillon (22 %) ;

• les exploitations du type 4 « peu herbager à haute densité animale » représentent 29 % des exploitations d’élevage et rassemblent 45 % des UGB totales. En France, les trois quarts des exploitations spécialisées en porcs et en volailles relèvent de ce type. Ces exploita-tions hébergent, en moyenne, 214 UGB (dont 41 % d’UGB herbivores) pour 77 hectares de SAU (dont 10 % de STH). Elles sont fréquentes en Bretagne (78 % des exploitations d’élevage) et en Pays de la Loire (52 %). Avec 2,78 UGB par hectare de SAU et 4 280 euros de production agricole par hectare, ces exploitations sont les plus intensives à l’unité de surface. Compte tenu de la part élevée de granivores, elles sont moins dépendantes des aides directes (9 % de la production agricole, contre 20 % pour celles du type 1) ; • les exploitations du type 5 « peu herbager avec cohabitation entre cultures et éle-vage » représentent 24 % des exploitations d’éleéle-vage. Avec 102 UGB (dont 97 % d’UGB herbivores) pour 124 hectares de SAU (dont 55 % de SFP), ces exploitations se situent surtout en Picardie (52 % des exploitations d’élevage) et dans la région Centre (50 %) ; • les exploitations du type 6 « peu herbager à faible densité animale » sont rares (1 % du total des exploitations françaises d’élevage). Elles représentent au maximum 13 % des exploitations d’élevage en Languedoc-Roussillon, région où les activités d’élevage sont peu développées. Ce travail d’analyse des correspondances entre les échelles territoriales et les exploita-tions confirme la pertinence du regard territorial, et aussi l’intérêt d’aller y chercher les agencements environnementaux et les savoir-faire particuliers qui permettent de valo-riser la richesse d’un territoire.