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Les nombreuses formes de l’air en seconde partie du XVII e siècle

I. Recueils d’airs ou de chansons ?

2. Les nombreuses formes de l’air en seconde partie du XVII e siècle

a. Une courte période de transition

C’est dans les années 1660/1670 que les volumes intitulés airs de cour mais surtout chansons s’effacent au profit de recueils d’airs sérieux et à boire. En 1669 paraît le dernier volume intitulé

Chansons pour danser et pour boire et trois ans plus tard, en 1672, le dernier recueil des Libertés

de Rosiers est proposé au public. Il faudra attendre les rééditions de divers recueils de chansons, un peu avant 1700, pour voir ces volumes revenir sur le marché3, préfigurant

ainsi la vague d’édition d’airs anciens qui recevra les honneurs du public dans le premier

XVIIIe siècle4. C’est peu avant cette disparition de la chanson que Bacilly insère, en 1665,

des airs au sein des volumes de Chansons pour danser et pour boire ; initialement censés être publiés dans les Livres d’airs de différents auteurs, ils auraient été placés dans le volume des

Chansons pour danser et pour boire de 1665 à cause d’un oubli5. À partir de ce moment-là « les

chansons pour danser sont moins nombreuses au sein même des recueils qui en portent le nom. Entièrement façonnés par Bacilly, ces recueils commencent à intégrer des “airs à deux” en plus des chansons pour danser et des chansons pour boire »6. Renommée ensuite

« Meslanges » pour deux parutions – où les termes chansons et airs sérieux et à boire coexistent

1 Pièce liminaire « aux censeurs », CHANCY, Les Équivoques, 1639. 2 « Épître à Monsieur de Nyert » CHANCY, Les Équivoques, 1649. 3 GUILLO, Pierre I Ballard et Robert III Ballard, vol. I.

4 MONNIER, Histoire et analyse, p. 500.

5 A ce sujet, voir MONNIER, Histoire et analyse, p. 473-474. 6 MONNIER, Histoire et analyse, p. 473.

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sur la page de titre – la collection s’éteint et la chanson telle qu’on la connaissait en cette première partie de siècle se raréfie.

Figure I.2 : Pages de titres des livres de Mélanges… publiés en 1671 et 1674 par Bacilly

On constate le même phénomène dans les Livres d’airs de différents auteurs, où les chansons pour danser disparaissent presque complètement à partir de 16751. C’est aussi à ce moment

que naît la collection des Recueils de chansonnettes de différents auteurs, composée majoritairement de petits airs, dont la carrure et la plus grande simplicité musicale sont héritées des chansons. C’est avec la naissance de cette nouvelle collection que l’on observe une sorte de transfert : Christophe Ballard renouvelle la collection des chansons tout en reprenant l’avantage sur Bacilly.

b. Les airs et chansons de la seconde moitié du XVIIe siècle

Les différentes facettes de l’air de la seconde partie du siècle ont été largement étudiées et décrites par nos prédécesseurs2, aussi nous n’effectuerons ici qu’un bref rappel et nous nous

1 MONNIER, Histoire et analyse, p. 453.

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concentrerons seulement sur la manière dont la chanson s’est intégrée dans le paysage du dernier tiers du XVIIe siècle.

L’air sous sa « nouvelle » forme est le reflet d’une pensée musicale en pleine évolution. Il vit « d’importantes mutations »1 du point de vue harmonique, tonal, métrique,

rythmique, de l’instrumentation… ; il bénéficie de changements éditoriaux majeurs (la mise en partition, l’apparition de barres de mesures…) et présente une « étonnante variété »2

stylistique que Clémence Monnier décrit en ces termes :

Grands airs, chansons (ainsi que leurs différentes déclinaisons), airs mesurés et contrastés : ces multiples genres dans le genre, « uniformité, riche de sa diversité3 » s’inscrivent pleinement dans

l’esthétique du classicisme. Pour autant, le répertoire, lentement, évolue : on le voit avec l’augmentation de la présence des rondeaux et l’élargissement général des formes4.

Ainsi, dans les recueils intitulés airs, figurent des chansons à carrure stricte5, des grands airs

très libres, des petits airs très proches de la chanson, des airs mesurés… si bien qu’ « il apparaît que les Livres d’airs… contiennent, musicalement, “de tout” si tant est que la thématique poétique se situe dans un registre sérieux »6. Cette musicologue émet d’autre

part l’hypothèse que le théâtre lyrique aurait pu avoir une influence sur les airs, avec l’apparition des « airs contrastés » dans lesquels « la présence de sections dans un style

proche du récitatif apporte une dimension dramatique nouvelle »7. Dans le même ordre

d’idée, plusieurs chercheurs se sont même posé la question d’une éventuelle perméabilité avec la cantate française8.

Ces « petits airs » dont nous avons parlé ont été étudiés par Jean-Pierre Hervet et Clémence Monnier. Fondus dans la masse des airs contenus dans les Livres d’airs de différents auteurs ou rassemblés sous la dénomination « Chansonnettes » dans les Recueils de chansonnettes de

différents auteurs, ils sont les descendants directs de la chanson mais présentent des différences

notables. Dans son corpus, Clémence Monnier décrit les petits airs, aux carrures irrégulières, comme suit :

Comme les chansons pour danser, les petits airs sont brefs : ils comportent en général très peu de répétition(s) poétique(s). Dès le premier Livres d’airs de différents auteurs, on trouve ces « sortes » de menuets, gavottes, sarabandes, qui en ont l’allure, mais qui, manifestement, ne sont pas faits pour la danse9.

1 MONNIER, Histoire et analyse, p. 497. 2 Idem,p. 497.

3 GENETIOT, Le classicisme, p. 461. 4 MONNIER, Histoire et analyse, p. 498.

5 Clémence Monnier explique même que « Les recueils publiés jusqu’au milieu des années 1670 environ se

composent principalement de deux styles d’écriture différents : le grand air et la chanson », MONNIER, Histoire et

analyse, p. 494.

6 Idem, p. 495. 7 Idem, p. 498.

8 Clémence Monnier signale que Jérôme Dorival et Catherine Massip ont déjà soulevé la question : MONNIER,

Histoire et analyse, p. 492-494.

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Jean-Pierre Hervet fait état d’une situation similaire et précise, concernant les petits airs à carrure régulière, que :

La différence apparaît donc dans l’usage qui en est fait : une chanson pour danser est faite pour danser. Un petit air est destiné au chant1.

Quelle différence alors entre les petits airs des Livres d’airs… et les pièces contenues dans les Recueils de chansonnettes de différents auteurs ? En terme de registre, il y a une absence quasi- totale de pièces bachiques dans les Livres d’airs de différents auteurs – et a fortiori parmi les petits airs étudiés par Clémence Monnier et Anne-Madeleine Goulet – tandis que le corpus des

Recueils de chansonnettes de différents auteurs, constitué presque intégralement de petits airs,

contient 28 % de pièces bachiques2. Cette différence de registre, qui dans le second cas

intègre l’univers bachique, plus léger et moins grave que ne l’est le domaine courtois, fait écho aux propos de Jean-Pierre Hervet qui explique que dans la chansonnette :

[…] l’éventail des passions nous apparaît moins élevé et plus léger que dans les « grands airs ». L’idée de mort y est en effet moins présente. Les fins malheureuses sont minoritaires, et le plus souvent hypothétiques (la mort n’est qu’envisagée). La mort dans les airs à boire, mais aussi dans les petits airs, est bien souvent prétexte à parodier les passions des grands airs, ainsi cet ivrogne qui souhaite qu’on l’enterre dans une vigne, ou encore cet amant éconduit qui se dit pas « assez fou pour en mourir ». L’espérance et la tendresse prévalent sur l’amour avoué, et l’amour volage y apparaît bien vite comme un lieu commun […]3.

Bien que relevant du domaine galant, au même titre que les paroles des Livres d’airs…, le texte plus bref des chansonnettes est donc :

moins dramatique, avec un éventail de passions beaucoup moindre qu’un grand air sérieux, et dans un registre plus bas. On y retrouve les mêmes protagonistes et lieux stéréotypés, dans des pastorales et des discours de séduction. […], l’être aimé étant tantôt attendri dans des élégies, tantôt blâmé, compensé par d’autres plaisirs aux morales plus libres, et prétextes à boire. De fait, les chansonnettes revêtent des accents plus populaires4.

Ces constatations font directement appel à ce qu’explique Anne-Madeleine Goulet à propos des airs des Livres d’airs de différents auteurs, lorsqu’à l’inverse, elle parle de « dépit amoureux » et précise que dans son corpus :

Au total, peu d’airs (17 sur 1220) brossent des histoires d’amour heureux. Lorsqu’ils le font, ils n’hésitent pas à recourir à toute une série de clichés […] La grande majorité des airs privilégient l’élégie, et mettent en scène des amours malheureuses, soit que l’amant n’est pas aimé […], soit que l’un des partenaires est inconstant […]5.

1 HERVET, La chansonnette, un air à part, p. 20.

2 Pourcentage calculé d’après les dépouillements de Jean-Pierre Hervet. 3 HERVET, La chansonnette, un air à part, p. 48.

4 Idem,p. 54.

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Qu’en est-il à présent des airs de ce dernier tiers du XVIIe siècle, intitulés « chanson » ? Des

marqueurs stylistiques issus de la chanson du premier XVIIe siècle transparaissent-ils ? Peut-

on parler de « survivance » de la chanson ? Au sein de notre corpus d’airs du dernier tiers du XVIIe siècle, assez peu de pièces musicales intitulées « chansons » ont été dénombrées.

Parmi les 1380 airs à boire publiés entre 1666 et 1710 chez Sicard, Dubuisson, Bousset, dans les Recueils d’airs sérieux et à boire et le Mercure galant, seules 38 des pièces portent cet intitulé, ce qui représente 3% du corpus. Notons aussi qu’à l’exception d’une pièce figurant dans le corpus Dubuisson, ces chansons sont exclusivement publiées dans les recueils collectifs. Regardons néanmoins comment sont construites ces chansons à boire afin de les comparer aux corpus antérieurs.

Ces pièces sont assez peu développées musicalement elles tiennent le plus souvent sur une page ; elles sont très majoritairement de forme binaire et présentent rarement de couplets supplémentaires (seules quatre d’entre elles en comportent). 21% de ces chansons contiennent au moins un changement de métrique musicale. Nous présentons ici quatre documents, un premier portant sur la carrure musicale, trois autres sur l’agencement poétique :

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Graphique I.9 : Principales caractéristiques musico-poétiques des pièces intitulées « chansons » éditées dans notre corpus d’étude entre 1666 et 1710. Les valeurs sont exprimées en pourcentage de chansons présentant chaque caractéristique et en nombre d’airs où chaque mètre apparaît pour le graphique en bas à gauche.

32% 63% 5% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

Carrure régulière Carrure irrégulière

Régularité des carrures des chansons

Chansons Avec introduction instrumentale

58% 32% 11% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% Mêlés Bimétriques Monométriques

Métrique des strophes des chansons

Forme des strophes

1 22 2 17 6 28 12 10 5 3

14-Syll. 12-Syll. 11-Syll. 10-Syll. 9-Syll. 8-Syll. 7-Syll. 6-Syll. 5-Syll. 4-Syll.

Mètres apparaissants dans les chansons

47% 53%

Répétitions poétiques au sein des chansons

Chansons comportant au moins une répétition poétique Chansons sans répétitions poétiques

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Ces données révèlent que les chansons de la seconde période sont assez différentes de celles étudiées précédemment : ici, les carrures sont pour la plupart irrégulières, les poèmes courts, les vers plutôt longs, les strophes le plus souvent polymétriques et présentent parfois un nombre de vers impairs. Certaines d’entre elles présentent également des répétitions musicales strictes, ce qui n’était pas non plus courant dans les chansons de la première période. Il n’est plus question ici de la forme poético-musicale stricte du premier XVIIe

siècle, conçue pour faire durer la danse ou l’expérience bachique.

Plusieurs caractéristiques font cependant écho à la chanson du premier XVIIe siècle.

Premièrement, une majorité de ces chansons ne contient aucune répétition poétique, et seules 34% d’entre elles comportent une répétition d’au moins un fragment de vers. Secondement, les musiques de ces pièces sont très souvent courtes et assez simples. Certaines d’entre-elles ne tiennent que sur quelques lignes, comme cette chanson à carrure stricte publiée dans le volume des Recueils d’airs sérieux et à boire de 1705 :

Figure I.3 : Chanson à carrure stricte. Chanson Grâce à Bacchus j’ai quitté Climène (B II 312-86), Recueil d’airs

sérieux et à boire de février 1705, p. 42 et sa carrure musicale, exprimée en nombre de mesures par vers

Enfin, même lorsque leurs carrures sont irrégulières, ces chansons restent souvent proches d’une carrure stricte comme l’illustrent les deux exemples ci-après :

Partie Texte poétique Nombre de pieds Carrure musicale

A Grâce à Bacchus j’ai quitté Climène, Je ne suis plus son fidèle amant :

9 9

4 4 B Ce dieu charmant a su briser ma chaîne,

Et dans l’instant a fini mon tourment.

10 10

4 4

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Figure I.4 : Chansons irrégulières proches d’une carrure stricte et leurs tableaux descriptifs.

Chansons Je cherche en vain la vérité (16962-35), Recueil d’airs sérieux et à boire août 1696, p. 160 et Sans le bon vin un noir chagrin (B II 311-57), Recueil d’airs sérieux et à boire juillet 1702, p.

132. La carrure musicale est exprimée en nombre de mesures par vers.

1 Il est possible de découper cette strophe en deux fois deux vers de huit pieds (sur deux fois 3+2 mesures).

Partie Texte poétique Nombre

de pieds

Carrure musicale A Je cherche en vain la vérité,

Si le vin n’aide à ma faiblesse, Toute la docte antiquité Dans le vin puise la sagesse ;

Oui, c’est par le bon vin que le bon sens éclate,

8 8 8 8 11 4 4 4 4 4 B J’en atteste Hippocrate,

Qui dit qu’il faut à chaque mois Du moins s’enivrer une fois.

6 8 8 3 4 4

Partie Texte poétique Nombre

de pieds

Carrure musicale A Sans le bon vin, Un noir chagrin Suit la tendresse,

Et sans l’amour, Le moyen de passer un jour ? 12 12 4 4 B1 Entre Bacchus, Entre Vénus,

Il faut se partager sans cesse ;

Pour vivre heureux, Bornons nos vœux, À les rassembler tous les deux.

16 (8+8)

16 (8+8)

5 (3+2)

70

La chanson Je cherche en vain la vérité ne présente une irrégularité de carrure musicale que sur la tête de la ritournelle « J’en atteste Hippocrate » tandis que la chanson Sans le bon vin, un

noir chagrin, par ailleurs intitulée « Rigaudon », propose deux carrures différentes mais

régulières au sein de leurs parties respectives. Notons en outre que si l’on se fie à la carrure musicale pour remettre en forme le poème de ce dernier exemple, le principe de saturation rimique1 n’est pas respecté. En revanche, en se référant à l’indication donnée par les lettres

capitales du texte poétique – sans tenir compte de la carrure musicale – on obtient le poème suivant, au nombre de vers impairs, mais qui riment tous :

Partie Poème Nombre de pieds Rime

A Sans le bon vin, Un noir chagrin Suit la tendresse, Et sans l’amour,

Le moyen de passer un jour ?

4 4 4 4 8 a a b c c B Entre Bacchus, Entre Vénus,

Il faut se partager sans cesse ; Pour vivre heureux,

Bornons nos vœux,

À les rassembler tous les deux.

4 4 8 4 4 8 d d b e e e

Tableau I.3 : Remise en forme de la Chanson Sans le bon vin un noir chagrin (B II 311-57) d’après le texte poétique Ainsi, même dans ce cas, la construction poétique de la pièce ressemble à celle d’une chanson à carrure plutôt stricte, avec alternance relativement régulière de vers bimétriques : en cela, cette pièce diffère d’un air qui serait constitué de vers mêlés. Au-delà du cas de ces pièces musicales titrées « Chanson », 27 airs2 portant un intitulé directement issu des

musiques de danse ont été identifiés parmi les 1380 airs à boire de la seconde période, ce qui, au regard de la caractérisation que nous avons évoquée, nous incite à les prendre en considération :

Graphique I.10 : Typologie des 27 airs de notre seconde période dont l’intitulé est issu de l’univers de la danse.

1 Qui veut que chaque vers rime avec un autre.

2 Soit 2% environ des 1380 pièces musicales publiées dans les livres d’airs de notre corpus d’étude. Certaines sont

également intitulées « Chanson » et portent un nom de pièce de danse dans le même temps, comme l’air Sans le bon

vin (B II 311-57). 2 2 1 3 2 2 5 5 5

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Comme les chansons que nous venons d’étudier, ces airs sont soit de carrure légèrement irrégulière1 soit de carrure stricte tel ce rigaudon publié dans le Recueil d’airs sérieux et à boire

de février 1696 :

Partie Texte poétique Nombre de pieds Rimes Carrure musicale

A Boire avec sa charmante La posséder en paix 6 6 a b 2 2 B Des plaisirs qu’on nous vante

Ce sont les plus parfaits

6 6 a b 2 2

Figure I.5 : Air à carrure poétique et musicale stricte et son tableau descriptif

Air Boire avec sa charmante (B II 312-198), Recueils d’airs sérieux et à boire, février 1696, p. 72. La carrure musicale est exprimée en nombre de mesures par vers.

D’autre part, au-delà des pistes de réflexion auxquelles ces intitulés de danse font appel, rappelons que Clémence Monnier2 a montré que nombre de chansons se glissent parmi les

airs de cette partie du siècle, sans porter de titre éponyme. Nous n’avons pas pu procéder au référencement précis de toutes celles-ci, noyées dans la masse des airs de notre corpus d’étude, mais nos lectures laissent supposer qu’elles y tiennent une place importante. En définitive, l’influence de la chanson du premier XVIIe siècle3 se ressent tant dans les airs dont

l’intitulé se rapporte à l’univers de la danse que dans de nombreuses autres pièces des recueils d’airs sérieux et à boire. Au regard des constats effectués sur la question de la carrure, on peut émettre l’hypothèse que dans le dernier tiers du XVIIe certaines de ces chansons

1 Voir le rigaudon B II 311-57 Sans le bon vin un noir chagrin, p. 68-69 qui est par ailleurs intitulé « chanson ». 2 MONNIER, Histoire et analyse, p. 453-474.

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nouvellement imprimées1 étaient encore dansées, comme l’indique le titre de certaines

pièces telles cette « chanson à boire et à danser »2 de Montéclair, publiée dans le Recueil d’airs

sérieux et à boire d’août 1695.

c. Le renouvellement de l’air : effectifs et modularité

L’étude de l’instrumentation est primordiale puisqu’elle est à la fois révélatrice de l’évolution musicale et stylistique, témoin de certaines stratégies éditoriales, mais aussi soumise à la différence de registre – à boire ou sérieux – de la pièce musicale. À partir des années 1670, l’utilisation de la basse continue se généralise3 tandis que vers les années 1675/1680, les

basses vocales et les airs a capella se raréfient dans les airs sérieux et deviennent plus spécifiquement réservés aux airs à boire. L’air mute en une « courte pièce vocale composée le plus souvent d’une ou deux strophes poétiques »4. Souvent à une ou deux parties il peut

être accompagné d’une basse d’archet, d’un théorbe ou d’un clavecin.

Plus précisément, ce type d’instrumentation à deux voix est en réalité privilégié dans les recueils collectifs comme l’illustrent les Livres d’airs de différents auteurs, Recueils de chansonnettes

de différents auteurs et Recueils d’airs sérieux et à boire qui présentent une très forte majorité d’airs

à deux parties (vocale et/ou instrumentale). À titre d’exemple, sur les 797 airs à boire publiés dans les Recueils d’airs sérieux et à boire de 1694 à 1710, 754 sont à une ou deux parties, soit 95% d’entre eux. D’autre part, notons que dans la collection des Livres d’airs de différents

auteurs (1658-1694) ce n’est qu’en 1669 que le premier essai d’impression d’une troisième

partie est effectué ; celui-ci est d’ailleurs tout de suite abandonné, vraisemblablement pour des raisons de difficultés éditoriales5. La troisième voix ne réapparaît dans ces recueils qu’à

partir de 1685, au moment où la mise en partition devient systématique dans ce corpus6.

Contrairement aux recueils collectifs, à partir des années 1665 et jusqu’à la fin du siècle, une « troisième partie »7, soit vocale, soit pour instrument de dessus (violon, dessus

de viole…) intervient dans les volumes d’auteurs : Hotman (1664), Cambert (1665), Lalo

1 De nombreux volumes de chansons publiés antérieurement ou réédités circulent pendant tout le XVIIe siècle. 2 Voir la chanson Au doux bruit d’une fontaine (16953-36) de Montéclair, publiée dans le Recueil d’airs sérieux et à boire

d’août 1695.

3 Voir notamment GOULET, Poésie, musique et sociabilité, p. 101 à 111 et MONNIER, Histoire et analyse, p. 485. 4 GOULET, Poésie, musique et sociabilité, p. 16.

5 Cf. MONNIER, Histoire et analyse, p. 57. Ce premier essai de l’utilisation d’une troisième voix intervient en même

temps qu’un premier essai de mise en partition.

6 Plusieurs tentatives ont pourtant été effectuées précédemment. Ainsi, des mises en partition existent dans les airs

de Bataille (1608), Moulinié (1635), Martin (1668, avec des airs à trois voix), La Barre (1669), les Livres d’airs de

différents auteurs (1669), Le Camus (1678) et enfin le Premier livre d’airs à boire contre les incommodités du temps (1673).

Toutes sont en caractères en ove MMO, permettant une impression plus fine des monnayages et ornements. Ce système facilitant la lecture n’a pourtant pas été systématisé dès les premiers essais. Des raisons financières peuvent