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I. Recueils d’airs ou de chansons ?

1. Air ou chanson ?

a. État des connaissances

Les mutations éditoriales que nous avons évoquées sont intimement liées à une évolution stylistique, a fortiori chronologique. Nous allons rapidement brosser le portrait de ces grandes tendances stylistiques et nous envisagerons point par point au cours de notre travail la manière dont notre corpus de musiques bachiques s’insère dans ce paysage.

À partir des années 1635/1640, plusieurs phénomènes révèlent une évolution radicale. Tout d’abord, on assiste à inversion de tendances éditoriales : les livres de chansons

pour danser et pour boire se multiplient tandis que les airs de cour polyphoniques reculent très

nettement, faisant « figures de vestiges face à la multitude d’airs à deux parties qui sont publiés à la même époque »5. La publication des recueils d’airs polyphoniques s’espace

brutalement puis en 1661, 1664 et 1668, les trois derniers livres de Nicolas Métru, Jean Mignon et Étienne Moulinié cloront l’ère du chant polyphonique tel qu’on le connaissait

1 Et ce malgré l’augmentation de la présence des basses chiffrées dans ce recueil, cf. HERVET, La chansonnette, un air

à part, p. 61.

2 MONNIER, Histoire et analyse, p. 77-80. 3 MONNIER, Histoire et analyse, p. 80.

4 BALLARD, « Au lecteur », Recueil de chansonnettes de différents auteurs, 1675. 5 MONNIER, Histoire et analyse, p. 37.

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dans la première moitié du siècle, l’air au luth ayant déjà disparu1. Les chansons et airs tendent

à s’adresser à un public de plus en plus large, l’air quittant la cour dans les années 1650 pour investir de nouveaux espaces urbains, tandis que la chanson continue son essor entrepris dès la décennie 1630. Tant dans les chansons que dans les airs la musique vocale soliste, ou avec accompagnement vocal ou de basse-continue, s’impose ; les polyphonies complexes ainsi que la tablature de luth, inadaptées au public amateur, disparaissent.

Nous avons déjà évoqué les différences éditoriales qui existent entre la chanson et l’air. Or, qu’est-ce qui les démarque stylistiquement parlant ? Quelle réalité musicale cela implique-t-il ? Existe-t-il des différences entre chanson à danser et chanson à boire ? air sérieux et air à boire ? Revenons tout d’abord sur ce que nous enseignent les contemporains. Comme l’indique Robert Ballard dans l’« Avertissement au lecteur » du Second Livre de

chansons de Bacilly publié en 16642, un rapport est établi entre chanson à danser,

chansonnette et l’univers de la danse, distingués en ce sens de l’air sérieux et l’air de cour. En 1667, Pierre Perrin confirme les propos de Robert Ballard dans son avant-propos au Recueil manuscrit de Paroles de musique lorsqu’il écrit que « L’air marche à mesure et à mouvements libres et graves » alors que la chanson suit « un mouvement réglé, ou de danse ou autre » 3. Cet auteur précise en outre que l’air est « plus propre pour exprimer l’amour

honnête, et les émotions tendres » tandis que les chansons « cadrent mieux à des paroles enjouées ou champêtres »4. Bacilly confirme cette distinction :

[…] pour les autres chansons qui ont leur mesure réglée, il est bien permis de la rendre plus lente ; mais il faut toujours en conserver la proportion, et ne pas faire d’un menuet, ou d’une sarabande, un chant qui soit d’une mesure libre, comme sont ceux que nous appelons précisément airs5.

Il différencie plus précisément « grands » airs et « petits » airs6, ces derniers étant eux aussi

influencés par la danse :

J’ajoute encore, que les italiens mêmes demeurent d’accord que nous avons en France quantité de petits airs, fort jolis et fort divertissants, comme sont nos gavottes, nos sarabandes, nos menuets, et autres semblables qui ont leur mérite comme les grands airs, et qui sont de la portée de mille gens qui seraient privés d’un exercice aussi agréable que celui du chant, si l’on ne composait que de grands airs7.

1 Il est d’ailleurs significatif de remarquer que dans sa préface aux airs édités en 1660, Lambert dit proposer une

partie de basse continue afin de faciliter la transposition, bien qu’ayant initialement composé les airs avec tablature pour le théorbe.

2 Voir p. 81.

3 Pierre Perrin, « Avant-propos », Recueil de Paroles de musique (manuscrit, ca 1667). 4 Idem.

5 Bertrand de Bacilly, L’art de bien chanter, Paris, chez l’auteur, 1679, (Reprint Genève, Minkoff, 1972), p. 108. 6 Nous reviendrons sur la question des petits airs dans le dernier point.

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On remarque en outre que Bacilly inclut ici la notion de difficulté1 d’interprétation des airs,

tout comme Ballard dans sa préface au lecteur du XXII. Livre de chansons pour danser et pour

boire, édité en 1663 :

J’espère que ceux qui font profession de montrer à chanter, trouveront dans ce livre de quoi se satisfaire, n’y ayant presque point de chansons qu’ils ne puissent enseigner à leurs écoliers, comme étant présentement à la mode, autant et plus que les grands airs, où toutes les voix ne peuvent pas atteindre2.

Idée que l’on retrouve aussi dans le dictionnaire de Furetière, à l’entrée chanson :

Petite pièce en vers qu’on met en air pour chanter, & qui se chante par le peuple. C’est proprement une composition de musique où il n’y a que le dessus qui parle, qu’on appelle le sujet ; ou tout ce qu’on met en chant. […] les chansons communes qui se chantent parmi le peuple avec grande facilité3.

En 1647, Chancy considère pour sa part que du point de vue littéraire, la chanson est d’une ambition moindre que l’air :

Cher amy, je ne pretends point de faire passer ces vers icy pour excellents, ce ne sont point des Sonnets ny des pieces de prix, & chacun sçait ou doit sçavoir, que les Chansons à danser tiennent beaucoup plus du burlesque que du serieux4.

Tandis que dans la pièce liminaire « aux censeurs » des Équivoques de 1639, cet auteur oppose

chansons et airs de cour, allant jusqu’à évoquer la « naïveté des chansons à danser » qui « ne

demande[ent] point l’étude et l’artifice des airs de Cour »5. En 1649 cependant, dans sa

dédicace à Monsieur de Niert, le même auteur fait état d’une différence de qualité de composition entre les airs et les chansons, tout en nuançant l’image systématiquement négative que l’on pourrait avoir de ces dernières, en raison de ce que représente de Niert :

Ce n’est pas sans raison que je vous offre ce petit Livre, puisque vous aimez indifféremment tous les beaux chants, et bien qu’il semble que les chansons à danser soient beaucoup inférieures aux airs de Cour, je vous assure que si elles étaient accompagnées d’un luth, elles pourraient leur disputer le prix […]. J’ai voulu souvent des airs6 coupés par pièces et par morceaux qui pouvaient

être fort bien continués, ce qui m’a fait juger que leurs auteurs manquaient de force et de génie, plutôt que de désir de les poursuivre ; ce n’est pas que je blâme cet artifice, puisqu’il est fort agréable, ni aussi que je veuille ôter la gloire aux airs pour la donner à mes chansons, puisque je fais également et les uns et les autres : C’est plutôt pour apprendre à ceux qui ne le savent pas, qu’une bonne chanson champêtre vaut toujours mieux qu’un mauvais Air de Cour7.

1 La question de la difficulté d’exécution comme critère distinctif entre air et chanson est également soulevée par

Anne Madeleine Goulet : « La meilleure distinction que l’on puisse finalement faire entre ces genres si proches repose sur le degré de difficulté qu’ils présentent à l’exécution », GOULET, Poésie, musique et sociabilité, p. 22.

2 « Préface au lecteur », XXII. Livre de chansons pour danser et pour boire, 1663. 3 FURETIERE, Dictionnaire universel, 1690, article « Chanson ».

4 « Au lecteur », CHANCY, IIe livre des Équivoques, 1647.

5 « Aux censeurs », CHANCY, Les Équivoques, 1639.

6 Nous expliquerons plus bas pourquoi le mot « air » est employé ici, cf. p. 82.

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Dernière nuance, dans sa préface « Au lecteur » du XXIIe Livre de chansons… de 1663, Ballard souligne la qualité variable des recueils de chansons :

Je sçay que le livre de chansons à danser que j’ay coustume d’imprimer tous les ans, n’a pas eu grande approbation de ceux qui enseignent la methode de chanter, & que n’y trouvant pas assez de matiere pour entretenir le commerce de leur profession, ils l’ont jusques icy traité de provincial. Il est vray qu’à dire les choses comme elles sont, il est presque impossible que dans le nombre de quarante chansons ou environ […] il n’y en ait beaucoup de foibles, & sans doute il vaudroit mieux qu’il y en eust moins, & qu’elles fussent d’égale force, si je n’estois obligé de satisfaire le public, qui prefere souvent le nombre au merite des choses1.

Et l’imprimeur de conclure cette section de la pièce liminaire en expliquant que le contenu des chansons n’est pas toujours convenable :

Monsieur de Chancy maistre de musique de la chambre du roy, a eu un talent particulier pour ces sortes de chansons, mais comme dans la pluspart il y avoit de l’equivoque, les dames qui donnent le cours aux choses galantes, n’y ont pas trouvé leur compte2.

On retrouve ce type de reproches chez d’autres auteurs également. Bacilly – pourtant lui- même compositeur d’un grand nombre de chansons – critique vertement ces dernières à l’occasion de sa préface aux airs spirituels de 1672 dédiés à la duchesse de Richelieu, les qualifiant à deux reprises de « lascives »3. Jacques de Gouy, chanoine en l’église cathédrale

d’Ambrun, évoque quant à lui dans sa préface des airs à quatre parties les « Chansons lascives & déshonnêtes, qu’on entend chanter de toutes parts au mespris de la gloire de Dieu »4.

Ainsi, comme le révèlent les témoignages contemporains, chansons et airs se différencient grâce à la convergence de plusieurs facteurs. En premier lieu, la grande constante est que la chanson tisse des liens de parenté privilégiés avec l’univers de la danse. Cette obligation qui lie la chanson à la pratique de la danse5 en première partie du siècle a plusieurs incidences.

On observe que ces musiques proposent globalement une carrure régulière, de deux ou quatre mesures, et sont écrites principalement sur des rythmes de menuet, sarabande ou gavotte. En outre, Clémence Monnier explique que des différences de caractère et de tempo (légèreté/lenteur) peuvent aussi être mises en valeur dans d’autres cas. Ces chansons demeurent monodiques dans la majeure partie des cas, parfois à deux voix (surtout dans le cas des chansons à boire) et gardent une grande simplicité dans la rythmique, sans présenter de double6 ni d’ornementation. Il s’agit donc d’une écriture différente de celle de l’air, qui

1 « Au lecteur », XXIIe Livre de chansons pour danser et pour boire, 1663.

2 Idem.

3 « Préface », BACILLY, Premier livre d’airs spirituels, 1672. 4 « Préface », GOUY,Airs à quatre parties, 1650.

5 Aspect largement étudié par Clémence Monnier, cf. MONNIER, Histoire et analyse, p. 423-482.

6 Précisons à cette occasion que les pièces bachiques imprimées ne présentent que rarement de double, qu’il s’agisse

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se dégage de ces contraintes afin d’offrir une pièce musicale plus développée. Les témoignages ci-dessus ainsi que les travaux analytiques antérieurs portant sur les carrures musicales1 sont éclairants et unanimes à ce propos.

Secondement, l’ambition musicale de la chanson diffère de celle de l’air, la relation privilégiée entre la chanson et la danse induisant une musique plus cadrée. Or, lorsque l’on juxtapose la « simplicité » musicale de la chanson et la plus grande complexité de l’air, des questions de qualité musicale et de difficulté de réalisation émergent. À titre d’illustration, Anne-Madeleine Goulet insiste sur l’avis au lecteur du XXIIe Livre de chansons… de 1663 (cf. p. 44) qui précise que l’auteur tente de tirer parti des caractéristiques inhérentes à la chanson : ces nouvelles chansons sont censées être à destination des étudiants tandis que les airs conviendraient à des chanteurs plus expérimentés.

Ensuite, aux yeux de certains contemporains, l’ambition poétique des chansons, laisserait à désirer, notamment à cause de la simplicité plus grande de ses vers2 ainsi qu’en

raison du ton et des thématiques plus légères, voire licencieuses, que celles proposées par l’air. De fait, d’un côté l’air est très majoritairement constitué de textes portant sur l’amour3

courtois ou galant, de caractère assez grave, puisque celui-ci est surtout déçu ou malheureux. Les images stéréotypées y abondent4 : « l’arsenal des images employées par les poètes se

caractérise donc par sa pauvreté, ses redondances et son usage immodéré du cliché »5.

D’un autre côté, loin des structures convenues et images lissées que proposent les

airs, les chansons à danser, hautes en couleur, explorent et détaillent toutes les facettes des

relations amoureuses – et/ou charnelles – que partagent les êtres humains. Véritables tranches de vie, ces poèmes tantôt humoristiques, tantôt tristes, sont souvent à double sens et peuvent être particulièrement licencieux. Au-delà des récits plus ou moins crus détaillant tous types de relations charnelles6, les textes portant sur l’amour libre7, la bisexualité

féminine8 comme masculine9, l’onanisme10, le voyeurisme11, ou les relations sexuelles

1 Voir notamment les études de Jean-Pierre Hervet et Clémence Monnier. Cette dernière explique que Bacilly, tout

en critiquant la pratique, confirme clairement que l’on dansait bien sur ces pièces de musique ; cf. MONNIER, Histoire et analyse, p. 464.

2 Cf. ci-après page 47.

3 Clémence Monnier explique que les textes des Livres d’airs de différents auteurs « chantent un thème unique : celui de

l’amour. Celui-ci se décline sous plusieurs formes : déçu ou heureux, pastoral (mettant en scène des bergers et des bergères) ou mondain, présent ou révolu, féminin ou masculin, en hiver, au printemps, en été, en automne... Les déclinaisons poétiques sont multiples, les passions chantées également. Seuls les airs encomiastiques qui renvoient à certaines victoires guerrières ou bien à des naissances royales et qui sont en rapport direct avec l’actualité du temps sont à distinguer. » ;MONNIER, Histoire et analyse, p. 50.

4 Ce qui ne retire rien au caractère complexe des mécanismes sociaux qui donnent vie et animent ces airs, le but final

étant de montrer que l’on maîtrise les codes du paraître et de la séduction.

5 GOULET, Poésie, musique et sociabilité, p. 288.

6 Cf. MICHEL, III. Livre de Chansons, 1647, p. 28, 29, 32 ; CHANCY,II. Livre des Équivoques, 1647, p. 21, 26, 30 ; ROSIERS,

Alphabet de chansons, 1646, p. 20.

7 MICHEL, III. Livre de Chansons, 1647, p. 30.

8 XVI. Livre de Chansons pour danser et pour boire, 1652, p. 5. 9 XVII. Livre de Chansons pour danser et pour boire, 1653, p. 8.

10 IIIIe Livre de Chansons pour danser et pour boire, 1630, p. 26 ; MICHEL, Recueil de Chansons, 1636, p. 14.

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contraintes1 ne sont pas rares ; on aperçoit même un surprenant poème vantant les mérites

du naturisme2. Sont également à mentionner, des récits de vies heureuses de couple3, a

contrario des scènes de violences conjugales4 (masculines comme féminine), des mariages

consentis ou forcés – souvent sous l’œil tutélaire de la matriarche. Dans ce dernier cas, les poèmes recueillent alors les plaintes de jeunes protagonistes malheureuses en ménage à cause de l’âge avancé des maris qui leur ont été imposés5. Il est par ailleurs intéressant de

noter que dans de nombreux textes à la première personne, le personnage principal est féminin. En outre, ces volumes explorent quelques thématiques originales6 comme

l’illustrent ces chansons portant sur les couleurs bleues7 et vertes8, celles mettant en scène

des musiciennes et/ou musiciens, vantant les mérites d’un lieu réel, dissertant sur la vie de personnages mythologiques ; citons encore celle évoquant l’intérêt de la danse pendant le carnaval au détriment des jeux de Trique-trac et de Hoc-de-Lyon…

Enfin, dans les deux premiers tiers du XVIIe siècle, les recueils de chansons

renferment un nombre beaucoup plus important de textes bachiques que les recueils d’airs. Or, nous verrons dans les chapitres suivants que ces chansons à boire ainsi que les pratiques sociales qui les entouraient ou leur donnaient un cadre de réalisation n’étaient pas toujours bien perçues dans certains cercles sociaux des deux premiers tiers du XVIIe. À la lumière de

ces constats, il devient aisé de comprendre pourquoi le texte des chansons – et par extension les chansons dans leur entièreté – était parfois déprécié. Cela étant, les centaines de volumes de musique publiés par Ballard pendant les deux premiers tiers du XVIIe siècle ainsi que les

informations que livrent les témoignages du temps ne laissent guère de doute quant à la popularité de ces musiques.

Par ailleurs, les poèmes des chansons sont particulièrement précieux puisqu’ils fournissent une très grande quantité d’informations singulières. Ces instantanés auxquels le chercheur a accès offrent des regards sur l’existence quotidienne d’anonymes parisiens, fournissent un nombre conséquent de noms de lieux, de noms propres, de références historiques précises, ou encore, dans le cas des chansons à boire, des images représentant des scènes de repas ou de concerts au cabaret.

1 ROSIERS,Alphabet de chansons, 1646, p. 33 ; IIe Livre de Chansons pour danser et pour boire, p. 27 ; Xe Livre de Chansons pour

danser et pour boire, p. 29 ; XIIIe Livre de Chansons pour danser et pour boire, p. 18 ; XIVe Livre de Chansons pour danser et

pour boire, p. 6, 10.

2 XVIe Livre de chansons pour danser et pour boire, 1652, p. 33.

3 XVI. Livre de Chansons pour danser et pour boire, 1652, p. 30.

4 CHANCY,II. Livre des Équivoques, 1647, p. 25 ; V. Livre de Chansons, 1655, p.19. 5 XIII. Livre de Chansons pour danser et pour boire, 1644, p. 10.

6 Dans un registre beaucoup moins poétique, quelques chansons scatologiques sont à signaler, voir par exemple

CHANCY,II. Livre des Équivoques, 1647, p. 33-34 et III. Livre de Chansons, 1649, p. 10.

7 Ve Livre de chansons pour danser et pour boire, 1631, p. 11.

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b. Éléments poétiques spécifiques à la chanson

Au-delà du sens du texte et des témoignages des contemporains, penchons-nous sur la forme poétique même des chansons. Le rapport étroit entretenu avec l’univers de la danse et l’obligation de régularité de carrure musicale évoquée plus haut est corrélé à la structure poétique des textes.

Afin de pouvoir disposer d’éléments de comparaison, intéressons-nous dans un premier temps aux formes poétiques de l’air et plus particulièrement des Livres d’airs de

différents auteurs. Les travaux de Clémence Monnier, Anne-Madeleine Goulet et Anne

Ouvrard1 mettent en lumière plusieurs marqueurs stylistiques caractérisant les textes des

airs2. Tout d’abord, on remarque que ceux-ci présentent préférablement des vers mêlés3, à

hauteur de 85% dans ce corpus selon Clémence Monnier. S’inscrivant dans une tradition littéraire4, ces vers sont en effet : « proches de l’impromptu, ces poèmes improvisés en

société pour les conventions galantes et la conversation. Il s’agit là d’une poésie qui se veut aussi souple que la prose pour la conversation »5. Selon Pierre Perrin, les vers polymétriques

sont propices à la mise en musique :

[…] Je l’ay composée de vers reguliers ou irreguliers à phantaisie, quand j’ay travaillé pour une mesure libre, mais le plus souvent d’irreguliers, parce qu’ils donnent lieu à plus de varieté dans les chants […]6.

Anne-Madeleine Goulet et Anne Ouvrard précisent aussi que les poèmes des airs sérieux ne sont généralement constitués que d’une ou deux strophes et que les sixains, huitains et quatrains dominent. Enfin, les mètres les plus fréquemment employés dans les Livres d’airs

de différents auteurs sont les alexandrins et les octosyllabes – là encore marqueurs d’une

influence littéraire7 :

1 OUVRARD, Anne, Éléments de métrique des airs sérieux, Étude des Livres d’airs de différents auteurs publiés par Ballard entre

1658 et 1676, mémoire de Master 2, Centre d’Études Métriques, Université de Nantes, 2010.

2 Les sondages que nous avons effectués dans les autres recueils d’airs du temps tendraient à corroborer les résultats