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Les missions de la direction

et coordination des acteurs

2. Les missions de la direction

À la suite d’Henri Fayol, il est fréquent de définir les rôles de la direction de façon normative

pour indiquer ce qui doit être fait par les dirigeants, alors qu’une approche descriptive, comme celle de Henry Mintzberg, montre que les tâches effectuées par les dirigeants sont

assez loin de cette vision normative.

Il semblerait que les missions de la fonction de direction ne se laissent pas enfermer dans un catalogue normatif de tâches à accomplir.

2.1 Diriger

d

: l’approche normative de Henri Fayol

Henri Fayol (1841-1925), ingénieur de l’école des Mines de Saint-Étienne, est le premier à

avoir formalisé ce qu’était la direction à partir de son expérience professionnelle personnelle. En se demandant « qu’est-ce que commander ? », il analyse la nature de la fonction de direction et prescrit ce que doivent être les tâches du dirigeant.

a) La fonction de la direction selon Fayol

Dans son ouvrage Administration industrielle et générale, Henri Fayol(1) définit la fonction de la direction (pour lui « l’administration ») comme étant de « commander aux hommes pour obtenir que des objectifs préalablement définis soient atteints ».

Toute organisation doit remplir six groupes d’opérations (six fonctions) : techniques, commer-ciales, financières, de sécurité, comptables et enfin administratives. Cette dernière série d’opéra-tions est trop souvent négligée selon Fayol, et il y voit la cause de nombreuses difficultés.

b) Les tâches de la direction

Pour accomplir cette fonction administrative, la direction doit exécuter cinq séries de tâches :

Prévoir « Scruter l’avenir et dresser le programme d’action. »

Organiser « Constituer le double organisme, matériel et social, de l’entreprise » en répartissant les moyens. Commander « Tirer le meilleur parti possible des agents » qui composent l’entreprise.

Coordonner « Mettre de l’harmonie entre tous les actes de l’entreprise » pour en faciliter le fonctionnement et assurer le succès. Contrôler « Veiller à ce que tout se passe conformément aux règles établies et aux ordres donnés. »

2.2 Diriger

d

: l’approche descriptive de Mintzberg

Toutefois, par une étude du travail effectif des dirigeants, l’analyse descriptive de Henry

Mintzberg(2) remet en cause le caractère normatif des principes issus des travaux de Fayol et

conduit à s’interroger sur la nature exacte de la fonction de direction.

Mintzberg en observant minute par minute le travail de plusieurs dirigeants constate que les cinq tâches principales définies par Henri Fayol ne sont que rarement exécutées dans la

réalité quotidienne du travail des cadres.

(1) H. Fayol, Administration industrielle et générale (1916), Dunod, 1966.

(2) H. Mintzberg, Le manager au quotidien : les dix rôles du cadre (The Nature of Managerial Work, 1973), Arc-Montréal et Paris, Éditions d’Organisation, 1984.

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Ceux-ci passent leur temps à être interrompus ; ils jonglent d’un sujet à l’autre, ils supervisent de nombreux projets en n’y consacrant que peu de temps : la moitié des activités observées les occupent moins de cinq minutes. Les dirigeants consacrent essentiellement leur temps à des contacts personnels et la communication orale est prépondérante sur l’écrit. Les cadres répondent aux sollicitations du moment sur un grand nombre de questions, généralement de façon sommaire et incomplète.

Notons au demeurant que ces observations focalisent la fonction de direction sur l’acte de décision, qu’il conviendra d’étudier avec soin (cf. chapitre  8 « Les décisions et les informations »).

Ainsi pour Mintzberg, le dirigeant doit exercer trois grandes missions avec plusieurs rôles : • Les activités de contact regroupent trois rôles :

représentant de l’entreprise à l’extérieur (figure de proue, symbole) ;

leader : le dirigeant motive, guide « ses troupes », éventuellement donne l’exemple ;

agent de liaison entre tous les employés (gestion du réseau de relations).

• Les activités d’information correspondent aux rôles suivants :

guide : observer activement et rechercher l’information sur ce qui se passe ;

propagateur d’informations : diffuser les informations auprès de ses subordonnés à l’intérieur

de l’unité ;

porte-parole : communiquer publiquement à l’extérieur de l’unité.

Pour Mintzberg, le traitement de l’information est l’une des tâches clés de la fonction de dirigeant.

C’est sans doute celle qui consomme le plus de temps.

• Les activités décisionnelles, qui restent les plus importantes, regroupent quatre rôles :

entrepreneur : proposer de nouveaux projets ;

régulateur : gérer les troubles, les dysfonctionnements ; Mintzberg constate que les dirigeants

passent la plus grande partie de leur temps à réagir à des turbulences : ils régulent plus qu’ils n’entreprennent ;

répartiteur de ressources : allouer les moyens aux différents projets et équipes ;

négociateur : discuter avec les différents partenaires internes et externes.

2.3 Les missions actuelles du dirigeant

En synthèse, il est possible de délimiter les missions de toute forme de direction.

a) Trois pôles

Bien qu’exprimés avec des termes divers et quoique élaborés à partir de paradigmes diffé-rents, trois pôles de missions semblent émerger de la littérature organisationnelle et des

pratiques effectives des dirigeants : – une fonction économique ; – une fonction sociale ; – une fonction intégratrice.

La direction doit donner du sens (projet économique), de l’harmonie (projet social) et de

l’ordre (projet organisationnel).

Sous la contrainte éventuelle des actionnaires et des marchés financiers, la direction doit définir un projet productif (finalisation), assurer la cohésion sociale (animation) et produire de l’ordre (organisation).

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b) Missions du manger

Il est possible de rapprocher les missions de direction aux missions du manager. Nous

avons vu au chapitre précédent relatif aux acteurs qu’il y avait trois types de managers : le manager de proximité, le manager intermédiaire et le manager dirigeant. Les activités

de contact, d’informations et de décisions présentées par Minztberg et les trois pôles de

mission, sens, harmonie, ordre s’appliquent tout à fait à la fonction de manager, avec des

degrés différents selon son positionnement

(Cette analyse doit être complétée par celle des missions du manager à l’ère du numérique traitée au cchapitre 5.)

Par ailleurs, la vision contemporaine de la fonction de direction est moins normative. Elle s’attache plus à définir des grandes missions, dans un cadre systémique « flou », plutôt

que des tâches précises à exécuter, dans un cadre administratif rigide.

Enfin, la vision de la direction est devenue contingente : si les missions systémiques

sont proches (finaliser, animer, etc.), les tâches matérielles exécutées, les outils utilisés ne peuvent pas être les mêmes dans la micro-entreprise de quelques salariés travaillant dans un secteur de pointe, ou au contraire dans un secteur artisanal traditionnel, que dans la grande entreprise de construction automobile de plusieurs dizaines de milliers de salariés.

L’imPactdeLatechnoLogiesurLaFonctiondedirection

Le pouvoir de décider est intimement lié à l’accès à l’information. L’accès à l’information est indiscutablement, non pas le pouvoir, mais l’un des éléments d’accès au pouvoir. En outre, l’échange d’informations est l’une des composantes des relations sociales. Longtemps, la structure du système d’information s’est confondue avec la structure de l’organisation, faisant remonter toute l’information vers le sommet de la hiérarchie (exemple type : l’armée), les « stratégies » personnelles des acteurs tournaient autour de la rétention de l’information.

Ces dernières décennies, les nouvelles technologies de l’information et de la communi-cation (les TIC) bouleversent cet ordre des choses. L’information est massivement dis-ponible à tous les niveaux de la hiérarchie en raison des possibilités d’accès aux bases de données, et des possibilités de consolidation, de croisement des données entre elles. Les réseaux d’information non seulement ne correspondent plus à la hiérarchie de l’organisation mais ils ne correspondent même pas aux frontières de l’organisation (exemple : Internet ne s’arrête pas à la porte de l’entreprise).

Le fait d’être connecté sur les réseaux modifie l’espace et le temps organisationnel (exemple  : les revendeurs en déplacement disposent de toute la base documentaire

directement sur le site du client visité grâce à leur ordinateur multimédia connecté à un téléphone cellulaire et les informations sont disponibles 24 heures sur 24).

Les TIC, tout en assurant une disponibilité accrue de l’information (en durée et en volume), créent aussi des oublis plus lourds de conséquence (une erreur se répercute dramatiquement sur tout le réseau au lieu de se limiter à un service ) et privilégient l’instantanéité. Plus facile à joindre avec son téléphone cellulaire, le cadre est encore plus souvent dérangé. Plus faciles à communiquer, les informations sont transmises par télécopie, par télétraitement sans discernement et contribuent à engorger les ser-vices et plus encore la fonction de direction. Disposant d’outils de communication performants, les collaborateurs sollicitent plus volontiers les supérieurs et attendent des réponses rapides, contribuant à accentuer l’éparpillement des activités dénoncé en son temps par Mintzberg.

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Le pouvoir n’est plus alors lié à l’information, maintenant disponible pour tous, mais à l’aptitude à traiter rapidement cette information, notamment en la sélectionnant. Pour la fonction de direction, les TIC signifient clairement que la détention d’infor‑

mation est largement supplantée par la compréhension de celle-ci comme source

du pouvoir. Peut avoir le pouvoir celui qui donne du sens à l’information, et non plus seulement celui qui détient l’information.

Enfin, les réseaux informatisés peuvent dans certains cas prendre la place des réseaux de relations interpersonnelles (le courrier électronique remplaçant le contact direct). Pour le dirigeant, se pose le problème de la maîtrise de l’intégration de l’ensemble des TIC dans l’organisation. La logique qui doit prévaloir est celle de l’organisation, or la logique naturelle est celle des outils, donc ici, le déterminisme technologique prévaut (exemple : beaucoup de dirigeants ont acquis des téléphones cellulaires, diffusé leur

numéro sans penser l’utilisation de l’outil, sans fixer de règles d’appel. La logique tech-nologique – disponibilité de l’outil – a prévalu sur la logique organisationnelle – perti-nence de l’emploi de l’outil).

Compte tenu de la rapidité de progression des technologies, la question de la maîtrise des TIC semble devoir rester posée dans les mêmes termes pour un certain temps.

3. Diriger pour coordonner

La direction d’une entreprise ne consiste pas seulement à décider et à imposer des choix. Une organisation est un système d’action collective avec des acteurs qui ne travaillent pas spontanément ensemble dans le même sens : il est nécessaire de coordonner leurs tâches et de les faire coopérer.

Longtemps, la coordination n’a pas fait l’objet d’étude particulière. Pis, elle semblait aller de soi. La hiérarchie assurait la coordination, soit sur la base de l’unité de commandement avec Fayol, soit sur la base de la compétence technique avec Taylor. Les difficultés

rencon-trées dans la pratique pour assurer la cohérence de l’action collective ont montré que cette conception n’était pas réaliste. Les déboires rencontrés ont donc conduit à affiner l’étude de la coordination.

Mintzberg distingue la coordination par des « mécanismes d’ajustement » et par des

« mécanismes de couplage ».

3.1 Les mécanismes de couplage

Les mécanismes de couplage correspondent à des interdépendances techniques plus ou moins fortes qui créent des conditions particulières de coordination.

Le couplage communautaire correspond à la situation où deux services (deux individus,

etc.) utilisent les mêmes moyens (machines-outils, ordinateurs, camions, etc.). Le partage de ressources communes les oblige à se coordonner même si leur travail respectif n’a aucunement besoin de l’autre.

exemple

Dans une école, deux professeurs de deux classes totalement différentes (par exemple seconde et classe préparatoire) utilisent la même salle dotée de moyens audiovisuels, l’un pour faire un cours de français, l’autre d’histoire. Les emplois du temps doivent être coordonnés en raison de ce couplage communautaire.

Le couplage séquentiel exprime l’interdépendance d’un poste de travail aval par rapport

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travail d’un poste, son résultat final, est la base de travail, la « matière première » du poste suivant.

Le couplage réciproque correspond à la situation où l’interdépendance est réciproque.

Un poste de travail a besoin du travail de l’autre mais lui en fournit aussi.

exemple

Un service de maintenance, le garage chez un transporteur routier, est en couplage réciproque avec le service d’exploitation qui fait rouler les camions. En envoyant un camion en réparation, le service d’exploitation donne du travail au garage et celui-ci donne du travail au service exploitation en lui fournissant des camions en état de marche.

3.2 Les mécanismes d’ajustement

Mintzberg identifie trois mécanismes de base pour procéder à la coordination.

L’ajustement mutuel est le mode de coordination d’opérateurs peu nombreux qui ajustent

leurs activités par contacts directs de gré à gré (négociation, compromis).

La supervision directe correspond au cas où la coordination du travail de plusieurs

opéra-teurs est assurée par un supérieur hiérarchique qui les dirige. Implicitement, l’analyse traditionnelle des structures n’envisageait que ce mode de coordination.

La standardisation est le troisième mécanisme d’ajustement. La standardisation est

un processus d’homogénéisation, mais l’uniformisation peut s’appliquer à différents paramètres selon diverses modalités :

– la standardisation des procédés de travail correspond à une régulation des flux de travail

par des procédures, des méthodes généralement – mais pas nécessairement – formalisées dans des manuels de procédure (le cas type : le travail à la chaîne où la façon de travailler est définie de façon précise pour chaque poste) ;

– la standardisation des résultats fait porter l’uniformisation non sur la façon de travailler

mais sur le résultat à obtenir (exemple : les différents départements doivent tous dégager une

rentabilité nette des capitaux investis d’au moins 15 %) ;

– la standardisation des qualifications correspond au cas où l’uniformisation ne porte pas

sur le travail ou les résultats mais sur la formation des individus ; par un processus de formation (généralement long, comme par exemple pour les médecins, les pilotes de ligne, etc.), des façons de travailler sont intégrées par les individus qui ensuite peuvent coordonner leur travail car ils utilisent des références communes (langage, méthode de raisonnement, et certaines procédures de base) ;

– la standardisation des normes correspond à une coordination de type « culturel » car

le partage de normes, de valeurs par chacun des membres de l’organisation permet d’assurer la concordance de leurs actions.

Au-delà de la coordination, la standardisation offre un outil de contrôle. Le non-respect du standard permet de repérer un éventuel problème.

Les différents mécanismes d’ajustement se complètent plus qu’ils ne s’opposent. D’une part, une même entreprise peut utiliser différents mécanismes selon les départements concernés et, d’autre part, au fur et à mesure de son développement (notamment en termes de taille et de type de départementalisation), toute entreprise privilégie successivement les différents modes de coordination selon la séquence présentée dans le schéma suivant :

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LA SUCCESSION DES MÉCANISMES DE COORDINATION

Ajustement mutuel Supervision directe Ajustement mutuel

•Standardisation des procédés

•Standardisation des résultats

•Standardisation des

qualifica-tions

Mintzberg propose de surcroît une relation entre les types structurels et le mécanisme de

coordination privilégié par chacune de ces configurations structurelles.

LIEN ENTRE MÉCANISMES DE COORDINATION ET CONFIGURATIONS STRUCTURELLES

Configuration structurelle Mécanisme de coordination privilégié

Structure simple Supervision directe (ajustement mutuel à la création)

Bureaucratie mécaniste Standardisation des procédés

Bureaucratie professionnelle Standardisation des qualifications

Structure divisionnalisée Standardisation des résultats

Adhocratie Ajustement mutuel

Organisation missionnaire Standardisation des normes