• Aucun résultat trouvé

Les fondements de la direction : pouvoir, autorité et leadership

et coordination des acteurs

1. Les fondements de la direction : pouvoir, autorité et leadership

1.1 Du pouvoir du propriétaire à celui du dirigeant

a) L’entrepreneur capitaliste

Dans l’approche micro-économique, le détenteur du pouvoir est l’entrepreneur. Entreprise

et entrepreneur sont confondus. L’entrepreneur est à la fois celui qui a l’idée de créer et celui qui apporte les capitaux qu’il risque dans son entreprise.

Dans cette approche, le pouvoir est lié à la propriété du capital initial placé dans l’entreprise. L’entrepreneur a le pouvoir car il est le propriétaire des moyens de production. Par ailleurs, il doit conserver ce pouvoir car les décisions impliquent un risque de perte du capital initia-lement engagé dans l’affaire. Le pouvoir est donc non seuinitia-lement lié à la propriété du capital mais aussi au risque de perte. Le pouvoir est exercé par celui qui possède et qui risque.

Joseph Schumpeter(2) met l’accent sur le rôle fondamental de l’innovation dans la dynamique

de la croissance capitaliste. Celui qui innove c’est l’entrepreneur. Pour Schumpeter, la spéci-ficité de l’entrepreneur repose sur le fait qu’il prend un risque en réalisant des innovations.

Le pouvoir est juridiquement assuré par la propriété et socialement légitimé par la prise de risque.

b) L’émergence du dirigeant

L’essor de la société industrielle en poussant à la création de grandes sociétés par actions dirigées par des managers non-propriétaires remet en cause cette conception du pouvoir. Dès 1932, aux États-Unis, A.A. Berle et G.R. Means(3) sont les premiers à s’intéresser à l’organisation du pouvoir dans les sociétés où les dirigeants salariés sont indépendants par rapport à un actionnariat largement dispersé. La séparation des fonctions de propriété et de direction conduit à reformuler le fondement du pouvoir.

(1) Définition reprise par H. Minzberg, Le pouvoir dans les organisations, Éditions d’Organisation, 1986.

(2) J. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1979 ; traduction de Capitalism, Socialism and Democracy, 1942.

La direction comme animation et coordination des acteurs chapitr e6

© Dunod - T

oute reproduction non autorisée est un délit.

Ce pouvoir des dirigeants non-propriétaires, appelé pouvoir managérial, est

essentiel-lement justifié par la compétence technique. Les dirigeants ont les compétences pour : – assurer le développement des activités de la firme ;

– et/ou assurer le paiement de dividendes aux propriétaires ; – et/ou augmenter la valeur patrimoniale de la firme.

Toutefois, les méfaits de la gestion technocratique des entreprises seront de plus en plus relevés par de nombreux auteurs. Ainsi, à la fin des années soixante, J.K. Galbraith(1) affirme que le pouvoir des techno-structures managériales va jusqu’à fausser le fonctionnement des activités économiques car les managers privilégient leur propre intérêt (salaire, statut, etc.) au détriment de celui de l’organisation pour laquelle ils sont censés travailler. Le pouvoir des dirigeants voit donc contester sa légitimité.

Cependant, les théories contemporaines des droits de propriété et de l’agence (cf. chapitre 3)

reprennent et enrichissent le thème de la dichotomie propriétaire/dirigeant et affinent l’analyse du pouvoir dans un tel contexte de séparation des rôles. Les propriétaires trans-mettent au dirigeant la faculté de gestion. Le dirigeant tient donc son pouvoir des proprié-taires, mais il est recruté (théoriquement) sur la base de ses compétences pour faire fructifier les droits des propriétaires. Ceux-ci exercent un contrôle direct (selon les statuts, commis-saires aux comptes, conseil d’administration, etc.) et indirect au travers du marché financier. En conséquence, des auteurs distinguent dans le pouvoir :

– la fonction de décision : la capacité de concevoir et de mettre en œuvre un projet

d’activité ; c’est le pouvoir des dirigeants mandataires ; – la fonction de contrôle ; c’est le pouvoir des propriétaires.

Ces considérations ont en fait une portée plus financière que strictement organisationnelle. Elles permettent d’expliciter les stratégies d’endettement et de distribution des dividendes sous la contrainte des marchés financiers plus qu’elles ne légitiment le pouvoir du dirigeant au jour le jour.

1.2 Max Weber : le fondement de l’autorité

Max Weber (1864-1920) en définissant le type de domination légale « pur » est conduit à

proposer une distinction fondamentale entre pouvoir et autorité d.

Le point de départ du raisonnement est simple  : pour qu’une société fonctionne, il faut que les individus respectent les règles et notamment obéissent aux ordres. Pourquoi les individus obéissent-ils aux ordres ? Soit parce qu’ils y sont contraints, soit parce qu’ils s’y soumettent spontanément car ils les pensent légitimes.

a) La distinction du pouvoir et de l’autorité

Le pouvoir

Le pouvoir est la capacité à forcer l’obéissance aux ordres.

Le pouvoir suppose explicitement un système de sanction (exemple : le chef d’atelier a du

pouvoir car il peut faire jouer un système de pénalités si les rendements ne sont pas respectés).

L’autorité

L’autorité est la capacité à faire observer volontairement les ordres. (1) J.K. Galbraith, Le nouvel état industriel, Gallimard, 1968.

138

La direction comme animation et coordination des acteurs

6

chapitr e

L’autorité suppose l’acceptation de la « domination » considérée comme légitime (exemple :

un responsable a de l’autorité car dès qu’il émet une suggestion, celle-ci est exécutée par ses subordonnés qui apprécient sa compétence).

Une autorité sans pouvoir n’est pas stable dans le temps. Un pouvoir sans autorité n’est généralement pas efficient car l’exercice de la contrainte pour faire exécuter les tâches conduit à un fonctionnement plus lent, plus lourd, que l’acceptation spontanée des ordres. La direction d’une entreprise doit donc s’assurer qu’elle dispose d’une autorité pour exercer son pouvoir.

b) Les trois modes de domination légitime

Pour Max Weber, le pouvoir doit donc reposer sur une autorité pour que la domination

soit acceptée. La légitimité de cette domination a trois fondements différents.

L’autorité charismatique

Les ordres sont respectés en raison de la personnalité du leader. Ce sont des qualités particu-lières de la personne même du leader qui le font respecter : force, courage, capacité d’écoute, originalité des idées, etc.

Une organisation basée sur un tel système d’autorité est par nature instable car trop liée à la personnalité du leader.

exemples

De grands patrons d’industrie comme Henry Ford ou André Citroën étaient considérés comme des

leaders charismatiques.

Plus près de nous, Francis Bouygues a bâti à partir de rien le premier groupe mondial du BTP sur ses

qualités de leader charismatique et sa succession continue de poser des problèmes.

De manière comparable, Steve Jobs, sans être un grand technicien, a créé et développé Apple en

raison de ses qualités de leader charismatique visionnaire mais n’avait pas les qualités requises pour gérer la firme arrivée à maturité.

Jacques Maillot (Nouvelles Frontières) et Luciano Benetton (United Colors of Benetton) ont des

traits de leader charismatique et marquent fortement leur entreprise.

L’autorité traditionnelle

L’autorité est liée aux coutumes établies qui désignent les personnes en position de domination, en raison d’un statut lié à la fonction ou à l’hérédité.

Cette forme d’autorité, certes stable, n’est pas rationnelle car elle ne garantit pas la « qualité » du leader.

exemple

La transmission du pouvoir de père en fils dans certaines entreprises familiales, certaines cultures d’en-treprise, où le « nous avons toujours fait comme cela » est la seule justification des procédures suivies, sont des traits caractéristiques d’une autorité traditionnelle.

L’autorité rationnelle légale

Sa légitimité est fondée sur l’existence de textes précis décrivant les procédures à appliquer. La hiérarchie est investie à chaque échelon de l’autorité que lui confèrent des textes, élaborés et révisés par l’échelon supérieur. Chaque détenteur d’autorité est recruté sur la base de ses compétences, reconnues par un diplôme ou un concours.

La direction comme animation et coordination des acteurs chapitr e6

© Dunod - T

oute reproduction non autorisée est un délit.

Selon M. Weber, cette forme d’autorité est la plus efficace, car elle est impersonnelle et

experte. En effet, l’autorité est liée à la fonction exercée, reconnue dans des textes (pouvoir statutaire) et non pas à la personne qui exerce la fonction. L’autorité du « fonctionnaire » est bien acceptée car, en fait, les individus sont libres ; ils ne doivent obéissance qu’aux textes objectifs décrivant les attributs et prérogatives de chaque fonction.

Cette forme d’autorité fonde la bureaucratie qui est, pour M. Weber, l’organisation idéale.

Quel que soit le mode de légitimation de l’autorité, la notion d’ordres à respecter, de règles à suivre demeure. Dans cette optique classique :

Diriger, c’est commander.

LeLeadershiP

Dans l’approche classique du pouvoir, la relation entre le « chef » et le « subordonné » reste très linéaire. Le subordonné notamment a un rôle relativement passif : il accepte ou pas les ordres.

À la suite de l’école des relations humaines, l’analyse du pouvoir va intégrer le fait que les relations sont croisées. Le subordonné influence également le chef.

L’influence peut se définir comme la capacité d’un individu à modifier les attitudes,

le comportement, les méthodes d’un autre individu.

L’autorité résulte alors du fait qu’un individu influence plus qu’il n’est lui-même influencé dans une relation avec une autre personne.

Dans cette approche, le pouvoir n’est plus la matérialisation juridique d’un droit de se faire obéir (le système de sanction) mais devient un phénomène, une position dyna-mique relationnelle : le leadership.

Le leadership se définit comme « une influence interpersonnelle, exercée dans une

situation donnée et dirigée par un processus de communication, vers l’atteinte d’un

but spécifique » (R. Tannenbaum)(1).

Le leadership est une relation dynamique entre le leader, les subordonnés et la situa-tion à laquelle ils sont confrontés.

Les auteurs distinguent trois composantes constitutives du leadership :

l’influence interpersonnelle résultant de la personnalité même du leader ;

la position du leader résultant de son statut et de son rôle dans l’organisation ;

la situation objective à résoudre résultant des conditions physiques (état des

machines, des produits), de l’état d’information (connaissances, incertitude, etc.) et des objectifs à atteindre.

La direction (« le leader ») exerce un pouvoir efficace, si elle est en mesure d’exercer le leadership, c’est-à-dire comprendre la situation globale, communiquer avec les subor-donnés afin de dégager une cohérence entre les trois composantes énoncées ci-dessus pour atteindre les buts souhaités.

Dans cette optique, le pouvoir se définit par une relation d’interdépendance qui pro-duit des effets.

Diriger, c’est obtenir des résultats par d’autres que soi.

140

La direction comme animation et coordination des acteurs

6

chapitr e