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4 Les amyloïdes et les prions

4.2 Les maladies impliquant des prions PrP sc

Les maladies impliquant le prion PrPsc concernent les animaux et les humains. Mis à part la tremblante du mouton, il existe un certain nombre d’autres maladies à prion animales, les plus notables étant la « chronic wasting disease » qui affecte le wapiti des montagnes Rocheuses, l’Elan et certaines espèces de cerfs d'Amérique du Nord, y compris le cerf de Virginie et le cerf mulet (Telling, 2013) et la maladie de la vache folle. Malgré leurs caractéristiques hétérogènes, ces maladies se caractérisent toutes par le dépôt dans le système nerveux central de la forme prion de la protéine PrPC (PrPSc) (Figure 40) (Bolton et al., 1982; McKinley et al., 1983; Prusiner, 1982; Prusiner, 1998). La découverte de PrPSc comme caractéristique moléculaire pour toutes ces ESTs, a permis le diagnostic des maladies à prions aux niveaux pathologique et moléculaire. Cette découverte a grandement facilité l’identification des nouvelles maladies à prions. De plus, la découverte et la caractérisation de PrPSc ont énormément apporté dans la découverte de la nature des prions, de la pathogénèse des maladies à prions et surtout sur la transmissibilité de ces maladies (Das and Zou, 2016).

PrPC est une glycoprotéine membranaire (Figure 48) exprimée principalement dans le système nerveux central, mais qui peut être trouvée dans d’autres organes ou d’autres tissus n’appartenant pas au système nerveux central (Bendheim et al., 1992). Ses fonctions physiologiques demeurent mal définies, cependant diverses études ont mis en évidence des fonctions de PrPC dans la réduction du stress oxydatif, dans la transduction du signal, dans la régulation de l’apoptose, dans l’absorption cellulaire ou la liaison du cuivre, l’adhésion à la matrice extracellulaire et la formation et la maintenance des synapses (Linden et al., 2008). La protéine PrPC est codée par le gène PRNP localisé en 20p13 (Sparkes et al., 1986). Ce gène hautement conservé est composé de trois exons. L’exon terminal contient l’ORF (Open Reading Frame) et code une séquence de 253 acides aminés nommée PrPC (C signifiant cellulaire) ou PrP. Sur les 253 acides aminés, les résidus 1 à 22 constituent le peptide signal N-terminal, tandis que les résidus 232 à 253 constituent le peptide hydrophobe C-terminal. Dans le réticulum endoplasmique rugueux, la protéine PrPC est sujette aux modifications post-traductionnelles suivantes : la délétion des peptides de signalisation N et C-terminal, l’addition de glycanes liés au N-terminal aux résidus N-181 et N-197, la formation d’un pont disulfure entre les résidus C-179 et C-214, et l’addition de l’ancre glycophosphatidylinositol (GPI) au résidu 231 après le clivage du peptide hydrophobe C-terminal (Stahl, 1987; Turk et al., 1988; Harris, 2003). Après sa synthèse et ses modifications dans le réticulum endoplasmique, la protéine PrPC mature de 209 acides aminés, est transportée dans la membrane cellulaire via le corps de Golgi. Les résidus 23 à 124 forment le domaine flexible N-terminal, et les résidus 125 à 228 forment un domaine globulaire. Une fois correctement assemblée, la structure tertiaire est composée de trois hélices α et de deux feuillets β anti-parallèles dans le domaine C-terminal (Riek et al., 1996; Damberger et al., 2011). La région

N-terminale contient cinq ou six répétitions de huit résidus riches en glycine (PHGGGWGQ) qui forment la région de répétitions d’octapeptides. Ces répétitions d’octapeptides lient le cuivre (Cu(II)) et d’autres cations divalents (Brown et al., 1997; Stöckel et al., 1998; Viles et al., 1999), pouvant expliquer le rôle de PrP dans la réduction des dommages oxydatifs (Brown et al., 2001).

Contrairement aux virus et aux bactéries, les prions sont constitués d’acides aminés mais sont dépourvus d’acides nucléiques. Les prions sont capables de transmettre une variété de maladies à prions avec une diversité de phénotypes. Un concept connu sous le nom de « souches de prions » émerge quand ces phénotypes sont observés. Les souches de prions sont définies comme des particules infectieuses possédant des caractéristiques histopathologiques et cliniques distinctes quand inoculées dans des hôtes d’un même fond génétique. Ces caractéristiques variées entre les souches incluent le(s) endroit(s) de dépôt de la protéine prion, les temps d’incubation variés, le neurotropisme et la distribution particulière des lésions dans le système nerveux central (Aguzzi, 2006). L’hypothèse étant que PrPSc adopte diverses conformations, chaque conformation (ou souche) étant responsable de l’apparition d’une maladie particulière. En outre, chaque souche exhibe des propriétés biochimiques distinctes (Safar et al., 1998; Collinge and Clarke, 2007). L’interaction de telles souches avec le polymorphisme de l’hôte apporte de nombreux phénotypes. Il a également été montré que PrPSc dérive de la protéine cellulaire PrPC via un événement de mauvais repliement caractérisé par la transition d’hélices α en structures composées de feuillets β (Prusiner, 1998).

L’évènement moléculaire central des maladies à prion est l’auto-propagation de la protéine PrPSc. Ce postulat est connu sous le nom d’hypothèse « protein-only » (Prusiner, 1982). Deux mécanismes différents de réplication des prions ont été proposés. Dans le modèle « template assistance model », PrPSc existe en tant que monomère thermodynamiquement plus stable que PrPC (Prusiner, 1991). Dans l’éventualité rare qu’une molécule de PrPSc se forme spontanément (ou soit apportée de façon exogène), elle peut transconformer les PrPC en PrPSc par interaction directe. Dans ce modèle, l’étape critique des la conversion est la formation d’un dimère entre PrPSc et PrPC, ou un intermédiaire partiellement replié de PrPC nommé PrP*. PrPSc agit comme une matrice capable de catalyser le remodelage de PrPC en une conformation PrPSc plus stable thermodynamiquement. Cette hypothèse est à l’heure actuelle totalement rejetée en faveur du modèle « nucléation-polymérisation ». Ce modèle propose que la conversion entre PrPC et PrPSc est réversible, mais que le monomère PrPSc est bien moins stable que le monomère PrPC (l’équilibre thermodynamique favorise fortement PrPC). La stabilisation de PrPSc ne se produit qu’après la formation d’un noyau oligomérique stable. Un fois le noyau formé, les PrPC monomériques peuvent s’ajouter efficacement à ce dernier en adoptant la conformation de PrPSc. L’étape limitante dans ce mécanisme n’est pas la transconformation en elle-même mais l’étape de nucléation initiale. Cette dernière est responsable de

Figure 49. Immunoréactivité des protéines prions (violet) et dégénérescence spongiforme dans le néocortex d'un patient décédé de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Contre-coloration Nissl.(d’après (Walker and Jucker, 2015))

Figure 50. Plaque sénile [amyloïde-β (Aβ)] et enchevêtrements neurofibrillaires (tau) dans la maladie d'Alzheimer.

(a) Micrographie optique de tissu d’hippocampe immunocoloré deux fois: pour Aβ (brun dans une plaque Aβ) et tau hyperphosphorylé (violet dans les enchevêtrements neurofibrillaires). (b) Micrographie électronique d'une masse de fibrilles amyloïdes extracellulaires dans une plaque Aβ. (c) Micrographie électronique de polymères fibrillaires intraneuronaux de protéine tau, les composants ultrastructuraux des enchevêtrements neurofibrillaires. Les étiquettes désignent deux filaments hélicoïdaux appariés. (d’après (Walker and Jucker, 2015))

la longue phase de latence dans la conversion spontanée, et peut être circonvenue par l’addition de noyaux de PrPSc préformés (Jarrett and Lansbury, 1993; Le et al., 2015).