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4 Les amyloïdes et les prions

4.1 Définitions : amyloïde et prion

Les amyloïdes sont des assemblages protéiques fibrillaires constitués de feuillets β dont les brins β sont perpendiculaires à l’axe des fibres (Figure 47) (Chiti and Dobson, 2006; Sabaté and Ventura, 2013; Wickner et al., 2013). Les amyloïdes présentent également d’autres caractéristiques biochimiques comme une relative résistance aux agents dénaturants et à la protéolyse ainsi que la fixation des colorants spécifiques comme le rouge Congo et la thioflavine-T (Sabaté and Ventura, 2013). Ces assemblages protéiques furent initialement observés par Rudolph Virchow en 1854 comme structures pathologiques dans des coupes histologiques de cerveaux et désignés amyloïdes en vertu de leurs propriétés de coloration ressemblant à celle de l’amidon (Sipe and Cohen, 2000). La croissance des fibres amyloïdes se produit par l’addition de monomères de protéines au sommet de l’agrégat avec un changement de conformation des protéines par l’agrégat. Les amyloïdes sont donc des protéines dont la conformation est auto-propageable. Dans certains cas, ces conformations sont transmissibles/infectieuses ; ce sont des prions (« Proteinaceous Infectious particles »). Les prions sont des particules protéiques infectieuses d’abord décrites dans le cadre de l’étude des maladies à prions (Prusiner, 1982), puis leur implication dans des maladies neurodégénératives liées à l’âge telles que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson a été découverte (Walker and Jucker, 2015). Il faut noter que les deux termes amyloïde et prion ont des champs d’application différents, un amyloïde a une définition biophysique, un prion une définition biologique.

L’histoire de la découverte des prions est associée à l’étude de deux maladies appartenant à la famille des ESTs (pour Encéphalopathies Spongiformes Transmissibles : maladies affectant le système nerveux central et aboutissant à une perte neuronale conduisant à la mort de l’individu)

modifications post-traductionnelles et autres modifications chimiques. L'état amyloïde d'une protéine est une forme d'agrégat hautement ordonnée dans laquelle les chaînes polypeptidiques adoptent une structure fibrillaire, qui est capable de s'auto-répliquer, par exemple par des processus secondaires. Les fibrilles amyloïdes ont une structure riche en feuillets β et se forment généralement à partir de conformations dépliées ou partiellement dépliées de protéines et de peptides, dont certaines sont des fragments de protéines plus larges. L’état amyloïde est « générique » c’est-à-dire que son architecture caractéristique n’est pas codée par des séquences d’acides aminés spécifiques. (d’après (Knowles et al., 2014))

(Tableau 2), la tremblante du mouton (scrapie en anglais) et le Kuru, une EST présente chez le peuple

Fore en Papouasie et reliée à des rites anthropophages (Gajdusek et al., 1966). Le premier pas crucial pour la compréhension actuelle des ESTs humaines se déroula en 1959 quand le vétérinaire pathologiste W.J. Hadlow remarqua des similitudes entre la tremblante du mouton et le Kuru (Hadlow, 1959). En se basant sur les connaissances sur la tremblante, dont on savait qu’elle était une infection lente des moutons par un agent infectieux inhabituel, C.J. Gajdusek et ses collaborateurs ont initié des expériences afin de transmettre le Kuru en inoculant des tissus de cerveaux infectés dans des primates, ce qui se révéla être un succès. La même année où W. J. Hadlow proposait que le Kuru et la tremblante avaient la même étiologie, I. Klatzo remarqua que l’histopathologie du Kuru ressemblait à celle de la maladie de Creutzfeld-Jacob (CJD), une autre maladie neurodégénérative progressive fatale à l’étiologie inconnue décrite pour la première fois en 1921 (Klatzo et al., 1959). C.J. Gajdusek et ses collègues démontrèrent que non seulement la forme sporadique plus commune de CJD mais également la forme familiale de CJD ainsi qu’une maladie similaire (syndrome Gerstmann-Straussler-Scheinker (Gerstmann et al., 1935)) étaient également transmissibles, d’abord sur des primates, puis sur d’autres animaux (Gajdusek et al., 1968, 1966). Bien plus tard, en 1996, une nouvelle variante de CJD (vCJD) a été attribuée à l’infection des humains infectés par l’agent de l’encéphalopathie bovine spongiforme (Will et al., 1996); vCJD en elle-même a causé une EST iatrogénique (par ingestion) par des transfusions de sang d’individus malades à des individus sains. Dans les années 30, il a été démontré que l’agent pathogène causant la tremblante avait un grand nombre de propriétés physiques uniques (résistance marquée à l’inactivation par des produits chimiques, à la chaleur et aux radiations), ce qui suggérait qu’il pouvait s’agir d’un agent non-conventionnel auto-réplicatif basé sur une protéine et ne contenant pas d’acide nucléique. Le travail de S.B. Prusiner dans le début des années 80 a mené à la découverte qu’une forme mal repliée d’une protéine ubiquitaire normale de l’hôte (la protéine PrP) était usuellement si ce n’est toujours détectable dans les tissus contenant des agents d’ESTs, facilitant leur diagnostic et la compréhension de leur pathogénèse (Bolton et al., 1982; Prusiner, 1982). S.B. Prusiner proposa que l’agent responsable de l’EST était probablement composé partiellement ou entièrement de la protéine anormale, pour laquelle il a inventé le terme de « protéine prion » et « prion » pour l’agent. L’expression de la protéine prion par les animaux (non essentielle à leur survie) a été ensuite montrée comme essentielle pour les infecter avec des ESTs, et une variété de mutations dans la protéine a été clairement associée avec les ESTs dans les maladies familiales, expliquant le modèle autosomal dominant de la maladie et confirmant le rôle central de la protéine dans la pathogénèse (Goldgaber et al., 1989; Gambetti et al., 2003). Cette terminologie et l’hypothèse prion sont devenues largement acceptées.

Figure 48. Diagramme schématique de la structure de la protéine PrPC humaine d’après des études en résonance magnétique nucléaire, de ses modifications post-traductionnelles et des épitopes reconnus par les anticorps anti-PrP.

La PrP humaine mature contient 209 acides aminés. Elle est constituée d’un domaine N-terminal flexible contenant quatre répétitions d'octapeptide de liaison au cuivre et d’un domaine C-terminal replié contenant deux feuillets β et trois structures hélicoïdales α. Les cystéines aux positions 179 et 214 forment une liaison disulfure entre les domaines α2 et α3. Deux sites de glycosylation liés au N-terminal sont en position 181 et 197, et l'ancre GPI est liée au résidu 231. Les épitopes reconnus par les anticorps anti-PrP 1E4 et 3F4 sont situés au niveau des résidus 97 à 105 et 106 à 112, respectivement. (d’après (Das and Zou, 2016))