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Autres motifs amyloïdes prion-like dans les champignons filamenteux

4 Les amyloïdes et les prions

4.6 Les amyloïdes fonctionnels

4.6.1 Les amyloïdes fonctionnels prion-like chez les champignons filamenteux

4.6.1.2 Autres motifs amyloïdes prion-like dans les champignons filamenteux

Les motifs HRAM (Het-s Related Amyloid Motif)

En plus du motif prion canonique HET-s, d'autres motifs de signalisation amyloïde existent dans les champignons. Une recherche bioinformatique visant à définir des motifs avec une structure répétée présents aux extrémités C-terminales des domaines HeLo ou HELL a révélé l'existence de cinq sous-familles de motifs amyloïdes apparentés à HET-s, les HRAMs (Daskalov et al., 2015a) (Figure 60). La divergence de séquence entre les familles peut être considérable, les motifs de différentes familles pouvant partager moins de 10% d'identité. Chaque sous-famille est définie par une signature de séquence spécifique, et en dépit de variations de séquences considérables au sein des signatures de motifs, des caractéristiques communes à toutes les sous-familles comme la présence de résidus hydrophobes aux positions 3,6 ,8 et 14 et la présence de G en position 17 sont retrouvées. Des analyses de co-variance suggèrent fortement que les sous-familles HRAM adoptent un repliement similaire à celui de HET-s de P. anserina. Les analyses de co-variance prédisent des interactions en registre entre les motifs R1 et R2. Le motif de signalisation amyloïde HET-s s’est donc diversifié dans des sous-familles différentes. Dans certaines espèces, comme P. anserina, il y a co-existence de HRAMs appartenant à différentes familles, HET-s (famille HRAM1) et HELLF (famille HRAM5, la plus divergente de HRAM1) (cf. ci-après), ce qui suggère l’existence de voies de signalisation amyloïdes parallèles. Des approches structurales sont requises afin de déterminer jusqu’à quel point le repliement dans les différentes familles HRAM ressemble au repliement canonique de HET-s et jusqu’à quel point les différents motifs peuvent ou non s’amorcer réciproquement (cross-seeding) (Daskalov et al., 2020). Dans une fraction

ARC/TPR STAND (PNT1). Le motif PP est représenté par une ligne rose. (B) Alignement de la région du motif PP de HELLP, SBP et PNT1 avec une partie du motif RHIM de RIP1 et RIP3 humains. (C) Signatures des séquences des régions centrales des motifs PP et des motifs RHIM générées avec Skylign. La taille des lettres correspond au niveau de conservation. (d’après (Daskalov et al., 2016))

Figure 63. Structure de l'hétéro-amyloïde RIPK1-RIPK3 de la voie de la nécroptose.

L'interface hydrophobe comprenant les résidus 532–543 de RIPK1 et 451–462 de RIPK3 est représentée. Les résidus hydrophobes (Ile et Val) sont représentés en blanc et entourent un noyau hydrophobe rectangulaire. Asn (rouge) et Gln (bleu) participent aux liaisons H entre chaînes latérales exposées aux solvants alors que les résidus Tyr (couleur sable), Ser et Thr sont également empilés à la périphérie du noyau non polaire. Une échelle Cys-Ser est contenue à l’intérieur du noyau hydrophobe. Cette structure est déposée sous l'entrée PDB 5V7Z. (d’après (Mompeán et al., 2018))

substantielle des espèces fongiques analysées, des motifs de deux (ou trois) familles HRAM coexistent. En fonction du niveau de cross-seeding entre les familles, on peut imaginer que les HRAMs se sont diversifiés en cascades de signalisation fonctionnellement diverses permettant des voies de signalisation linéaires ou ramifiées. Une protéine de Fusarium graminearum appartenant à la famille HRAM1 (la famille englobant également HET-s de P. anserina) a été caractérisée, elle présente un PFD fonctionnel qui adopte une structure étroitement apparentée à celle de HET-s (Wasmer et al., 2010; Benkemoun et al., 2011). Les protéines HET-s et FgHET-s ont une identité de 38% dans la région PFD. Des transconformations réciproques et une infection prion se produisent entre les PFD homologues, mais lorsqu'ils sont co-exprimés dans la même cellule, la polymérisation homotypique est favorisée par rapport à la formation d'agrégats hétérotypiques (Wasmer et al., 2010; Benkemoun et al., 2011).

Le motif sigma, σ

Un élément cytoplasmique infectieux a été décrit dans le champignon filamenteux Nectria

haematococca (Graziani et al., 2004). Cet élément, σ, apparaît spontanément et conduit à un

phénotype d'altération de croissance appelé secteur. Le phénotype de secteur conduit à une croissance lente et anormale et à une pigmentation marquée. L'élément σ responsable de ce phénotype est transmis par contact cytoplasmique et dépend d'un locus nucléaire appelé ses. Ce locus est un locus complexe contenant trois gènes adjacents, sesA, sesB et het-eN. sesA code une protéine avec une homologie distante avec le domaine HeLo, sesB code une lipase putative et het-eN code une protéine NLR avec un domaine NACHT et des répétitions ankyrine. sesA, sesB et het-eN partagent une courte région d'homologie, le motif sigma, situé à l'extrémité C-terminale des protéines dans sesA et sesB et à l'extrémité N-terminale de la NLR het-eN (Graziani et al., 2004; Daskalov et al., 2012). Cela a conduit à la proposition que les protéines sesA et sesB sont régulées par het-eN via le motif de signalisation amyloïde sigma. Le motif de séquence sigma ne partage aucune similitude avec le motif HRAM et semble être composé de trois sous-motifs répétés immédiatement adjacents d'environ 8 à 9 acides aminés de longueur. Il est proposé que l'élément infectieux sigma corresponde à un co-prion impliqué dans l'agrégation amyloïde auto-propagée de sesA et sesB (Daskalov et al., 2012). L'expression de sesA dans la levure a montré que la protéine subit une transition de phase et forme des foci positifs à la thioflavine in vivo, en cohérence avec l'hypothèse selon laquelle l'élément σ correspond à un prion amyloïde (Khan et al., 2018) (Figure 61).

Le motif PP

Figure 64. HELLF est un homologue distant de HET-s codé dans le génome de P. anserina.

(A) Homologie de séquence entre les PFD de HELLF et HET-s. Les deux pseudo-répétitions sont encadrées. Les résidus conservés sont représentés dans la palette de couleurs de Taylor et l'intensité de la couleur reflète le degré de conservation. (B) Représentation MEME montrant la conservation des résidus spécifiques de HRAM. (C) Agrégats en forme de foci du PFD de HELLF (GFP-HELLF (209-277)) formés dans P. anserina. La barre d'échelle est de 5 µm. (D) HELLF contrôle une réaction de mort cellulaire programmée telle que déterminée par le phénotype « barrage » (pointe de flèche blanche) entre les souches exprimant HELLF entier et les souches exprimant le PFD de HELLF à l'état prion : [φ]. (E) Micrographie électronique d'assemblages fibrillaires du PFD de HELLF, échelle: 100 nm. (d’après (Daskalov et al., 2020))

mais se retrouve également dans une large gamme d'ascomycètes filamenteux, tout comme les motifs HRAM et sigma (Daskalov et al., 2016) (Figures 61 et 62) . Chez C. globosum, le motif PP se trouve dans un cluster de trois gènes codant pour PNT1 (une NLR avec un domaine NB-ARC et des répétitions TPR), HELLP (un homologue distant de HET-S) et SBP (une lipase prédite homologue à sesB). Dans ce cas, la protéine NLR PNT1 régule l’activation de deux protéines effectrices, une protéine avec un domaine HELL induisant la mort cellulaire nommée HELLP et une lipase putative, SBP. HELLP possède un domaine HELL N-terminal et un motif PP C-terminal. Comme het-S, le gène codant pour HELLP est adjacent à un gène codant pour une NLR avec un motif N-terminal amyloïde. Il a été constaté que le domaine HELL est également un domaine inducteur de mort cellulaire ciblant la membrane et contrôlé par transduction amyloïde. Sur la base de la similitude entre HELLP et HET-S, il a été proposé que le domaine HELL pourrait également fonctionner comme un domaine de formation de pores, et que cette activité implique la région TM prédite. Comme le motif amyloïde HET-s, le motif PP doit être considéré comme un amyloïde fonctionnel soumis à des contraintes évolutives pour optimiser et maintenir la fonction. Les trois protéines partagent un motif commun de 19 à 20 acides aminés de longueur appelé PP (pour pseudopalindrome). De manière remarquable, ce motif montre une similitude de séquence avec le motif amyloïde RHIM intervenant dans la nécroptose chez les mammifères (précédemment décrite). Les deux motifs partagent une région centrale G-ϕ-Q-ϕ-G commune qui correspond au noyau central du nécrosome amyloïde RIPK1/RIPK3 avec une interdigitation serrée des chaînes latérales des deux séquences RHIM se faisant face dans le plan de la structure croisée β (Mompeán et al., 2018; Saupe, 2020) (Figure 63), soulevant la possibilité d'une conservation évolutive à long terme des motifs amyloïdes fonctionnels. Cependant, en raison de la faible complexité de la séquence et de la courte taille de ces motifs, un scénario alternatif d'évolution convergente vers une capacité de formation d'amyloïde ne peut être exclu. Il a été proposé que le motif RHIM soit apparenté au motif HRAM (Kajava et al., 2015). Mais comparé au motif HRAM1 de HET-s, le motif PP a une plus grande similitude de séquence avec RHIM. De plus, comme RHIM, le motif PP se présente comme un motif unique plutôt que comme deux pseudo-répétitions.