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Le système HELLF/FNT1 chez Podospora anserina

4 Les amyloïdes et les prions

4.6 Les amyloïdes fonctionnels

4.6.1 Les amyloïdes fonctionnels prion-like chez les champignons filamenteux

4.6.1.3 Le système HELLF/FNT1 chez Podospora anserina

La paire NWD2/HET-S a été utilisée comme paradigme pour un criblage bio-informatique extensif à la recherche de paires de NLR/effecteur additionnelles fonctionnant par conversion amyloïde chez les champignons (Daskalov et al., 2012, 2015a). Cela a résulté en l’identification chez P.

anserina d’un homologue distant de HET-S nommé HELLF (Figures 64 à 67) (Daskalov et al., 2020).

HELLF code une protéine avec un domaine N-terminal HeLo-like et un PFD C-terminal avec deux sous-motifs répétés partageant moins de 15% d’identité avec le PFD de HET-s. Le gène adjacent à hellf code

Figure 65. HELLF est un homologue distant de HET-S

(A) Le gène hellf est codé dans le génome de Podospora anserina et est adjacent à un gène codant pour une NLR appelé fnt1. Ci-contre, un schéma du groupe de gènes (hellf/fnt1), qui ressemble au groupe de gènes formé par het-S et nwd2. (B) Architecture des domaines des protéines HELLF et HET-S induisant la mort cellulaire, ainsi que celle de FNT1 et du récepteur de type NOD, NWD2. Les régions PFD de HELLF et HET-S et la région formant des amyloïdes des NLRs sont représentées par une ligne bleue et orange, respectivement. (C-D) Le prion amyloïde à base de HELLF se propage in vivo. Bistabilité de 277) (C) et de HELLF(L52K) (D) in vivo. Images de microscopie à fluorescence des fusions moléculaires HELLF(209-277)-RFP (C) et HELLF(L52K)-GFP (D) surexprimées, montrant les états d'agrégation de HELLF dans les souches [Φ]. Aucun agrégat n'est observé dans les souches [Φ *]. Barre d'échelle : 5 µm. (E) HELLF-GFP se localise à proximité de la membrane plasmique dans des cellules hétérocaryotiques contenant des agrégats de HELLF(209-277)-RFP (l'état prion [Φ]). Barre d'échelle: 5 µm (d’après (Daskalov et al., 2020))

Figure 66. Structure en RMN du solide du prion HELLF(209-277).

(A) Vue latérale d'une représentation en ruban de la structure du prion de HELLF(209-277), représentant cinq monomères empilés en arrangement fibrillaire. Les molécules individuelles sont représentées par des couleurs différentes. (B) Vue de dessus des pseudo-répétitions formant le solénoïde, R1 (en haut) et R2 (en bas), de HELLF(209-277). Les résidus hydrophobes sont représentés en blanc, les résidus acides en rouge, les résidus basiques en bleu et les autres en vert. (d’après (Daskalov et al., 2020))

une NLR nommée FNT1, constituée d’un domaine NB-ARC et de répétitions TPR, et d’une région N-terminale R0 homologue aux répétitions R1 et R2 du PFD de HELLF. HELLF se comporte de façon similaire à HET-S dans tous les aspects analysés. La région C-terminale de HELLF forme un prion nommé [], qui est incompatible avec la protéine HELLF entière. Lors de l’interaction avec [], HELLF se relocalise dans la région membranaire et cause la mort cellulaire. La région N-terminale de HELLF forme des fibres et est capable d’induire la formation du prion []. La structure en RMN à l’état solide du PFD de HELLF a révélé que les prions HET-s et HELLF ont une structure quasi-identique (Figure 67) malgré des grandes divergences de séquence (seulement 17% d’identité entre les pseudo-répétitions R1 et R2 du PFD de HELLF et les pseudo-répétitions du PFD de Het-S/-s) (A. Daskalov et al., 2020).

Compte tenu de la similitude structurale entre les repliements prions des protéines HELLF et HET-s et que ces protéines se retrouvent dans la même espèce, les interactions croisées entre les états prions [Φ] et [Het-s] ont été étudiés dans notre laboratoire, in vivo. Il a été constaté que les souches [Φ] ne convertissent pas les souches non-prion s *] en état prion s] et que les souches [Het-s] n'induisent pas la formation de prions [Φ]. Les fibrilles du PFD de HELLF ne présentent aucune infectivité [Het-s] et les fibrilles du PFD de HET-s ne présentent aucune infectivité [Φ] dans les tests de transfection. Les PFD de HELLF et HET-s forment des agrégats indépendants in vivo, indiquant que les deux prions ne co-agrègent pas. Les souches co-exprimant HELLF et HET-s peuvent afficher quatre états épigénétiques possibles ([Het-s *] [Φ *], [Het-s] [Φ] mais aussi [Het-s *] [Φ] et [Het- s] [Φ *]) confirmant que [Het-s] et [Φ] sont des prions indépendants, puisqu’ils n’ont aucune influence l’un sur l’autre. Étant donné que les structures du squelette prion des PFD de HET-s et HELLF sont presque identiques, il semble qu'une forte similitude structurale et les interactions de ces squelettes à feuillets  soient insuffisantes pour la transconformation amyloïde et/ou la co-agrégation (A. Daskalov et al., 2020).

En faisant varier les résidus spécifiques de HRAM entre les PFD de HET-s et HELLF, la barrière de cross-seeding entre les deux prions pourrait être franchie. Des membres du laboratoire ont remplacé cinq résidus sur chacune des deux pseudo-répétitions HRAM5 de 21 acides aminés de HELLF par des résidus des positions correspondantes trouvées dans les pseudo-répétitions HRAM1 de HET-s (Daskalov et al., 2020). La séquence conçue a été appelée HEC (HET-s closer). Ils ont ciblé les résidus de remplacement qui sont essentiels pour distinguer HRAM5 (HELLF) de HRAM1 (HET-s) (Daskalov et al., 2015a). Les cinq substitutions d'acides aminés pour chaque pseudo-répétition de HELLF ont été introduites dans deux sous-motifs spécifiques de HRAM5 fortement conservés de la protéine - le QxFG (position 1-4, où x est tout résidu d'acide aminé possible) et QG (QI) (position 16-18). Ils ont exprimé HEC dans une souche de Podospora Δhet-sΔhellf et testé la capacité de la protéine à se propager sous forme de prion et à porter la spécificité prion [Het-s] et/ou [Φ] in vivo. Les souches exprimant GFP-HEC ont montré deux phénotypes distincts; Les souches [HEC *] présentaient une fluorescence GFP-HEC

Figure 67. Le repliement amyloïde du prion HELLF(209-277) présente une forte similitude avec celui du prion HET-s(218-289), mais les deux domaines prion sont incapables de cross-seeder in vivo.

(A) Alignement des structures formant la colonne vertébrale des PFD de HELLF (en bleu) et HET-s (en jaune) obtenues en RMN du solide. (B-C) Sont montrés ici quatre schémas représentant le noyau triangulaire hydrophobe des fibrilles amyloïdes formées par les pseudo-répétitions successivement empilées –R1 (panneaux de gauche) et R2 (panneaux de droite) - de HELLF (B) et de HET-s (C). Les résidus d'acides aminés ornant l’ossature amyloïde sont dessinés sous forme de perles de différentes couleurs. Les résidus hydrophobes sont représentés en blanc, les résidus acides en rouge, les résidus basiques en bleu et les autres en vert. (D) Images de microscopie à fluorescence de souches co-exprimant HET-s-RFP (état [Het-s *] ou [Het-s]) et le mutant HELLF (L52K)-GFP (incapable d’induire la mort cellulaire) (état [Φ*] ou [Φ]) présentant des combinaisons épigénétiques distinctes. Barre d'échelle : 2 µm. (E) Modèles 3D pour les deux pseudo-répétitions de différentes familles HRAM. (d’après (Daskalov et al., 2020))

diffuse, n'ont pas induit de prions [Het-s] ou [Φ], et n'ont pas pu déclencher la mort cellulaire par incompatibilité avec les souches exprimant HET-S ou HELLF. Il a été observé que certaines souches [HEC*] ont fait, spontanément et à faible taux (~ 10%), une transition vers un état [HEC] caractérisé par l'apparition d'agrégats fluorescents en forme de foci. Aucune des souches [HEC] spontanées n'a pu induire [Het-s] ou produire un barrage avec une souche HET-S. Pourtant, les souches [HEC] ont induit la mort cellulaire avec des souches exprimant HELLF, indiquant que la séquence HEC modifiée montre une spécificité de prion [Φ] et ce phénotype a été appelé [HECΦ]. Il a ensuite été constaté qu'après un contact avec une souche [Het-s], les souches [HEC*] sans prion pouvaient également être converties en un état [HEC], caractérisé par l'apparition d'agrégats fluorescents GFP-HEC en forme de foci et la capacité d'induire la mort cellulaire avec HELLF, indiquant que l’état prion de HEC peut être induit à la fois par HELLF et HET-s. Surtout, il a été constaté que les souches [HEC] induites par [Het-s], contrairement aux souches [HECΦ], étaient capables de convertir les souches s*] en souches [Het-s] et d'induire la mort cellulaire avec HET-S. Par conséquent, ce phénotype a été appelé [HECS]. De plus, il a été observé que les agrégats de GFP-HEC de souches [HECS] partiellement co-localisés avec [Het-s] et non avec [Φ], tandis que les agrégats HEC fluorescents de la souche [HECΦ] produisaient les résultats opposés et co-localisaient majoritairement avec [Φ]. Il a été conclu que la séquence HEC modifiée pouvait se propager sous forme de deux souches de prions distinctes [HECΦ] et [HECS] et était capable de franchir la barrière de cross-seeding entre les prions [Het-s] et [Φ]. Puisque HEC a été conçu par le remplacement ciblé des résidus spécifiques de HRAM, ces résidus doivent jouer un rôle clé dans le contrôle de la propagation des prions, permettant ou empêchant les cross-seeding croisés entre les familles de HRAM (Daskalov et al., 2020) (Figure 67).

Le système FNT1/HELLF constitue un deuxième système de signalisation amyloïde induisant la mort chez P. anserina. Le fait que les prions [Het-s] et [] ne puissent pas interagir et donc se convertirent l’un et l’autre indique que NWD2/HET-S et FNT1/HELLF constituent deux voies de signalisation parallèles.