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“Le paragraphe oral anglais”

4.2 Les ligateurs

4.2.2 Les ligateurs énonciatifs

Contrairement aux ligateurs précédents, qui marquent la construction du discours, les ligateurs énonciatifs soulignent avant tout la prise en charge des relations de énonciation par le locuteur qui se situe alors soit dans une optique de rupture de la co-énonciation en adoptant une attitude de repli, soit au contraire dans une optique de construction ou de maintien de la co-énonciation lorsque la parole de l’autre est prise en compte, avec anticipation de la prise de position de l’autre. Avec les ligateurs énonciatifs, il y a évaluation par l’énonciateur du discours déjà posé, ou du discours à venir. Dans notre

corpus, mais c’est le cas également dans d’autres corpus, les ligateurs énonciatifs sont en plus grand nombre que les ligateurs discursifs, mais ils apparaissent chacun moins fréquemment. Le ligateur le plus fréquent est “well” (19 occurrences), puis vient “ o h ” (16 occurrences, avec en plus un ligateur composé qui constitue une variante de “oh”, à savoir “oh (my) god”, 2 occurrences), ensuite, on rencontre le couple “yeah / no” (15 occurrences de “yeah”, plus 1 occurrence de “yes” couplé avec “oh” et 3 occurrences de “yeah” couplé avec “oh”!; 11 occurrences de “no”), et enfin, les ligateurs “hem, mm, uh” (14 occurrences), dont nous verrons qu’ils n’ont pas ici le rôle de marque du travail de formulation.

Nous traiterons ensemble, à la fin de cette section, les ligateurs énonciatifs plus rares, tels que les vocatifs et les exclamations diverses.

WELL

“Well” est un ligateur qui est souvent difficile voire impossible à traduire en français et qui est souvent associé au désaccord. Ce n’est cependant pas l’avis de J. Szlamowicz (2001), pour qui “Well n’exprime pas en soi le désaccord mais une évaluation, ce qui ne préjuge pas nécessairement du contenu de cette évaluation. La valeur polémique vient du résultat de l’évaluation, pas du marqueur qui renvoie au processus d’évaluation lui-même.” (pp.!229-230) Ceci explique que “well” puisse fort bien se trouver dans un ligateur composé avec “yeah”. Toujours selon Szlamowicz, “Well indique que l’énonciateur accepte de discuter sur les bases qui viennent d’être énoncées.” (id.) Nous avons trouvé que le ligateur “ben” était celui qui permettait de mieux rendre “well” sur le plan de la traduction, car on retrouve en “ben” cette notion d’évaluation de ce qui est posé. Mais à la différence de “ben”, dont Morel et Danon-Boileau (1998) disent qu’il “indique une rupture de consensualité qui débouche sur des considérations qui n’engagent que l’énonciateur” (p.!157), “well” n’indique aucune rupture du consensus. Nous notons en plus de cette définition que “well” est l’un des ligateurs privilégiés (avec “oh”) d’introduction du discours rapporté, à tel point que nous avons trouvé un cas où il est même utilisé pour introduire un discours indirect. Sur le plan prosodique, Szlamowicz trouve que “well” est souvent modulé en plage haute et donc particulièrement concerné par la gestion de la co-énonciation. Sur le plan de la mimo-gestualité, dans la mesure où “well” exprime une évaluation du discours précédent, cette évaluation aboutit soit à un résultat positif (l’énoncé est alors marqué par un sourire), soit à un résultat négatif (qui est marqué par un froncement de sourcils ou une moue!; la moue étant un indice plus fort de rejet que le froncement de sourcils qui peut aussi exprimer le doute). Nous allons illustrer ces remarques par quelques exemples.

Exemple 1!: bilan positif de l’évaluation de “well” Préambule 2 = ligateur

TU 98 (Z)!: then [puis] Rhème 3

i came straight ‰ to FRANCE Ê [je suis venue directement en France] Préambule 3 = ligateur + point de vue

TU 99 (Z)!: and {0,5} then i think Ê [et puis je pense] Rhème 4

YOUR AC/cent be/comes {0,612} /§France France§/ french ‰ {1,059 (laugh)} [que ton accent devient français]

Préambule 4 = ligateur TU 101 (Z)!: WELL [ben] Rhème 5

it’s a north-south thing Ê {0,529} §yeah§ {1,904} [c’est un truc nord/sud §oui§]

Dans cet exemple, on voit bien que “well” ne signifie pas un rejet de l’opinion de l’autre puisque les deux locutrices sont dans un consensus parfait. Michelle, pour illustrer le propos de Zoe, introduit une réplique “France France” qu’elle prononce d’abord avec un accent français, marquant la voyelle nasale [ã], puis à l’anglaise, c’est-à-dire sans la voyelle nasale (elle nous a elle-même expliqué sa réplique lorsque nous avons réécouté ensemble l’enregistrement, car le passage ne nous semblait pas très clair après une première écoute, en grande partie à cause du chevauchement!; “là, nous dit-elle, j’imite les français”). Elle est donc dans un parfait consensus avec Zoe qui parlait de son accent lorsqu’elle est en Angleterre, et des modifications qu’il subit selon elle après un long séjour en France. La remarque qu’elle fait ensuite est assez sybilline dans la mesure où l’on ne sait pas si le “North-South” s’applique à la France ou à l’Angleterre (Aurait-elle interprété la réplique de Michelle comme illustrant la différence d’accent entre le nord et le sud de la France, ce qui donnerait des réalisations phonétiques similaires à celles produites par Michelle!?). Mais qu’elle ait ou non interprété correctement ce que dit Michelle, sa remarque ne va absolument pas à l’encontre de la réplique de Michelle. D’ailleurs, elle rit d’entendre Michelle prononcer “France” avec un accent et continue de sourire pendant son évaluation qui sera sanctionnée d’un “yeah” par Michelle. S’il y a eu une erreur d’interprétation, elle passée totalement inaperçue des deux interlocutrices et le consensus n’en a nullement souffert.

Exemple 2!: “well” à valeur de rectification Préambule 1 = ligateur + modus

TU 711 (Z)!: no I’M gonna: ‰ XXX the [non je vais XXX le] Préambule 2 = support lexical + point de vue + modus

WELL for THE TRAIN that i hope ‰ {0,253} you’re gonna [euh pour le train que j’espère que tu vas]

Rhème 1

get and i’ve got Ê is the nine o’clock ‰ {0,801} nine twenty or some:thing (F0-) Ê {0,666} §YEAH§ [avoir et que j’ai c’est celui de neuf heures neuf heures vingt ou quelque chose comme ça §oui§]

Ici, “well” introduit une rectification. La locutrice évalue l’état de son début d’énoncé, ne le juge pas satisfaisant et effectue un nouveau départ (qui sera grammaticalement incorrect d’ailleurs du fait de la présence de “for”). Ce jugement négatif est marqué par le fait que

Zoe fronce les sourcils à partir de “well” et maintient le froncement jusqu’à “hope”.

Exemple 3!: “well yeah” = acceptation momentanée du discours de l’autre Rhème 6

TU 432 (Z)!: WE’LL do the WHOLE hour: in french Ê {0,5 + (h)} of: /uh Ê {0,4} §YUCK§/

HOW to:!Ê HOW: to: use: the: Ê {0,64} the tools: Ê how to use the::: /the Ê §’bout/ the lab and stuff (h)§ (h) HOW [on fera toute l’heure en français sur euh §beurk§ commment comment utiliser les les outils comment utiliser les les §le labo et ce genre de truc§ comment] Préambule 7 = ligateur

TU 438 (Z)!: WELLYEAH [ben oui] Rhème 7

HOW to use the LAB Ê [comment utiliser le labo] Préambule 8 = ligateur + marque TdF

TU 439 (Z)!: but mm [mais mm] Rhème 8 + incise

TOOLS are more LIKE Ê RESOURces ‰ °and that sort of thing:° (pas de F0!: murmure) §oh

right§ ‰ [les outils sont plutôt des ressources °et ce genre de choses° §oh d’accord§]

Dans cet exemple, Zoe cherche un terme qu’elle ne parvient pas à trouver et Michelle lui en propose un “the lab”. Dans un premier temps, Zoe va évaluer ce terme avec “well”, puis l’accepter momentanément “yeah how to use the lab”, puis le rejeter en partie “tools are more like resources”, “resources” étant le terme qu’elle cherchait depuis le début du passage et qui va être fortement marqué sur le plan mimo-gestuel par un haussement de sourcils, un retour du regard de Zoe sur Michelle et l’écartement des doigts de la main gauche qui étaient repliés sur “like”. Prosodiquement, ce mot va aussi être marqué par une hausse de l’intensité (intensité compensatrice, Szlamowicz, 2001) et une intonation montante, marquant que le consensus va pouvoir être rétabli. Mais c’est surtout la valeur d’évaluation de “well” qui nous intéresse ici, qui est doublement marquée sur le plan mimo-gestuel et qui s’accorde parfaitement avec ce qu’en dit Szlamowicz (p.!234)!: “well renvoie naturellement à une dimension intérieure, celle de la réflexion, ce qui souligne son statut métalinguistique évaluatif.” À la fin du rhème 6 où apparaît tout le travail difficile de formulation marqué par les nombreuses interruptions, reprises et faux-départs, Zoe met sa main gauche en forme de “coupe” (main en supination21, doigts légèrement repliés) comme pour souligner une attente de don (la forme de la main évoque celle des mendiants)!: le don arrive (il s’agit de l’aide de formulation apportée par Michelle sous la forme de sa réplique “’bout the lab and stuff”) qui va fournir un nouveau point d’appui possible “the lab”. Le don est ensuite soupesé par Zoe pendant la production de “well”!: la main gauche, toujours en forme de coupe effectue le geste de soupeser quelque chose sous la forme d’un battement du haut vers le bas. De même, pendant la production de “well”, le regard est dirigé vers le bas et la tête penchée indiquant le repli sur soi, la dimension intérieure de la réflexion dont parlait Szlamowicz. Elle redresse ensuite la tête en produisant “yeah” mais sans regarder Michelle, le “yeah” indiquant l’acceptation du terme proposé, mais acceptation “faute de mieux”, puisque Zoe plisse le nez en le

prononçant, ce qui indique qu’elle n’est tout de même pas très satisfaite. De nombreux travaux sur le travail de formulation voient en “well” un filler (“un remplisseur de pause”), mais il est clair que cette analyse est insuffisante, car elle ne fait ressortir que l’aspect de la réflexion au détriment de l’évaluation.

Exemple 4!: “well” comme introducteur de discours rapporté Préambule 1 = ligateur + point de vue

who said ‰ [qui disait] Rhème 3

TU 213 (M)!: how’s it going on in your: halls Ê[comment ça se passe dans ton logement étudiant] Préambule 2 = ligateur + point de vue

TU 214 (M)!: AND like: [et genre] Préambule 3 = ligateur

TU 215 (M)!: (h) {0,462} WELL {0,614} [ben] Rhème 4 + ponctuant

TU 216 (M)!: i never see any of my french people Ê {0,115} my french hem flatmates!Ê they never talk to me Ê °you KNOW° ‰ [je ne vois jamais mes français mes euh co-locataires français ils ne me parlent jamais °tu sais°]

Préambule 4 = point de vue TU 218 (M)!: i said [j’ai dit]

Préambule 5 = ligateur (le rhème est absent car Zoe intervient)

WELL Ê{0,055} [ben]

Michelle raconte ici comment elle a rencontré une connaissance anglaise qui, après lui avoir demandé comment cela se passait pour elle en France, lui donne ses propres impressions. Nous en reparlerons dans la partie portant plus précisément sur le discours rapporté, mais il est souvent construit de la manière suivante!:

Préambule 1 Préambule 2 Rhème

Ligateur Point de vue + verbe introducteur de discours rapporté Ligateur du discours rapporté Discours rapporté

and like (point de vue elliptique car il reprend “who said”)

well i never see any of my french people my french hem flatmates they never talk to me you know

De ces trois éléments, seul le rhème est obligatoire, mais les cas sont extrêmement nombreux où tous les éléments sont présents. Bien entendu, le discours n’est pas restitué dans son intégralité, mais l’utilisation du ligateur “well” donne une idée du discours antérieur et de l’état d’esprit de l’énonciateur à l’origine du discours rapporté par Michelle. Ici, sans doute après avoir parlé des expériences de Michelle, l’énonciateur inconnu évalue ses propres impressions sur son séjour en France, évaluation marquée par l’emploi de “well”. Ce n’est que pendant la pause qui suit “well” qu’il exprime un avis négatif sur ce séjour en France!: en effet, Michelle ne fait pas que restituer les paroles de cet énonciateur inconnu, elle en restitue également la mimique (pendant la pause de 0,614!s, elle fait une moue, qui, parfaitement intégrée au discours rapporté qui commençait dès la production de “well”, est censée appartenir à l’énonciateur de cet énoncé). La réflexion que souligne “well” est également marquée par le fait que Michelle place sa

main gauche derrière sa tête. Le deuxième “well” du passage est cette fois le fait de Michelle et souligne que celle-ci évalue les impressions de cet énonciateur inconnu. En revanche, du fait de son interruption par Zoe et de l’absence de marques posturo-mimo-gestuelles spécifiques sur ce ligateur, nous ne connaissons pas le résultat de cette évaluation (elle pourrait tout aussi bien avoir émis un commentaire exprimant une certaine compassion, qu’un commentaire du type “si tu ne rencontres pas de Français, c’est peut-être aussi que tu ne fais pas l’effort d’aller vers eux”).

Dans certains cas, surtout lorsqu’il est introducteur de discours rapporté, le ligateur “well”, qui signifie toujours une évaluation de la situation, n’est pas du tout suivi d’un jugement, qu’il soit positif ou négatif, comme dans l’exemple suivant!:

Exemple 5!: “well” introducteur de discours rapporté sans jugement exprimé Préambule 3 = ligateur + point de vue

TU 1033 (M)!: and they said [et ils ont dit] Préambule 4 = ligateur

TU 1034 (M)!: well Ê [ben] Rhème 3

(h) THERE JUST WASn’t a Ê demand ‰ {1,329} §OH:::§ (F0+) {0,746} [la demande n’était pas suffisante §oh§]

Dans cet exemple, Michelle raconte comment le magasin Marks and Spencer de Nantes a arrêté de vendre du cheddar (fromage anglais) et ce qu’on lui a répondu lorsqu’elle en a demandé la raison. Comme dans l’exemple précédent, le discours rapporté est composé d’un préambule (préambule 4) et d’un rhème (rhème 3). Par l’utilisation du ligateur “well”, Michelle marque que le personnel auquel elle s’est adressée a effectué une évaluation de la situation pour en arriver à la conclusion que le cheddar ne se vendait pas en France et qu’il valait mieux le retirer des magasins. Aucun jugement n’est émis dans cet exemple. On peut y voir une certaine forme d’excuse, mais elle est peut-être induite par l’intonation montante sur “demand”. “Well” est émis en intonation basse et descendante indiquant le repli sur soi de l’énonciateur “they”. Là encore, en l’absence de jugement, la mimo-gestualité n’est pas mise à profit.

Exemple 6!: “well” introducteur de discours au style indirect libre Rhème 1

TU 703 (Z) : (h) I am: WELL I’VE got the nine o’clock one this time Ê [je suis ben j’ai pris celui de neuf heures cette fois]

Préambule 1 = ligateur + point de vue + ligateur

TU 704 (Z) : just cos i thought ‰ well [juste parce que j’ai pensé ben] Rhème 2 > préambule pour le paragraphe suivant

in {0,121} in terms of the trams: and stuff (F0-) Ê {1,67 (bruit)} [pour pour les trams et tout ça]

Enfin, ce dernier exemple montre à quel point “well” est fréquemment associé au discours rapporté, puisqu’il apparaît ici pour introduire un discours au style indirect libre. En effet, le préambule 1 est censé introduire une pensée rapportée de Zoe!: tout l’indique car on a la même structure que celle présentée pour l’exemple 4 et qui valait pour

l’exemple 5, à savoir un ligateur et un verbe introducteur de discours rapporté (ici, le verbe introducteur de pensée rapportée “think”), suivi d’un deuxième ligateur censé introduire la pensée rapportée. En revanche, contrairement aux exemples précédents, le rhème 2, bien qu’étant elliptique, n’est pas du discours direct car il est introduit par l’expression “in terms of” qui le ramène au plan énonciatif du rhème 1. Pour avoir un style indirect, le rhème 2 aurait dû être introduit par le relatif “that”!: “just cos I thought that in terms of the trams and stuff” (“juste parce que j’ai pensé qu’en ce qui concernait les trams et tout ça”). Le style direct aurait dû être construit de la manière suivante!: “just cos I thought the trams and stuff” (“juste parce que j’ai pensé les trams et tout ça”), qui aurait entre parenthèses été surprenant avec un énoncé inachevé!; il aurait fallu une suite du type “ne circulent peut-être pas à cette heure-là”. Ici, on a style hybride avec élision du relatif mais maintien de l’expression “in terms of” et de la structure du style direct avec emploi du ligateur “well” qui en font un style indirect libre.

YEAH / YES / OKAY

Si “yeah” est très fréquent dans notre corpus en position de ligateur comme en position de régulateur verbal (nous allons revenir sur cette distinction dans un instant), “yes” et “okay” sont en revanche très rares (deux occurrences de “yes” dont une couplée avec “oh” et deux occurrences de “okay”), contrairement semble-t-il à ce que nous avons pu voir dans d’autres corpus (voir le corpus de J. Szlamowicz, 2001 ; et le corpus de R. Gardner, 2001, pour les régulateurs verbaux). De plus, en ce qui concerne “okay”, les deux occurrences sont produites par Zoe au tout début de l’enregistrement, lorsque les deux locutrices se présentaient, et donc dans la partie de l’enregistrement qui était la moins naturelle. On rencontre une autre occurrence de “okay” plus loin dans le discours, prononcé par Michelle, mais c’est un régulateur verbal et non un ligateur.

Contrairement à ce qu’a fait J. Szlamowicz dans sa thèse, où il a classé selon toute apparence les régulateurs verbaux dans la catégorie des ligateurs, nous avons effectué une distinction entre les deux. En effet, l’emploi d’un ligateur suppose qu’il y ait au moins une intention de rhème (qui n’est pas toujours actualisée du fait des interruptions possibles et fréquentes dans un dialogue) de la part de l’énonciateur. Un régulateur verbal ne suppose aucunement que son émetteur désire prendre la parole. Les régulateurs verbaux ont reçu plusieurs dénominations dans la littérature telles que backchannels et

response tokens (Gardner, 2001), back-channels (S. Duncan, 1972 et 1973), feed-back (L.

Fontaney, in Cosnier & Kerbrat Orecchioni, 1987). M.-M. de Gaulmyn (in Cosnier & Kerbrat Orecchioni, 1987) en donne la définition suivante, inspirée de Cosnier!:

“La régulation selon J. Cosnier se manifeste de façon non-verbale, par des moyens soit expressifs!: le regard, le sourire, soit moteurs!: hochement de tête, et par des moyens vocaux!: les murmures diversement modulés. Elle se

manifeste aussi par des régulateurs tels que!: “oui, ouais, d’accord, c’est vrai”. Je distingue en effet, à l’intérieur de ce que J. Cosnier appelle la régulation verbale, les régulateurs vocaux non identifiables comme unités de la langue et les régulateurs verbaux qui correspondent à un ou plusieurs mots repérables comme tels malgré une intensité sonore faible et une tension articulatoire modérée.” (pp.!203-204)

Plus loin, elle dit également!:

“Il existe dans une conversation un certain nombre de contributions linguistiques ou quasi-linguistiques qu’il est difficile de considérer comme des tours de parole réguliers et comme des interventions, mais qui sont des réactions constitutives de l’acte d’écouter (…)” (p.!208).

Difficile donc de classer ce que Morel (2001) nomme les productions sonores de

l’écouteur du récit parmi les interventions, et donc de leur trouver un statut de ligateur. De

plus, nous avons effectué comme premier découpage de notre corpus un repérage des tone-units, comme nous le disions dans l’introduction, or il faut rappeler qu’un tone-unit doit contenir au moins un nucleus (une syllabe comportant l’accent de groupe, Deschamps, Duchet et al., 2000)!: comment considérer qu’une syllabe prononcée avec une

intensité sonore faible et une tension articulatoire modérée puisse être considérée comme

une syllabe tonique!? Un “mm” peut-il constituer un tone-unit et pourquoi ne parle-t-on jamais de ces interventions minimales dans les ouvrages traitant d’intonation et censément basés sur des corpus de parole spontanée!? Ceci explique pourquoi nous avons laissé de côté dans ce chapitre les “yeah, okay, right, all right…” qui constituent les interventions de l’interlocutrice (nous en reparlerons lorsque nous aborderons les régulateurs verbaux) que nous ne considérons pas comme faisant partie du préambule, et jouant un rôle de ligateur, c’est-à-dire comme reliant entre eux deux énoncés. En revanche, nous avons tout de même rencontré des “yeah, yes, okay” en position de ligateur, et assumant pleinement ce rôle. C’est ce dont nous allons parler maintenant.

Dans leur description de “oui” et “ouais”, Morel & Danon-Boileau (1998) notent que c’est plutôt “oui” qui assume le statut de ligateur, alors que “ouais” est plutôt utilisé comme régulateur verbal et que “curieusement, le «!oui!» à l’initiale d’une intervention est l’annonce d’un point de vue divergent. En fait, l’énonciateur souligne qu’il a saisi