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Le TU dans un corpus de parole spontanée

Méthodologie!: de l’enregistrement du corpus à la prise des mesures

2.5 Définition du Tone-Unit .1 L’accent

2.5.3 Le TU dans un corpus de parole spontanée

Prenons quelques exemples dans notre corpus pour illustrer les difficultés rencontrées. Le soulignement indique le chevauchement ; {XXX} = pause en secondes

Exemple 1!: TU 34!: Hebburn yeah my dad is TU 35!: Ja rrow

Exemple 2!: TU 49!: well i think she spent {0,549} all her childhood there I’m not

quite sure {0,535} and then {0,258} she joined the WAAFS Exemple 3!: TU 143!: i {0,276} insulted what’s his name Fred dy

TU 144-145!: Fre ddy {0,343} yeah {0,886} TU 146!: for you

Exemple 4!: TU 436!: how to how to use the {0,640} the tools how to use the the Il nous faut préciser ici que ces exemples sont loin d’être exceptionnels dans notre corpus, et qu’un découpage purement syntaxique pose problème pour déterminer des TU. De plus, les TU, tels qu’ils étaient vus dans les descriptions traditionnelles, se voulaient des découpages prosodiques, or les choix de frontières prosodiques ne sont pas toujours justifiés par les descriptions traditionnelles (elles semblent souvent aller de soi). Les exemples 2 et 4 montrent que les pauses ne sauraient être le seul indice pour fixer les frontières de TU. Les exemples 1 et 3 posent le problème de l’absence de nucleus!: dans l’exemple 1, l’énoncé est interrompu et bien que “dad” soit accentué, il n’est pas nucleus, dans l’exemple 3, les deux syllabes “for you” sont inaccentuées, mais restent cependant difficilement reliables à ce qui est énoncé par Michelle en TU!145 après la courte intervention de Zoe, et surtout après la pause longue de 0,886!s. Ce bout d’énoncé a été prononcé comme une précision venant après coup, doit-on l’ignorer ou bien en faire un TU sans nucleus!? Ces quatre exemples illustrent parfaitement les difficultés qui se sont régulièrement présentées à nous dans notre découpage. Il va de soi qu’une adaptation de la définition traditionnelle des TU est nécessaire pour que ce type de segmentation puisse s’appliquer à la parole spontanée.

Evelyn McClave a apparemment rencontré les mêmes difficultés que nous dans ses recherches sur l’intonation et la gestualité dans un corpus de parole spontanée et présente, dans deux études de 1994 et 1998 un découpage plus “prosodique”, ou en tout cas plus justifié sur le plan prosodique, de son corpus, qui nous a semblé très intéressant et que nous avons adopté à quelques modifications près. Nous reformulons ici les paramètres qu’elle a pris en compte (identiques dans les deux études, aussi nous référerons-nous à la plus récente pour les indications de pages)!:

1) Les pauses!: une reprise de souffle est toujours considérée comme marqueur de frontière (dans notre corpus aussi, mais elles sont parfois déplacées, comme nous allons le voir, au même titre que les pauses silencieuses), ainsi que les pauses longues (> 1!s). Par contre, les pauses brèves sont parfois considérées comme marqueur de frontière, parfois non. Elle donne l’exemple de la répétition!: dans le cas d’une répétition d’une partie de l’énoncé (“are they /XXX/ are they called /XXX/ sheer”, exemple donné p.!76). La pause interne à la répétition n’est pas considérée comme frontière. Dans un autre exemple en revanche, elle considère la pause comme frontière (p.!76!: “which is life /XXX/

threatening”) dans la mesure où “life”, ainsi que la première syllabe de “threatening” sont prononcés avec un mouvement mélodique important indicateur de nucleus, elle note deux TU.

2) L’anacruse (p.!76)!: correspond à un changement de rythme. Les syllabes inaccentuées en début de TU sont prononcées plus rapidement que les syllabes suivantes. En cas d’absence de pause, l’anacruse signale le début d’un nouveau TU.

3) L’allongement syllabique (p.!76)!: allongement de la syllabe finale (accentuée ou inaccentuée) du TU. Signale également une frontière entre deux TU.

4) Les changements de direction intonative pour des syllabes inaccentuées contiguës (p.!77)!: les syllabes inaccentuées en fin de TU sont souvent prononcées dans un registre différent de celui des syllabes inaccentuées en début de TU (généralement, le registre est plus bas en fin de TU qu’en début de TU). Le changement de registre peut donc indiquer un changement de TU.

5) Les changements de registre (p.!77)!: ils se rencontrent dans deux cas de figure. Le premier cas concerne le discours rapporté (le locuteur peut changer de registre pour se moquer ou prendre une certaine distance par rapport à ce qu’il rapporte, et prendre une voix plus aiguë pour imiter une femme, ou une voix plus grave pour imiter un homme). Le deuxième cas concerne les tours de parole interrompus. Le deuxième locuteur coupe la parole du premier locuteur (et l’on rencontre effectivement ici un changement de registre)!: deux tours de parole différents = deux TU distincts. Ceci l’amène à faire une modification importante par rapport à la définition traditionnelle du TU!: dans la mesure où un TU peut être interrompu, le nucleus ne peut plus constituer un élément nécessaire du TU, et l’on peut rencontrer des TU qui ne possèdent pas de nucleus.

Nous avons repris ces paramètres pour notre découpage, avec cependant une précision en ce qui concerne les pauses. La thèse de M. Candea (2000) nous apporte un élément de réponse important en ce qui concerne les pauses. En effet, dans sa thèse, M. Candea considère qu’il existe deux types de pauses!: les pauses structurantes et les pauses non-structurantes. Les pauses structurantes marquent les frontières entre les constituants, et plus la pause est longue, plus la frontière est importante (p.!166). Les pauses non-structurantes servent à la recherche de formulation. En revanche, M. Candea précise que ces pauses non-structurantes doivent toujours être précédées d’une marque du travail de formulation (allongement syllabique, pause non-silencieuse, marque d’hésitation), et ce n’est pas toujours le cas dans notre corpus. Elle signale d’ailleurs elle-même quelques exceptions à cette hypothèse (Voir aussi Candea, 1997).

Ê indique une intonation descendante

‰ indique une intonation montante

{XXX} indique une pause en secondes

italique nucleus

: allongement de la syllabe

Exemple 1!: TU!22-23!: have you ever been there: ‰ cos your mum’s: ‰ {0,94} you said your mum’s from there: ‰ isn’t she ‰

Dans cet exemple, nous distinguons quatre TU, chaque TU comportant un nucleus. TU 1!: have you ever been there

TU 2!: cos your mum’s

TU 3!: you said your mum’s from there TU 4!: isn’t she

Nous plaçons une frontière entre le TU 1 et le TU 2, car la dernière syllabe du TU 1 est allongée (ce qui est normal en fin de groupe syntaxique), de plus, il y a changement de direction intonative entre la syllabe “there” et la syllabe “cos” (“resetting”!: c’est-à-dire que “cos” est plus basse sur le plan intonatif que “there”, ce qui permet d’avoir de nouveau une intonation montante en fin de TU). Ainsi, même s’il n’y a pas de pause entre les deux groupes, ils n’en constituent pas moins deux TU distincts. Nous plaçons également une frontière entre le TU 2 et le TU 3 pour les mêmes raisons (cette fois-ci, il y a bien une pause, mais elle est brève). En revanche, au sein du TU 3, on aurait pu voir deux TU (“you said” et “your mum’s from there”), mais la prosodie ne justifie absolument pas une telle délimitation (pas de changement de direction intonative, encore moins de registre, pas de pause, ni même de micro-pause, pas d’allongement syllabique). Le dernier TU est le question-tag!: la littérature considère les question-tags soit comme TU indépendants, soit comme fins du TU précédent. Ici, il forme un TU indépendant dans la mesure où là-aussi, il y a rehaussement, et allongement de la dernière syllabe du TU 3.

Exemple 2 (déjà cité précédemment)!: TU 33!: Hebburn: ‰ yeah my dad is Ê Cet exemple contient deux TU!:

TU 1!: Hebburn TU 2!: yeah my dad is

Le premier TU est prononcé avec une intonation montante et la dernière syllabe est allongée. Le deuxième TU (qui est syntaxiquement inachevé) est prononcé avec une intonation descendante. Nous n’avons pas de délimitation entre “yeah” et “my”, car ce “yeah” n’est pas accentué, n’est pas non plus allongé et n’est en aucune façon séparé de ce qui suit. Nous considérons par conséquent qu’il fait partie du TU 2.

Exemple 3 (déjà cité précédemment)!: TU!49!: well I think ‰ she spent: {0,445} all her

childhood there: I’m not quite sure: {0,535} and then: {0,258} she joined the

WAAFS Ê

L’exemple 3 peut être décomposé en quatre TU!: TU 1!: well I think

TU 2!: she spent all her childhood there TU 3!: I’m not quite sure

TU 4!: and then she joined the WAAFS

Dans cet exemple, il y a un seul rehaussement intonatif entre les TU 1 et 2, les TU 2, 3 et 4 étant prononcés avec une intonation qui décroît régulièrement. La longue pause à l’intérieur du TU 2 ne constitue pas une frontière dans la mesure où il s’agit d’une pause non-structurante. La frontière entre les TU 2 et 3 est justifiée par l’allongement de la syllabe “there” et par le fait qu’il y a deux nuclei. La pause qui sépare les TU 3 et 4 est structurante, en revanche, celle qui est située à l’intérieur du TU 4 ne l’est pas.