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“Le paragraphe oral anglais”

4.3 L’expression de la modalité!: point de vue et modus

4.4.1 Analyse discursive du cadre

Mary-Annick Morel et Laurent Danon-Boileau (1998) définissent le cadre du préambule de la manière suivante!:

“Ce n’est pas le support du rhème. C’est plutôt l’indicateur d’un topos au sens aristotélicien, la délimitation d’une zone de prédication. Le lexème qui correspond à ce cadre définit une sorte de métonymie de l’ensemble des rhèmes qui pourraient lui être associés.” (p.!40)

et donnent l’exemple suivant (pp.!27-28) pour illustrer le découpage du paragraphe oral en français, que nous reprenons ici afin de montrer les différences qui existent entre le cadre français et le cadre anglais!:

Exemple 1!: exemple donné par M.-A. Morel et L. Danon-Boileau (1998:27-28) Paragraphe 1

préambule 1 = point de vue + cadre

quand vous dites vous êtes allé donner un cou rs préambule 2 = ligateur

en fait rhème 1

c’est e vous avez voulu savoir comment on pouvait se rendre utile préambule 3 = ligateur + modus + cadre 1 + cadre 2

pa(r)ce que c’est vrai qu’ souvent dans le {50} dans not(re) courrier préambule 4 = support lexical disjoint

on a des gens

rhème 2 + incise > préambule = point de vue + cadre (DRD)

qui disent °oh oui je {20} suis à la retrai:te je ne {50} sais pas quoi fai:re j’m’ennuie j’m’embête° {30}

préambule 5 = ligateur + point de vue + modus et on peut très bien

incise

°vous n’êtes pas vous à la retraite° {60} Paragraphe 2

préambule 6 = ligateur + point de vue + modus mais vous avez voulu f/ {50}

rhème 3

savoir comment on pouvait se rendre utile et {30} et s’occuper préambule 7 = ligateur + modus + cadre

e: justement si on s’ennuie si on s’embête rhème 4

y a plein d’choses à faire Paragraphe 3

préambule 8 = ligateur + cadre entre autres {50} dans les hôpitaux préambule 9 = support lexical disjoint il y a des enfants

rhème 5

qui attendent des visites {60} (…)

Nous reprenons cet exemple, sans noter les valeurs d’intonation et d’intensité. La différence avec nos exemples est que les pauses sont notées en centisecondes. Les

premières remarques que l’on peut faire pour comparer le cadre dans nos deux corpus, c’est qu’en anglais, on ne rencontre jamais une telle série de cadres dans un passage aussi bref. Nous avons déjà vu que l’anglais comporte beaucoup moins de préambules que le français, langue beaucoup plus décondensée à l’oral, mais parmi ces préambules, seuls 11,5!% d’entre eux comportent un cadre (nous ignorons le pourcentage de préambules français comportant un cadre, mais il nous semble largement plus élevé), ce qui est déjà pas mal pour l’anglais lorsque l’on sait que la grande majorité des préambules ne comportent qu’un ligateur. Dans de nombreux cas, le cadre est tout simplement donné en fin de rhème comme dans l’exemple 2!:

Exemple 2!: cadre donné en fin de rhème Préambule 2 = ligateur

TU 393 (Z)!: and [et]

Rhème 7 > préambule paragraphe 1, séquence 9

COquille jacques Ê {0,337} everything was bre/ton Ê {0,0676} [les coquilles saint-jacques tout était breton]

Séquence 9!: cuisine

Paragraphe 1 > préambule paragraphe 2 Rhème 1 = SVO36 + cadre 1 + cadre 2

TU 395 (M)!: I HAD/ THOSE the other day in a chinese re staurant Ê {0,459} §they’re nice:§ Ê [j’en ai mangé l’autre jour dans un restaurant chinois §c’est bon§]

Ici, Zoe introduit un nouvel objet de discours à propos de son expérience de la Bretagne, les coquilles Saint-Jacques, qui est repris par Michelle. Il nous semble que l’énoncé que fournit Michelle en réaction à la proposition du nouvel objet de discours, ne se rencontrerait pas dans un corpus d’oral français. On trouverait plutôt un énoncé du type!: “tiens / ah oui, l’autre jour je suis allé dans un restaurant chinois et j’en ai mangé”, c’est-à-dire justement avec un préambule composé d’un ligateur “tiens / ah oui” et des deux cadres, alors qu’en anglais dans cet exemple mais qui est loin d’être unique, la locutrice pose d’emblée le rhème qui fournit dans son ensemble le cadre de tout le paragraphe. Par ailleurs, lorsque le cadre est donné dans le préambule, il est également parfois repris tel quel dans le rhème, où il devient redondant, comme dans les exemples suivants (nous définirons plus loin les différents cadres que nous avons rencontrés).

Exemple 3!: cadre spatio-temporel repris dans l’incise Préambule 2 = ligateur + modus + cadre

TU 299 (M)!: because SOMEtimes Ê (h) WHEN E verybody went HOME ‰ [parce que parfois quand tout le monde rentrait à la maison]

Rhème 4

i’d STAY for a week-end: Ê [je restais le week-end] Préambule 3 = ligateur

TU 301 (M)!: and: [et]

Incise explicative qui sert aussi de préambule à ce qui suit

{1,398 + (h) + bruit} °Anyway anyone Ê {0,0829} EVERY one went home week-ends Ê but

I ’

D STAY sometimes° Ê [°n’importe qui n’importe quoi tout le monde rentrait à la maison le week-end mais moi je restais parfois°]

L’exemple 3 est intéressant dans la mesure où Michelle introduit un cadre dans le préambule “when everybody went home” puis le rhème “I’d stay for a week-end”. Le cadre fournit la manière d’interpréter le rhème!: “ce qui était étrange, c’était que tous les élèves et les enseignants rentraient chez eux le week-end, la laissant toute seule dans le collège”, mais ce cadre ainsi que le rhème qu’il définit est repris intégralement dans une sorte d’incise (qui comporte toutes les marques prosodiques de l’incise explicative!: débit accéléré, F0 bas et plat, intensité basse), mais qui n’apporte aucune précision supplémentaire par rapport à ce qui a été donné précédemment (le “anyway anyone” est un faux départ qui fonctionne phonétiquement en anglais mais est évidemment très mal rendu dans la traduction française!: “everyone” est phonétiquement proche de “anyone”, qui est lui-même phonétiquement proche de “anyway”). Cette répétition inutile de ce qui a été dit juste avant donne l’impression que Michelle est mal à l’aise du fait d’avoir posé le cadre dans le préambule de manière disjointe et qu’elle ressent le besoin de liens syntaxiques plus forts et au lieu de dire “when everyone went home I’d stay”, elle émet “everyone went home but I’d stay”, en reliant les deux propositions par une conjonction.

Exemple 4!: reprise du cadre spatial dans le rhème suivant Préambule 2 = cadre

TU 981 (Z)!: IT ’ S NOT REA lly in France Êit’s not the same ‰ {0,521} [ce n’est pas vraiment en France ce n’est pas pareil]

Rhème 2

they’ve GOT the same stuff in France Ê {0,0715} [ils ont les mêmes choses en France] Préambule 3 = ligateur + marque TdF + cadre

TU 984 (Z)!: but in hem Ê {0,0632} in England Ê [mais en euh en Angleterre] Rhème 3

they’ve got: ALL: this NEW UNderwear: Ê [ils ont tous ces nouveaux sous-vêtements] Ici encore, le cadre “in France” est répété dans le rhème et on a l’impression que la répétition de ce cadre est nécessaire pour pouvoir marquer le contraste avec “in England”. Pour que le contraste soit possible entre les deux cadres, ils ne doivent pas être séparés par un rhème, c’est pourquoi Zoe réinstaure le cadre à la fin du rhème.

Exemple 5!: cadre temporel repris du rhème précédent Préambule 1 = ligateurs

TU 370 (Z)!: YEAH but ‰ [oui mais] Rhème 1 > préambule

Everything Ê it’s NICE LIKE from TIME to TIME Ê t’was really kind Ê [tout c’est sympa genre de temps en temps c’était vraiment gentil]

Préambule 2 = ligateur + cadre

TU 372 (Z)!: but (F0+) {0,601} LIKE from TIME to time [mais genre de temps en temps] Rhème 2

i just wanted to spend time Ê on my own ‰ {0,457 + (h)} [je voulais juste rester un peu toute seule]

Ici, l’exemple est différent dans la mesure où Zoe pose un cadre pour le rhème 2, mais ce cadre était déjà posé dans le rhème 1. Cette répétition contribue à donner une unité de cadre entre les deux rhèmes mais n’apporte rien sur le plan informationnel.

La principale différence avec le français réside dans le fait que le cadre anglais est beaucoup moins varié que le cadre français sur le plan sémantique. Nous avons rencontré quatre types de cadres dans notre corpus, dont la grande majorité est construite autour de l’axe spatio-temporel, mais nous avons également rencontré quelques cadres définitionnels. La répartition sémantique des cadres est donnée dans le tableau suivant!: Tableau 2!: Répartition sémantique des cadres donnés dans le préambule

Type de cadre Exemple % N

Temporel “at the end” 59,6 31

Spatial “just upstairs” 21,1 11

Spatio-temporel “on the way back as well” 9,6 5

Définitionnel “to the real daughter” 9,6 5

T o t a l 5 2

Ce tableau présente les types de cadres rencontrés dans notre corpus en donnant pour chaque type un exemple, le pourcentage d’occurrences par rapport aux autres types de cadre, ainsi que le nombre réel d’occurrences. Le nombre total (52 occurrences) montre la rareté du cadre anglais lorsque l’on considère que ce nombre d’occurrences porte sur une demi-heure de conversation.

Les cadres temporels et spatiaux, les plus fréquents, ne posent aucun problème de classification!; ce sont des propositions telles que “monday morning” (“lundi matin”), “every week-end” (“tous les week-ends”), “when I was seventeen” (“quand j’avais dix-sept ans”) ou “one year” (“une année”) pour les cadres temporels et “Hebburn”, “just upstairs” (“juste à l’étage”), “to arrive at the station” (“arriver à la gare”) pour les cadres spatiaux. Autrement dit, les cadres temporels situent le procès dans le temps (et il s’agit soit d’un repère temporel fixe comme “on the morning of the twenty sixth”, “le vingt-six au matin”, soit d’une durée ou d’un repère temporel plus large dans le temps “every week-end”), alors que les cadres spatiaux situent le procès dans l’espace. Il est très rare, à la différence du français, de trouver dans un même préambule un cadre spatial qui suit un cadre temporel ou l’inverse, comme lorsque Zoe dit!: “you know when I went to Josselin [cadre spatio-temporel] when I was seventeen [cadre temporel]” (TU 254!: “tu sais quand je suis allée à Josselin quand j’avais dix-sept ans”). En effet, dans cet exemple le “when I went to Josselin” fournit un cadre spatio-temporel (il s’agit d’une période de la vie de Zoe et d’un lieu, Josselin, dans lequel elle se trouvait à cette période) alors que “when I was seventeen” n’apporte qu’une information d’ordre temporel “à cette époque, Zoe avait dix-sept ans”. La rareté de ce procédé rend l’anglais de ce point de vue très différent du français où “l’expression du cadrage est parfois extrêmement décondensée” (Morel et Danon-Boileau, 1998:41). Si l’on a en effet l’impression qu’en français, les différents cadres spatiaux et temporels vont se succéder dans un même préambule pour apporter des informations par petites touches, l’anglais préfère dans ce cas une structure

où le cadre temporel et le cadre spatial se fondent l’un dans l’autre et sont indissociables (on retrouve ici ce besoin de structure syntaxique fort de l’anglais). Reprenons l’exemple que nous avons donné dans le tableau 2!: “on the way back as well” (TU 606!: “mais aussi pendant le trajet de retour” / “mais aussi au retour”), on s’aperçoit que cette seule proposition fournit à la fois les indications temporelles et spatiales “way back” indique qu’il s’agit du trajet de l’Angleterre vers la France dont parle Zoe, mais la préposition “on” indique ici que Zoe pose un moment précis dans la durée totale du trajet (“l’attente de deux heures à Lille”) comme nouvel objet de discours. Prenons un autre exemple!: lorsque Michelle dit “everytime I came out of my room” (TU 279!: “chaque fois que je sortais de ma chambre”) elle mêle également cadre temporel (une action répétée dans le temps) et cadre spatial (son emplacement par rapport à sa chambre). Pour exprimer la même chose en français, on est dans l’obligation d’avoir une subordonnée (“chaque fois

que je sortais de ma chambre”, “toutes les fois où je sortais de ma chambre”), mais on

entend également à l’oral deux cadres dans un même préambule comme dans “à chaque fois, quand je sortais de ma chambre”. Les deux structures du français sont absolument impossibles en anglais, langue beaucoup plus synthétique que le français. De même, lorsque Zoe dit “cos I left in f in February to go to Barcelona” (TU 186), l’emploi de “left” au début du cadre nous oblige à le considérer comme un cadre unique spatio-temporel (espace = Barcelone!; temps = février) et non pas comme deux cadres l’un temporel et l’autre spatial, car “left” (passé du verbe “leave” = “partir, quitter”) comporte une dimension spatiale sous-entendue (“Nantes”) dans son sémantisme. De nouveau, en français, il nous semble qu’on rencontrerait plus fréquemment à l’oral “parce qu’en février, je suis allée à Barcelone” ou “parce que je suis partie à Barcelone en février”, plutôt que “parce que je suis partie en février pour aller à Barcelone”, même si cette dernière structure n’est pas impossible.

Enfin, le dernier type de cadre que nous avons rencontré est ce que nous avons appelé cadre définitionnel (bien que ce cadre ne pose pas toujours une définition de l’objet de discours, mais le plus souvent, permet de proposer un objet de discours en l’opposant aux autres objets d’une même classe).

Exemple 6!: cadre définitionnel

Préambule 6 = ligateurs + marque TdF + cadre

TU 349 (Z)!: and THEN cos:/ hem there’s this woman that Ê looked after m e ! Ê THERE ‰ called madame Mary VONNE ‰ [et puis parce que euh il y a cette femme qui s’occupait de moi là-bas qui s’appelait Madame Maryvonne]

Préambule 7 = ligateur TU 351 (Z)!: and [et] Rhème 9 > préambule

she used to RING ROUND Ê going (F0-) Ê [elle téléphonait à tout le monde pour demander] Rhème 10

TU 352 (Z)!: (h) who’s gonna have Zoe Ê who’s gonna have Zoe ‰ [qui va prendre Zoe qui va prendre Zoe]

Zoe, dans un premier temps, s’apprêtait à poursuivre son récit de sa prise en charge par les familles des élèves à Josselin, mais s’interrompt pour poser le cadre où elle va définir l’auteur du discours rapporté. Si l’on avait eu uniquement “this woman called Madame Maryvonne she used to ring round going…”, on aurait eu affaire à un support lexical disjoint mais le cas est différent ici puisque l’objet de discours “woman” est introduit par le présentatif existentiel “there’s” (“il y a”) et ensuite, Zoe va définir le personnage en question en ajoutant “and” entre les divers éléments de la description. En effectuant cette définition, elle extrait en quelque sorte le personnage de la classe de toutes les connaissances qu’elle pouvait avoir à Josselin.

De même, lorsqu’elle demande à Michelle!:

Exemple 7!: cadre définitionnel Préambule 1 = ligateur + cadre

TU 249 (Z)!: so: it WAS a HEM boarding school Ê with like [donc c’était un internat avec genre]

Rhème 1 > préambule

TU 250 (Z)!: did the french pupils stay /there Ê §YEAH/§ {0,636} [est-ce que les élèves français dormaient sur place §oui§]

Dans cet exemple, le cadre est interrompu, mais ce que fait Zoe, c’est de définir l’objet “school” en opposant “boarding school” (“internat”) aux autres membres possibles de la classe des écoles (“externat”, mais aussi “école primaire / secondaire”, etc.) ce qui lui permet de fixer le cadre de sa question “did the French pupils stay there”). Sans ce cadre, la question, telle qu’elle est posée, aurait été extrêmement surprenante (Michelle n’aurait sans doute pas compris ce que Zoe aurait voulu dire), ou alors, il aurait fallu que Zoe pose uniquement la question “was it a boarding school”.

On a exactement le même procédé dans l’exemple suivant!:

Exemple 8!: cadre définitionnel

Préambule 4 = ligateur + point de vue + cadre

TU 536 (Z)!: (h) and she said to the REAL daughter Ê [et elle dit à la vraie fille] Préambule 5 = ligateur

TU 537 (Z)!: oh [oh] Rhème 4 > préambule

don’t worry Ê [ne t’en fais pas]

Là aussi, Zoe se lance dans la longue explication du film de Mike Leigh (nous avons vu plus haut que Michelle confond les personnages du film) et avant de rapporter le discours d’un des personnages, est dans l’obligation de poser le destinataire du discours rapporté comme cadre pour l’opposer à un autre destinataire possible et éviter par là toute confusion. En effet, “the real daughter” (“la vraie fille”) s’oppose à “the adopted daughter” (“la fille adoptée”) puisque la confusion de Michelle repose en grande partie sur la mauvaise identification des deux filles.

Exemple 9!: cadre définitionnel répété dans le rhème Préambule 1 = ligateurs + point de vue + cadre

TU 999 (M)!: {0,198 bruit} YEAH beCAUSE I mean it’s LIKE Marks Ê {0,265} no hem L

I ttlewoods Ê {0,132} [oui parce que je veux dire c’est comme Marks non euh Littlewoods]

Rhème 1

my mother always drags me to Little Ê WOODS ‰ {0,63 laugh} (h) [ma mère me traîne toujours chez Littlewoods]

Juste avant le passage donné dans l’exemple 9, Michelle et Zoe ont longuement parlé des magasins Marks and Spencer et Michelle veut désormais introduire un nouvel objet de discours, les magasins Littlewoods (autre chaîne de magasins anglais) afin d’effectuer une comparaison. C’est le même procédé d’extraction d’une unité dans une classe plus large (la classe des magasins anglais) qu’elle utilise et qu’elle pose comme cadre de son développement. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une fois encore, le cadre est répété en fin de rhème alors qu’elle aurait très bien pu employer “there” par exemple. C’est une fois ce nouveau cadre posé qu’elle va pouvoir effectuer sa comparaison entre les deux chaînes de magasins et dire qu’elle n’aime pas les produits qu’ils vendent, développement annoncé par “drag” (“traîner quelqu’un, quelque chose”) dans le rhème.

Enfin, pour finir sur cette présentation du cadre anglais, nous avons évoqué plus haut le fait que le cadre est en général très syntactisé y compris à l’oral, à la différence du français, et ceci se remarque dans deux aspects!: d’une part, le cadre est la plupart du temps introduit par une relative comme dans “when I spend time with my friends from home I have an accent” (TU!80!: “quand je passe un certain temps avec mes amis à la maison j’ai un accent”), le relatif “when” (“quand, lorsque”) étant celui que l’on rencontre le plus souvent pour introduire les cadres temporels ou spatio-temporels, mais on rencontre également parfois le présentatif existentiel “there’s”, comme dans “there’s a café is it does it look like a café” (TU!642!: “il y a un café est-ce que c’est est-ce que ça ressemble à un café”) ou dans “there’s a bit where you go through the customs” (TU!633!: “il y a un passage où on passe la douane”). On rencontre également des structures plus propres à l’anglais et tout à fait typiques de la structure synthétique de cette langue, comme celle que l’on trouve dans l’exemple suivant!:

Exemple 10!: cadre + point de vue donnés dans une seule structure Préambule 1 = cadre + point de vue

TU 659 (M)!: i: sat there going: Ê [j’étais assise là et je me disais] Rhème 1

TU 660 (M)!: (h) i really don’t: want to come ‰back: Ê {0,773 laugh M + Z} [je ne veux vraiment pas revenir]

(…)

Préambule 1 = cadre + point de vue

TU 662 (Z)!: i sat there thinking Ê [j’étais assise là et je pensais] Rhème 1

Cet exemple est intéressant dans la mesure où Zoe reprend exactement la même structure syntaxique que celle introduite par Michelle quelques répliques auparavant en ne changeant qu’un seul terme (elle emploie “think” pour introduire sa pensée rapportée au lieu de “go”). Le fait de préciser par le verbe “sit” la situation de l’énonciatrice en train de penser “I really don’t want to come back” ou “I’m doing the wrong thing” n’apporte pas tant une information sur le plan spatial qu’une information sur l’état d’esprit des deux filles au moment de leur retour en France en début d’année. Elles se représentent non pas dans le dynamisme joyeux que peut procurer la pensée d’une expérience nouvelle et enrichissante, mais au contraire dans l’abattement procuré à la fois par la longue attente de la correspondance des trains, mais aussi et surtout par l’idée du retour en France, dont elles ne sont pas certaines qu’il soit le bon choix. “I sat there” pose donc tout de même un cadre spatial (elles se revoient assises dans cette gare, attendant leur correspondance), mais aussi un cadre plus général d’interprétation de ce qui va suivre (une opinion négative sur le retour). Ce cadre est également étroitement mêlé à l’expression du point de vue qui y est greffé.