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Les interceptions de communication douanières

Dans le document Poursuites et sanctions en droit pnal douanier (Page 102-106)

Section 3 : Les opérations de surveillance et d'infiltration

B. Les interceptions de communication douanières

46. Avant la loi du 10 juillet 1991, la jurisprudence française autorisait l'écoute téléphonique pratiquée par la police judiciaire sur le fondement du Code de procédure pénale et au nom d'une délégation par le juge d'instruction de ses pouvoirs de recherche de tous les éléments utiles à la manifestation de la vérité186, bien qu'aucun texte précis n'autorisât le recours aux interceptions de communication. La jurisprudence de la Cour de cassation exigeait de concilier protection de l'intimité et recherche de la vérité187. Notamment, la chambre criminelle exigeait que les enregistrements des conversations téléphoniques ne soient ordonnées que par un juge d'instruction et demeurent sous son contrôle. L'écoute devait être obtenue sans artifice, ni stratagème et sa transcription devait pouvoir être contradictoirement discutée188. La Cour européenne des droits de l'Homme amenée à se prononcer sur la validité de la pratique des écoutes téléphoniques condamna le droit français en raison de son manque de clarté sur l'étendue et les modalités d'exercice de cette prérogative, en violation des dispositions de l'article 8§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme189. Un texte est adopté en 1991 tenant compte des exigences du droit européen, il organise deux régimes190. L'un concerne les écoutes organisées dans le cadre d'une

186 Articles 81 et 151 du Code de procédure pénale

187 Cass. crim. 23 juil. 1985, Bull. crim. n° 275 ; JCP 1985, IV, p. 338 ; D. 1986, P. 537 note P. Chambon 188 Cass. crim. 15 mai 1990, Bull. crim. n° 193 ; JCP 1990, II, 21541, note Jeandidier

189 CEDH 24 avr. 1990, Huvig c/ France, D. 1990, p. 353, note J. Pradel ; RUDH 1990, p. 185 obs. Cohen- Jonathan

190 Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991, JORF 13 juil. 1991, p. 9167 ; « la loi du 10 juillet 1991 et les écoutes téléphoniques », JCP 1992, I, 3559, P. Kayser ; « un exemple de restauration de la légalité criminelle : le

information judiciaire, réglementées aux articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale. Ces dispositions ont été complétées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui permet dans le champ de la criminalité organisée définie à l'article 706-73 du Code de procédure pénale, au juge des libertés et de la détention sur la requête du procureur de la République d'autoriser une interception de communication en enquête préliminaire ou en enquête de flagrance191. L'autre est le régime des « interceptions de sécurité » qui intéresse directement la matière pénale douanière. L'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 définit une liste limitative d'infractions prévoyant en particulier « la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées » . La procédure des interceptions de sécurité fait l'objet d'une réglementation et est soumise à l'autorisation du Premier Ministre. L'article 4 de la loi vise expressément « le ministre chargé des douanes » comme l'une des autorités compétentes pour la « proposition écrite et motivée » d'interception soumise au Premier Ministre. L'autorisation d'intercepter les communications, est, comme en matière pénale, donnée pour une durée de quatre mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée192. Seuls les éléments en relation avec les faits justifiant l'autorisation d'interception peuvent être retranscrits sur un procès-verbal par les personnels habilités, qui doivent également établir un relevé de chaque opérations d'interception et d'enregistrement. L'enregistrement est détruit à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il a été effectué, cette destruction faisant elle aussi l'objet d'un procès-verbal. Les transcriptions sont également détruites lorsqu'elles ne sont plus utiles à l'enquête. La loi prévoit l'existence d'une commission chargée de présenter un rapport annuel au Premier Ministre sur les interceptions de sécurité. L'étude de ce rapport fait apparaître le nombre d'écoutes autorisées pour le Ministère de l'économie et des finances193. Cette Commission nationale de contrôle des interceptions de communication examine la légalité des autorisations d'interception délivrées par le Premier Ministre et peut contrôler la régularité du déroulement de toute interception de sécurité, d'initiative ou sur réclamation de toute personne. Elle peut ainsi dénoncer au Procureur de la République la commission d'infractions survenue au cours des opérations d'interceptions, la loi du 10 juillet 1991 prévoit

régime des interceptions de communication émises par la voie des télécommunications », D. 1992, chron. p. 49, J. Pradel

191 Pour une durée de quinze jours renouvelable une fois dans les conditions de l'article 100 alinéa 2, 100-1 et 100-3 à 100-7 du Code de procédure pénale

192 Article 6 de la loi du 10 juillet 1991

également des infractions propres et leur sanctions aux articles 24 à 26. Malgré le faible nombre de lignes à disposition de la Douane, elle dispose là d'un pouvoir d'investigation considérable194.

47. Dans les matières de la criminalité organisée énumérées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale, lorsque les nécessités de l’information judiciaire l’exigent, le juge d’instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers de police judiciaire et les officiers de douane judiciaire, commis par lui, à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé195. Aux fins de mettre en place ce dispositif technique, le juge d’instruction autorise l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, à l’insu de son propriétaire ou de l’occupant des lieux, même en dehors des heures légales. Si il s’agit d’un local d’habitation et que l’opération doit intervenir en dehors des heures légales, le juge d’instruction doit saisir le juge des libertés et de la détention à qui il revient de délivrer l’autorisation. L’ensemble de ces opérations (décision de recourir à un dispositif technique et mise en place de ce dispositif technique) sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction. La décision est prise pour une durée maximale de 4 mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée196. Tout comme pour les écoutes téléphoniques, les enregistrements, après leur description ou transcription, sont placés sous scellés fermés, puis détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.197. Il n'existe pas de dispositions équivalentes dans le Code des douanes. Hormis les douaniers habilités à l'exercice des missions judiciaires, qui ont des pouvoirs identiques à ceux des officiers de police judiciaire et agissent en application du Code de procédure pénale, les douaniers non habilités ne peuvent utiliser ce type de moyens d'investigations.

194 Loi n° 91-646 du 10 juil. 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de télécommunications, JORF 13 juil 1991 p 9167

195 Article 706-96 du Code de procédure pénale 196 Article 706-98 du Code de procédure pénale.

197 Articles 706-98 et 706-100 du Code de procédure pénale

Les dispositifs techniques prévus à l’article 706-96 du Code de procédure pénale ne peuvent être mis en place ni dans les lieux visés aux articles 56-1 à 56-3 du même code (cabinet ou domicile d’un avocat, cabinet d’un médecin, notaire, avoué ou huissier, locaux d’une entreprise de presse ou de communication

audiovisuelle), ni dans le véhicule, bureau ou domicile des personnes visées à l’article 100-7 du Code de procédure pénale (député, sénateur, avocat, magistrat). Ces restrictions sont prévues par l’article 706-96 alinéa 3 du Code de procédure pénale.

Dans la constatation des infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de produits stupéfiants, l'objectif des agents des douanes n'est pas seulement d'intercepter les marchandises de fraude, mais également de démanteler des réseaux de trafiquants. Le Code des douanes, dans le cadre de cette mission particulière, qui implique parfois de laisser se dérouler un trafic, voire de s'infiltrer dans un réseau, offre une protection juridique importante pour ces agents198. La loi encadre, cependant, la mise en œuvre de ces prérogatives afin d'éviter toute dérive et respecter le principe de la loyauté de la preuve, tout en assurant la sécurité juridique des agents des douanes.

§2. Les livraisons surveillées

48. Dans leur mission de lutte contre la contrebande de drogue, les douaniers avaient développé des pratiques audacieuses au regard du droit positif. Le cadre des investigations dans cette matière n'était pas régi par une loi mais la jurisprudence avait eu l'occasion de se prononcer sur le contentieux de « la provocation au trafic » dans l'activité policière199. La doctrine fait une distinction fondamentale entre la provocation à la preuve, admise sous certaines réserves et la provocation à l'infraction, prohibée en raison notamment du principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale200. Le manque de cadre légal faisait peser sur le degré d'admissibilité des provocations policières et douanières une incertitude génératrice d'insécurité juridique. Les douaniers procédaient donc à des actes s'apparentant à des actions de trafic sans aucune sécurité juridique pour eux-mêmes ni pour leur procédure. Dans un premier temps, le ministère de la Justice avait encadré la matière par voie de circulaire, posant le principe de la nécessité d'une liaison entre douaniers et magistrats du parquet, qui devaient « être strictement et complètement être informés des opérations envisagées et de leur déroulement exact » et donner leur accord. La loi du 19 décembre 1991 a réglementé les infiltrations de fonctionnaires dans les trafics de stupéfiants201, permettant ainsi aux services

198 Article 67 bis, V du Code des douanes

199 Cass. crim. 2 mars 1971, Rev. sc. crim. 1972, p. 859, note A. Legal

200 J. Pradel., « Trafic de drogue, provocation délictueuse des agents de l'autorité et permission de la loi. Commentaire de la loi n° 91-264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants », D. 1992, chron. p. 229

D. 1995, jurisp. p. 59, note sous Cass. crim. 22 avril 1992, H. Matsoupoulou

d'enquête d'avoir des moyens juridiques d'agir, mettant ainsi la législation française en accord avec la convention de Vienne du 20 décembre 1988. Elle a inséré dans le Code des douanes un article 67 bis. Elle autorise également les services de police et de gendarmerie à procéder à des livraisons surveillées, il s'agissait de l'article 706-32 du Code de procédure pénale et plus anciennement de l'article L 627-7 du Code de la santé publique, abrogé par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et remplacé par les articles 706-80 pour la surveillance et 706-81 à 706-87 du Code de procédure pénale pour les infiltrations. Il était nécessaire de trouver l'équilibre entre protection judiciaire des libertés individuelles et facilités procédurales pour les enquêteurs, particulièrement délicat en cette matière, ne permettre ces agissements qu'à la double condition, qu'ils ne fassent pas naître l'intention chez la personne abordée par l'agent de se livrer au trafic alors qu'elle ne l'avait pas encore et également qu'ils soient autorisés par l'autorité judiciaire. La loi prévoit les moyens attribués aux fonctionnaires et l'encadrement judiciaire de ces pratiques d'investigation en les distinguant en deux catégories relevant d'un contrôle plus ou moins fort de l'autorité judiciaire. Ce texte a été profondément modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui en étend considérablement le domaine, tout en préservant la distinction opérée par la loi du 19 décembre 1991 entre ce que l'on peur qualifier de « livraisons surveillées passives » et « livraisons surveillées actives » . L'objet de ces actes autorisés concerne à la fois les produits nécessaires soit en amont du trafic, puisque la loi vise « les substances utilisées pour la fabrication des produits illicites, ainsi que les matériels servant à cette fabrication », soit en aval, puisque la loi inclut également « les produits tirés de la commission des infractions », c'est à dire y compris les sommes provenant du trafic ayant fait l'objet d'un blanchiment202.

Dans le document Poursuites et sanctions en droit pnal douanier (Page 102-106)