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Un contenu limité par la jurisprudence

Section 1 : Les pouvoirs généraux de contrôle des agents des douanes

B. Un contenu limité par la jurisprudence

1. La jurisprudence a dû poser certaines limites à l'article 60 du Code des douanes, qui donne aux agents des douanes de vastes prérogatives du fait de sa rédaction sommaire en termes très généraux et dont la mise en œuvre ne nécessite pas que soient réunis au préalable des indices laissant présumer l'existence d'une infraction douanière66.

Si l'usage des pouvoirs des agents des douanes n'est possible que pour la recherche d'infractions douanières, lorsqu'ils agissent dans ce cadre, ils peuvent néanmoins relever une infraction qui n'est pas de nature douanière et qu'ils découvrent de manière fortuite. Dans cette hypothèse, soit les agents des douanes sont habilités à constater cette infraction, soit elle ne relève pas de leur compétence et ils en informent le parquet conformément à l'article 40 du Code de procédure pénale.

Le droit de visite douanier ne nécessitant aucune infraction flagrante, deux questions ont été soulevées en jurisprudence : quelle est la limite de la période pendant laquelle le contrôle est effectué ? Les agents des douanes peuvent-ils user de moyens de coercition durant le temps du contrôle ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation s'est prononcée sur la durée du contrôle exercé au titre de l'article 60 du Code des douanes et sur la légalité même de la rétention par un arrêt du 15 juin 198767. En l'espèce, des agents des douanes d'Orly avaient retenu une personne qu'ils suspectaient de contrebande de produits stupéfiants plus de quinze heures afin d'attendre l'arrivée de ses bagages, la personne ayant, au cours du contrôle, avoué transporter des produits stupéfiants. L'annulation de la procédure douanière a été prononcée aux motifs que « si la faculté pour les agents des Douanes de retenir les personnes découle implicitement mais nécessairement du droit, qui leur est reconnu par l'article 60 du même Code, de procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et à celle des personnes, cette mesure ne peut s'exercer que pendant le temps nécessaire à ces visites et à l'établissement du procès- verbal qui les constate ». En l'absence de dispositions précises, une partie de la doctrine considère que la rétention des personnes découle nécessairement du droit de visite. Les juridictions répressives estiment que la rétention ne peut durer que « le temps strictement nécessaire au contrôle » . La notion de durée nécessaire est appréciée en fonction de l'objet du contrôle. Ainsi, la Cour de cassation estime que l'article 60 du Code des douanes autorise la fouille d'un manteau et d'un bagage à main, ainsi que le maintien à disposition de la personne pour la rédaction du procès-verbal pendant plus de cinq heures68. Le droit de rétention, corollaire du droit de visite, sera apprécié par les juridictions en fonction des circonstances de fait. Par exemple, la chambre criminelle a estimé que la visite d'un voilier durant près de vingt-trois heures n'entache pas la procédure d'irrégularité69, ni le maintien à la disposition des agents des douanes d'un navire et de son équipage pendant une vingtaine d'heures, dès lors que les douaniers ont procédé à la visite « sans discontinuer »70. La Cour de cassation a renouvelé sa jurisprudence sur cette question en posant cependant une limite : les personnes contrôlées ne doivent pas être retenues contre leur gré et ne doivent faire l'objet d'aucune mesure coercitive71. En dehors de la découverte d'une infraction flagrante et donc sans la possibilité d'un placement en retenue douanière sur le fondement de l'article 323-1 du Code des douanes, les douaniers n'ont aucun moyen de coercition. Le refus de se soumettre à la visite sera constitutif d'une opposition à fonction, contravention de cinquième classe prévue à l'article 413 bis du Code des douanes. La personne doit se soumette aux injonctions des agents

67 Cass. crim. 15 juin 1987, Bull. crim. n° 249, Gaz. Pal. 1987, 2, p. 796 68 Cass. crim. 22 fév. 2006, Bull. crim n° 53, AJ pénal 2006, p. 219

69 Cass. crim. 17 sept. 1991, D. 1993, somm. p. 79, note J. Pannier ; Gaz. Pal. 1992, 2, 585 note J. Pannier 70 Cass. crim. 13 juin 1996, Bull. crim; n° 252, Gaz. Pal. 1996, 3, chron. p. 175

des douanes mais également aux demandes des douaniers visant à accomplir leur mission72. La jurisprudence étend largement la notion de respect des injonctions des douaniers concernant aussi celles destinées à permettre, en vue de la recherche de la fraude, la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes. L'opposition à fonction, qui se distingue des qualifications pénales de rébellion et de violences aggravées par la qualité d'agents de la force publique, notamment d'agents des douanes, existe en droit douanier, quelle que soit la modalité du droit de visite mis en œuvre. Il revient alors aux agents des douanes de préciser lors de la rédaction des procès verbaux les données factuelles relatives aux caractéristiques du moyen de transport et à l'emplacement de la marchandise, qui permettent à la juridiction répressive d'évaluer si la visite pouvait nécessiter le temps de rétention indiqué.

De même qu’il existe des pouvoirs spécifiques de contrainte sur les personnes, le code des douanes prévoit des pouvoirs d’appréhension des marchandises de fraude et des marchandises dites « sensibles » en raison de leur nature particulière.

§ 3. Le droit d'appréhender les marchandises

2. La mission traditionnelle de l’administration des douanes est d’assurer « la police des marchandises ». Les saisies douanières de marchandises recouvrent deux hypothèses. Soit les agents des douanes peuvent saisir des marchandises parce qu’ils constatent une infraction ; soit ils estiment, dans le cadre de leurs investigations, qu’il serait utile notamment pour la sûreté des pénalités ultérieures de saisir des marchandises et des biens et dans ce cas, ils doivent solliciter l’autorisation d’un magistrat. Il est intéressant de constater que l’on retrouve un mécanisme comparable dans le cadre des pouvoirs de perquisition des lieux privés. Les pouvoirs des agents des douanes ont donc pour finalité soit de rechercher la preuve de l’infraction douanière commise ou de préserver cette preuve, soit de sauvegarder les droits du Trésor public en prenant des garanties nécessaires pour le recouvrement des sommes dues. Les pouvoirs de rétention et de saisie des marchandises sont donc multiples (A). Ils sont

72 Cass. crim. 28 mai 1984, Bull. crim. n° 192, Rev. sc. crim. 1985, p. 573 obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ce que critiquent messieurs Berr et Trémeau p. 51 n° 83

complétés par des dispositions spécifiques relatives aux marchandises dites sensibles (B).