• Aucun résultat trouvé

Les conditions du déroulement de la visite domiciliaire

Section 2 : Les pouvoirs d'investigations des agents des douanes dans les lieux privés

A. Les conditions du déroulement de la visite domiciliaire

27. L'article 64 du Code des douanes prévoit les infractions pouvant donner lieu à une telle mesure, qui est limitée à la recherche des délits douaniers définis aux articles 414 à 429 et 459 du Code des douanes et est exclue en matière contraventionnelle. Son champ est donc plus restreint que celui de la perquisition en matière pénale ou que la la matière des contributions indirectes pour laquelle la visite domiciliaire peut être mise en œuvre pour la recherche de toutes infractions y compris des contraventions. Ce texte prévoit également que les fonctionnaires des douanes sont compétents par habilitation administrative pour l'effectuer132. La loi du 4 août 2008 dite loi de modernisation de l'économie a rehaussé le niveau de l'autorité en charge de la délivrance des habilitations puisqu'il s'agit désormais « du ministre chargé des douanes » en lieu et place du directeur général des douanes qui détenait cette

130 CEDH 21 février 2008, Ravon c/ France, n° 08497/03

131 Article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil » .

132 L'habilitation est accordée par l'administration des douanes différemment selon le cadre et le lieu d'intervention. Par exemple, hors flagrant délit et hors du rayon des douanes, seuls les agents des services spécialisés d'enquête peuvent effectuer une visite domiciliaire.

compétence. La Cour de cassation vérifie l'existence de l'habilitation133.

28. Les exigences tenant au moment de la visite, entre six heures et vingt et une heures demeurent. Le fait que la visite domiciliaire ne puisse avoir lieu entre vingt et une heures et six heures ne signifie pas qu'un visite ayant débuté dans le créneau horaire légal se poursuive au-delà. D'autre part, le droit douanier ne prévoit pas de dérogation à l'interdiction des perquisitions nocturnes, même avec des garanties de procédure renforcées contrairement à la matière pénale puisque l'article 59 du Code de procédure pénale réserve expressément le cas « des exceptions prévues par la loi ». Notamment, la procédure douanière ne connait pas les dérogations propres à la matière des stupéfiants 134. En matière de contributions indirectes, réglementation mise en œuvre également par les agents des douanes, en plus de la notion d'horaires légaux classiques, les dispositions de l'article L38, 2 du LPF autorisent également la visite pendant les heures d'ouverture de l'établissement lorsque celui-ci est ouvert au public, cette précision concernant les lieux ouverts au public ne figure pas dans le Code des douanes au titre de la visite du domicile mais dans les dispositions relatives à la visite des locaux professionnels135

29. La seconde exigence consiste dans la présence nécessaire d'un officier de police judiciaire. Cet officier de police judiciaire est désigné par l'autorité judiciaire hors flagrant délit. Dans le cadre d'une procédure de flagrance il est réquisitionné par le service des douanes et il existe donc pour cette raison un service de police détaché dans l'administration des douanes placé au sein de La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. L'officier de police judiciaire doit être présent pendant toute la durée de la procédure y compris lors de la rédaction des procès-verbaux, quel que soit le lieu de cette rédaction136 même si en raison de circonstances propres à l'enquête, elle a lieu postérieurement à la visite137. Il est le garant du respect de la procédure et le représentant de

133 Cass. crim. 29 oct. 1991, Bull. civ. n° 317 et Cass. crim. 27 juin 2000

134 Le Code de procédure pénale prévoit notamment à l'article 706-28 que « pour la recherche et la constatation des infractions visées à l'article 706-26, les visites, perquisitions et saisies prévues par l'article 59 peuvent être opérées en dehors des heures prévues par cet article à l'intérieur des locaux où l'on use en société de stupéfiants ou dans lesquels sont fabriqués, transformés ou entreposés illicitement des stupéfiants lorsqu'il ne s'agit pas de locaux d'habitation. »

135 Article 63ter du Code des douanes, alinéa 2 : « Cet accès a lieu entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, ou lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d'entreposage ou de commercialisation. ».

136 Article 330, 2 du Code des douanes

137 Cass. crim. 20 mars 1997, Dr. pénal 1997, comm. n°215

l'autorité judiciaire. La présence de l'officier de police judiciaire, chargé de tenir le magistrat informé du déroulement de la visite, s'inscrit dans la volonté de renforcer la protection des libertés individuelles. Il est chargé de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense. On peut remarquer que la garantie des droits de la défense est confiée à un officier de police judiciaire qui peut être amené à lui-même diligenter une procédure en cas de découverte d'une infraction connexe puisque la chambre criminelle valide les procédures policières débutant en flagrance alors que les policiers sont venus assister à une visite domiciliaire138. L'exigence de la présence d'un officier de police judiciaire fait partie du contrôle opéré sur la procédure de visite domiciliaire par les juridictions 139, notamment, les juridictions prennent soin de vérifier que la signature de l'officier de police judiciaire figure sur les procès-verbaux de douane140. L'article 64 du Code des douanes qui prévoit cette formalité tend à permettre de contrôler sa présence effective lors des opérations douanières, il doit être présent lors de la rédaction du procès-verbal. La chambre criminelle a confirmé la distinction entre l'accès à un local professionnel pour laquelle, selon l'article 63 ter, la présence d'un officier de police judiciaire n'était pas une nécessité pour la légalité de la procédure et visite domiciliaire141. Il existe cependant des exceptions à la présence obligatoire d'un officier de police judiciaire, notamment le cas de « la poursuite à vue », c'est à dire « pour la recherche des marchandises qui, poursuivies à vue sans interruption dans les conditions prévues par l'article 3 »2 du Code des douanes, sont introduites dans une maison ou un autre bâtiment, même « hors du rayon des douanes » . Mais il s'agit d'un cadre très spécifique de poursuite de la marchandise, prévu à l'article 332 du Code des douanes. Le Code des douanes ne comporte pas de dispositions spécifiques propres à la visite au domicile d'une personne soumise à un secret professionnel renforcé, telles qu'un avocat, un médecin, contrairement à la perquisition en procédure pénale, qui exige qu'elle soit effectuée par un magistrat, et au moins en présence du représentant de l'ordre professionnel lorsqu'elle se déroule chez un avocat142, dans le cabinet d'un médecin, d'un notaire, avoué, huissier143. Le caractère spécifique de la visite domiciliaire par rapport à la perquisition est d'ailleurs reconnu

138 Cass. crim. 5 sept. 2007, non publié, pourvoi n° 06-88017 139 Cass. crim. 2 juin 1986, JCP 1987, II, 20752

140 Cass. crim. 11 déc. 1989, Bull. crim. n° 470

141 Cass. crim. 5 nov. 2003, Bull. crim. n° 209, ; JCP 2004, p. 107

142 Article 56-1 du Code de procédure pénale et l'article 56-2 prévoit également la perquisition par un magistrat lorsqu'elle a lieu dans une entreprise de presse.

par la Cour de cassation144.

La Cour de cassation a par ailleurs estimé que si l'article 64 du Code des douanes réserve aux agents des douanes, à l'officier de police judiciaire et à l'occupant des lieux le droit de prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie, il ne s'applique pas aux marchandises puisqu'elle admet le soutien apporté à la douane par des experts de marques de vêtements lors des opérations de visite et saisie portant sur de la contrefaçon, en vertu de l'article 58 du Code de procédure pénale, applicable en la matière 145. Cette expertise s'avère particulièrement utile en cette matière où seules les titulaires des marques détiennent les éléments reprenant les caractéristiques techniques de leur produit permettant de distinguer le modèle original de la copie.

30. Une autre garantie est prévue par le texte douanier, consistant au respect du contradictoire puisque, comme en matière pénale, la visite domiciliaire doit se dérouler en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. En son absence, l'officier de police judiciaire, obligatoirement présent, doit requérir deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration. Paradoxalement, selon une jurisprudence de la Cour de cassation, aucune disposition du Code des douanes n'impose que la mise sous scellés de la saisie douanière réalisée au domicile visité soit effectuée en présence de l'occupant des lieux dès lors que la saisie et la mise sous scellés des documents ou objets sont effectuées en présence constante de l'officier de police judiciaire146. Il n'y aurait donc pas identité avec la procédure pénale, qui exige la présence de l'occupant des lieux, de son représentant ou de témoins en cas de saisie pour se prémunir de toute accusation portée contre les agents d'avoir ajouté à l'inventaire des objets ne provenant pas du domicile perquisitionné. Mais la chambre criminelle vérifie avec vigilance la présence effective de l'occupant des lieux lors de la visite domiciliaire.. La Cour de cassation a exigé une motivation précise des raisons justifiant le recours au représentant de l'occupant des lieux ou aux témoins requis, comme elle le fait en procédure pénale. En l'espèce, celui-ci placé en retenue douanière était représenté par son épouse 147.

31. L'un des véritables bouleversement réalisé dans la réglementation de la visite domiciliaire est l'extension considérable de son champ territorial. Désormais, les douaniers

144 Cass. crim. 27 avril 1987, Bull. crim. n° 164 145 Cass. crim. 5 août 2004, Bull. crim. n° 185 146 Cass. crim. 13 juin 1988, Bull. crim. n° 267

peuvent « procéder à des visites en tous lieux, mêmes privés où les marchandises et documents se rapportant à ces délits sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie »148 . Les agents des douanes ont donc un véritable droit de perquisition dans les lieux privés, qu'ils peuvent utiliser en complément de leur droit d'accès aux locaux professionnels, dans la mesure où l'article 64 du Code des douanes ouvre leur champ d'investigation à tous les lieux privés. Il inclut une conception large du domicile, identique à celle définie par la jurisprudence relative aux perquisitions de la matière pénale, c'est à dire « tout lieu constituant une résidence ou tout logement que peut occuper une personne à titre de résidence »149 . Entrent ainsi, par exemple, dans cette définition les chambres d'hôtel louées, les véhicules utilisés comme logement, les jardins ou cours clos, un yacht ou un voilier comportant des aménagements150. Un coffre-fort de banque est également assimilé à un domicile151. Cette jurisprudence est fondamentale en matière douanière puisqu'elle fonde la distinction entre l'usage de l'article 60 du Code des douanes sur le domaine public, l'article 63 du Code des douanes qui confère aux douaniers un droit d'accès aux locaux professionnels, qui sont déjà des locaux privés et l'usage de l'article 64 du Code des douanes qui permet de pénétrer jusqu'au domicile des particuliers152.

Dans les cas où la visite se déroule en flagrance, une extension considérable est admise par la jurisprudence, puisque ces opérations de visite peuvent être effectuées non seulement chez toute personne qui paraît avoir participé à l'infraction, mais aussi chez celle qui semble détenir des pièces ou objets relatifs aux faits incriminés, sans qu'il soit nécessaire qu'une infraction soit caractérisée à son égard153.

Outre la définition légal du champ de la visite domiciliaire, un autre aspect est fondamental, il s'agit du contrôle exercé sur cette mesure par l'autorité judiciaire.