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La force probante particulière des moyens de preuve douaniers

Dans le document Poursuites et sanctions en droit pnal douanier (Page 152-155)

24. Les procès-verbaux utilisés pour la constatation des infractions de droit commun ne sont pas tous revêtus de la même force probante. Le principe est que les procès-verbaux ont une force probante minimale et « ne valent qu'à titre de simples renseignements », ce qu'énonce l'article 430 du Code de procédure pénale306. Certains procès-verbaux et même certains rapports sont dotés exceptionnellement par la loi d'une autorité particulière. Il en est ainsi en matière de contraventions pénales pour lesquelles les procès-verbaux dressés dans des conditions régulières par les agents qualifiés et compétents territorialement font foi jusqu'à preuve du contraire, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement307. Dans ce cas, il revient au prévenu d'établir la fausseté des énonciations qu'il conteste, mais il ne lui est pas permis de l'établir par tous moyens, il ne peut le faire que par écrit ou par témoins308. Ainsi, les dénégations du prévenu et les présomptions ou indices ne suffisent pas. L'autorité reconnue à ces procès-verbaux ne s'applique pas à l'intégralité de leur contenu, mais uniquement aux énonciations relatives à ce que l'agent verbalisateur a « entendu ou constaté personnellement ».

25. En matière correctionnelle, les procès-verbaux constatant des infractions en certaines matières spéciales (police rurale, police des chemins de fer, réglementation du travail, infractions aux règles de la concurrence, délits de chasse ...) font foi jusqu'à preuve contraire parce que la loi leur confère expressément cette autorité exceptionnelle 309.

Plus rarement encore, la loi dispose en certains cas que des procès-verbaux établis par des agents, spécialement, font foi jusqu'à inscription de faux. C'est l'acte lui-même qui doit être attaqué si le justiciable entend contredire les éléments qu'il contient. Constituant une dérogation particulièrement importante au principe de la liberté de la preuve qui gouverne la procédure pénale, le législateur la réserve à des lois spéciales. Selon la doctrine, il s'agit d'infractions de droit pénal technique qui sont difficiles à prouver et pour lesquelles il n'y a pas de témoin et peu de traces. « Les infractions douanières n'ont souvent aucun témoin et ne laissent aucune trace ; pour cette raison, le procès-verbal doit suffire pour asseoir un

306 Article 430 du Code de procédure pénale : « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements » .

307 Article 537 du Code de procédure pénale. 308 Article 431 du Code de procédure pénale

jugement »310 .Les procès-verbaux de douane présentent cette force probatoire élevée, mais variable. Leur force probante varie notamment en fonction du nombre des signataires et de la nature des constatations effectuées par procès-verbal. Le Code des douanes ne distingue pas entre les procès-verbaux de saisie et les procès-verbaux de constat en ce qui concerne leur force probante, la distinction se faisant non par la nature de l'acte mais par le nombre de signataires.

26. Seules les constatations matérielles font l'objet d'une force probante renforcée au titre de l'article 336,1 du Code des douanes. Par constatations matérielles, il faut entendre le lieu où l'infraction a été constatée, la nature des marchandises, les circonstances dans lesquelles une arrestation a été opérée... Encore faut-il que le procès-verbal, pour valoir jusqu'à inscription de faux, soit régulièrement signé par deux agents des douanes. En revanche, concernant les « aveux ou déclarations » de l'article 336, 2 du Code des douanes, le législateur a prévu une atténuation de la force probante puisque , revêtus uniquement de la force probante jusqu'à preuve contraire, ils pourront être remis en cause par le justiciable. On peut cependant s'étonner de la force probante propre à l'aveu en matière douanière puisque pour la procédure pénale, les déclarations ou aveux faits pendant l'enquête de police judiciaire ou devant le juge d'instruction lors de l'information judiciaire sont laissés « à la libre appréciation des juges », comme tout élément de preuve. Cette force probante puissante héritée de l'histoire semble actuellement particulièrement dérogatoire au principe du contradictoire dans le procès pénal311. La Cour de cassation avait reconnu conforme au principe de l'égalité des armes les procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire312. La Cour européenne des droits de l'Homme n'a jamais encore eu à confirmer l'admissibilité de moyens de preuve d'une telle valeur supérieure au regard du conventionnel du droit à ce que les preuves soient contradictoirement débattues.

27. Le procès-verbal nul à raison de son irrégularité perd son autorité privilégiée, il est retiré de la procédure. La preuve de l'infraction devra alors être faite par d'autres moyens, comme le témoignage de l'agent verbalisateur, ceux-ci n'ayant alors pas de force probante particulière. La contestation de la validité des actes procéduraux douaniers revêtus de leur force probatoire renforcée est également soumise à un mécanisme original qui déroge encore

310 R. Merle, A. Vitu « Traité de droit criminel », Tome II, n° 235, p. 292

311 Voir à titre d'illustration Cass. crim. 20 oct. 2004, pourvoi n° 0480827 et Cass. crim. 5 fév. 2003, Bull. crim. n° 24

312 Cass. crim. 14 fév. 1996, Procédures 1996, comm. n° 232 ; Cass. crim. 10 juil. 1996, Procédures comm. n° 19

au droit commun. La procédure d'inscription de faux du droit douanier constitue un mécanisme procédural particulier. Le recours de droit commun prévu par les articles 642 à 647 du Code de procédure pénale apparaît déjà complexe. La procédure douanière et l'exercice des voies de recours prévue aux articles 339 à 341 du Code des douanes déroge largement à la procédure de droit commun, en particulier par la nécessité du recours à un notaire en cas de délégation de pouvoir pour exercer ce recours, y compris lorsqu'un avocat exerce ce recours313. L'article 340, 2 du Code des douanes renvoie cependant à la procédure de droit commun 314. Le moyen de défense doit être présenté in limine litis, avant toute défense au fond315. Lorsqu'une inscription de faux est régulièrement introduite contre un procès-verbal douanier constatant l'infraction, matérialisant la fraude, le procureur de la République doit faire en sorte qu'il soit statué sans délai sur l'inscription de faux. La juridiction saisie de l'infraction peut alors surseoir à statuer jusqu'au jugement de l'inscription de faux. Telles sont les modalités prévues par l'article 340 du Code des douanes. Cette action judiciaire douanière spéciale rejoint le débat plus large de la contestation des actes douaniers, notamment le régime des nullités et l'appréciation de l'autorité judiciaire lors de la remise en question de la régularité des procédures douanières (§2).

313 Article 339 du Code des douanes : « 1. Celui qui veut s'inscrire en faux contre un procès-verbal est tenu d'en faire déclaration par écrit, en personne ou par un fondé de pouvoir spécial passé devant notaire, au plus tard à l'audience indiquée par la sommation de comparaître devant le tribunal qui doit connaître de l'infraction.

2. il doit, dans les trios jours suivants, faire au greffe dudit tribunal le dépôt des moyens de faux et des noms et qualités des témoins qu'il veut faire entendre ; le tout sous peine de déchéance de l'inscription de faux. 3. Cette déclaration est reçue et signée par le juge et le greffier, dans le cas où le déclarant ne sait écrire ni

signer » .

Article 340 du Code des douanes : « 1. Dans le cas d'une inscription de faux contre un procès-verbal constatant la fraude, si l'inscription est faite dans le délai et suivant la forme prescrits par l'article précédent et en supposant que les moyens de faux, s'ils étaient prouvés, détruisent l'existence de la fraude à l'égard de l'inscrivant, le procureur de la République fait les diligences convenables pour y faire statuer sans délai. 2. Il pourra être sursis, conformément à l'article 646 du Code de procédure pénale, au jugement de l'infraction jusqu' après le jugement de l'inscription de faux ; dans ce cas, le tribunal saisi de l'infraction ordonne provisoirement la vente de marchandises sujettes à dépérissement et des animaux qui auront servi au transport » .

Article 341 du Code des douanes : « Lorsqu'une inscription de faux n'a pas été faite dans le délai et suivant les formes déterminées par l'article 339 ci-dessus, il est, sans y avoir aucun égard, procédé à l'instruction et au jugement de l'affaire. » .

Cass. crim. 21 janv. 1985, Bull. crim. n° 31

314 Cass. crim; 22 oct. 1984, Bull. crim. n° 311, D. 1985, IR p. 130 315 Cass. crim. 6 mars 1989, Bull. crim. n° 102

Section 3 : Le contrôle par le juge des moyens de preuve

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