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Le langage dans un conflit est rarement neutre et purement factuel. Souvent les parties en conflit communiquent dans le but de mettre en évidence leurs positions et arguments. Elles cherchent à faire réaliser à l’autre partie, qu’elle a tort et qu’elle doit revoir ses positions et changer son comportement. Cette communication est offensive, peu autoréflexive, subjective et mène en général dans une impasse.

L’intervention du médiateur sert tout d’abord comme un pont de communication : au lieu d’une communication directe et peu constructive, le médiateur expose d’abord de manière factuelle, puis de manière émotionnelle le conflit. Il traduit les besoins et sentiments des parties et les expriment d’une manière compréhensive, non blessante pour l’autre et favorisant l’empathie. Le médiateur se base dans son travail sur des aspects de psychologie humaniste, la recherche sur la paix et la résolution des conflits et la philosophie de la non-violence.

142 Selon J. FOLBERG et A. TAYLOR126 la médiation repose sur les pensées suivantes :

- Des conflits sont nécessaires et constructifs. Un conflit non résolu est dangereux. - Souvent un conflit nait à cause de l’incapacité des parties à pouvoir résoudre un problème et non pas par manque de volonté.

- Les parties en conflit ont un meilleur jugement et prennent des décisions plus judicieuses, si elles créent une certaine distance par rapport au conflit. La prise de conscience des sentiments nés par le conflit, permet l’intégration de ceux-ci dans la décision sans se faire submerger par leurs besoins rationnels.

- Les négociations aboutissent plus aisément, quand les parties en conflit savent que leur relation va/doit continuer à exister au-delà du conflit.

- Les décisions sont plus facilement respectées, si les parties en sont responsables et ont accepté le processus qui les a menés vers ces décisions/accords.

- Un cadre, libre de jugements et de partie prise, encourage et motive à la participation. - L’acquisition de compétences de management de conflit au cours d’une médiation facilite la compréhension de soi-même, d’autrui et la gestion de futurs conflits.

Par conséquent, les raisons pour l’intervention d’un médiateur sont alors à la fois de nature pratique et logique.

§ 1. Les raisons pratiques

Les raisons de nature pratique sont les suivantes :

- Les parties en conflits ne possèdent souvent pas les connaissances (règles et méthodes) d’une gestion constructive de conflit. Une personne expérimentée dans la gestion de conflits, peut, de par sa formation et ses expériences sur des conflits passés, apporter un savoir et un soutien ciblé, bien dosé dans les différentes étapes d’un conflit.

126 FOLBERG (J.) & TAYLOR (A.), Mediation. A comprehensive guide to resolving conflicts without

143 - Même si un conflit n’est pas ignoré et abordé ouvertement, le risque d’aggravation de la

situation, par le biais d’une communication non constructive, d’escalades émotionnelles, est important. La présence, en revanche, d’une personne extérieure, a un effet apaisant et favorise un cadre dans lequel les parties en conflit ont davantage tendance à se contrôler. Une personne impartiale et non intéressée par tel ou tel issu, va pouvoir guider plus facilement les parties sur un chemin de gestion constructive de conflit. Les conseils sont plus aisément acceptés, que venant d’une partie impliquée, car les parties ne soupçonnent pas d’intentions égoïstes derrières ces conseils.

- Quand la communication est dans une impasse et n’a plus de valeur ajoutée, l’animation joue un rôle essentiel. Elle permet de passer outre ces nombreux nœuds de communication pour y revenir plus tard, dénouer si nécessaire ou avancer tout simplement en changeant de perspective et/ou de sujet.

- Un tiers extérieur a toujours plus de distance avec le conflit qu’une partie impliquée. En conséquent, il a une meilleure vue de l’ensemble du conflit, et peut apporter d’idées nouvelles et créatives dans les négociations.

- Certaines méthodes de communication (refléter, doubler, contre suggérer) sont praticables uniquement par un tiers.

§ 2. Les raisons sociétales

Les motifs sociétaux peuvent être :

- Les parties en conflits sont plus facilement prêtes à faire des propositions à la résolution de conflits et des concessions s’ils peuvent le faire en se confiant à un tiers. Notre modèle sociétale actuelle ne valorise pas ces initiatives comme étant une preuve d’intelligence de la situation et de maturité, mais le qualifie souvent comme un aveu de faiblesse. Le médiateur peut ainsi relever ces informations au cours d’une séance individuelle pour les suggérer (comme étant ses idées) lors d’une prochaine séance collective.

144 - Un médiateur est à la fois loupe, miroir et jumelles. Il peut attirer l’attention sur un

détail, tout comme sortir les parties concernées de détails pour gagner une vision globale. Selon la phase dans lequel se trouve le conflit, il ajuste la perspective pour permettre les parties de comprendre et d’agir en conséquence.

- La fonction de pont de communication, abordé déjà plus haut, permet de rétablir un flux de communication là, où il n’était plus possible de communiquer entre les parties avant. La communication peut passer d’abord par le médiateur pour redevenir, peu à peu, une communication directe.

§ 3. L’intervention d’après THOMANN

Christoph THOMANN développe, en 1988, alors que la méthode de médiation en Allemagne est encore inconnue par la plupart des personnes, un concept, qu’il nomme « l’aide de clarification ». Dans celui-ci il différencie le niveau factuel du niveau émotionnel. A la différence de la conception américaine de la médiation, un peu trop pragmatique-factuelle à son goût, il cherche à apporter une dimension plus profonde à la médiation. Basé sur des observations et méthodes thérapeutiques, il accorde une grande importance aux sentiments sous-jacents. Il cherche à obtenir une prise de conscience chez les personnes impliquées dans le conflit, sur leurs propres émotions et motivations. Dans une phase avec le titre « le dialogue de la vérité » il interroge les parties de manière à faire jaillir leurs sentiments les plus profonds, les plus soigneusement cachés (consciemment ou inconsciemment), les moins commodes : sensibilités, blessures, agressions etc. En somme, tous ces sentiments qui se rajoutent indirectement au conflit, empirent la situation et empêchent la résolution du problème.

Le médiateur ne cherche pas à tempérer, apaiser, freiner ou à transformer ces sentiments en éléments constructifs (comme il le ferait d’habitude en reformulant les messages positivement, exprimant un souhait au lieu d’une reproche, passant un message « toi » en message « moi », etc.) : il voit dans cette extroversion un moment clés et nécessaire à la compréhension de soi-même et du conflit. Car ces sentiments les plus repoussés et les plus profonds constituent notre base de comportement. Le « déplaisant » nous guide vers l’origine

145 de la blessure et celle-ci vers l’origine de la pré-blessure. Celle-ci existait bien longtemps

avant la naissance du conflit et souvent même avant la connaissance de la personne en conflit. Une fois la « vérité » mise en évidence, elle peut guérir, peut permettre de passer outre la surface et de comprendre la personne en face et soi-même. Solidarité et conciliation ne sont alors pas dictés ou prêchés, mais le résultat psycho-logique de ce chemin rocailleux et difficile. Comparé à ce sujet cher au cœur et avec une grande valeur sentimentale, le conflit devient, si non sommaire ou accessoire, mais généralement facilement accessible et gérable.127

Cette clarification de la relation implique l’acceptation de ses propres sentiments négatifs et l’effort de compréhension de la vision et du vécu d’autrui. En cas de réussite, la relation entre les parties s’améliore considérablement et sur une durée longue. L’effort paye alors particulièrement, si la méthode est utilisé dans le cadre d’un conflit entre personnes, qui doivent/veulent continuer à se côtoyer et entretenir leur relation.