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La médiation se distingue des autres méthodes par la structure de la procédure. La valeur de la médiation réside dans sa qualité de processus. Pour obtenir une meilleure compréhension de la qualité de la méthode, il est intéressant de la comparer aux autres méthodes de règlement des différends.

§ 1. Médiation et négociation

La réponse à la question de la différence entre médiation et négociation doit se faire en deux temps. Commençant par l’approche la plus simple, à savoir la différence entre médiateur et négociateur. Le constat général : le négociateur est de parti pris. Il représente les intérêts d'une partie. Les acteurs ont souvent une conception quelque part compétitive de la négociation : il s’agit de gagner, de faire triompher ses vues, sans forcément se préoccuper des objectifs et des intérêts de l’autre partie. La négociation peut être parfois conçue comme une lutte, avec un gagnant et un perdant.

34JARROSSON (C.), « Les modes alternatifs de règlement des conflits », Revue internationale de droit

37 Le médiateur n'est d'aucun parti pris. Le médiateur assiste les parties dans la clarification de

leur conflit et l’identification de solution. Il accompagne la réflexion des deux parties en leur permettant de trouver un accord. Cet accord est défini de plusieurs manières, soit en s'inspirant des approches de négociation gagnant-gagnant, ou selon les principes de la négociation contributive.

Ce qui amène au deuxième volet de la question : à savoir la différence entre négociation et médiation. La réponse est moins évidente car, la négociation est un élément de la médiation. La négociation est le processus de recherche d'un accord qui satisfait les différentes parties. La négociation et la médiation visent à traiter les conflits d'une manière créative et positive et à trouver une solution ou un moyen permettant aux personnes d'entendre et d'apprécier les différences entre leurs points de vue.

Avec la négociation et la médiation, les questions litigieuses peuvent être discutées et les accords trouvés dans lesquels les opinions divergentes sont considérées et incluses.

La négociation comme la médiation présentent les avantages suivant :

- Constitue une tentative de fournir un résultat «gagnant-gagnant» plutôt que de se contenter d'une seule ligne de conduite

- Peut améliorer la satisfaction de toutes les parties

- Peut permettre des domaines de convergence (domaines où il existe des objectifs ou des accords mutuels).

Pour mener une négociation avec succès, il est important de comprendre les perceptions, le style de négociation, ses intérêts et ceux des contreparties35 :

- Quelles sont les attentes de la négociation? - Quels sont les termes de la négociation?

- Quels sont les termes non négociables et ce qui peut être modifié? - Quel est le minimum auquel un accord peut être atteint?

- Quelle est la stratégie de négociation employée par mon adversaire? - Quels sont les intérêts les plus importants des autres parties?

38 Aussi bien en négociation qu’en médiation, il convient de rassembler toutes les informations

de l'autre partie pour clarifier leur position. L’objectif est d’agrandir le gâteau36. Il faut être sensible et rapide à s'adapter aux situations changeantes, mais ne pas perdre de vue l'objectif. En somme, il s’agit dans les deux cas surtout d’aller au-delà des «positions» fixées (« je ne suis prêt à faire ceci ou cela ») et regarder les intérêts de toutes les parties - ce qu'elles essaient d'atteindre en termes généraux pour créer des résultats mutuellement satisfaisants. La différence entre négociation et médiation réside dans l’approche holistique qu’offre la dernière. Une médiation ne permet non seulement une meilleure compréhension des positions et intérêts, mais aussi des besoins et souhaits sous-jacents. Avec une analyse de la situation plus en profondeur, la médiation offre la possibilité de créer un lien humain entre les parties et contribuer à apaiser la relation durablement. Sur cette base, il est plus facile pour les parties de se détacher de leur propre position et s’orienter vers l’avenir et les solutions communes.

§ 2. Médiation et conciliation

Dans le fonctionnement judiciaire, la conciliation est aujourd’hui principalement d'un recours gratuit37, parce que réalisée par des magistrats ou des bénévoles, alors que la médiation est payée par les parties.

Une différence entre médiation et conciliation réside dans le fait qu'un tiers extérieur intervient nécessairement dans le premier cas, alors que dans le second, c'est le juge lui-même qui procède au rapprochement les parties. Cette distinction est faite par de nombreux magistrats, amenés selon les cas à désigner un médiateur ou à effectuer eux-mêmes la conciliation.

En comparaison, le tiers médiateur intervient plus pro-activement que le conciliateur. Il aide les parties dans leur réflexion et leur décision, il fait émerger les décisions des parties. Dans la conciliation, le tiers conciliateur propose lui-même des solutions aux parties. Cependant, la confusion entre les deux pratiques est répandue, voir entretenue, comme de nombreux ouvrages en témoignent.

36 Voir la description de la méthode dans la partie 1, chapitre 2

39 Dans le déroulement d’une conciliation, les parties présentent leur position et arguments à un

ou plusieurs conciliateurs (souvent d’après les conseils de leur avocat). Le ou les conciliateurs procèdent à une évaluation factuelle de la situation, et présentent une proposition de conciliation, tenant compte des dimensions factuelles et aussi légales.

La proposition de conciliation n’est pas contraignante, c’est-à-dire si l’ensemble des parties en conflit l’acceptent, on considère que le conflit a été résolu et la conciliation sera formalisée par un constat d’accord. Si en revanche la proposition de conciliation est rejetée par au moins une partie, on peut considérer la conciliation comme échouée.

La conciliation est très répandue. Le grand public la connait surtout par le biais des cas fortement médiatisés de litiges tarifaires ou plus généralement dans les conflits collectifs impliquant les syndicaux. La conciliation trouve également l’application dans les affaires matrimoniales, est proposée aux entreprises ayant échoué dans leurs négociations (devant notamment le tribunal de commerce) ou encore en cas de litige entre employeur et employé (bureau de conciliation au conseil de prud’hommes).

L’avantage de la procédure de conciliation est la présentation relativement rapide d’une solution équitable par un tiers impartial. L’autorité et la légitimation émanant du conciliateur, donne un certain poids et une crédibilité à la solution proposée. Du fait que les parties ne peuvent généralement qu’accepter ou rejeter la proposition, il y a moins d’opiniâtreté et de négociations « de bazar » et ainsi moins de comportements pouvant nuire davantage à la relation et de sentiments de vainqueur/vaincu.

En guise de résumé, la conciliation est particulièrement adaptée à des conflits qui se limitent à des questions factuelles et légales, pour lesquelles une évaluation par un tiers neutre est avantageuse (ex : réclamations matérielles, prestations insuffisantes, évaluation de la situation en amont de négociations tarifaires).

La solution au litige est librement choisie et acceptée par les parties mais elle est le reflet de l'interprétation du conciliateur et de ce qu'il estime être une solution équilibrée face à la situation qui lui est soumise.

§ 3. Médiation et arbitrage, « med-arb »

L'arbitrage est un mode de justice privée, également réglementé par le code de procédure civile, qui fait intervenir un tiers, l'arbitre. La principale différence entre la médiation et

40 l'arbitrage résulte du faitque l'arbitre rend une décision qui s'impose aux parties qui ont choisi

l'arbitrage. L’arbitre tranche le litige alors que le médiateur cherche à aider les parties à résoudre le litige. Alors qu’on estime que la médiation c’est l’œuvre des parties, l’arbitrage serait plutôt l’œuvre de l’arbitre.

Dans les faits, les parties sont bien entendu invitées à participer pro-activement à l’identification de l’état de fait et de la situation juridique. La gestion du conflit se concentre à aux dimensions factuelles et légales, mais ne tient pas compte de la dimension relationnelle. L'arbitre est souvent un véritable juge dont la décision peut s'imposer aux plaideurs. L'arbitrage permet donc de régler un litige (sans passer par les tribunaux de l'État mais par une juridiction arbitrale), en confiant le différend à un ou plusieurs particuliers choisis par les parties. Il constitue dès lors un mode de règlement extra-judiciaire des conflits.

On y a souvent recours dans le domaine commercial. L’arbitre est dans ce cas souvent un juge privé spécialiste de litiges commerciaux et des usages du commerce, proche de l’entreprise. L’arbitre rend une sentence motivée, que les entreprises s’engagent à respecter dans le cadre des règles de droit applicables en France ou à l’étranger. L’arbitrage peut s’appliquer aussi dans le domaine de l’immobilier, par exemple dans le cadre d’une copropriété. L’arbitre peut être nommé à la demande du syndicat, après autorisation de l’assemblée générale de copropriétaires qui autorise la nomination d’un arbitre, fixe sa mission, le montant de ses honoraires et les délais impartis, etc.

L’arbitrage trouve son application également dans un contexte international. Il s’agit pour les deux parties en présence d’accepter de faire trancher leur litige (par exemple lié aux activités du monde du commerce et de l'industrie) par un ou plusieurs tiers. La sentence arbitrale bénéficie d’une exécution facilitée par la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin 1958. 38

« Med-arb »

Une pratique encore marginale, dans le cadre des ADR (Alternatives Disputes Resolution), qui se développe surtout aux Etats-Unis, est le « med-arb »39.

38 Chambre arbitrale internationale de Paris http://www.arbitrage.org; page consultée le 09/06/2017 39 Contraction du mot médiation et arbitrage, provenant des Etats-Unis, auteur inconnu

41 Med-arb a des caractéristiques de la médiation et de l'arbitrage. Les parties essaient d'abord de

régler leurs différends par voie de médiation. Si cela n’aboutit pas, le processus passe à un arbitrage obligatoire.

Les principaux avantages du med-arb sont généralement les suivants:

- Un arbitre ou un juge privé connaissant l'affaire, les parties et leurs avocats, est généralement bien placé pour aider à régler les questions en litige.

- Un arbitre ou un juge est aussi souvent le mieux placé pour identifier le moment le plus approprié pour mener une médiation.

- Il peut s'agir d'un moyen efficace de parvenir rapidement à un règlement, en évitant les audiences et les honoraires juridiques importants qu'elles entraînent - soit en rapprochant les parties (selon l'approche de médiation), soit en indiquant rapidement l'issue probable de la procédure formelle.

- Une approche de médiation avec sa dimension de facilitation peut être particulièrement bénéfique lorsqu'il s’agit d’une relation commerciale continue que les parties voudraient préserver. En effet, un règlement par voie de médiation peut couvrir des aspects qui ne relèvent pas de la portée du différend immédiat. La clarification et le dialogue peuvent avoir un résultat positif sur la relation entre les parties.

Cependant, il y a aussi un certain nombre d'inconvénients potentiels à la combinaison de la médiation et l'arbitrage, comme ce qui suit :

- Il y a un risque que l'impartialité d'un arbitre puisse être affectée par la supervision d'une médiation. Il peut être difficile pour un arbitre de ne pas être influencé par des informations précédemment obtenues ou des propositions faites par les parties au cours des négociations de règlement. - De même, une partie peut être réticente à discuter ouvertement de sa position

avec le médiateur si celui-ci est également l'arbitre du différend, sachant qu’il peut finir par rendre une sentence définitive contre les intérêts de cette partie, influencée par des discussions de médiation antérieures.

42 - Si la médiation ne conduit pas à un règlement, une partie peut tenter de

contester une sentence arbitrale, déclarant d'irrégularités ou une absence de procédures régulières40 au cours de la médiation.

En somme, le risque principal réside dans l’existence d’attentes respectivement trop divergentes des parties quant aux processus par lesquels leurs différends devraient être résolus. En se soumettant à l’exercice d’une médiation et uniquement à celle-ci, les participants doivent développer une attitude personnelle propice à l’identification des positions des parties adverses, à la clarification, au consensus. Le développement de cette attitude est susceptible d’être freiné voire empêché par l’existence d’une procédure à deux étapes (l’échec de la médiation ne constituant pas l’échec final de la résolution du conflit mais seulement une étape intermédiaire de la procédure). A côté du risque de la réduction de l’investissement personnel, on peut nommer également le risque de contestation par une partie insatisfaite (qui aurait privilégié une résolution par la médiation) et/ou la non-acceptation du tranchement par le ou les tiers.

§ 4. Médiation et thérapie

La comparaison avec la thérapie est intéressante, bien que la dernière ne fasse pas parties des MARD classiques. Pour certains types de conflits, comme par exemple des différends familiaux, conjugaux, de voisinage, la thérapie constitue en effet, au même titre que la médiation, une approche alternative au procédé juridictionnel.

A la différence d’une action devant un tribunal, pour laquelle ce sont surtout les faits, actions, intentions et lois qui vont être considérés, on accorde dans une médiation ou une thérapie de l’importance aussi et peut-être surtout aux sentiments et relations. Le degré de la prise en compte différencie la médiation de la thérapie. Dans la médiation les sentiments ont certes une place, mais l’objectif de la médiation n’est pas le travail sur le conflit psychique ou le soin de déficits mentaux. On cherche plutôt à obtenir, à travers de l’empathie, de la compréhension et de la négociation contributive, un accord consensuel et satisfaisant dans la

40 Le cas « Gao Haiyan » : http://www.allenovery.com/publications/en-gb/Pages/The-dangers-of-arb-med-.aspx,

43 durée pour toutes les parties. La prise en compte des sentiments permet l’accès aux intérêts et

besoins des parties, base, sur laquelle il devient possible de trouver un accord commun. Cependant une médiation peut avoir des effets thérapeutiques. Des problèmes intra personnels sont en revanche abordés uniquement s’ils sont le frein à la gestion et résolution du conflit au niveau factuel et si le médiateur a des compétences thérapeutiques.

La médiation comme alternative à la thérapie

Je m’avance à dire que la médiation a la capacité à créer un plus grand bonheur. Si la méthode de la médiation est maitrisée et appliquée de manière consciencieuse, elle offre la possibilité :

- d'aider les individus à mieux comprendre ce qu'ils souhaitent - d'aider les individus à mieux communiquer, à mieux comprendre et - à tendre vers une résolution satisfaisante de leurs malaises

A l’inverse, l’absence de ces compétences, à savoir le manque de connaissance de soi, la mauvaise compréhension de l’autre, l’incapacité à bien communiquer, contribue généralement à une moins bonne appréciation de la vie en communauté, et par conséquence à se sentir moins à l’aise, moins heureux. On peut considérer la médiation donc comme une alternative à la thérapie, particulièrement adaptée pour les personnes qui ne cherchent pas un « traitement » par un professionnel de la santé mentale.

Aujourd’hui, dans notre société actuelle, il est devenu normal de s'adresser à un psychologue ou un autre professionnel de la santé mentale, dès lors qu’on perçoit un mal-être. Pourtant, de nombreux problèmes n'ont rien à voir avec la santé mentale. Au lieu de cela, ils ont à voir avec la confusion, l’incertitude, le manque de communication, les dictats sociétaux, un conflit entre personnalités différentes, une non-compatibilité des besoins individuels et des normes et attentes collectifs, les préjugés contre certains tempéraments et types de personnalité, de groupes raciaux, d’orientations, etc.

Beaucoup de personnes souhaitent trouver un moyen d'aborder leurs problèmes sans être «traités» par un professionnel de la santé mentale, mais ne savent pas où aller. La médiation par des médiateurs formés et qualifiés peut offrir à ces individus exactement ce qu'ils

44 recherchent. Un médiateur qui respecte les principes d’impartialité, d’auto-responsabilité et

d'autodétermination encourage les parties à réfléchir et se libérer de leurs idées préconçues sur ce qui leur est possible et sur ce qui leur est impossible.

Le médiateur peut même intervenir dans un contexte où il serait seul avec une personne. Cette forme d’intervention peut être un coaching ou un entretien individuel, lors duquel il utilise des techniques de médiation.

Dans ce sens, la médiation ne doit pas être seulement considérée comme un processus par lequel un tiers aide des personnes à trouver une solution, mais comme un processus par lequel un tiers aide des personnes à passer à l'étape suivante.

Qu'il s'agisse de clarifier un processus de pensée, de communiquer avec une autre personne ou simplement d'organiser la pensée d'une personne - la médiation peut être ce bon ami ou ce parent qui veut aider en étant organisé, analytique et perspicace, sans offrir ses propres solutions. Offrir des solutions serait inapproprié, car la raison qui amène une personne vers la médiation, est son insatisfaction résultant d’une perturbation dans son esprit et/ou dans une relation. La seule façon de répondre à cette insatisfaction est d’amener la partie à ce qu’elle la comprenne et qu'elle y trouve une solution. Un étranger (le médiateur) n’a pas accès à tous les dimensions du conflit et à tous les sentiments occasionné par celui-ci, de sorte qu'il ne peut connaitre les solutions apportant la plus grande satisfaction (le remède). Le médiateur peut soutenir une personne à aiguiller et développer une pensée, mais la pensée doit provenir de la personne.

En somme, la thérapie est pour ceux qui souhaitent se faire «traiter» par un professionnel de la santé mentale. La médiation s'adresse à ceux qui ont besoin d'aide pour résoudre une difficulté ou un mal-être personnel. La médiation permet de répondre à un besoin qu’une personne a, sans parfois même le connaître au préalable.

Cette dimension (d’alternative à la thérapie) est particulièrement valable pour des médiations conjugales et/ou de couple, familiales, des contextes parent-adolescent et les coachings et entretiens individuels comportant des éléments de médiation.

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§ 5. Médiation et supervision/coaching

Toujours en sortant du cadre stricte de comparaison avec les MARD, la supervision mérite un regard également. Il s’agit d’une forme de conseil utilisé dans un contexte organisationnel, dans laquelle un superviseur analyse les interactions et les comportements au sein d'une équipe ou d'une organisation afin de les améliorer et d'éliminer les conflits potentiels d’une manière générale.

Le superviseur et les clients définissent ensemble à l'avance les objectifs, ce qui détermine selon quelles règles et méthodes la supervision sera exécutée. Au centre de la supervision sont le travail pratique, la dynamique des relations et des rôles entre les employés (et les clients), la collaboration de l'équipe ou de l'organisation. La supervision est, depuis longtemps, utilisée dans le domaine médical, social, éducatif et thérapeutique (travailleurs sociaux, pédagogues sociaux, éducateurs, médecins, psychothérapeutes, enseignants, prêtres, etc.), et aujourd’hui de plus en plus dans l'économie.

Dans le processus lui-même, le superviseur analyse des situations concrètes et met en lumière la vie interne des parties, pour rendre visible les motifs et réactions respectifs.

La supervision comporte des éléments et principes psychologiques. Le superviseur s’échange avec les parties, aide à créer une atmosphère propice à la discussion et contribue ainsi à améliorer la situation de travail.