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Chapitre V : Les familles valsesianes en France

V- 5 Les familles Malbert, Bounder, Genolti en Franche-Comté

Les recherches menées au sujet des constructions en Franche-Comté, entre la fin du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe siècle, ont mis en avant le fait que de

nombreux Italiens étaient actifs sur les chantiers. Souvent originaires du Nord de l’Italie ces « maçons italiens »358 participent à la vague de constructions et de reconstructions à

laquelle on assiste après le XVIIe siècle et ses terribles ravages. Cette présence se confirme et est encore très forte dans la seconde partie du siècle ainsi que dans la première moitié du XIXe siècle. Nous pouvons aisément affirmer que la Franche-Comté n’échappe pas à ce phénomène migratoire qui touche de nombreux pays et régions, depuis le début de l’époque moderne. À cette époque la situation économique et intellectuelle de la région semble favorable à la venue et à l’accueil de nombreux artistes, artisans et entrepreneurs de différents horizons. D’une part, en raison du contexte économique favorable, période

352 E Voltz, op cit , pp 46-47.

353 H. Tribout de Morembert, op. cit., p. 10. 354 C.Debiaggi, op. cit., p.86.

355 Ibidem.

356 MAROT Pierre, « L'architecte Jean Betto (1640- 1722) », in Le Pays lorrain, 1931, p.70

357 D’après Raphaël Tassin qui prépare une thèse de doctorat intitulée Les architectes Italiens en Lorraine

autour de Giovanni Betto (ca 1640- 1722)

358 C’est ainsi qu’ils sont désignés par le chapitre qui fait appel à eux pour un avis en 1731 lorsque des

104 que les historiens nomment la « Renaissance » de la Franche-Comté, évoqué au début de notre partie. D’autre part, la présence d’architectes réceptifs aux influences étrangères, comme Duchesne et ensuite Galezot, et d’élites éclairées, favorise et facilite l’arrivée puis la diffusion de techniques et de modèles nouveaux. D’un point de vue plus pragmatique, nous pouvons aussi prendre en compte le fait que le stuc, matériau très économique, permet aux communes, encore très pauvres, de pouvoir construire à moindre frais. Les constructeurs outre-alpins que nous rencontrons le plus souvent sont, essentiellement, des maîtres maçons originaires d’Alagna ou d’autres petites bourgades du Nord de la Valsesia. Ainsi le constat fait pour la Bourgogne, les deux Savoie et les autres régions, est le même en Franche-Comté. Plus d’une dizaine de familles ont été recensées jusqu’à présent. Cela représente un grand nombre d’individus puisque les valsesians se déplacent en groupe. Dans le cas des Marca, par exemple, nous avons compté qu’une douzaine d’entre eux a travaillé de façon plus ou moins longue dans la province. Entre la seconde moitié du XVIIe siècle et les années 1730-1740, la plupart des bâtisseurs italiens que nous rencontrons sont actifs sur les chantiers de construction ou de reconstruction de bâtiments et d’églises conventuels. Il semblerait qu’un réseau se soit formé autour des communautés religieuses qui emploient très souvent la même main d’œuvre. Une fois sur place, ces familles ont réussi à s’imposer dans le paysage local et ont travaillé à de nombreuses reprises pour les collectivités projetant des bâtiments civils et des lieux de culte.

V-5.1 La famille Bounder

Les architectes-entrepreneurs, tout comme les stucateurs et les sculpteurs de la Valsesia, voyagent en groupe et proposent leurs services pour la construction et l’expertise des édifices. Ces communautés sont, là encore, constituées de différents membres de la même famille. Nous les retrouvons, entre autres, sur les chantiers bénédictins de Saint-Claude, de Roche-Morey, et de Château-Chalon. Ce petit groupe d’Italiens, collaborant de façon étroite avec Dom Vincent Duchesne, a œuvré sur plusieurs chantiers, où Jean Antoine Marca et son fils ont travaillé, comme à Orgelet, à Rigny (ill.50 et 100) ou encore Montigny-lès-Vesoul (ill.46). La liste comprend plusieurs familles différentes comme celles des frères Pierre, Christophe et Antoine Bounder provenant du Bourg d’Alagna. Antoine, installé durablement, est fait citoyen de Besançon

105 en 1750359. Il officie en tant qu’architecte-entrepreneur et occupe la charge de contrôleur

au service du subdélégué de l’Intendant. Un de ses rapports est conservé aux A.D.H.S. en voici un extrait :

L'an mil sept cens trente huit, le vingt trois octobre, je, soussigné, Antoine Bounder, maistre entrepreneur demeurant à Vesoul, certiffie qu'en exécution des ordres de Monsieur Salives, seigneur de La Demie, subdélégué de Monseigneur l'intendant au département du bailliage de Vesoul, je me suis transporté le jour d'hier dèz led. Vesoul au lieu de Ronchamps à l'effet de vacquer aux visittes et reconnoissance de l'état actuel de l'église paroissial dud. Ronchamps et du terrain ou sol le plus convenable pour en bâtir une autre […] j'ay commencé environ les neuf heures du matin par le mesurage de la distance qui se trouve dèz la maison curiale scize aud. Ronchamps à l'église paroissiale située sur une montagne […] j’ay reconnu ensuitte qu'il y avoit un autre chemin plus court de quelques toises, […] J’ay ensuitte mesuré la longueur tant de la nef de lad. église que du chœur. […] J'ay reconnu que lad. église avoit été crépie et blanchie depuis peu de tems tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, […] Etant ensuitte entré dans la sacristie, j'ay reconnu qu'elle étoit fort petitte […] J'ay de plus reconnu que le pavé de lad. église étoit entièrement ruiné, […] que si l'on vouloit rétablir le clocher, il faudroit rétablir en même tems la tribune, parce qu'elle est liée et jointe au clocher. J'ay encore reconnus que les ballustres de la table de la communion sont en mauvais état, de même que les portes du clocher à l'entrée de l'église, qu'il y a encore deux figures ou retables tombant de caducité ne pouvant plus servir, que par conséquent il faudroit encore rétablir touttes ces choses. Mais comm'il en couteroit presque autant de rétablir cette église que d'en faire une neuve, […] je n'ay pas jugé à propos de faire un devis estimatif de ces réparations, […] après avoir le tout examiné auquel effet j'ay fait un devis estimatif séparé de cet, et ay dressé mon présent procès-verbal de visitte pour estre remis à Mond. sieur Salivet […]360

Ce document montre la tâche qu’il doit accomplir pour les représentants de la monarchie. Il s’agit dans ce cas de témoigner de l’état de l’édifice, d’en dresser un constat puis fournir un devis. Ici, il préconise la reconstruction à neuf d’un nouvel édifice car réparer l’ancien est jugé tout aussi coûteux. À Faucogney en Haute-Saône, au début du XVIIIe siècle, l’église est « […] très mal construite […] » et « […] ne peut contenir le

quart des personnes qui composent la paroisse avec lad ville […]. » Il est donc jugé nécessaire de « […] construire à neuf lad église et l'agrandir autant qu'il sera jugé nécessaire […] ». Un marché est passé en 1712 avec « Jacques Spinga demeurant à Masevaux en Alsace ». Le 18 avril 1745 un nouvel incendie ravage la commune et entraîne la destruction du clocher et de la toiture de l’église, provoquant ainsi l’effondrement d’une partie des voûtes. Les travaux de réparation sont alors confiés à

359 A.M.B. B 938, année 1750

360 Transcription complète du document publiée sur le site http://www.abamm.org/bourlemont2.html

106 deux Italiens qui ont l’habitude de collaborer ensemble. En effet, l'entrepreneur Melchior Jenolti (ou Gianolti voire Gianoli) travaille sous la direction de l'architecte Antoine Bounder. Entre 1751 et 1756, nous retrouvons ce même Bounder en tant que responsable de la reconstruction de l’église Sainte-Madeleine à Sainte-Marie-en-Chanois à 5 km du village de Faucogney.

V-5.2 La famille Gianoli

Au moment de la construction de l’église et des bâtiments des Annonciades de Gray, chantier dont le responsable est Dom Duchesne, un marché de sous-traitance « tant pour les ouvrages de taille que pour l’inspection et direction […] »361 est passé avec Jean

Génolti. Ce tailleur de pierre italien collabore avec les Bounder à Orgelet. En 1652, un groupe de six religieuses, originaires d’Annecy, arrivent dans cette commune et s’y installent. Au début du XVIIIe siècle, elles décident de construire un couvent dont les plans sont établis par le bénédictin Dom Vincent Duchesne362. Le complexe est formé de quatre bâtiments organisés autour d’une cour intérieure, doublée d’un cloître, dont la chapelle ferme le côté nord. De nombreux contrats, signés entre 1708 et 1717, conservés aux archives départementales du Jura, décrivent, entre autres, les travaux de maçonnerie menés par les Italiens, Jean Janolti (ou Génolti) et Bunder (ou Bounder). Il est significatif de noter que la façade avec portique de cette chapelle évoque le type de construction en vogue dans les régions septentrionales d’Italie, d’où sont originaires les entrepreneurs. Comme le souligne Christiane Roussel : « L’association d’un certain Jinolta avec Duchesne donna d’ailleurs pour cette église, la façade la plus résolument italienne de Franche-Comté […] comme on en voit encore dans le Val d’Aoste, […] solution qui prend vraisemblablement ses racines dans le Quattrocento » 363. De très nombreux édifices, que les entrepreneurs connaissaient ou que ces derniers ont pu projeter, étaient bâtis sur ce modèle. Cette façade est composée d’un portique rythmé par trois arcs en plein cintre retombant sur des colonnes doriques au centre et sur des pilastres aux extrémités. On y accède grâce à un escalier à double volée. Ce portail est la preuve que le goût italien, notamment celui diffusé par les entrepreneurs du Nord, a sa place dans le

361 A. Deridder, P. Boisnard, op. cit., p. 51. 362 A. Deridder, op. cit., 2000, pp.19-20

107 paysage architectural local. Il est possible que Dom Vincent Duchesne ait projeté le plan ou qu’il ait laissé une grande autonomie à Genolti qui a reproduit un modèle qui lui était familier. Une fois encore, c’est dans le sillon de l’abbé-architecte que l’introduction d’éléments se rattachant au vocabulaire nord-italien peut s’observer.

V-5.3 Les Malbert les Albert

Antoine Malbert est présent sur le chantier de l’abbaye de Faverney au moins entre 1716 et 1727. Il officie en tant que « maître appareilleur » avec à ses côtés ses frères Pierre et Jean dit le Jeune364. En 1719, les Bounder, associés à Antoine Malbert, passent un marché avec l’abbesse de Montigny-lès-Vesoul pour la reconstruction de l’abbaye des Clarisses-Urbanistes365. Après la construction, la décoration en stuc et la réalisation du retable sont confiées à Jacques François Marca366. En 1728, l’entrepreneur Malbert se charge après démolition de l’ancien édifice de la construction de la nouvelle église Saint- Georges de Vesoul. Or, en 1731, suite à des problèmes financiers les travaux sont arrêtés. En 1736, suite à une recommandation de l’Intendant, le parisien Jean Querret reprend la direction des travaux d’après les plans fournis entre temps par Jean-Pierre Galezot367.

Nous retrouvons Malbert à Luxeuil où il signe un devis pour la construction de la nouvelle église abbatiale ainsi qu’à Rigny, toujours en Haute-Saône, où les retables de cette église paroissiale sont de la main des Marca. Il est aussi le responsable de la reconstruction de l’abbaye cistercienne de Neuvelle-lès-la-Charité reconstruite entre 1730 et 1740. Sur le chantier, on retrouve Jean-Pierre Galezot et très certainement un ou plusieurs stucateurs, puisqu’un retable en stuc a été réalisé dans l’une des chapelles. De surcroît, Antoine Malbert actif en Franche-Comté correspondrait à l’architecte italien « Alberti » que les chanoines de Besançon ont contacté suite à l’effondrement du clocher de la cathédrale Saint-Jean. Or, son devis est trop élevé et ces derniers choisissent alors Jean-Pierre Galezot368. Il propose des plans et des devis que le chapitre accepte. Le document signé devant notaire est paraphé par plusieurs entrepreneurs dont Antoine Bounder369. En

364 A. Deridder, op. cit., 2000, p. 19

365 P. Boisnard, « La reconstruction de l’abbaye des Clarisses-Urbanistes de Montigny-lès-Vesoul au

XVIIIe siècle », in Bulletin SALSA, nouvelle série, n°26, Vesoul, 1994, pp. 35-36. 366 Il a inscrit ses initiales et la date sur le retable : « J F S MARCA 1737 ». 367 A. Deridder, op. cit., 2000, p. 86.

368 Id., p.84. 369 Ibidem.

108 dehors de la région, un architecte nommé Antoine Malbert est actif à Andelot- Blancheville en Champagne-Ardennes, où, vers 1727, il fait partie de la commission d’expertise des travaux de l’église370 alors qu’en 1735, il construit la façade de l’église

de Mureau dans les Vosges371. S’agit-il de la même personne ? Il ne faut pas confondre ces derniers avec la famille Albert dont les origines sont les mêmes. Les différents membres de cette famille exercent les mêmes fonctions et collaborent avec les Bounder et les Gianoli. À Rigny au début du siècle puis à Gy vers 1775, où leur présence est attestée372.

V-5.4 Autres familles

D’autres noms ont été trouvés dans les différentes archives. La famille Caristie qui connaît un grand succès en Bourgogne a également œuvré dans la région. À Dole, le monastère bénédictin Saint-Jérôme, au sujet duquel il est fort possible que l’on ait consulté Duchesne, subit une série de travaux à partir de 1699. Parmi les entrepreneurs retrouvés grâce aux quittances apparaît un certain Jean Caristie dont la présence d’un parent est attestée sur le chantier du monastère du prieuré bénédictin de Vaux-lès-Poligny en 1653373. En 1733, la municipalité de Lons-le-Saunier entre en contact avec Jean-Pierre

Galezot au sujet de la reconstruction de l’Hôtel-Dieu. Parmi les appareilleurs présents lors de la construction dans les années 1740 se trouve Michel Vernoz ou Michele Verno originaire de la Valsesia et chargé d’entreprendre le grand escalier374. À Scey-sur-Saône,

l’église est reconstruite à partir de 1739 sur les plans de Jean-Pierre Galezot. Le chantier emploie les artisans du château, maçons et tailleurs de pierre, et temporairement plusieurs praticiens italiens dont Giacomo Bartuco, expert sur un chantier de Vesoul en 1730, alors que le responsable technique de la construction de l’église est l’appareilleur Giovanni Giuletti originaire de Rima, village proche de Campertogno. Nous retrouvons cet architecte dans le Doubs à Avilley lors de construction de l’église vers 1740. Ce dernier que les archives qualifient souvent « d’appareilleur » est l’oncle d’un certain Albert

370 Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1995, p.116.

371 Philippe Bonnet, Les Constructions de l'Ordre de Prémontré en France aux XVIIe et XVIIIe siècles,

Genève, 1983, p.64

372 Travaux de A.Deridder.

373 A. Deridder, op. cit., 2000, pp. 46-47. 374Id., p. 88.

109 Ragozzi installé en Lorraine et est apparenté à Jean et Jacques Ragozzi que nous avons rencontré et que l’on retrouve à Chaussin dans le Jura375. Cette famille d’architectes et

d’entrepreneurs exploitent également les carrières de Damparis376. À Villers-Saint-Martin

dans le Doubs, Melchiore Ferrot, l’architecte-entrepreneur de la maîtrise de Baume-les- Dames, d’origine italienne, est adjudicataire du marché des retables de l’église en 1737 et fait appel aux Marca377. En 1764, on retrouve cette famille auprès de Charles Marca à qui les habitants de Domprel ont recours au sujet de la construction de leur nouvelle église378. L’inventaire après décès379 de Jean Baptiste II Marca mentionne la présence d’un sculpteur nommé « Jean Pierre Janny »380, un parent des Marca travaillant à

Besançon au début du XIXe siècle. Il semble que des descendants des Gabbio, évoqués lorsque nous avons parlé du Forez ou de la Bourgogne, se sont implantés en Franche- Comté vers la fin du XVIIIe siècle. Il s’agit de Joseph et d’Antoine Gabiot eux aussi architectes dans le Jura. En 1806, l’un des deux reconstruit l’église paroissiale de Châtillon381. En 1810, ensemble, ils proposent un projet pour la nouvelle église de Morez mais sans succès382.

En Franche-Comté, nous observons tout au long du siècle de nombreux cas de collaboration d’Italiens occupant différents corps de métier. Il est possible que les bâtisseurs valsesians aient dans leur sillon emporté des sculpteurs de leur région, parfois des amis, et qu’une fois sur place un réseau d’hommes permettait de trouver du travail et de collaborer sur les chantiers. Ce cas de figure n’a rien d’exceptionnel et se vérifie dans les différentes régions où ils opéraient. Dès le début du XVIIIe siècle, les Marca semblent tirer parti de cette organisation. Ils obtiennent des marchés là où travaillent les Gianolti, les Malbert ou les Bounder comme à Orgelet, à Montigny-lès-Vesoul ou à Rigny. En plein cœur du XVIIIe siècle, Jacques François et ses frères s’appuient encore sur ce réseau,

même si cela n’est pas systématique. À Avilley, l’entrepreneur est l’Italien Giuletti et les retables sont signés Joseph Marca. Quelques années plus tard, à Mouthe, vers 1751, Jacques François Marca a évincé Nicolas Nicole pour l’exécution du retable, alors que

375 Information communiquée par Patrick Boisnard.

376 A. Deridder, “Constructeurs entre Lorraine et Franche-Comté au XVIIIe siècle”, in Mémoires de la

Société d’Emulation du Doubs, n°48, 2006, p. 197.

377 A.D.D. B 17 496.

378 A.D.D.EAC 27 S 22 (1761-1790). 379 A.D.D. 3e 6/16

380 Les Janny ou Ianni sont originaires de Campertogno, berceau de la famille Marca

381 Voir la fiche « église paroissiale de l'Assomption, Châtillon » en ligne sur le site de la Base Palissy. 382 Voir la fiche « église paroissiale de l'Assomption, Morez » en ligne sur le site de la Base Palissy.

110 l’entrepreneur des travaux est le Piémontais Joseph Fifre383. En Bourgogne, à Vitteaux,

l’architecte Jean-Baptiste Caristie, chargé des travaux de l’hôpital et de sa chapelle emploie un des Marca pour des ouvrages en pierre et en stuc. Vers 1775, Charles Marca réalise une chaire à prêcher pour l’église de Gy où est déjà présent l’entrepreneur Albert. Un tel fonctionnement en réseau avait aussi pour avantage la transmission des informations. Les Valsesians échangeaient ainsi des nouvelles, aussi bien pratiques que professionnelles, allant de l’ouverture d’un nouveau chantier aux chemins à emprunter pour parcourir la montagne et franchir les cols. Selon Annick-Bogey-Rey, qui a commenté le Journal du sculpteur Gilardi : « il ne semble pas exister de concurrence entre eux […] au contraire un sculpteur confirmé, s’il a suffisamment de travail, en laisse volontiers un peu à des compatriotes débutants » 384. Ceci explique peut-être le fait que les Marca aient travaillé en Champagne-Ardennes à la même époque qu’Antoine Malbert. En effet, nous les trouvons actifs à quelques kilomètres de distance seulement.

Une étude plus approfondie au sujet de toutes ces familles actives dans la région, et en contact permanent avec d’autres compatriotes eux aussi « exilés », s’avérerait très intéressante. Un tel travail serait l’occasion d’approfondir nos connaissances sur le patrimoine, religieux et civil, de la région. Il permettrait aussi d’évoquer les liens, artistiques et culturels, tissés entre les bâtisseurs, les artistes et les architectes et de mettre en lumière les rapports qu’ils entretenaient avec les acteurs locaux. Un travail de ce type devra se construire à partir d’éléments et d’informations dispersés dans les archives des pays, des régions et des villes qui ont accueilli, de façon prolongée ou non, tous ces hommes à l’instar des études menées au sujet de la famille Gabbio-Recchio ou Carestia présentes à la même époque.

383 Travaux de A.Deridder. Il demeure à Mouthe et travaille également pour la proche commune de

Chapelle-des-Bois.

111 V-6 La famille Marca

V-6.1 « […] Un maître-sculpteur Italien […] » 385 actif dans le Jura ou le premier témoignage de la présence d’un Marca en Franche-Comté.

Nous nous sommes appliqués dans les parties précédentes à définir le contexte général dans lequel se trouve la région à la fin du XVIIe siècle afin de montrer en quoi la situation est favorable à l’arrivée des stucateurs. Nous l’avons dit, après la conquête s’amorce progressivement une période de reconstruction et d’effervescence artistique. Plusieurs figures très actives tel que Vincent Duchesne ou Jean-Pierre Galezot émergent et occupent de façon non négligeable le devant de la scène participant ainsi activement au renouvellement des pratiques. Il a également été démontré que ce renouveau n’est pas uniquement matériel puisqu’il concerne aussi les formes, le goût et les techniques. De ce