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Chapitre II : Le diocèse de Besançon et l’action des archevêques entre la fin du XVI e siècle et la première moitié du XVIII e siècle

II- 4 Les archevêques veillent à la reconstruction.

Parmi les questions qui tiennent à cœur à l’archevêque Antoine Pierre de Grammont se trouve celle du maintien en bon état des édifices, car d’après lui, les peuples :

[…] ressentent beaucoup plus de dévotion, et fréquentent bien plus volontiers leurs églises, lorsqu’ils les voyent décemment et somptueusement ornées, car étant grossiers comme ils sont la plupart, ce n’est, dit saint Bernard, que par la pompe extérieure qu’ils peuvent s’élever à la considération des choses spirituelles.

À partir de 1665, trois ans après son élection, il commence la visite générale de son diocèse. Cependant, il doit l’interrompre en raison de la menace française. À la suite de ses visites ou de celles de ses représentants un bilan de l’état des édifices de culte est dressé. Nous connaissons aujourd’hui une partie des rapports établis par l’archevêque. Ils ont été publiés dans l’ouvrage de l’abbé Joseph Morey intitulé Le diocèse de Besançon

au dix-septième siècle. Visite pastorale d’Antoine Pierre de Grammont (1665-1668) 132.

Ils nous permettent de comprendre la démarche de l’archevêque puisque ce dernier explique de quelle façon il procède. Lors de la visite de l’église Saint-Martin de Baume- les-Dames, il déclare :

Nous sommes allés d’abord à l’église paroissiale, dans laquelle nous avons fait les actes pontificaux […]. Ensuite nous avons visité la très sainte eucharistie, les vases des saintes onctions, les fonts baptismaux et chacun des autels »133. Pour chaque visite l’opération est

la même comme il l’explique « qu’il suffise de dire ici que nous avons procédé partout de la même sorte […] Que cela soit dit aussi pour les églises qui auront été visitées par les

132 J. Morey, op. cit., p. 14. 133 Ibidem.

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procureurs, à qui nous avons confié ce soin. Ils n’ont rien omis d’essentiel, et se sont rendu compte de tout […] 134.

Suite à une visite, il donne ses directives : « Nous avons décrété les réparations qu’il fallait faire aux églises, aux chapelles et à leurs autels » 135. Une autre indication de l’état très mauvais dans lequel se trouve bon nombre d’édifices est le statut du livre XXVII, datant de 1682, intitulé Capellarum restauratio et ornatus parecipitur, nec non officiorum

in iis fundatorum celebratio et qui porte sur les réparations et la décoration des chapelles :

Nous apprenons par un rapport de nos doyens ruraux que la plupart des chapelles et autels dans ce diocèse restent sans culte ni ornement ; bien plus elles tombent en ruines ; c’est pourquoi nous ordonnons aux chapelains et à tous les autres à qui incombe la charge de les décorer et réparer, de remettre en l’état, comme il se doit, les autels et les chapelles de cette sorte, pour la fin de la présente année, toute licence ayant maintenu un état contraire cessant après cette date, de façon à ce que les prêtres des paroisses obéissent scrupuleusement au statut de l’année précédente édité à ce sujet136.

Antoine Pierre 1er de Grammont, parfois surnommé le « Borromée de la Franche- Comté » a ouvert la voie de la réforme au siècle précédent. À partir des années 1680, son entreprise est à l’origine de nombreuses constructions de retables et d’églises. D’ailleurs, il ne manque pas de rappeler dans ses Relationes dioecesanae qu’il a été un grand bâtisseur : « les églises paroissiales et collégiales de la cité de Besançon, Sainte Marie Madeleine, Saint Pierre, Saint Jean Baptiste, Saint Maurice, menaçaient ruine par vétusté ; elles ont été réparées et ornées »137. Preuve de sa volonté de maintenir les édifices de culte en bon état, il impose de ne pas « travailler les jours de dimanches et de

134 Ibidem.

135 J. Morey, op. cit., p. 16. 136

Ex Decanorum nostrorum Ruralium relatione comperimus quamplurimas Capelleas et Altaria inhae Diocesi, sine cultu & ornatu remanere, imo’ etiam in ruinam vergere ; Idèo praecipimus Capellanis aliisque omnibus, quibus illa decorandi, & reparandi onu incumbit, hujusmodi Capellas et Altaria in debitum Statum intra finem praesentis anni reponere, atque in iis Officia fundata diligenter per se vel alios sacerdotes persolvere, quâvis licentiâ in contrarium obtentâ post illud tempus cessante. Ordinantes Parochis ut Statuto superiori anno hac de re edito, diligenter pareant

Traduction extraite P. Subirade, op. cit., 2005, p. 299.

47 fêtes, si ce n’est pour récolter les fruits de la terre qui seraient en danger de se perdre ou pour rétablir les édifices, les églises et les cimetières ruinés pendant la guerre ».138 Son

neveu nommé au même poste à la mort de son oncle poursuit cette politique de réforme. Il publie également des statuts anciens accompagnés de nouvelles dispositions. Il s’agit de l’édition de 1707 Statua seu decreta… citée précédemment. Plusieurs questions y sont abordées. Le titre XXVI traite du culte des saints, des images et des reliques, le titre XXVII s’intitule Des églises, autels et cimetières, le titre XXIX Des fabriques et des

confréries au sujet du financement des réparations139. En plein cœur du XVIIIe siècle, un troisième membre de la famille de Grammont est élu archevêque de Besançon. Il s’agit Pierre-Antoine II de Grammont qui occupe cette charge de 1735 à 1754. Ses préoccupations ne s’écartent guère de celles de ses illustres ancêtres et sous son autorité un contrôle strict de l’état matériel du décor des églises est fait140. Il tente également

durant son mandat de reconquérir les âmes des fidèles des Quatre Terres, autrefois seigneuries de la Principauté de Montbéliard, occupées depuis 1697 par les français. L’importance donnée aux ornements se résume dans cette phrase d’Antoine-Pierre II : « attirer ceux qui ne le sont pas encore par la décoration de nos églises, et par la vuë édifiante des Images de nos Misteres et des vertus de nos Saints » 141.

Nous venons donc, en évoquant les grandes lignes, de voir comment les archevêques et l’ensemble du clergé veillent conformément, aux consignes du concile de Trente, et stimulent les paroisses à réparer et remeubler « décemment » leurs églises ou chapelles sous peine d’interdiction. Or, si la volonté religieuse est un excellent moteur, il ne faut pas oublier que les constructions ne sont possibles que si les communautés disposent de moyens nécessaires. Nous allons maintenant aborder cette phase de construction qui symbolise le renouveau et qui est permis par le retour de la paix et le redressement économique, deux conditions indispensables. Notre propos illustrera les nombreuses élévations, réparations, modifications ou modernisations des édifices privés, laïcs et surtout religieux en ville et dans les campagnes. Puis nous ferons un point sur le renouvellement du mobilier, auquel les Marca participent pleinement durant plusieurs décennies.

138 J.-F.-N. Richard, op. cit., p. 347. 139 P. Subirade, op. cit., 2005, p. 299. 140 Id., p. 342.

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