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Chapitre III : Une ouverture d’esprit favorable aux innovations techniques et styliques

IV- 1 Histoire sommaire de la Valsesia

Les lignes qui suivent relatent les faits importants de l’histoire de la Valsesia de l’Antiquité à nos jours. Les Marca sont originaires de la Valsesia dans le Piémont, une vallée parsemée d’une douzaine de bourgades distantes de quelques kilomètres. Parmi les lieux importants de cette région se trouvent les villes d’Alagna mais surtout celle de Varallo238 connue pour son « Mont sacré » considéré par beaucoup comme un des plus

beaux du Nord de l’Italie. Varallo a été un chantier permanent entre le XVe et le XVIIIe

siècle sur lequel ont travaillé de grands artistes italiens et des sculpteurs architectes de la vallée, et nombreux d’entre eux avaient fondé une « bottega » (« un atelier »), centre d’apprentissage et de formation. Ce chantier est un bon exemple de ces traditions artistiques et artisanales ancrées depuis des siècles dans cette région. De ce foyer artistique, de nombreux Valsesians partirent et offrirent leurs services en Italie mais également dans d’autres pays d’Europe dont la France, la Suisse ou encore l’Allemagne. Cette vallée est traversée par une rivière nommée la Sesia qui prend source et descend du Mont Rose. D’un profil encaissé, elle ne laisse que peu de place à l’agriculture et seules quelques prairies le long du cours d’eau sont disponibles pour l’élevage. La paroisse de Mollia239, qui s’affranchit de Campertogno en 1722, d’où les Marca sont originaires est bien entendu incluse dans la série d’évènements relatés.

237 Équipe des Cahiers de l'Institut universitaire d'étude du développement (dir.), Vers un ailleurs

prometteur--: l'émigration, une réponse universelle à une situation de crise ?, Genève, 1993.

238 Au XVe siècle, des capucins fondent à Varallo un sanctuaire composé de quarante chapelles qui abritent

des statues grandeur nature de terre cuite représentant des scènes de la vie du Christ et des fresques que l’on doit à des artistes tel les frères d’Enrico ou encore Gaudenzio Ferrari.

74 IV-1.1 La Valsesia durant l’Antiquité

Autour de 34 ap. J.C., la partie inférieure de la Valsesia est occupée par les populations romaines venues par le Haut Novarais. Différents lieux habités apparaissent déjà à cette époque à Pieve di Seso (entre Borgosesia et Serravalle), à Quarogna. Une éventuelle extension au Nord vers Varallo est également envisageable. Nous savons que l’ensemble de la Vallée n’a été habité de façon permanente qu’aux environs du IXe siècle

ap. J.C. À cette époque il est fort probable que les habitants de la partie basse, face aux attaques des Lombards aient fui et se soient déplacés au Nord. À partir de ce moment seulement alors la partie Nord est également occupée de façon permanente. C’est à cette époque que les historiens font également remonter les premières communautés autonomes (communità)240.

IV-1.2 Du XIe au XVe siècle

Durant le XIe siècle des mentions de la Valsesia se retrouvent lors des batailles

entre Otton III et Arduin d’Ivrée puis entre Corrad II et les descendants d’Arduin d’Ivrée. Les différents seigneurs s’affrontant voulent mettre la main sur les zones de cette région d’Italie parmi lesquelles se trouve la Valsesia.

Dès le XIIe siècle, la Valsesia était sous la juridiction de Vercelli et faisait partie des territoires des Comtes de Biandrate. La première mention de la commune de Campertogno remonte à l’année 1217 dans un document rédigé de la main du notaire Bentivoglio. En effet à l’occasion d’un pacte conclu entre la commune de Vercelli et les comtes de Biandrate de nombreux représentants des communautés de la Valsesia prêtèrent serment. Parmi eux se trouvent présents Guibertus et Petronus de Campertogno241. Les comtes de Briandrate rendaient la justice sur la vallée infligeant des amendes, des peines corporelles ou enfermant les contrevenants. Ils imposaient également les habitants sur les récoltes, les bois, les terres, les moulins, la pêche ou encore la chasse.

240 G. A. Ottone, Storia antica della Vallesesia, 1833, Varallo.

241 G. Molino, Campertogno : vita, arte e tradizioni di un paese di montagna e della sua gente, Savillan,

75 Vers la fin du XIIIe siècle, les Valsesians décidèrent de s’affranchir de l’autorité

de Vercelli et des comtes de Biandrante. Ils furent soutenus par Novara représentée par Filippo Della Torre qui mena une expédition en 1264 contre Vercelli. En 1275, à Gozzano, ils signèrent un pacte d’alliance et d’amitié avec Ibletto vicomte d’Aoste. Ainsi la ville de Novara offrait aux Valsesians une protection face aux différents envahisseurs existant telles les bandes venant de la Vallée Anzasca. Or à la fin du siècle, les Biandrate, ayant conclu de nouvelles alliances avec la ville de Novara, récupèrent les terres de la Valsesia. Malgré ce retour des Biandrate le statut de la Valsesia allait changer. Ce changement politique permettra de créer pour la vallée une organisation autonome. À partir de ce jour la région disposait de deux cours (curie). Chaque village avait un conseil (syndacatus) formé des chefs des différentes familles prenant des décisions notamment celles concernant la vie religieuse et politique. Ce conseil était ensuite représenté par un membre qui se rendait au conseil général (communità generale) situé dans la capitale de la région à Varallo. La Valsesia étant divisée en deux parties, la partie inférieure siégeait à Borgosesia et la partie supérieure à Varallo. Les Biandrate abandonnèrent définitivement leurs droits et privilèges sur la Valsesia en 1312 en faveur du vicaire impérial Philippe de Savoie.

En 1395 la vallée est rattachée au duché de Milan par le vicaire de Novara, Gian Galeazzo Visconti. Le territoire est placé sous la responsabilité des seigneurs Barbavara. Entre 1412 et 1477, Filippo Maria Visconti di Milano, Francesco Sforza, Galeazzo Maria Sforza ou encore Ludovic le More qui se succédèrent à Milan, confirmèrent à la vallée son organisation autonome. Durant ce même siècle, il ne faut oublier de mentionner la vague de population allemande qui arrive et s’installe dans la partie Nord de la Vallée, au pied du Mont Rose à Alagna notamment. Leur intégration selon les historiens s’est faite de façon pacifique et ils prirent part à la vie de la Vallée. Cette communauté appelée « les Walser » vient très certainement du Valais, région située de l’autre côté du Mont Rose est accessible par la Vallée d’Aoste.

L’année 1481 est marquée d’un fait très important. En effet c’est à cette date que la construction du « Sacro Monte » (Mont Sacré) de Varallo débute. L’initiative de ce projet est due au père franciscain Bernardino Caimi qui suite à un voyage à Jérusalem en 1478 eut l’idée de recréer en Occident les principaux sanctuaires de la Terre Sainte. Il

76 choisit Varallo et à partir de 1486 suite à l’autorisation du pape il pu accepter les terrains offerts par les habitants de Varallo et ainsi débuter les travaux de construction. Les travaux concernent la création du couvent de la Madonna delle Grazie en ville et la « nouvelle Jérusalem » sur les hauteurs de Varallo. À partir de ce moment le « Sacro

Monte » se développe comme un centre spirituel très important mais également comme

un foyer artistique très fécond (ill.8, 9 et 10).

Ce chantier242 occupe pendant plusieurs siècles une multitude d’artistes talentueux ou plus humbles originaires de la Valsesia ou étrangers à cette vallée. Gaudenzio Ferrari243 peintre, sculpteur et architecte originaire de Valduggia est le principal protagoniste des travaux jusqu’en 1528. Il est accompagné de ses élèves et successeurs dont Berdino Lanino, Giulio Cesare Luini, et Fermo Stella de Caravage. Au XVIe et au XVIIe siècle, les travaux se poursuivent et sont dominés par des personnalités comme L’architecte Galeazzo Alessi (1565-1569) ou Domenico Alfano de Pérouse (1590-1603) et Bartolomeo Ravelli (1602-1640). De nombreux sculpteurs sont actifs dont Tabacchetti et Giovanni D’Enrico244, des peintres comme Morazzone, Tanzio da Varallo, Rocca

Gherardini et Gianoli. Cependant, Il Morazzone et les frères d'Enrico s’illustrent de façon plus significative. Au XVIIIe siècle des travaux d’embellissement et de transformations

sont entrepris et les commanditaires font appel à des peintres dont les Orgiazzi245.

L’activité incessante du « Mont Sacré » a attiré de nombreux artistes et a permis à de nombreux jeunes apprentis de se former auprès de maîtres plus expérimentés. Ce chantier a contribué à faire de la Valsesia un foyer artistique important et un lieu de pèlerinage dont le rayonnement dans cette partie de l’Italie était important. Il est d’ailleurs tout à fait significatif qu’un personnage comme saint Charles Borromée se soit rendu à de nombreuses reprises sur le site et ait soutenu son développement246.

242 À ce sujet, se réfèrer à la bibliographie suivante :

G. Romerio, Il sacro monte di varallo sesia, Varallo Sesia, 1949. M. Bernardi (sous la dir. de), Il Sacro Monte di Varallo, Turin, 1960.

G. Reale et E. Sgarbi, Il Gran teatro del Sacro Monte di Varallo, Milan, 2011.

L’auteur renvoie également vers le site internet du Sacro Monte de Varallo qui propose de nombreux clichés et des notices à propos de l’histoire et des décors des différentes chapelles.

243 G. Testori, Il gran teatro montano : saggi su Gaudenzio Ferrari, Milan, 1965.

E. De Filippis (sous la dir. de), Gaudenzio Ferrari : la Crocifissione del Sacro Monte di Varallo, Turin, 2006.

244 B. Boucher, P. Motture et al., Earth and Fire: Italian Terracotta Sculpture from Donatello to Canova,

Londres, 2011.

245 M. Rosci e S. Stefani Perrone, Borsetti e gli Orgiazzi : decorazione rococò in Valsesia, Bourg-Sesia,

1983.

246 S. Langé, G. Pacciarotti, Il Sacro Monte: esperienza del reale e spazio virtuale nell'iconografia della

77 IV-1.3 Du XVIe au XXIe siècle

Les historiens valsesians retiennent le XVIe siècle comme une période marquée par de nombreux troubles et de nombreux conflits pour les habitants de la vallée. Au début du XVIe siècle, à la mort de Ludovic le More, les Français en possession de Milan taxèrent les Valsesians à hauteur de mille ducats d’or. Or ces derniers refusèrent de payer en raison de leurs privilèges. La taxe fut alors diminuée et passa à 1200 lires impériales. Les Français confirmèrent également le statut autonome de la vallée. Or le conflit entre la France et les Sforza aura des conséquences sur la Valsesia. En effet des groupes sympathisants pour l’un ou l’autre camp vont faire leur apparition. Suite à de nombreux conflits sanglants dont Varallo fut le sanglant théâtre entre 1518 et 1520, le 23 Octobre 1521, la paix fut signée entre les Français et les Valsesians. À la mort de Francesco II Sforza qui avait repris le pouvoir à Milan, Charles Quint pris possession du royaume. Ainsi la Valsesia fut rattachée à l’Empire espagnol. Malgré ce nouveau changement politique, les antiques privilèges de la vallée furent confirmés en 1538. À cette époque apparaît également la milice de la vallée (« milizia valsesiana ») formée d’hommes âgés de 17 à 70 ans mis à disposition par les communes et qui était chargée de maintenir l’ordre public. En cas d’attaque une levée générale permettait de réunir une petite force de défense.

Durant le XVIIe siècle la Valsesia est concernée par la guerre entre l’Espagne, la France et le Duché de Savoie. Les milices valsesianes combattent aux côtés de l’armée espagnole. En 1633, Giuseppe Sceti chef de la milice de Campertogno combat aux côtés de Pietro Fassola à Borgosesia. Alors que quelques années plus tard Clemente Giacobino de Campertogno protége le passage du col du Valdobbia face aux milices du Comte d’Aoste. En 1659, la guerre prend fin car la paix est signée entre les trois belligérants. Ce siècle est également marqué par la peste qui entre 1620 et 1630 fit des ravages en Lombardie et dans la Vallée de Sesia.

Au début du XVIIIe siècle, la vallée passe sous le règne de la maison de Savoie dirigée par Vittorio Amedeo suite aux accords signés en 1707 avec l’empereur Léopold. Lorsque que le représentant de la Maison de Savoie le sénateur et comte Filippo Domenico Beraudo da Pralormo se rend en Valsesia afin d’officialiser la possession des Savoie, il annonce que la région conserve ses privilèges et son autonomie. Il était autorisé

78 à « […] faire savoir à la vallée qu’elle jouira sous notre règne des mêmes privilèges dont elle a joui sous les autres […] »247. En 1799, la France annexe le Piémont est créé le

département de la Valsesia avec comme chef-lieu Vercelli.

Le XIXe siècle est marqué par l’invasion de la vallée par les troupes de Napoléon. Après la bataille de Marengo (14 Juin 1800) et suite au décret du 7 Septembre la rivière Sesia délimite la frontière entre la France (dans le Piémont) et l’Italie (liée à Milan). Ce découpage provoque la séparation de nombreuses communautés dont Campertogno par exemple qui a une partie française et une partie italienne. À partir de 1804, les Français contrôlaient les passages à la frontière et imposaient des taxes. En 1814 les allemands prirent le contrôle de la vallée et le 21 Mai la maison de Savoie repris possession des terres et Victor Emmanuel supprima la frontière française. En 1818, la Valsesia devient province, en 1836 elle n’est plus considérée comme une province et dépend alors de la juridiction de Novara. En 1844 suite aux réclamations des Valsesians elle redevient province. En 1848 sont définitivement abolis tous les privilèges dont jouissait la population248. Aujourd’hui la Valsesia fait partie de la Province de Vercelli.