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Le covoiturage, une soupape au processus de métropolisation ?

1. Le système de mobilité métropolitain sous pres sion

1.1.2. Les facteurs de concentration de l’urbanisation

Les investissements dans les facteurs de production (capital et travail) sont plus ren- tables ou plus productifs dans les métropoles97. Cette « super productivité » des métro- poles serait liée aux nombreuses « externalités positives » qu’elles offrent, qui procurent aux acteurs économiques des avantages multiples pour développer leurs activités (Jayet

et al., 1996 ; Crevoisier, 2004 ; Halbert, 2010).

Pour Halbert (2010), l’avantage des espaces métropolitains s’explique par leur na- ture « hyperscalaire »98 et par la quantité considérable de ressources qu’ils offrent. Les métropoles offrent « un éventail de plus en plus élargi de services et de biens intermé-

diaires qui permet un accroissement de la productivité des facteurs privés, en particu- lier du facteur travail »99. La quantité et la diversité des ressources présentes au sein de

ces territoires permettent aux acteurs économiques de se diversifier, de se spécialiser et d’investir de manière plus efficiente et sécurisée dans leur secteur d’activité100. Pour

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Lainé, F., (2017) Dynamique de l’emploi et des métiers: quelle fracture territoriale? Note d’analyse de France Stratégie, février - n°53. p 1.

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Ibid. p 1.

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En 1990, Marie-Paule Rousseau avait calculé que les facteurs de productions créaient 30% de richesses en plus lorsqu’ils étaient mobilisés en Île-de-France plutôt que partout ailleurs en France. En 2009, Laurent Davezies avance le chiffre de 50%. (Halbert, 2014).

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La métropole est par nature « hyperscalaire » (Halbert, 2010), c’est-à-dire cosmopolite et connectée dans des réseaux denses et multiples, de l’ultra local au global. Elle peut mobiliser les ressources produites ailleurs, les rame- ner, les réinventer, les rendre visibles. De ce fait les ressources des métropoles sont internes aux métropoles, mais elles sont également issues d’une multitude de territoires.

99 Jayet H., Puig J.-P., Thisse J.-F., (1996), « Enjeux économiques de l’organisation du territoire », Revue

d’Economie Politique, 106, p 140.

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La grande quantité de ressource permet ce que Halbert (2010) dénomme un effet de profondeur qui entraîne lui- même trois effets successifs. Le premier est l’effet de variété. La grande diversité des ressources permet d’avoir à disposition un choix énorme qui autorise voire oblige chacune de ces ressources à se différencier. Cette différencia- tion produit un effet de spécialisation, c’est-à-dire la multiplication de ressources de niches. Cela permet ensuite de produire un effet de sélectivité, c’est-à-dire que les ressources sont à ce point spécialisées que cela conduit à une adéquation quasi optimale entre les besoins et les ressources disponibles. En effet, les entreprises bénéficient d’un

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Veltz (2004), la quantité et la diversité des ressources des métropoles jouent le rôle d’une « assurance flexibilité », car elle améliore le niveau de confiance chez les acteurs économiques, qui peuvent se permettre de risquer, d’innover, de se spécialiser101, d’échouer et de produire de nouvelles collaborations régulièrement renouvelées. En cumulant ces externalités positives, les métropoles focalisent les investissements éco- nomiques, ce qui conduit en retour au renforcement de l’avantage métropolitain. C’est donc de ce fait un processus qui se renforce par lui-même, de façon autocumulative. Par ailleurs, les modalités contemporaines de financements de la fabrication des villes favo- risent très largement les investissements dans les grandes métropoles. Le financement des projets urbains repose de plus en plus sur l’industrie financière102, or, les marchés financiers cherchent à investir dans des « supports prometteurs », c’est-à-dire là où les potentialités de rendements sont les plus élevées et les plus diverses. Ils plébiscitent donc les métropoles qui offrent à la fois diversité et sécurité, et investissent massive- ment dans les grands équipements (réseaux, services), qui offrent des perspectives de revenus locatifs et d’exploitation stables (Halbert, 2010). Cette confiscation de la fabri- cation de la ville par les marchés financiers privés renforce le poids des métropoles puisque ce système s’autoalimente. En outre, les politiques publiques jouent un rôle dans la dynamique de métropolisation, par une mise en concurrence des territoires. Les collectivités territoriales accompagnent donc ce mouvement103 (Fol, 2017).

Enfin, la performance du système de transport métropolitain est intimement liée au processus de métropolisation. D’une part, la baisse des coûts de transport est une des conditions nécessaires aux économies d’échelles et par conséquent un facteur déclen- cheur de la possibilité d’agglomération104.D’autre part, selon Halbert (2010), l’avantage

bassin plus large de main-d’œuvre qualifiée et diversifiée. Elles trouvent également une plus large clientèle, y com- pris pour des produits de niche, ainsi que des fournisseurs plus spécialisés et une force de travail plus qualifiée et adaptée à ces niches. De même, les travailleurs disposent d’emplois plus nombreux et plus variés, ce qui leur permet de multiplier les opportunités et de se spécialiser. Il en résulte un meilleur appariement entre emplois et travailleurs.

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La forme contemporaine d’organisations de l’entreprise, fondée sur la volonté de recentrer les entreprises sur leur activité où elles sont le plus rentable, repose sur la capacité à externaliser. Cette forme particulièrement avancée de la division du travail favorise la métropolisation puisque chaque agent y trouve facilement un ensemble de sous-traitants spécialisés dans le domaine requis. Du point de vue de ces sous-traitants, cette division avancée du travail favorise le développement de services dédiés aux entreprises (logistique, marketing, finance, etc.) qui, eux-mêmes, voient leurs coûts réduits lorsque la taille de leur marché est conséquente, ce qui pousse davantage encore à s’agglomérer.

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Depuis les années 1980, les pouvoirs publics ont perdu la capacité à investir du fait d’une croissance ralentie et des injonctions à leur retrait de l’activité économique. De l’autre côté, les acteurs privés se spécialisent sur leur cœur de métier et adoptent des stratégies les conduisant à éviter d’investir dans leurs propres actifs (immobilier, équipements).

103 L’agenda national des politiques territoriales est dominé depuis une quinzaine d’années par l’objectif de renforcer

le rayonnement et l’attractivité des grandes métropoles régionales. La légitimation de ces politiques dites de « choix du gagnant » (picking-the-winner policy) repose sur l’hypothèse selon laquelle leur croissance profiterait aux autres territoires par effet de « ruissellement ». Les politiques territoriales soutiennent le développement de pôle de compéti- tivités ou de clusters, qui offriraient de nombreux avantages du fait qu’ils rassemblent des acteurs divers travaillant sur les mêmes sujets et pouvant bénéficier des effets d’agglomération.

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Dans un monde préindustriel où les coûts liés à la distance sont particulièrement élevés, les établissements écono- miques sont nombreux et répartis dans l’espace. Chaque territoire accueille des établissements économiques, et cha- cun d’entre eux a, en général, une taille et une zone de chalandise faible. En revanche, dès que les coûts de transport commencent à diminuer, des économies d’échelles vont pouvoir s’opérer, car cela permet d’augmenter la taille de la

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métropolitain tient non seulement à l’existence d’une quantité et d’une diversité consi- dérable de ressources, mais aussi, voire surtout, à la capacité de mobilisation de ces res- sources dans et depuis la métropole. Pour être mobilisées par les acteurs économiques, les ressources doivent pouvoir être facilement identifiées, mais aussi circuler et se con- necter. La performance du système de transport est une condition nécessaire pour per- mettre aux acteurs économiques de se regrouper afin de bénéficier de complémentarités, d’externalités, d’économies d’échelle, tout en conservant la possibilité de desservir à un coût faible des marchés éloignés avec en outre le fait d’avoir la possibilité d’accéder à une main-d’œuvre abondante et diversifiée.

Ainsi, la croissance démographique et économique tend à se concentrer de plus en plus fortement dans les territoires métropolitains, tandis qu’on observe en parallèle le déclin de pans entiers de territoires. Toutefois, cette polarisation de l’urbanisation dans les espaces métropolitains ne se réalise pas seulement en direction des centres, mais majoritairement dans leurs périphéries à l’urbanisation diffuse, où l’accès à l’automobile et l’existence d’un système de transport performant sont d’une part la con- dition du droit à la ville, mais aussi l’un des garants de l’avantage métropolitain.

1.2.

Une croissance urbaine essentiellement périphérique

Le phénomène de concentration de la croissance urbaine dans les territoires métro- politains ne se traduit pas mécaniquement par un accroissement des densités dans les espaces centraux des métropoles. Au contraire, le processus de métropolisation s’est, pendant de nombreuses années, caractérisé par un double phénomène de dé- densification des centres urbains et de concentration de la croissance urbaine dans les périphéries. La diffusion de l’automobile et la décentralisation des politiques du loge- ment ont favorisé cette dynamique d’exode urbain à l’origine d’un processus de périur- banisation réalisé par étapes.

zone de chalandise de l’établissement. Avec une forte baisse des coûts de transports, le nombre d’établissements se réduit, mais chacun d’entre eux a une plus grande taille et une plus grande zone de chalandise. La réduction du coût de la distance permet donc des économies d’échelles et pousse à s’agglomérer. Puig et al. (1996), ou encore Crozet (2015) et Veltz (2017), estiment que la réduction du coût de la distance, permise par l’essor des transports rapides (de personnes, de marchandises), n’entraîne donc pas « l’abolition de l’espace, mais pousse finalement à une recomposi- tion des territoires, au profit d’une plus forte concentration de l’activité dans un nombre restreint de grandes agglo- mérations » (Puig, Jaet et Thisse, 1996).

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