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Chapitre I : étude expérimentale

1. Historique, problématique actuelle

1.1. Les apports des études expérimentales portant sur l’abrasion des galets au cours du transport fluvial

1.1.3. Les expériences en tambour à axe horizontal

1.1.3.1. Brève synthèse des résultats obtenus.

Facile à mettre en œuvre, cette géométrie a été largement utilisée [Daubrée, 1879 ; Wentworth, 1919 ; Schoklitsch, 1933 ; Krumbein, 1941 ; Lord Rayleigh, 1942, 1944 ; Brewer et Lewin 1993 ; Kodama, 1994b ; Mikos et Jaeggi, 1995 ; Jones et Humphrey, 1997].

Les résultats expérimentaux montrent une dépendance plus ou moins forte de l’abrasion vis-à-vis d’une série de variables qui ont été testées indépendamment. La forme initiale des galets à une influence notable sur les taux d’abrasion : lorsqu’un élément anguleux arrive dans le système fluvial, il s’érode très vite pendant les premiers kilomètres de transport et son indice d’émoussé croît très rapidement avant d’atteindre une asymptote [Wentworth, 1919 ; Krumbein, 1941], comme cela a été observé en rivière naturelle [Pearce, 1971]. La nature de la roche a également son importance, les taux d’abrasion étant d’autant plus faibles que la roche est résistante [Schoklitsch, 1933 ; Kodama, 1994b]. L’altération des galets pendant leur stockage dans la plaine d’inondation les fragilise et les rend ainsi plus vulnérables lorsqu’ils sont soumis à l’abrasion pendant leur transport [Jones et Humphrey, 1997]. Enfin, la vitesse et la taille des galets jouent un rôle important en contrôlant les processus et les taux d’abrasion, comme cela sera décrit par la suite [Kodama, 1994b].

Une grande partie des expériences en tambour à axe horizontal ont produit des taux d’abrasion des galets bien inférieurs aux taux de réduction de taille vers l’aval mesurés en rivière naturelle [voir références et discussions dans Pettijohn, 1949 ; Kuenen, 1956 ; Schumm et Stevens, 1973 ; Shaw and Kellerhals, 1982 ; Kukal, 1990 ; Mikos, 1993 ; Brewer and Lewin, 1993 ; Kodama, 1994a, 1994b]. Ces résultats ont poussés les auteurs à considérer que la décroissance de la taille des sédiments vers l’aval fréquemment observée en rivière est principalement une conséquence du processus de transport sélectif ; l’abrasion des particules pendant leur transport ne représenterait alors qu'un processus de réduction de taille secondaire. Deux exceptions cependant : les expériences effectuées par Jones et Humphrey

[1997] avec du matériel altéré et celles réalisées par Kodama avec l’ERC abrasion-mixer [1994b], qui produisent des résultats compatibles avec les taux de réduction de taille mesurés en rivière naturelle. Jones et Humphrey ont montré que les galets stockés dans la plaine d’inondation du Rio Grande (Colorado) développent une couche d’altération de faible résistance qui s’érode très rapidement lorsque les galets sont transportés. Les taux d’abrasion moyennés résultant de cycles « altération - transport + érosion » sont tout à fait compatibles avec les taux de réduction de taille mesurés dans la rivière.

Kodama [1994b] a quant à lui mis au point un dispositif capable de produire des chocs inter-particules à des vitesses avoisinant les 2-3 m/s. Ces vitesses de collision, bien supérieures à celles produites dans les expériences en tambour « classiques », sont réalistes puisqu’elles correspondent aux vitesses déduites de la taille des marques de percussions sur les galets de la rivière Watarase (Japon). L’estimation des vitesses des particules à partir du calcul de la contrainte cisaillante basale de cette même rivière au moment des crues confirme les valeurs obtenues par la méthode citée précédemment [Kodama, 1994b]. Le matériel utilisé consiste en des galets d’andésite et de silex légèrement altérés prélevés dans les barres de galets de la rivière Watarase. Pour chaque lithologie, des expériences « mono-tailles » et des expériences « multi-tailles » ont été réalisées. Les expériences ne duraient pas plus de 5 minutes, cette durée étant suffisante pour mesurer des taux d’abrasion substantiels.

Les résultats obtenus sont les suivants : (1) Les galets se brisent fréquemment et leur réduction de poids est par conséquent rapide. (2) L’abrasion des silex produits préférentiellement des graviers alors que celle des andésites produit plutôt des sables et des silts. (3) Dans les expériences avec les galets de « grande taille » (-7 < phi < -6,5 équivaut à 91 mm < axe b < 128 mm), les galets de silex sont fréquemment réduits en graviers et perdent ainsi rapidement du poids alors que les galets d’andésite se brisent rarement et subissent ainsi des réductions de poids peu conséquentes. (4) Dans les expériences avec les galets de « petite taille » (-4 < phi < -3,5 équivaut à 11 mm < axe b < 16 mm), les galets d’andésite perdent du poids plus rapidement que les galets de silex. (5) La présence de galets de tailles différentes affecte fortement l’abrasion : les galets les plus petits sont broyés par les galets les plus gros. (6) les expériences dans l’ERC abrasion-mixer produisent des coefficients de réduction de taille des particules comparables à ceux déduits des observations de terrain : contrairement à ce qui avait été déduit des travaux précédents, la réduction de la taille des particules vers l’aval peut être expliquée par l’abrasion des particules et non plus seulement par le tri lors du transport sélectif.

1.1.3.2. Critique du dispositif.

Bien que couramment utilisé, le tambour à axe de rotation horizontal présente de nombreux défauts, en particulier celui de reproduire de manière peu réaliste les phénomènes d’abrasion effectifs en rivière naturelle [Kuenen, 1956 ; Mikos et Jaeggi, 1995] :

- l’eau n’entraîne pas les particules mais agit plutôt comme un frein.

- lorsqu’il est déstabilisé, le galet saute et roule sur une pente forte et sur une courte distance, il s’arrête en bas de pente avant d’être remis en circulation de la même manière.

- les galets interfèrent entre eux, ils s’entassent et s’entravent mutuellement avant d’être mis en mouvement en masse, ils ne roulent jamais indépendamment comme c’est couramment le cas en rivière naturelle.

- les galets se déplacent à des vitesses différentes ; la vitesse est fonction de la taille des particules et de la pente du sédiment au moment de leur mise en mouvement.

- la perte de masse se fait davantage par abrasion des galets frottant et roulant les uns sur les autres que par érosion sous l’effet de chocs entre galets immobiles et galets en saltation (excepté pour Kodama [1994b]).

- la mise en mouvement des sédiments est forcée par la rotation du tambour : la capacité de transport du dispositif expérimental est bien plus importante que celle des rivières naturelles (des sédiments en grande quantité et/ou a granulométrie grossière sont mis en mouvement même lorsque la vitesse de rotation est faible).

- la distance parcourue par les galets est fréquemment calculée en multipliant le nombre de rotations par la circonférence du tambour. Or, la distance parcourue est fonction de la taille des particules, les plus larges roulant à la surface du sédiment et les plus fines étant préférentiellement confinées au centre de la charge sédimentaire où elles comblent les vides inter-granulaires. La distance parcourue par les particules peut-être inférieure à la moitié du produit [circonférence du tambour] x [nombre de rotations]. Une procédure de correction doit être effectuée, dépendant de la vitesse de rotation du tambour, du taux de remplissage et du rapport du diamètre des grains à celui du tambour [Mikos et Jaeggi, 1995].

L’importance de ces défauts recommande la prudence en ce qui concerne l’interprétation des résultats issus des expériences en tambour à axe horizontal.