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Chapitre I : étude expérimentale

4. Simulation de l’abrasion

4.2. Les variables et leur mesure

4.2.2. La vitesse et la trajectoire des particules

4.2.2.1. Comportement des galets dans le canal : observations qualitatives

Avant d’entamer cette partie dédiée à la caractérisation des vitesses et des trajectoires des particules, abordons le sujet de manière qualitative. Une question importante se pose en effet : le comportement des particules dans le canal est-il représentatif du comportement qu’auraient ces mêmes particules en rivière naturelle ? D’après nos observations, la réponse est plutôt positive dans la majeure partie des gammes de taille et de vitesse correspondant à nos conditions expérimentales.

Les hublots du canal permettent une observation directe de la trajectoire des galets sur 60 cm environ. Dans toute la suite, nous supposerons que les observations sur les galets qui

ont pu être faites au travers de ces hublots sont représentatives de l’ensemble du canal, au même titre que les écoulements fluides ; la preuve en a été faite pour ces derniers par nos mesures au tube de Pitot. En réalité, les conditions au niveau du hublot basal en polycarbonate sont différentes de celles du reste du canal car l’adhérence y est faible et la rugosité localement différente. Sur une quinzaine de cm, certaines trajectoires s’en trouvent altérées : les galets qui « atterrissent » sur ce secteur ayant plutôt tendance à se déplacer en glissant et roulant que par une nouvelle saltation. Notons que pendant les expériences d’abrasion, le hublot basal est recouvert d’une protection en pneu dans la continuité de celles qui le bordent.

Les particules se déplaçant sur le fond ont tendance à rouler du fait de la rugosité du substrat et de l’adhérence des pneumatiques. Cependant, cette rugosité a été maintenue constante pour toutes les expériences quelque soit la taille des particules considérée. Le changement de la dimension de la rugosité à probablement une influence sur les modalités de transport des sédiments. Les éléments nécessaires à l’étude de l’influence de cette variable ont d’ores et déjà été conçus (voir § 3.2.16) ; ils seront utilisés dans le cadre de travaux futurs.

Les particules en saltation ont des trajectoires conformes à celles qui ont été obtenues par d’autres études expérimentales ou théoriques [Abbott et Francis, 1977 ; Wiberg et Smith, 1985 ; Niño et Garcia, 1994a, 1994b]. Elles sont caractérisées par une phase ascendante raide puis par une phase descendante plus longue et de trajectoire plus tendue.

La quantité de sédiment joue un rôle important : lorsqu’elle augmente, la vitesse d’injection des fluides nécessaire à la mise en mouvement de l’ensemble de la charge s’accroît. Les interactions entre les galets s’accroissent également du fait de l’augmentation du degré de couverture du fond. A partir des quantités pour lesquelles le fond est intégralement couvert, les galets ont tendance à circuler sur plusieurs couches superposées (fig. 56). Ce phénomène est d’autant plus visible que la quantité de sédiments est importante : tous les sédiments sont en mouvement mais la vitesse des galets augmente lorsque l’on se déplace vers les couches les plus superficielles. Ces observations sont contraires à celles de Sklar et Dietrich [2001] dans le dispositif desquels une couche de sédiments quasi immobile se formait lorsque la quantité de sédiments s’accroissait ; cette différence est certainement liée aux conditions hydrodynamiques contrastées régnant dans les deux dispositifs (voir § 1.2.2.2).

Figure 56 : circulation des galets sur plusieurs couches lorsque la quantité de sédiments est importante. 75 kg de galets de la fraction 2-4 cm, Ufl = 2,0 m/s, Ug = 1,2 m/s, tous les galets sont en mouvement.

Pour une taille de galets et une quantité de sédiments données, on observe lors de la montée en vitesse des fluides une mise en mouvements progressive des sédiments : les premiers galets commencent à se déplacer à faible vitesse, puis le nombre de galets en mouvement et leur vitesse augmente jusqu’à ce que l’ensemble de la charge se déplace. Lorsque les galets se déplacent à faible vitesse, ils sont rabattus par les courants secondaires vers le bord interne du canal contre lequel ils se bloquent ; une frange de galets immobiles a alors tendance à s’y former (fig. 57). Lorsque la vitesse augmente, le mouvement des galets devient moins sporadique et la largeur de la frange se réduit jusqu’à disparaître lorsque toute la charge est transportée. Ce phénomène est particulièrement bien visible pour les galets de petite taille.

Lorsque tous les sédiments sont en mouvement, ce qui correspond à la condition dans laquelle la majeure partie des expériences d’abrasion ont été réalisées, ils ont tendance à occuper toute la largeur du canal, comme cela avait été observé sur la maquette (fig. 57). Une caractérisation plus fine de la trajectoire des particules est présentée au paragraphe suivant. Notons néanmoins que des processus de ségrégation ont été observés. Nous avons réalisé une série d’expériences avec 105 kg de galets : 35 kg de galets de la fraction 1-2 cm, 35 kg de la fraction 2-4 cm, 17,5 kg de la fraction 4-6 cm et 17,5 kg de la fraction 6-8 cm. Pendant le déroulement des expériences, une ségrégation de taille s’est produite, les gros galets se déplaçant préférentiellement en trajectoire externe à l’inverse des plus petits. Ce phénomène s’explique par le fait que la force centrifuge s’exerçant sur le galet augmente plus rapidement que la force des courants secondaires lorsque l’on augmente la taille du galet (voir discussion

et expression du rapport entre les deux forces § 2.2.2.). Un tel comportement risque d’influer sur les modalités de collision entre les particules et donc de biaiser les taux d’abrasion expérimentaux.

Ce phénomène devra être pris en compte lorsque des expériences d’abrasion multi-tailles seront réalisées, soit en précisant la nature des corrections à apporter pour supprimer les biais qu’il induit, soit en modifiant la configuration du dispositif afin de l’inhiber.

Figure 57 : modalités de mise en mouvement des sédiments en fonction de la vitesse des fluides. Observations à faire dans le hublot basal (visible en bas à travers un miroir). Expérience à 34 kg de galets de la fraction 2-4 cm.

Photo de gauche : Ufl = 1,5 m/s, tous les galets ne sont pas en mouvement. Une frange de galets immobiles se forme contre le bord interne du canal, réduisant le largeur et augmentant le rayon de courbure de la partie efficace du canal.

Photo de droite : Ufl = 2,3 m/s, tous les galets sont en mouvement et ils occupent toute la largeur du canal. Ici, Ug = 1,6 m/s.

Enfin, notons que de rares fois, un phénomène qui pourrait s’apparenter à la formation et propagation d’onde de sédiments s’est produit à très forte vitesse : les galets ont formé des paquets (deux en général), très stables dans le temps. Ce phénomène s’accompagnait de la formation de vagues importantes en surface du vortex, l’onde fluide et l’onde sédimentaire étant parfaitement en phase. Aucune expérience d’abrasion n’a été réalisée dans ces conditions.