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Chapitre I : étude expérimentale

4. Simulation de l’abrasion

4.3. Les expériences d’abrasion des galets

4.3.6. Dépendance de l’abrasion vis-à-vis de la lithologie

4.3.6.1. Expériences d’abrasion avec les lithologies himalayennes.

Deux expériences d’abrasion (runs 44A et 44B) ont été réalisées avec des galets prélevés dans la vallée de la Marsyandi. Entre trois et dix galets ont été prélevés sur le terrain pour chacune des lithologies représentatives. L’axe b des galets etait compris entre 4 et 10 cm. Pour l’expérience 44A, 15 kg de galets de lithologies himalayennes tendres (calcaires, marbres, schistes et grès) ont été mêlées à 60 kg de galets de cristallin du Drac. Pour l’expérience 44B, ce sont 15 kg de galets de lithologies himalayennes résistantes (granites, gneiss, quartzites) qui ont été mêlés à 60 kg de galets de cristallin du Drac. La vitesse moyenne des fluides était de 2,3 m/s, celle des galets de 1,3 m/s. Les expériences 44A et 44B ont duré 0,5 et 1,5 heures, permettant aux galets de parcourir des distances de 2,3 et 7,0 km respectivement. Certains galets ont subi les deux expériences ; les taux obtenus sont très similaires, témoignant de l’absence de phénomène d’altération. En effet, ce dernier phénomène aurait conduit à la formation d’une couche périphérique peu résistante qui aurait produit des taux d’abrasion plus importants au cours de la première expérience.

Les résultats bruts sont présentés en annexe III. Ils sont synthétisés dans le tableau suivant.

Unité structurale Lithologie Taux d’abrasion (%.km-1)

Moyenne 1s min max TSS, unités inférieures (Paleozoique) Grès quartzitique 0,4 0,3 0,16 0,9 TSS, unités inférieures (Ordovicien) Calcaire marneux 2,6 0,8 1,7 3,4 TSS, unités inférieures (Paleozoique) Calcaire siliceux

des Annapurnas

0,5 0,2 0,3 0,7

TSS, unités inférieures (Paleozoique) Schiste 7 8 0,4 20

Granite du Manaslu Granites 0,4 0,2 0,28 0,6

HHC, Formation II Gneiss calcique 0,4 0,2 0,12 0,7 HHC, Formation I Gneiss Alumineux 1,4 0,6 0,5 2,4 LH, séries supérieures, partie

septentrionale de l’anticlinorium

Schiste, micaschiste et séricitoschiste

16 10 4,3 31

LH, séries supérieures, partie septentrionale de l’anticlinorium

Marbre 1,7 0,4 1,4 2,2

LH, Formation de Kuncha Grès 1,7 1,2 0,17 3,8 LH, Formation de Kuncha Schiste/grès 2,5 0,6 1,8 2,9

LH Quartzite 0,15 0,04 0,1 0,2

LH, séries supérieures, partie septentrionale de l’anticlinorium

Schiste 23 16 5,4 45

Siwaliks MDT Grès 6 5 1.4 13

Siwaliks MFT Grès 31 22 16 47

Le taux d’abrasion des 5 galets de calcaire du Buëch qui ont été mêlés au galets himalayens est de 1,0 ± 0,3 % / km, soit une valeur intermédiaire entre les 0,5 % / km des calcaires siliceux et les 2,6 % / km des calcaires marneux himalayens. Le taux d’abrasion des galets de granite du Drac au cours des mêmes expériences est d’environ 0,4 % / km, un taux similaire au taux d’abrasion des granites himalayens.

Pour les lithologies « massives », les taux d’abrasion obtenus sont 1 à 3 fois supérieurs aux taux obtenus pour des lithologies équivalentes au cours de précédentes études [Schoklitsch, 1933 ; Krumbein, 1941 ; Kuenen, 1956]. Pour les lithologies foliées ou schistosées, nous obtenons des taux 4 à 20 fois supérieurs. Notons néanmoins que les études en question ont été réalisées dans des conditions hydrodynamiques plus calmes.

Par ordre de résistances à l’abrasion croissantes, on retrouve les mêmes matériaux : - les matériaux les plus résistants sont les quartzites, puis les granites et gneiss. La

dispersion des taux pour ces lithologies est très faible du fait de leur globale homogénéité. En revanche, des différences peuvent apparaître au sein d’une même lithologie ; par exemple, les gneiss de la formation I ont des taux d’abrasion bien supérieurs aux gneiss de la formation II. Ce phénomène est dû à la présence dans les gneiss de la formation I de lits de micas bien développés qui contribuent à rendre la roche moins résistante à l’abrasion. - les calcaires viennent ensuite. La dispersion de leur taux est également peu importante,

toujours associée à une homogénéité globale du matériau. On note cependant, de la même manière que pour les gneiss, des différences au sein des lithologies calcaires : les calcaires siliceux métamorphiques de la série des Annapurnas résistent bien mieux que les marbres, puis que les calcaires marneux. Ces différences sont liées au degré de recristallisation et de métamorphisme des roches, ces processus engendrant des modifications de la nature, de la taille et de la cohésion des minéraux constitutifs ; ces modifications contribuent généralement à rendre les roches plus résistantes.

- enfin, les grès et les schistes produisent des taux d’abrasion importants et très variables. La résistance à l’abrasion des grès s’accroît, comme pour les calcaires, lorsque leur degré de diagenèse ou de métamorphisme augmente. La résistance des schistes est conditionnée quant à elle par l’abondance de minéraux « fragiles » (micas et autres minéraux phylliteux) et par la pénétrativité et l’espacement des débits tels que schistosité, foliation ou stratification. Du fait de leur structure et de leur composition minéralogique particulière, les galets de schistes ont tendance à être réduits par éclatement, un mode d’érosion qui se produit rarement pour les autres lithologies et qui explique en grande partie les forts taux d’abrasion mesurés et leur importante variabilité pour la lithologie en question.

4.3.6.2. Effet de la présence de galets de lithologies résistantes sur les taux d’abrasion des galets de calcaire.

Le taux d’abrasion obtenu pour les galets de calcaire du Buëch au cours de ces expériences multi-lithologies est de 1,0 ± 0,3 % / km. Rappelons qu’au cours de ces expériences, 15 kg de galets de lithologies tendres (calcaire, schiste, grès) ont été mêlés à 60

kg de galets de granite du Drac (lithologie résistante, E = 0,4 % / km). Dans les mêmes conditions (taille, vitesse des galets et quantité de sédiment), l’extrapolation de nos résultats donne un taux d’environ 0,7 % / km pour les expériences mono-lithologies avec les galets de calcaire.

Cette augmentation peut s’expliquer par le fait que la dureté relative des minéraux constituant le projectile et la cible impliqués dans un impact ainsi que la cohésion entre ces minéraux sont des facteurs contrôlant l’abrasion, comme cela est défini dans les bases de la tribologie (voir § 1.1.2.2.). Ce phénomène est corroboré par les expériences de Sklar et Dietrich [2001] : les taux d’abrasion du fond rocheux de leur dispositif sont multipliés par trois lorsque les galets de même nature que le fond sont remplacés par des galets de quartzite (très dur). Cependant, l’augmentation du taux d’abrasion est nettement moins importante dans nos expériences, ce qui peut s’expliquer de différentes manières.

Tout d’abord, les galets de calcaires ont été mêlés à des galets de granite et non de quartzite. La dureté et la cohésion des quartzites sont à priori plus importantes que celles des granites, celles-ci étant constituées principalement d’un agencement robuste de minéraux de quartz de dureté 7 sur l’échelle de Mohs. Néanmoins, le granite et les granitoïdes en général sont essentiellement constitués de quartz et de feldspath, de micas et éventuellement de pyroxène et d’amphibole. Si l’on excepte les micas, la majeure partie de ces minéraux ont des duretés voisines de 6-7 sur l’échelle de Mohs, bien supérieures à la dureté de la calcite égale à 3. Certes, la cohésion d’un granite est nettement moins bonne que celle d’une quartzite, en particulier du fait de la présence de minéraux tendres (micas) dispersés dans la roche. Cependant, la grande différence qui existe entre nos résultats et ceux de Sklar et Dietrich ne peut pas être entièrement liée au choix de la lithologie.

La différence serait plutôt liée aux modalités de l’abrasion et aux processus impliqués dans les deux types d’expériences. Dans le cas d’un impact avec un angle d’incidence proche de la normale, les dégâts occasionnés au moment du choc sont maximaux (voir § 1.1.2.2.) ; en revanche, la contribution de l’abrasion liée au frottement entre la particule et le substrat est nulle. Si l’on se place dans le cas d’un impact avec un angle d’incidence faible, les dégâts occasionnés par le choc sont en comparaison peu importants ; cependant, une trajectoire rasante permet à la particule de rester en contact plus longtemps avec le substrat au moment de l’impact, ce qui produit une abrasion par frottement plus conséquente que si l’angle

Sklar et Dietrich s’intéressent principalement à l’abrasion du substrat rocheux par les galets. Dans ce contexte, les impacts ont une composante tangentielle importante du fait de la trajectoire descendante tendue caractéristique des particules en saltation. La composante abrasive est donc significative. Dans ce cas, la résistance relative des matériaux exerce un contrôle majeur sur les taux d’abrasion.

Dans notre cas, nous nous intéressons à l’abrasion des galets entre eux : la probabilité d’impact avec des angles d’incidence forts est plus importante, du fait principalement de la forme des galets. La composante abrasive est donc probablement négligeable par rapport aux dégâts causés par les chocs. Dans le cas de chocs à angle d’incidence fort, c’est l’énergie cinétique et la taille des objets considérés qui contrôle principalement l’érosion.

Ainsi, la nature contrastée des processus d’érosion impliqués dans les deux types d’expériences pourrait expliquer les différences observées. Par conséquent, les résultats que nous obtenons pour les expériences d’abrasion des galets par les galets ne peuvent être raisonnablement étendus au cas de l’abrasion du substrat par les galets.

4.3.7. Variations des taux d’abrasion en fonction de la taille relative des galets les uns