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Chapitre I : étude expérimentale

2. Définition de la géométrie et dimensionnement du dispositif

2.1. Choix de la géométrie du dispositif

Sur les considérations présentées ci-dessus, plusieurs choix ont été envisagés. Tout d’abord, nous avons écarté les tambours qui ne reproduisent que très imparfaitement les processus de transport et d’abrasion effectifs en rivière naturelle ; de plus, il ne permettent pas d’étudier l’érosion du substrat rocheux. Nous nous sommes donc orientés vers une étude en canal.

La première piste a été celle du canal droit (fig. 6) : de section généralement rectangulaire, le canal est alimenté en eau en amont et les galets sont mis en mouvement sous les effets conjugués du courant fluide et de la pente (réglable). Plusieurs raisons nous ont poussé à écarter ce choix :

- l’encombrement : pour assurer une bonne stabilité de l’écoulement, il est nécessaire de réaliser un canal dont la longueur est au moins un ordre de magnitude supérieure au diamètre D caractéristique de la section. En effet, une perturbation initiée en un point d’un canal induit des perturbations de l’écoulement vers l’aval mais aussi vers l’amont. 5D est la longueur de perturbation moyenne couramment admise en écoulement industriel. Le début et la fin du canal peuvent être considérés comme des perturbations dans l’écoulement ; ils auront une influence sur une longueur cumulée 10D dans le canal. La longueur totale du canal doit donc être bien supérieure à la longueur 10D de la zone de perturbation, ce qui implique directement une longueur du canal pluri-métrique, voire pluri-décamétrique (10D = 1 mètre pour un canal de 10 cm de large).

- le système d’alimentation en eau : nous voulons reproduire des courants fluides proches de ceux des rivières de montagne en période de crue. En contexte de mousson, les vitesses moyennes des fluides à travers une section du bief atteignent couramment les 4 m/s. C’est l’objectif que nous nous sommes fixés expérimentalement. Pour un canal de section carrée 30 x 30 cm, cela correspond à un débit de 360 l/s, ce qui est loin d’être négligeable pour un canal de section assez modeste.

- le système de recyclage des sédiments : pour que les galets puissent parcourir de longues distance, il faut concevoir un système qui les récupère à l’extrémité aval du canal et les ré-achemine en amont. De plus il faut que, lors de leur passage dans ce système, les galets ne subissent pas d’abrasion conséquente par rapport à l’abrasion produite pendant la circulation dans le canal. De nombreux possibilités existent concernant les systèmes de recyclage des sédiments (tapis roulant, aspiration par pompe,…) mais elles ne parviennent généralement pas à répondre à cette dernière exigence. Pour exemple, citons le dispositif proposé par Escher [1961] (fig. 7) qui induirait une abrasion importante des sédiments au moment de leur passage dans la chute d’eau.

Ainsi, devant la difficulté de conception et de réalisation, la limitation du budget alloué à notre étude et au vu des autres problèmes inhérents à la géométrie « canal droit », nous avons préféré y renoncer.

Figure 6 : exemple de canal expérimental ; celui-ci est utilisé pour étudier les effets des phénomènes de transport et de dépôt sélectifs sur la diminution de la taille des sédiments vers l’aval [Paola et al., 1992]. Dimensions : 45 m de long, 1,2 m de profondeur et 0,3 m de large.

Figure 7 : « Waterfall »,

lithographie de M.C. Escher, 1961.

Nous avons finalement privilégié une géométrie éprouvée par Kuenen [1955, 1956, 1966] : le canal circulaire. Cette géométrie présente de nombreux avantages, en particulier celui de permettre aux galets de parcourir de longues distances sans interruption. De plus, les galets sont mis en mouvements sous l’effet du courant fluide comme c’est le cas dans les rivières naturelles. Les principaux inconvénients sont liés à l’absence de pente, contrairement aux rivières naturelles où les galets sont mis en mouvement sous les effets cumulés de la pente et du courant fluide, à la largeur réduite du canal pouvant entraîner des effets de bord importants et surtout à la géométrie circulaire qui introduit des forces centrifuges non désirables.

Dans le dispositif de Kuenen, l’eau était mise en mouvement par un système de pales en rotation. Cette configuration pouvant engendrer des perturbations dans l’écoulement en particulier à l’arrière des pales, nous avons préféré envisager un autre système de mise en mouvement des fluides. Parmi les systèmes déjà éprouvés, citons le système à disques installé par la SOGREAH (Société Grenobloise d'Etudes et d'Applications Hydrauliques) sur un canal expérimental : quatre disques parallèles aux parois du canal ont leur base immergée dans la partie supérieure de la colonne d’eau (fig. 8). Leur rotation entraîne la mise en mouvement des fluides de manière non-turbulente. Cependant, les vitesses obtenues sont faibles par rapport à celles que nous souhaitons atteindre. De plus, les interactions probables entre les galets et les disques pourraient s’avérer rédhibitoires.

Figure 8 : principe de fonctionnement du système à disques mis au point par la SOGREAH. Plusieurs disques sont disposés côte à côte.

Citons également le système à fond mobile inspiré du dispositif utilisé par Krishnappan et Engel [1994] pour étudier l’érosion et le dépôt des particules en suspension en rivière. Dans ce dispositif, c’est le fond qui se déplace par rapport aux fluides. Lors de son fonctionnement, la colonne d’eau est principalement perturbée à sa base : la vitesse est quasiment nulle à travers la colonne d’eau excepté à sa base où elle augmente brutalement pour atteindre la vitesse du fond au contact (fig. 9). Si l’on change de repère et que l’on prend le fond comme référentiel fixe, on obtient un gradient de vitesse vertical proche du gradient caractérisant les rivières naturelles, avec une vitesse variant peu excepté au niveau de la couche limite basale. Cependant, un tel dispositif est techniquement difficile à réaliser.

Figure 9 : principe de fonctionnement du système à fond mobile.

Nous avons finalement opté pour un système d’injection tangentielle des fluides dans le canal, moins complexe à concevoir et répondant manifestement à nos exigences. Les injections sont au nombre de 4 pour assurer une certaine symétrie au dispositif et elles sont alimentées par une pompe.

Pour éviter une consommation d’eau exorbitante, réaliser un circuit fermé était nécessaire. Le bord interne du canal est moins élevé que le bord externe, ce qui permet à l’eau d’être évacuée par débordement au centre du canal. Cette eau est récupérée dans une cuve avant d’être remise en circulation.

Les dimensions ont été inspirées de celles des dispositifs existants. Elles ont également été conditionnées par un certain nombre d’exigences d’ordre scientifique, technique et économique. Nous avons dans un premier temps décidé de réaliser un canal de 150 cm de diamètre, de 60 cm de haut et de 30 cm de large. Cette dernière doit être minimisée au

maximum afin que les conditions hydrodynamiques soient similaires sur toute la largeur du canal ; elle doit néanmoins être suffisante pour permettre aux galets de « circuler librement » sans constamment être repoussés sur les bords par leurs voisins. La taille maximum des galets que nous voulons utiliser étant de 10 cm, un canal de 30 cm de large semble être un bon compromis. Le principe de fonctionnement du canal est illustré en figure 10, il sera développé au cours des paragraphes suivants.

Figure 10 : principe de fonctionnement du canal circulaire.

Bien entendu, les choix que nous avons fait en terme de géométrie et de dimensions, qu’ils soient basés sur des considérations techniques, hydrodynamiques, ou tout simplement intuitifs, nécessitent d’être validés. Dans cette optique, une maquette fonctionnelle à l’échelle 1/5ème a été réalisée. L’objectif de cette maquette est de caractériser les écoulements fluides et les trajectoires des particules afin de définir la géométrie et les dimensions finales du dispositif expérimental.