• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4. De la construction théorique … à la mise en action

2. Présentation des financeurs

3.3 Les entretiens

Pour mener à bien notre démarche qualitative, nous avons eu recours à l’outil de l’entretien, et plus précisément, aux entretiens semi-directifs. Ceux-ci visaient à cerner les points de vue des différents acteurs.trices sur la question du « socio-sport ». Quels que soient les acteurs et actrices rencontré.e.s, nous avons voulu saisir leur définition du « socio-sport », identifier les enjeux qu’il représentait pour eux mais aussi les publics qu’ils.elles ciblaient. L’objectif était de construire « l’espace des idées ».

144

Nous verrons que l’entretien est aujourd’hui un outil très utilisé mais que son usage, subtil et complexe, suppose une vigilance aigüe. Nous préciserons également les spécificités de l’entretien semi-directif et expliquerons comment ces entretiens ont été préparés puis menés.

3.3.1 L’entretien : une méthode irremplaçable mais complexe

La méthode de l’entretien s’est affinée et complexifiée dans les années 1960 en lien avec

« l’expansion du champ de recherche qualitative, liée aux critiques du positivisme quantitatif, à l’élaboration d’alternatives méthodologiques et à l’inscription de l’acteur sur l’agenda des sciences sociales » (Bongrand, Laborier, 2005, 77) 208. Convaincue par l’intérêt de développer pour notre objet une démarche principalement qualitative, nous avons fait de l’entretien le support principal – avec l’observation – de notre recherche. Pour certain.e.s chercheur.e.s, il est d’ailleurs « essentiellement l’outil de l’étude qualitative et exploratoire » (Ghiglione et Matalon, 1978) » (Blanchet, 1997, 11)209.

Dans le domaine qui nous intéresse, et notamment dans l’analyse des politiques publiques, l’entretien « semi directif, informatif et rétrospectif semble être devenu l’outil principal du chercheur français en politiques publiques, quelle que soit l’option théorique choisie » (Bongrand, Laborier, op.cit., 75).

Pour nous, l’entretien n’est pas simplement un outil technique mais une relation sociale comme le rappelle S. Beaud « L'entretien sociologique, loin de se réduire à une simple communication de face à face entre A et B (comme le postule toute une tradition de l'entretien issue de la psychologie sociale) est aussi une relation sociale entre deux personnes qui se différencient par leurs caractéristiques sociales, scolaires, sexuelles » (Beaud, 1996, 238)210. L’entretien se présente alors comme une véritable interaction entre deux individus.

Cependant, celle-ci se heurte à un obstacle important, auquel nous avons été confrontée. En effet, le discours des enquêté.e.s permet de vérifier ou d’invalider des hypothèses. Mais comment être sûr de la véracité des propos des enquêté.e.s ? Autrement dit, « A qui peut-on se

208 Bongrand, P., Laborier, P. (2005). L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ?, Revue française de science politique, n°55, 73-111.

209 Blanchet, A. (1997). Dire et faire dire : L’entretien. 2ème édition, Paris, coll. Armand Colin.

210 Beaud, S. (1996). L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l’ « entretien ethnographique », Politix. vol. 9, n°35. Troisième trimestre, 226-257.

145

fier ? » (Demazière, 2007) 211. Le.la chercheur.e se trouve dans une position délicate, pris.e entre le degré de confiance accordé à la parole des enquêté.e.s et celui de méfiance car J.

Lacan l’écrivait « Je dis toujours la vérité pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas » (Lacan, 1974).

D’où le paradoxe : l’entretien est « aujourd’hui irremplaçable dans toutes les disciplines scientifiques qui s’intéressent aux contenus véhiculés par la parole » (Blanchet, op.cit., 11) mais est d’une fiabilité incertaine car reposant sur des paroles qui « apparaissent instables, changeantes, fuyantes, en un mot subjectives » (Demazière, 2007, 97). Le recours à l’entretien suscite donc « des interrogations sur le statut du matériau, sur la valeur de la parole des gens, sur la portée du discours indigène, sur l’utilité des énoncés des interviewés (Demazière et Dubar, 1999) » (Demazière, op.cit., 88) et amène même à « faire peser le doute sur les résultats obtenus par son biais » (Blanchet, op.cit., 11). D. Demazière ajoute également que les résultats peuvent rendre compte d’une description déformée de la réalité ; cette déformation « n’est pas maîtrisée par le sociologue et ses protocoles d’investigation, mais résulte des fantaisies de l’enquêté » (Demazière, op.cit., 89).

La déformation des propos des enquêté.e.s doit toutefois être, à notre sens, relativisée. Le.la chercheur.e dispose d’autres outils pour vérifier l’exactitude des discours recueillis. En effet, la complémentarité des outils de recherche permet de diminuer les doutes concernant les résultats. Dans notre cas, les résultats des divers entretiens obtenus ont été, en grande partie, vérifiés par l’observation participante.

Il convient également de dépasser le sens des discours pour comprendre et expliquer ce qui conduit les individus à les produire. En effet, il est important d’ « expliquer ce que les gens font à partir non de ce que les gens disent de ce qu’ils font, mais de ce qu’ils sont » (Bourdieu et al., op.cit., 30). Ainsi, l’un des salariés d’une association nous explique ne pas comprendre l’incitation des politiques publiques à féminiser les pratiques sportives car il estime que les femmes sont simplement moins « disposées » à faire du sport. Au cours de l’entretien, il revient sur son histoire et nous comprenons qu’il est issu d’un milieu populaire où les rôles étaient sexués, sa mère restant au foyer pour effectuer des tâches domestiques pendant que son père l’entraînait à jouer au football. Il a de plus pratiqué deux sports exclusivement

211 Demazière, D. (2007). A qui peut-on se fier ? Les sociologues et la parole des interviewés. Langage et société, n° 121-122, 85-100.

146

masculins, d’abord le football jusque l’âge de quinze ans puis le rugby pendant une dizaine d’années212.

Certes, avoir recours à l’entretien nécessite des vigilances de pratiques, mais il présente de nombreux avantages qui en font un outil des plus utilisés en sociologie.

Il permet d’avoir des échanges « privilégiés » avec un.e enquêté.e et obtenir de sa part des discours qui ne peuvent avoir lieu en situation ordinaire, notamment en présence d’autres personnes. La situation de « face à face » participe alors à une mise en confiance et une

« libération » plus aisée de la parole. Nous pouvons prendre l’exemple d’un animateur qui nous dit profiter d’être seul pour donner son avis et émettre des critiques sur le fonctionnement de l’association ou encore de cette responsable qui raconte les déstabilisations qu’elle a subies par certains de ses collègues lors de sa prise de fonction, des évènements personnels qui ne sont pas « avoués » hors situation d’entretien.

C’est également en ce sens que l’entretien est riche d’informations. En effet, il est possible d’y aborder une diversité de thèmes, jugés essentiels pour la recherche. Il permet de « tester » ses hypothèses, les confirmer ou les infirmer et d’approfondir certains sujets pour cerner au mieux les représentations des enquêté.e.s.

L’entretien a été pour nous l’unique moyen de pouvoir s’entretenir avec certaines catégories d’acteurs, particulièrement les politiques. Ne les côtoyant pas régulièrement ou seulement lors de réunions professionnelles, il nous était difficile d’avoir des discussions sur des sujets ciblés.

Le caractère « officiel » de l’entretien nous a permis de légitimer notre démarche et même de s’entretenir avec des élu.e.s « difficiles d’accès » (Maire, élus du département, etc.).

3.3.2 Forme de l’entretien : l’entretien semi-directif

L’entretien peut prendre différentes formes : directif, semi-directif ou non directif. L’entretien directif consiste à aborder les mêmes thèmes et questions dans un ordre précis et intangible.

Avoir recours à l’entretien directif peut être utile pour définir des typologies c'est-à-dire des groupes que l’on peut considérer comme homogènes.

212 De nombreuses études ont fait état des liens existant entre l’origine sociale des individus et les rapports sociaux de sexe, voir notamment Bourdieu, P. (1998). La domination masculine. Paris, Éditions du Seuil., Kergoat, D., (2005), Rapports sociaux et division du travail entre les sexes, in Maruani, M. (dir.), Femmes, genre et sociétés, La Découverte, coll. « L’état des savoirs », Paris, 94-101 mais aussi entre les classes sociales, le genre et le choix des pratiques sportives : Davisse, A. et Louveau, C., 1998, Sports, école et société : la différence des sexes, féminin, masculin et activités physiques, L’Harmattan, Paris. Mennesson, C. (2004). Être une femme dans un sport « masculin ».

Modes de socialisation et construction des dispositions sexuées. Sociétés contemporaines, n°55, 69-90.

147

L’entretien semi-directif vise à explorer un ensemble de thèmes mais pas nécessairement dans le même ordre pour tous les enquêté.e.s. Des thèmes supplémentaires peuvent apparaître en fonction du discours de l’enquêté.e. Le.la chercheur.e rebondit alors sur un élément nouveau qu’il.elle juge intéressant. L’intérêt de ce type d’entretien réside dans la comparaison des discours afin de faire ressortir des points communs ou, au contraire, des divergences.

L’entretien non directif n’a pas fonction d’aborder de thèmes précis mais se contente du récit de vie de l’enquêté.e. Cette forme d’entretien est largement répandue dans le champ des sciences sociales. Comme le souligne D. Demazière « La non-directivité (Rogers, 1945) [...]

est devenue progressivement, dans les sciences sociales, une espèce de norme académique, enseignée comme une méthode canonique » (Demazière, op.cit., 90).

Bien que la non directivité soit une méthode très utilisée, nous avons choisi la forme d’entretien semi-directif. En effet, notre intention était de faire émerger des points de vue différents sur le « socio-sport », de cerner les liens entre les acteurs.trices du « socio-sport » et notamment les jeux d’acteurs.trices qui en découlent. C’est la raison pour laquelle l’entretien semi-directif nous a semblé le plus approprié et pertinent car, comme expliqué ci-dessus, il permet de faire ressortir les points de comparaisons, de différences par la confrontation des discours.

L’objectivité, centrale dans le travail de recherche, s’impose également pour les entretiens, notamment semi-directifs. Pour S. Beaud, au fur et à mesure de la conduite de l’entretien, le.la chercheur.e peut tester ses hypothèses « en accumulant ainsi tout au long de l'entretien un certain nombre d'indicateurs sociaux objectifs et d'indices subjectifs, le sociologue peut commencer à faire, chemin faisant, un certain nombre de rapprochements « socio-logiques », à prévoir de futurs résultats et ainsi tester la probabilité de réponses à certaines de ses questions » (Beaud, op.cit., 245).

La forme de l’entretien semi-directif suppose une gymnastique intellectuelle exigeante. En effet, le.la chercheur.e a connaissance des thèmes qu’il.elle souhaite aborder mais peut être amené à rebondir sur d’autres, non prévus. Il.elle doit donc rester ouvert.e à de nouvelles interrogations sans perdre de vue ses questionnements initiaux afin de garder une ligne directrice solide. S. Beaud met en évidence le « travail constant et minutieux d'écoute » dans la conduite de l’entretien. L’enquêteur.trice est continuellement attentif.ve et « à l'affût du moindre indice, de la moindre information « sociologique » » (Beaud, op.cit., 245).

148

La maîtrise de cet exercice intellectuel s’affine au fur et à mesure des entretiens. Pour cela, il est nécessaire de préparer sérieusement chaque entretien.

3.3.3 La préparation des entretiens

S’engager dans une démarche d’entretiens n’est pas un exercice aisé. Bien que nous étant initiée et formée à celle-ci à l’occasion de notre mémoire et du contrat de recherche, un travail d’approfondissement de la méthodologie est nécessaire. Certains auteurs comme A. Blanchet constatent l’absence de règles en matière de conduites d’entretiens : « Il n’existe en matière d’entretien de recherche aucune règle précise qui justifie et définisse les conduites des interviewers » (Blanchet, op.cit., 11).

Cependant, l’utilisation d’une méthodologie est indispensable comme le souligne H.

Chamboredon et al.213 « le «discours de la méthode» n'est pas un luxe ou une facilité, mais au contraire une nécessité, et pas seulement pour les débutants » (Chamboredon et al., 1994, 132). De plus, tout comme le.la professionnel.le, l’étudiant.e se confronte à de nombreux obstacles mais « il se trouve plus brutalement confronté aux contraintes de la méthode : l’entrée en contact avec les agents, la préparation des entretiens, la gestion du décalage entre l’interlocuteur et lui, enfin l’interprétation et le contrôle des discours » (Chamboredon et al., op.cit., 114).

Afin de réduire ces difficultés, nous avons opté pour l’élaboration d’une grille d’entretien distinguant plusieurs thèmes et sous-thèmes dont certains, jugés incontournables, quel qu’ait été le statut de l’enquêté.e :

- Présentation de notre démarche : les enquêté.e.s étant informé.e.s de notre projet : connaître leur vision du « socio-sport », les conditions de l’enregistrement et l’assurance de l’anonymat leur ont été précisées afin de permettre un bon déroulement des entretiens.

- Présentation de l’enquêté.e : le rapport qu’il.elle a avec le sport et sa vision du sport en général. Ce préambule permet de mettre à l’aise l’enquêté.e, d’appréhender l’objet de manière large pour ensuite aborder la question plus précise du « socio-sport ».

213 Chamboredon, H., Pavis, F., Surdez, M., Willemez, L. (1994). S’imposer aux imposants. A propos de quelques obstacles rencontrés par des sociologues débutants dans la pratique et l’usage de l’entretien. Genèses, n°16, 114-132.

149

- La structure : son historique, sa philosophie, ses valeurs, ses objectifs, ses priorités.

L’enquêté.e est interrogé.e sur sa relation avec la « culture » de la structure.

- Le « socio-sport » : les questions portent sur sa définition, les différences ou similitudes avec le sport « traditionnel », sa genèse dans la structure, ses enjeux, son rôle, ses objectifs.

- Les actions socio-sportives : l’entretien porte sur les diverses activités socio-sportives mises en place, les publics visés, les objectifs, les moyens. La pédagogie et les relations avec les publics concernés ont constitué un centre d’intérêt, l’entretien se clôturant par un bilan des ces actions.

- L’évaluation : il s’agissait de se renseigner sur les comptes que les acteurs.trices ont à rendre et sur leur perception de l’évaluation. Il est intéressant ici de vérifier s’il y a ou non une évaluation et surtout, dans l’affirmative, de comprendre la manière dont celle-ci est appréhendée.

- L’avenir : nous souhaitions terminer l’entretien dans une perspective plus large en interrogeant les enquêté.e.s sur leur position concernant l’avenir du « socio-sport », leurs souhaits pour les années à venir.

Ces différents thèmes n’ont pas été abordés dans cet ordre précis et les questions relatives à chaque thème pouvaient varier en fonction des acteurs et actrices mais également de leurs réponses.

Nous avons choisi d’avoir cette grille d’entretien sous les yeux pour ne pas omettre de points importants. Cela nous a permis d’affirmer la méthode au fil des entretiens. Nous nous en sommes d’ailleurs détachée progressivement, la maîtrisant de mieux en mieux.

L’utilisation d’un guide peut toutefois avoir des inconvénients. En effet, selon S. Beaud, il

« peut changer la relation d'enquête. Il confère notamment un caractère officiel et presque scolaire à la situation d'entretien qui la fait ainsi se rapprocher de la passation d'un examen » (Beaud, op.cit., 239). Il amène de ce fait les interlocuteurs à se placer « dans la position de « répondant » à une série limitée de questions » (Beaud, op.cit., 240).

À la fin des entretiens, nous avons demandé à chaque personne de se situer sur le schéma de

« l’espace du « socio-sport »». Afin d’éviter des interprétations erronées concernant l’axe de l’approche et celui du public, nous avons explicité, avec les mêmes termes, les deux dimensions du schéma. L’extrait d’entretien ci-dessous permet d’illustrer la manière dont nous abordions l’exercice :

150

« Je te montre juste un petit schéma que je présente à tous ceux que je rencontre. Je te demanderai de situer le « socio-sport » du (nom de la structure) sur ce schéma, en prenant en compte … Donc ça c’est l’axe de l’approche pour les actions que tu mets en place, soit plutôt portée sur la compétition. Par « compétition », il faut comprendre modèle fédéral, licence, on est sur des aspects techniques, des objectifs de progression. Alors que sur l’axe « loisir » on est vraiment sur une approche de découverte. On s’émancipe des objectifs de score, de résultats, de progression dans le but de gagner des titres, des championnats, avoir un meilleur classement, etc. Et ça c’est l’axe du public, donc c’est la situation sociale du public par rapport à l’intégration. Donc « désaffilié » désigne un public en rupture à la fois avec le tissu relationnel, que ce soit la famille, les amis, mais aussi le rapport à l’emploi qu’est inexistant. Derrière « intégré », au contraire, il y a une situation stable au niveau du travail et une forte inscription dans le tissu relationnel. Et « vulnérable » veut dire qu’il y a une fragilité dans le domaine relationnel et une précarité de l’emploi. Tu cernes bien les différents aspects ? » (Extrait d’entretien, A18).

Proposer cet exercice a été riche d’enseignements. Il a permis, non seulement, aux interviewé.e.s de prendre de la distance par rapport au travail qu’ils.elles effectuent, mais aussi d’expliciter leur positionnement sur le schéma en apportant des précisions sur leur approche et le public accroché. De plus, nous avons pu cerner leurs catégories de pensées sur

« l’espace des idées » de manière plus objective.

À côté de ces préalables méthodologiques importants, d’autres exigences sont à respecter.

3.3.4 Les conditions de réalisation a. Choix des enquêté.e.s

Le.la chercheur.e doit choisir ses interlocuteurs.trices car « il ne peut pas (et ne doit pas) interviewer tout le monde ; il va donc mener, tout au long de son enquête, une sorte de

«travail» de repérage de possibles enquêtés, notamment à partir des renseignements recueillis auprès de ses informateurs ou lors de discussions informelles » (Beaud, op.cit., 249). Nous nous sommes inscrite dans cette démarche, notamment par le travail d’enquête exploratoire. Grâce à celui-ci, nous avons pu prendre du recul par rapport à notre immersion au sein du Cercle Paul Bert. Cette distance était nécessaire pour analyser les structures

151

revendiquant leur appartenance au champ socio-sportif, ou celles à l’identification plus floue implantées dans les quartiers politique de la ville.

Au cours de l’enquête et des nombreuses discussions et rencontres qui en ont découlé, nous avons présélectionné les acteurs et actrices avec lesquels nous souhaitions nous entretenir et leur avons soumis le projet d’une future rencontre en vue d’un entretien.

La sélection des enquêtés distingue celles et ceux qui « de par leur position et leur trajectoire, nous permettent d'éclairer notre objet de recherche » (Chamboredon et al., op.cit., 124).

Au total, 90 entretiens ont été réalisés auprès de six catégories d’acteurs.trices différent.e.s, comme le montre le tableau ci-dessous :

Éducateurs, animateurs sportifs / Éducatrices, animatrices sportives / Animateurs, animatrices jeunesse

26 18 hommes

8 femmes

Coordinateurs / coordinatrices 9 6 hommes

3 femmes

Tableau 7 - Répartition des entretiens selon les catégories d’acteurs.trices214

Comme nous l’avons souligné dans la partie précédente, nous connaissions la plupart des personnes sélectionnées215. Bien que ceci facilite les réponses favorables et les prises de rendez-vous, nous avons été confrontée à d’autres difficultés résultant de cette proximité.

En effet, S. Beaud évoque la délicate proximité et l’effet néfaste sur le déroulement de ce type d’entretien « Les interviews avaient lieu naturellement sur le lieu de travail et, bien sûr, les enquêteurs se heurtaient régulièrement à des enquêtés récalcitrants, qui, de « collègues sympas » se transformaient soudain en interviewés difficiles, raides, peu bavards » (Beaud, op.cit., 239). Nous n’avons pas vécu ce revirement. Cependant, cette situation peut également

214 Le détail des entretiens se trouve en annexe.

215 Sur les 90 entretiens, nous avons eu recours au tutoiement pour 78 d’entre eux.

152

poser problème car l’exigence de rigueur de l’entretien n’est alors pas toujours prise en compte. De plus, la distinction entre la « casquette » de doctorante, pourtant précisée en début d’entretien, et celle de collègue n’était pas toujours faite. La proximité engendrait des situations de confusion de rôles « Tu sais ce que c’est » (Extrait d’entretien, A23), « Je ne t’apprends rien » (Extrait d’entretien, D25), « bah on a essayé, bah tu sais, t’as été associé à ça » (Extrait d’entretien, E7), etc.

Nous avons également fait l’expérience de complexité de l’obtention d’informations concernant les sujets « épineux ». P. Bongrand et P. Laborier mettent en évidence cette délicate situation en précisant qu’ « il n’est alors pas évident de faire de son « interviewé » un

« informateur », qu’il soit un « dominant » ou non » (Bongrand, Laborier, op.cit., 98). Ils constatent qu’il est encore plus difficile de le faire quand la cible de l’entretien est composée

« de décideurs (hauts fonctionnaires, hommes politiques, etc.) qui, particulièrement rompus au maniement de la langue de bois, seraient habiles à ne pas donner plus d’informations qu’il

« de décideurs (hauts fonctionnaires, hommes politiques, etc.) qui, particulièrement rompus au maniement de la langue de bois, seraient habiles à ne pas donner plus d’informations qu’il