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Insertion et intégration : confusion et instrumentalisation

2. Insertion, intégration, inclusion 1.1 Insertion

1.3 Insertion et intégration : confusion et instrumentalisation

Une étude réalisée par F. Gaspard42 permet de rendre compte de la confusion concernant l’utilisation variable des termes d’« intégration » ou d’« insertion » en fonction du contexte et des partis politiques.

À la fin des années 1970 - début des années 1980, les politiques de droite emploient le terme d’assimilation mais surtout d’intégration, quand la gauche, utilise celui d’insertion. Le Communiqué du Conseil des ministres du 28 avril 1982 énonce deux principes en faveur de l’insertion et précise que « L’insertion sociale et culturelle des quatre millions d’étrangers installés en France est une action de longue haleine. Elle commence par l’alphabétisation, l’éducation, la formation, le logement, les services sociaux, la culture, l’information » (Gaspard, 1992, 15).

Dix ans plus tard, l’emploie des termes s’inverse. Lors de la campagne électorale de mars 1986 qui laisse craindre une montée du Front National43, les autres partis politiques placent les personnes étrangères au centre du débat. Un consensus s’opère entre la gauche et la droite qui parlent toutes deux d’intégration et non plus d’insertion. Mais un an plus tard, en 1987, alors que le terme d’intégration est adopté par la gauche, la droite préfère celui d’insertion.

À l’occasion de l’installation de la Commission consultative des droits de l’homme, J. Chirac déclare : « Cette politique doit avoir pour but de faciliter l'insertion des immigrés dans le tissu social français en faisant porter notre effort sur les domaines clés de l’habitat et de l’école » (Gaspard, op.cit., 19).

En 1988, avec le retour de la gauche au pouvoir, en juin, le mot « intégration » est officialisé pour évoquer l’immigration sédentarisée comme en témoigne le discours de C. Evin, ministre de la Solidarité nationale et des Affaires sociales du gouvernement Rocard, devant le Conseil d’administration du Fonds d’action sociale. Selon C. Evin, il existe « un consensus actuel sur l'intégration […] les étrangers qui résident actuellement en France y resteront, chacun en est aujourd'hui conscient ; parlons donc maintenant d'intégration plutôt que d'insertion ...

42 F. Gaspard a analysé l’utilisation des termes « assimilation », « insertion », « intégration » sur la période 1981-1991 à travers la lecture de débats parlementaires sur l’immigration, de discours de ministres en charge de l’immigration ainsi que des textes de circulaires administratives, in Gaspard, F.

(1992). Assimilation, insertion, intégration : les mots pour « devenir français ». Hommes et Migrations, n°1154. Le poids des mots, 14-23.

43 Le Front National obtient 9,65% des votes lors de ces élections législatives de 1986 et remporte, pour la première fois, des sièges à l’Assemblée Nationale. Article de Birenbaum, G. (1987). Les stratégies du Front National, Vingtième siècle, vol.16, n°1, consulté en ligne le 05 avril 2017 http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1987_num_16_1_1918

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Actuellement l'intégration des immigrés passe par cinq questions essentielles : le statut juridique, la formation, l'emploi, le logement, l'insertion sociale et culturelle, la participation à la vie sociale » (Gaspard, op.cit., 19). L’insertion est devenue un volet d’une politique globale dont la finalité est l’intégration.

Notre intention n’est pas de faire l’histoire complète de l’utilisation des termes d’intégration et d’insertion des années 1970 à aujourd’hui, mais de montrer que la sphère politique n’a cessé de maintenir le flou dans leur définition.

C. Rhein44 a analysé le concept d’intégration en reprenant les principaux travaux effectués sous l’angle de la sociologie de Durkheim mais également de la sociologie de l’immigration et celle politique. Elle conclut que « L’intégration fait aujourd’hui partie de ces notions qui polarisent le débat politique, le galvanisent, tout en posant aux sciences sociales, de manière récurrente, le problème de ses définitions et de son inscription dans des registres très variés et dans des problématiques très différentes » (Rhein, 2002, 194).

1.4 Inclusion

L’inclusion est un terme plus récent et a d’abord été utilisé dans les instances européennes.

Dans son article « L’inclusion : approche socio-sémantique »45, B. Bouquet revient sur l’évolution du concept d’inclusion. Elle situe au début des années 2000, l’intérêt des instances européennes pour l’inclusion. Elle évoque notamment les démarches établies lors du Conseil européen de Lisbonne les 23 et 24 mars 2000 avec la mise en place d’une méthode ouverte de coordination qui « encourage les États membres à collaborer en vue d’améliorer l’impact sur l’inclusion sociale des politiques menées dans des domaines tels que la protection sociale, l’emploi, la santé, le logement et l’éducation, et à les mettre en œuvre au niveau national » (Bouquet, 2015, 18) ainsi que la création d’une commission intitulée « Construire une Europe de l’inclusion ».

La Commission européenne considère l’inclusion sociale comme « un processus qui permet aux personnes en danger de pauvreté et d’exclusion sociale de participer à la vie économique, sociale et culturelle, et de jouir d’un niveau de vie décent. Ces personnes doivent être impliquées dans les prises de décision qui affectent leur vie et bénéficier d’un meilleur accès à leurs droits fondamentaux » (Bouquet, op.cit., 18).

44 Rhein, C. (2002). Intégration sociale, intégration spatiale. L’Espace géographique, n°31, 193-207.

45 Bouquet, B. (2015). L’inclusion : approche socio-sémantique. Vie sociale, n°11, 15-25.

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B. Bouquet explique que l’évolution européenne a fait passer la France d’une politique contre l’exclusion vers une politique d’inclusion sociale. Elle l’illustre par différentes mesures dont le Plan national d’action pour l’inclusion sociale46, mis en place à partir de 2001, et le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté en 2013 par le Comité Interministériel de lutte contre l’exclusion.

Au-delà du domaine politique, deux secteurs professionnels sont particulièrement sensibles à l’inclusion, celui du handicap et de l’éducation. M-F. Crouzier analyse la démarche inclusive dans le milieu scolaire47. Celle-ci implique un changement de perspective dans le système éducatif français qui demeure divisé entre « le secteur « ordinaire » et le secteur de l’adaptation et de l’intégration scolaire » (Crouzier, 2005, 29). Cette démarche permet de se référer « à des valeurs ayant trait à une société valorisant la diversité et les différences entre êtres humains et constitue ainsi un processus particulier de construction de communauté.

S’appuyant sur la présence des enfants ou adolescents à besoins éducatifs spécifiques, elle la considère, non comme un ralentissement ou une perturbation pour les autres élèves, mais comme une richesse » (Crouzier, op.cit., 29).

Cette déclinaison scolaire montre un changement de paradigme. En effet, il s’agit moins de travailler sur l’individu pour que celui-ci soit accepté que d’assouplir les frontières sociétales pour faire en sorte que les individus différents y soient inclus.

Inclure c’est donc travailler sur le collectif plutôt que sur l’individu qui en est exclu. Ce dernier ne cherche pas à s’identifier à la norme dominante mais à s’épanouir dans ce qu’il est.

B. Bouquet souligne cette transition en insistant sur la démarche active à l’œuvre dans le processus d’inclusion : « Progressivement, l’inclusion devient un référentiel global. On passe de la société d’intégration à la société « inclusive » […] La société inclusive est appelée à envisager les conditions de vie et les exigences de fonctionnement de façon à inclure ses différentes composantes et à leur permettre de vivre ensemble, avec les mêmes droits. Chaque domaine est concerné par le processus d’inclusion sociale puisqu’il doit permettre aux citoyens d’adopter une approche active dans tous les aspects de la vie sociale » (Bouquet, op.cit., 20).

L’usage intensifié du terme « inclusion » traduit un changement de vision. Nous sommes passés de logiques d’assimilation à une recherche d’adaptation aux différences individuelles.

46 Parmi les principaux défis, objectifs et cibles prioritaires : « favoriser l’accès et le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées », « développer l’offre de logement social et développer l’hébergement », http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Fr_Rapport_2.pdf, consulté le 03 octobre 2017.

47 Crouzier, M-F. (2005). École : Comment passer de l’intégration à l’inclusion ? Reliance, n°16, 27-30.

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Ce travail introductif a permis de préciser le contenu de plusieurs notions qui ont joué un rôle clé, non seulement dans les politiques publiques européennes et françaises de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, mais aussi dans le développement du « socio-sport ». Ce dernier est d’ailleurs devenu un instrument des politiques publiques, celle de la ville notamment. Ce travail de définition et de clarification est un préalable nécessaire pour aborder les problématiques sociales inhérentes au « socio-sport » : Comment peut-il socialiser ? Doit-il insérer ? Intégrer ? Inclure ?

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