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Les dimensions de l’espace problème

Dans le document Les technologies persuasives adaptatives (Page 110-116)

charge l’identification des comportements cibles, le processus d’identification s’apparente à une contextualisation, ou plus précisément à l’identification d’un contexte persuasif idéal, c’est-à-dire souhaitable (par l’utilisateur et son environnement social), réalisable (présence des ressources, opportunités, compétences, ...), et pertinent (i.e. qui permet d’obtenir le changement souhaité). Par exemple, pour être en meilleure santé, un individu peut souhaiter faire du sport (pertinence : le sport est recommandé pour être en bonne santé), en particulier de la course à pied (souhaitable : c’est un sport qu’il aime pratiquer), le vendredi soir sur un tapis de course à la salle de sport (réalisable : emploi du temps libre le vendredi soir, salle de sport sur le trajet de retour du travail, abonnement à la salle abordable).

L’identification du contexte persuasif idéal est aussi l’identification du comportement cible. Il s’agit en fait du contexte persuasif de ce comportement où tous les facteurs d’influence sont cohérents et lui sont favorables. C’est en cela que c’est l’identification d’une finalité. Le système peut ensuite œuvrer plus traditionnellement à faire converger le contexte courant de l’utilisateur vers ce contexte idéal en agissant sur les leviers d’action, ou profiter de l’évolution naturelle du contexte de l’utilisateur pour solliciter ce dernier au moment le plus opportun. Il s’agit donc d’identifier le comportement qui sera le plus facile à réaliser par l’utilisateur (i.e. dont le contexte "idéal" sera le plus proche du contexte courant, nécessitant donc le moins de persuasion), tout en permettant d’atteindre le but de l’utilisateur. Le système maximise ainsi ses chances de succès, donc son utilité (cf. section 6.2).

Même lorsque l’individu s’exprime en terme de comportement cible, une phase d’adap-tation de ce comportement au contexte peut être nécessaire. La contextualisation est na-turellement faite par l’utilisateur lorsqu’il exprime son désir de changement en tant que comportement cible, cependant elle n’est pas toujours complète car la notion de compor-tement est parfois relativement abstraite (faire du sport est un comporcompor-tement, mais quel sport, quand, où, ...).

Pour finir, les systèmes sont rarement capables de proposer des comportements cibles totalement contextualisés du fait de la difficulté à connaitre parfaitement l’ensemble des éléments du contexte utilisateur à tout instant (ex : Quels sont les équipements sportifs à proximité et accessibles ? Quels sont les sports qu’il aime pratiquer ? Quel est son emploi du temps ? Que pense son entourage de ce comportement ?). La conséquence de ces com-portements cibles "partiellement contextualisés" est l’impossibilité d’agir sur les leviers dont la valeur idéale n’a pas été identifiée car le système ne sait pas vers quelles valeurs les faire converger.

7.3. Les dimensions de l’espace problème

7.3 Les dimensions de l’espace problème

L’espace problème de l’adaptation de la persuasion est composé de cinq dimensions. Chacune de ces dimensions représente une problématique liée à l’adaptation de la stratégie de persuasion dans le but d’optimiser son efficacité et la satisfaction de l’utilisateur (cf. figure 7.1).

7.3.1 La finalité de l’adaptation

Dans le cadre de la persuasion autogène, la finalité persuasive est une forme d’accord entre le système et l’utilisateur sur le but à atteindre. Pour cela l’intention persuasive du système (i.e. du concepteur) doit être accessible, claire et transparente, avant même l’acquisition du système, comme le suggère le septième postulat du PSD : "La persuasion doit toujours être transparente et afficher clairement ses intentions" [119]. C’est en fonction de celle-ci que l’utilisateur choisira d’acquérir le dispositif et donc donnera son accord à la poursuite du but. Traditionnellement, le système persuasif exprime cette finalité en terme de comportement cible ou modification de comportement. On trouve plus rarement des dispositifs dont la finalité s’exprime en but à atteindre, conséquence à obtenir, ou toute autre forme de justification à l’acquisition d’un dispositif persuasif. C’est par exemple le cas d’EnergyLife [60], un dispositif dont la finalité est la diminution de la consommation d’électricité d’un foyer (une conséquence et non un comportement). Nous étudierons plus précisément ce dispositif dans la section 7.5.

Si la finalité des systèmes persuasifs peut s’identifier au comportement cible ou au but que le système souhaite faire adopter ou atteindre par l’utilisateur, le sujet de cette dimen-sion de l’espace problème n’est pas la finalité du dispositif mais la finalité de l’adaptation. L’adaptation en persuasion technologique doit renforcer l’efficacité de la persuasion pour résoudre la contradiction apparente d’un système qui cherche à la fois la persuasion et l’adaptation (cf. section 6.2). La finalité de l’adaptation passe donc par un succès de la persuasion, et en partage alors les objectifs. Comme nous venons de le voir, ils peuvent être de deux formes :

— un comportement cible : une modification du comportement de l’utilisateur. Plu-sieurs types de modification de comportement sont possibles, que l’on retrouve dans la matrice Outcome / Change d’Oinas-Kukkonen [117] ou la grille de changement de comportement de Fogg [51].

— un but, une attente : c’est la raison, la justification du désir de changement de comportement par l’utilisateur. Elle peut prendre différentes formes suivant les facteurs d’influence du contexte persuasif, par exemple une conséquence anticipée, une norme sociale ou encore une attitude.

Dans le cadre de l’adaptation, la finalité est ce qui ne varie pas, ce vers quoi le sys-tème doit tendre quelles que soient les conditions. C’est la justification de chacune des

actions d’adaptation qu’il entreprend. Ici c’est donc l’adoption d’un comportement cible, ou l’atteinte d’un but de l’utilisateur.

7.3.2 La cible de l’adaptation

Les cibles de l’adaptation sont au nombre de cinq :

— le comportement cible (niveau 1) : c’est le comportement que souhaite faire adopter le système à l’utilisateur. Il peut parfois être la finalité du système persuasif et donc de l’adaptation. Dans ce cas il ne peut lui même être adapté. A l’inverse, si la finalité persuasive est un but, le système persuasif peut faire varier le comportement cible en fonction de la situation.

— levier d’action (niveau 2) : le modèle du contexte persuasif (cf. section 6.2) permet d’identifier les entités cognitives et les facteurs environnementaux qui influencent l’adoption d’un comportement. Dans le cadre de la persuasion, ces entités et fac-teurs sont des leviers d’action, sur lesquels le système peut agir afin de faire adopter le comportement à l’utilisateur.

— principe de persuasion (niveau 3) : le modèle du contexte persuasif a aussi permis d’identifier pour chaque levier d’action, les principes de persuasion permettant de les actionner (chapitre 6.3). Pour nombre de ces leviers, plusieurs principes sont disponibles. Adapter le principe de persuasion, c’est faire un choix parmi ceux-la. — instanciation du principe de persuasion (niveau 4) : l’instanciation du principe de persuasion implique de nombreux choix (rendu, contenu, ...) dont certains ont une incidence sur l’efficacité de la persuasion.

— communication de la persuasion (niveau 5) : les choix sur la manière de commu-niquer la persuasion peuvent avoir une incidence sur son efficacité. Une communi-cation persuasive doit être reçue et analysée par l’utilisateur pour être efficace. Le choix du support ou de la modalité peut par exemple être déterminant.

Ces cibles de l’adaptation forment une hiérarchie où chaque élément d’un niveau N détermine l’éventail de choix qui peuvent être faits au niveau N+1. Par exemple le choix d’un principe de persuasion se fera parmi les principes de persuasion pouvant agir sur le levier d’action sélectionné au niveau supérieur. Dans la section 7.4, nous reprendrons les quatre autres dimensions (finalité de la persuasion, dynamique de la persuasion, critère de l’adaptation et rôle de l’utilisateur) pour chacune de ces cibles potentielles de l’adaptation afin de préciser comment elles s’instancient.

A noter que pour chacune de ces étapes, plusieurs éléments peuvent être identifiés à la fois, pour des tentatives de persuasion simultanées. Un système peut à la fois argumenter en faveur de la pratique du sport, et proposer à l’utilisateur une comparaison de son activité avec celle d’un groupe social déterminé (ex : ses amis, sa famille, ses collègues, ...).

7.3. Les dimensions de l’espace problème

7.3.3 La dynamique de l’adaptation

Cette dimension décrit le moment où l’adaptation peut avoir lieu au cours du cycle de vie du dispositif :

— adaptation à la conception : l’adaptation peut avoir lieu à la conception du dis-positif, en fonction de critères pérennes et communs à l’ensemble des utilisateurs (ex : public cible, type de changement de comportement, ...). C’est alors le concep-teur du système qui prend en charge l’adaptation. Il s’appuie en général sur des méthodes de conception tels que le PSD [119] et le Behavior Wizard [51].

— adaptation à l’installation : l’adaptation peut avoir lieu à l’installation du système à partir de données présentes sur la plateforme d’accueil décrivant le contexte, ou à partir d’informations collectées auprès de l’utilisateur par le wizard d’installation. De même, pour des produits (physiques) persuasifs, l’adaptation peut avoir lieu lors de l’acquisition du dispositif, par un paramétrage pris en charge par le distributeur ou l’utilisateur lui-même. Les critères pris en compte par ce type d’adaptation doivent être pérennes mais peuvent varier d’un utilisateur à l’autre.

— adaptation à l’utilisation : l’adaptation peut avoir lieu à n’importe quel moment, depuis l’acquisition jusqu’à l’abandon du dispositif par l’utilisateur. C’est le type d’adaptation le plus dynamique, qui permet la prise en compte des caractéristiques du contexte les plus volatiles.

7.3.4 Les critères de l’adaptation

Lescritères d’adaptation sont les éléments dont la variation aura une incidence sur la probabilité d’une issue favorable au processus de persuasion. Pour une même tentative de persuasion, l’évolution de cet élément affectera la probabilité que l’utilisateur adopte le comportement cible, mais n’entrainera pas forcément un besoin d’adaptation de la persuasion (seulement si cette variation fait d’une autre stratégie persuasive, une stratégie plus efficace). La variation d’un élément du contexte est nécessaire mais pas suffisante pour justifier une adaptation.

Certains de ces facteurs d’influence agissent directement sur le comportement. Ils ap-partiennent alors au contexte persuasif, par définition (ils sont des contraintes à l’adoption du comportement). L’optimisation de l’efficacité du dispositif persuasif suite à la variation d’un de ces éléments passe par un ajustement de la stratégie de persuasion, c’est-à-dire le choix du comportement cible, du levier d’action ou du principe de persuasion. Par exemple, la maitrise des compétences nécessaires à la pratique du comportement par un individu a une incidence sur la probabilité qu’il adopte le comportement. En cas d’un faible niveau de maitrise, il pourra être préférable d’inciter cette personne à adopter un autre comportement (plus simple, ou mettant en jeu des compétences qu’il maitrise mieux, mais permettant d’atteindre le même but), ou d’agir spécifiquement sur ce levier (pour

faire progresser l’utilisateur, et ainsi passer outre ce verrou à l’adoption du comporte-ment) par l’utilisation du principe de réduction, du principe de surveillance, du principe de répétition virtuelle, ou du principe d’apprentissage social. A l’inverse, une forte maî-trise des compétences requises par le comportement peut permettre d’agir sur d’autres leviers d’action, avec d’autres principes de persuasion, voire de complexifier le comporte-ment cible pour offrir un défi donc une motivation supérieure (cf. théorie de l’élaboration d’objectif [99]).

Une fois la stratégie persuasive établie, la manière d’agir sur le contexte persuasif pour favoriser l’adoption du comportement est déterminée. Il n’est plus possible de prendre en compte des variations de ce contexte pour agir sur lui d’une manière différente. Cependant, il est encore possible d’agir sur l’acte de persuasion lui-même, c’est-à-dire son instanciation et sa communication. Les critères d’adaptation ne sont alors plus à chercher dans le contexte persuasif mais dans le contexte de l’acte de persuasion, vu comme une interaction. Ce contexte représente l’ensemble des éléments qui influencent l’efficacité du processus de persuasion (c’est le même modèle que le contexte persuasif, mais appliqué à l’acte persuasif au lieu du comportement cible, car la persuasion est une interaction). Il permet une optimisation de l’instanciation de la stratégie persuasive et de sa communication. Par exemple adapter le message persuasif, sa forme, sa modalité, au support ou à la plateforme de restitution, est une adaptation de la persuasion (qui permet d’optimiser son efficacité), à un critère (le support ou la plateforme de restitution) qui n’a aucune incidence sur le comportement lui-même en dehors de l’acte persuasif.

Les critères d’adaptation dépendent aussi de la capacité du système à percevoir et mesurer les éléments qui composent le contexte. Sa grande hétérogénéité, la difficulté à évaluer ses éléments internes (i.e les cognitions), et la subjectivité intrinsèque (cf. section 4.3) au contexte de l’utilisateur limitent la couverture effective du contexte perçu, et par conséquent le choix des critères d’adaptation.

Dans les faits, cette dimension "critères d’adaptation" de l’espace problème de l’adap-tation de la persuasion est composée du contexte persuasif du comportement cible et du contexte de l’interaction persuasive.

7.3.5 Le rôle de l’utilisateur

En plasticité des interfaces, il est prévu une IHM dédiée à l’évaluation et au contrôle du processus d’adaptation par l’utilisateur. Elle est appelée méta-IHM, et définie comme "l’ensemble des fonctions nécessaires et suffisantes pour contrôler et évaluer l’état d’un système interactif" [37]. Dans le cadre de la persuasion, une évaluation et un contrôle de l’adaptation peuvent aussi être pertinents, car ces fonctionnalités peuvent renforcer l’engagement de l’utilisateur avec le système et par conséquent avec le processus de chan-gement de comportement, en limitant les raisons d’ordre externe face aux raisons d’ordre

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