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L’adaptation dans le cadre de la persuasion autogène

Dans le document Les technologies persuasives adaptatives (Page 107-110)

au-togène

Le modèle du contexte persuasif aide à comprendre le rapport qu’entretient un indi-vidu avec un comportement donné. Il met notamment en évidence les multiples sources d’influence des comportements. Un individu peut par exemple vouloir adopter un com-portement sous la pression des normes sociales, parce que sa réalisation lui semble triviale (sentiment d’auto-efficacité), parce qu’il a une affinité particulière pour ce comporte-ment (son attitude), ou encore parce qu’il désire une conséquence associée à la réalisation du comportement (conséquences anticipées). L’ensemble des facteurs identifiés dans le

7.2. L’adaptation dans le cadre de la persuasion autogène

modèle du contexte persuasif peuvent converger vers un comportement particulier ou à l’inverse s’opposer pour certains. Si l’ensemble du contexte est cohérent et favorable à la réalisation du comportement (certains facteurs peuvent être neutres, par exemple, pas de norme sociale associée à ce comportement), l’individu n’aura généralement pas besoin de persuasion (et a fortiori de technologie persuasive) pour adopter le comportement. C’est pourquoi les situations le plus souvent rencontrées en persuasion technologique sont celles où le contexte persuasif n’est pas totalement cohérent et favorable au comportement. Il y a une grande diversité de ce type de situations, qui sont autant de justifications pour le désir de changement. Dans le cadre de la persuasion autogène dans lequel on s’est inscrit pour cette étude, la justification du désir de changement est la justification de l’acquisi-tion et de l’utilisal’acquisi-tion de la technologie persuasive. Les raisons qui amènent un individu à vouloir changer de comportement sont les raisons qui lui feront utiliser une technolo-gie persuasive pour l’aider dans cette quête. Pour cela, il faut que la finalité persuasive de la technologie soit accessible, claire et transparente pour l’utilisateur. L’acquisition d’une technologie persuasive dans le cadre de la persuasion autogène est une forme de contrat passé entre l’utilisateur et le système. C’est un accord sur la finalité persuasive de leur collaboration. C’est pourquoi les raisons qui justifient l’acquisition d’une technologie persuasive sont importantes pour la définition de la finalité persuasive du système. La grande diversité de ces justifications a deux principales conséquences sur l’identification de la finalité persuasive :

— l’individu, au moment de l’acquisition de la technologie persuasive, n’exprime pas toujours sa finalité persuasive en terme de "changement de comportement" ou "com-portement cible". En revanche, une technologie persuasive se définit en fonction d’un (ou plusieurs) comportement cible comme finalité de son action (définition du chapitre 3.6 : "des technologies conçues pour faire adopter un comportement déter-miné par leur utilisateur, sans utilisation de la coercition ni de la tromperie"). Le système ou l’utilisateur doit donc prendre en charge la traduction des justifications "autogènes" de l’utilisateur en comportements cibles pour le système. Même si ce n’est pas une tâche traditionnellement dévolue aux technologies persuasives, ces dernières peuvent avoir intérêt à s’exprimer dans les termes qui préoccupent l’uti-lisateur, afin de mieux répondre à leurs besoins, et ainsi d’être plus utiles et plus utilisables (ex : "diminuer la dépense énergétique" au lieu d’ "éteindre les lumières lorsque nécessaire").

— L’identification des comportements cibles à partir des justifications "autogènes" est un processus de contextualisation.

Concernant le premier point, un seul des facteurs d’influence identifiés dans le modèle du contexte persuasif peut être suffisant pour générer un désir de changement chez l’indi-vidu, à même de motiver l’acquisition d’une technologie persuasive. Il peut ainsi souhaiter se rapprocher physiquement des normes esthétiques aperçues régulièrement dans les

ma-gazines (norme sociale), vouloir préserver sa santé (conséquence anticipée), ou rêver d’un jour pratiquer le saut en parachute (attitude). L’acquisition du système persuasif n’est qu’une étape préalable au changement pour l’utilisateur. Le processus complet (de chan-gement) est téléologique, orienté vers un but, tel que l’on peut le trouver dans le plus haut niveau hiérarchique de la théorie de l’activité [86] (les activités et leurs motifs) ou les premières étapes du gouffre d’exécution de la théorie de l’action [116] (formalisation de l’objectif, formalisation de l’intention). Cette téléologie est issue de ces premiers fac-teurs d’influence qui ont justifié l’acquisition de la technologie persuasive. La technologie persuasive aura notamment pour rôle de la concrétiser, et de la rendre plus opportuniste, pour parvenir au changement souhaité.

On retrouve ces notions de but à atteindre ou conséquence souhaitée dans la conception centrée valeur proposée par Cockton [33]. "Concevoir la valeur veut dire concevoir les choses qui motiveront les gens à acheter, apprendre, utiliser ou recommander un dispositif interactif, et dans l’idéal, toutes ces choses à la fois" [32, p. 168]. Pour Cockton, concevoir des systèmes en se préoccupant seulement de leur utilisabilité n’est pas suffisant. Il faut aussi s’assurer que ces systèmes répondent à leurs besoins (ressentis ou non-ressentis), et à leurs attentes. Il illustre cela sur le cas d’un système de chauffage programmable, qui doit non seulement faciliter la programmation de la température, mais aussi répondre à une préoccupation récurrente des utilisateurs : les économies d’énergie. La conception centrée valeur n’est pas propre aux technologies persuasives. En revanche, la notion de valeur est à rapprocher des justifications d’acquisition d’une technologie persuasive dans le cadre de la persuasion autogène, donc du contexte persuasif initial.

Plusieurs comportements peuvent être identifiés pour atteindre un même but, comme plusieurs buts peuvent être adressés par un même comportement. Par exemple, la pratique du sport peut à la fois aider à être en meilleure santé, et permettre de perdre du poids pour se rapprocher des canons esthétiques promus par la société. De plus, le lien entre un com-portement et ses justifications n’est pas toujours conscient (un individu peut revendiquer la santé pour sa pratique du sport mais viser inconsciemment aussi l’esthétisme).

Ainsi, une technologie peut :

— ne se préoccuper que des comportements cibles (mode fixe), et laisser à l’utilisateur, la charge d’identifier les comportements cibles répondant à ses buts.

— négocier avec l’utilisateur les comportements cibles qui répondront à ses buts (mode négocié). Dans ce cas, le système doit être capable de poursuivre plusieurs com-portements cibles pour s’adapter au choix de l’utilisateur.

— se charger seul de l’identification des comportements cibles (mode automatique). Dans ce cas, le système doit non seulement être capable de poursuivre plusieurs comportements cibles, mais aussi identifier ceux qui seront les plus adéquats pour atteindre les buts que l’individu se sera fixés.

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