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L’impact contrasté de l’usage des smartphones

Dans le document Les technologies persuasives adaptatives (Page 147-150)

L’omniprésence du smartphone dans notre quotidien impacte nos modes de vie sur de nombreux aspects, comme le montrent Sarwar et Soomo [134].

C’est par exemple le cas dans l’éducation. Le smartphone donne accès à une grande quantité d’informations. Pour plus de 90% des Français, les outils numériques permettent un accès plus facile à l’information [146]. Ils facilitent la collaboration entre étudiants, et parfois même avec les enseignants. Ils rendent accessibles les sources éducatives depuis n’importe quel endroit (en cas de maladie, de cours du soir, ...) [134]. Mais le smartphone peut aussi être une source de distraction, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux, des jeux, des vidéos, au sein même des salles de classes, ou au moment des révisions. Il est parfois aussi un outil facilitant la triche lors des examens [134].

Dans le domaine de la santé, Sarwar et Soomo citent une étude américaine [81] selon laquelle environ la moitié des utilisateurs de smartphone utilisent leur appareil pour accé-der à des informations ou à des services relatifs à la santé (cf. figure 8.2). Le smartphone leur permet notamment de comparer le prix des médicaments, gérer les prescriptions, rechercher des traitements alternatifs, étudier les symptômes, mais aussi pister leurs ac-tivités physiques ou les apports caloriques. Le nombre d’applications relatives à la santé ou au bien-être sont d’ailleurs en constante augmentation sur les magasins d’applications de chacune des plateformes mobiles. A l’inverse, l’accès à ces services et ces informations comporte aussi des risques pour la santé des utilisateurs. Ils ont notamment tendance à les détourner des professionnels de santé, et à inciter à l’auto-diagnostic, source de nombreuses erreurs parfois aux conséquences graves [134].

Figure 8.2 – Utilisation du smartphone pour l’accès aux informations et services relatifs

à la santé[81]

D’un point de vue psychologique, le smartphone est parfois un élément réducteur de stress. Par sa capacité à mettre en relation une personne avec ses proches à n’importe quel moment, le smartphone facilite la réduction du stress généré par le quotidien, grâce au réconfort apporté par ceux qui comptent [134]. Le smartphone permet aussi de main-tenir une activité cognitive soutenue, en donnant accès aux informations pertinentes et récentes qui intéressent l’utilisateur (politique, social, ...) et en le rendant actif dans sa

sé-8.2. L’impact contrasté de l’usage des smartphones

lection d’informations [134]. Ces informations auront aussi pour conséquence d’améliorer la communication sociale de l’individu en apportant des connaissances et du contenu à ses interventions. La principale conséquence psychologique ayant un impact négatif sur l’uti-lisateur est l’addiction, dont l’impact va au-delà de la simple dépendance. Par exemple, l’utilisateur peut ressentir de l’anxiété et même un sentiment d’abandon, lorsque le smart-phone n’est plus là pour remplir son rôle de lien permanent avec l’environnement social. Thomée a par exemple étudié le lien entre les technologies de l’information et les maladies mentales. Elle a montré qu’un usage intensif des téléphones mobiles augmente le risque de développer des symptômes dépressifs, et celui d’avoir des troubles du sommeil en particu-lier chez les hommes [141]. Un usage intensif du smartphone se traduit aussi souvent par la substitution de l’utilisateur par l’appareil pour des tâches traditionnellement dévolues au premier (utilisation de l’application calculatrice au lieu du calcul mental, utilisation du GPS au lieu de savoir utiliser une carte et se repérer dans une ville, ...), qui se tra-duisent par une perte de compétence et donc une dépendance plus importante encore. L’usage intensif du smartphone peut aussi basculer vers la frénésie, dans une recherche perpétuelle de nouveauté. Sur ce sujet, un article du journalLe Mondeconsacré aux effets du smartphone, cite le sociologue Francis Jauréguiberry : "Ce à quoi il est difficile de re-noncer est exactement la même chose que ce qui pousse à interroger de façon frénétique sa messagerie ou ses réseaux sociaux. Il y a comme une attente diffuse mais constante de se laisser surprendre par de l’inédit et de l’imprévu, par un appel ou un SMS qui va changer le cours de sa journée ou de sa soirée en la densifiant ou en la diversifiant, et en rendant, finalement, sa vie plus intéressante et plus intense" [111]. Ces consultations permanentes et intempestives détériorent les activités quotidiennes du fait des interruptions qu’elles génèrent, comme le précise le médecin militaire Stéphane Buffat dans ce même article : "Si on interrompt la tâche en cours, il faut se préparer à la nouvelle action, cela demande un délai. Des éléments de la tâche précédente vont agir comme des distracteurs dans la réalisation de la suivante, on va être moins bon, moins efficace. Si on change constamment de tâche, on peut ne rien faire de bien, à l’extrême limite on peut ne plus réaliser vraiment aucune tâche, la capacité du cerveau utile consacrée à faire toutes ces tâches diminue" [111]. Enfin, l’usage intensif du smartphone peut impacter la capacité de concentration. Il est ainsi plus difficile de rester concentré sur sa tâche lorsque de nombreuses sources de distractions (informations, courriels, jeux, ...) sont non seulement facilement accessibles, mais de plus cherchent à attirer l’attention par l’intermédiaire notamment des notifica-tions [111]. Ainsi 36% des Français disent qu’il leur arrive de "passer leur soirée à zapper entre la télévision et le smartphone" [146], 29% avouent qu’il leur arrive, au moins de temps en temps, de "consulter ou de pianoter sur leur smartphone pendant qu’un proche leur parle" [146], ils sont 21% à le faire pendant les réunions, et 8% indiquent qu’ils ont souvent "du mal à se concentrer sur une tâche qui requiert de l’attention (ex : lecture d’un livre, rédaction, etc.)" [146].

Le dernier point traité par Sarwar et Soomo est l’impact sur la vie sociale. Le smart-phone est un outil utile aux personnes âgées et au personnes victimes d’un handicap pour préserver une certaine autonomie. Il leur permet de communiquer leur besoin et requérir de l’assistance. De plus, des fonctionnalités comme le text-to-speech ou les réseaux so-ciaux permettent à ces personnes de communiquer et de rester intégrées à la société. Il peut aussi être une source d’autonomie pour les enfants, apportant un lien permanent avec leurs parents en cas de besoin (à la sortie de l’école, dans les activités extérieures, ...) [134]. Comme pour les conséquences psychologiques, les conséquences sociales ayant un impact négatif sur l’utilisateur sont principalement liées à l’addiction. L’utilisation intensive du smartphone peut par exemple être une source de conflit au sein de la cellule familiale ou amicale. Mais d’autres facettes de la vie sociale sont impactées par l’émergence des smartphones. Par exemple, la frontière entre vie privée et vie professionnelle tend à s’estomper. Répondre à un appel ou à un couriel professionnel depuis son domicile, en dehors des heures de travail, est devenu une pratique courante pour certains, poussant le législateur français à adopter une loi pour le droit à la déconnexion [44]. Autre exemple, l’intégration des réseaux sociaux et la capacité des terminaux à capter et à communi-quer des évènements de la vie privée (photo, vidéo, ...) sont parfois exploitées à des fins de cyber-harcèlement, pouvant avoir des conséquences graves notamment chez les plus jeunes [134].

L’impact du smartphone sur ces différentes facettes du quotidien soulève une inquié-tude principale : l’addiction. Une éinquié-tude récente montre par exemple que 36% des Français disent avoir le sentiment d’être dépendants de leur smartphone [146]. Certains le com-parent même au doudou des enfants dont l’absence peut provoquer "une sensation de manque comparable à celle éprouvée par les drogués" [111]. King évoque lui une nouvelle pathologie, appelée nomophobie, en référence aux personnes ayant une peur phobique de se faire voler, de perdre ou d’oublier leur smartphone [89]. Tossel a étudié spécifiquement l’addiction au smartphone à travers une expérimentation qui consistait à prêter pendant un an un iPhone à des personnes qui ne possédaient pas de smartphone. A l’issue de cette expérimentation, 62% des participants se sont dits addicted à l’appareil. Cette majorité de personnes avait passé en moyenne deux fois plus de temps sur le smartphone, et avait accédé à presque deux fois plus d’applications que les autres participants à l’étude. Les résultats ont aussi montré que l’usage du mail, des messageries instantanées, de Facebook et du Web, étaient les usages qui menaient à l’addiction.

En 2003, Fogg dans son livre fondateur sur les technologies persuasives [50] dédiait un chapitre à la mobilité et à la connectivité. Ces deux propriétés combinées définissent en partie nos smartphones modernes qui n’avaient pas encore vu le jour en 2003. Elles facilitent de plus la mise en œuvre du principe de suggestion, qui stipule que le choix du moment et du contexte de l’intervention persuasive est critique. Fogg imagine alors un avenir ou des technologies "pas plus grandes qu’un paquet de cartes" serviraient "à

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