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Les différents modèles de la mémoire de travail

1.3.1 Modèle de mémoire de travail à composants multiples : Baddeley et Hitch

La mémoire de travail peut être définie comme étant la capacité à maintenir et manipuler simultanément des informations visuelles et verbales. Baddeley et Hitch (1974) proposent un modèle de mémoire de travail à composants multiples. Ce modèle voit le jour en opposition à celui de Atkinson et Shiffrin (1968) qui ne considérait qu’un seul système limité de mémoire à court terme. Le modèle de Baddeley est tripartite. Il se compose de deux sous-systèmes esclaves.

D’une part, un système traite les informations verbales grâce à la boucle phonologique et d’autre part, un système stocke les éléments visuels via le calepin visuo-spatial. L’administrateur central gère l’interaction entre ces deux systèmes esclaves. Il s’agit donc d’un système de stockage et de traitement de l’information. Une quatrième composante a été ajoutée par Baddeley en 2000 : le buffer épisodique. Plusieurs fonctions lui sont attribuées, notamment la coordination d’informations de différents types, provenant des deux systèmes esclaves, mais également la création de liens entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme (Barrouillet & Camos, 2007). Les différentes composantes de ce modèle sont détaillées dans la Figure 1.

Figure 1. Modèle à composants multiples de Baddeley et Hitch (2000).

1.3.1.1 Boucle phonologique

La boucle phonologique correspond à la mémoire à court terme verbale. Elle comprend un stockage temporaire des informations verbales ou acoustiques, et une boucle articulatoire, dont le but est de maintenir temporairement une trace en mémoire. L’existence de la boucle articulatoire est mise en évidence notamment par le fait que des mots courts, plus rapidement articulés, sont mieux retenus que des mots longs, car ils peuvent être rafraîchis plusieurs fois. Il s’agit de l’effet de longueur.

Lorsque l’on évalue la boucle phonologique, des tâches d’empans simples sont utilisées, car elles nécessitent uniquement le maintien en mémoire sans traitement supplémentaire. Une des tâches très répandue pour évaluer les capacités de la boucle phonologique est la répétition

de pseudo-mots. Cette tâche est dite pure car elle ne permet pas de se baser sur des représentations lexicales présentes en mémoire (Baddeley, 2003).

Les capacités en empans simples progressent considérablement entre 2 et 9 ans, pour atteindre 7 ± 2 à l’âge adulte, qui correspond au nombre moyen d’items qu’un être humain peut retenir. Cela est fortement lié à l‘augmentation avec l’âge de la vitesse d’articulation, car un plus grand nombre de récapitulation est possible et donc un meilleur rappel (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.1.2 Calepin visuo-spatial

Contrairement à la boucle phonologique, les études concernant le calepin visuo-spatial sont beaucoup moins nombreuses. Comme son nom l’indique, ce dernier est spécialisé pour le traitement des informations visuelles et spatiales. Des tâches d’empans simples spécifiques sont administrées. Elles sont conçues afin qu’un traitement verbal soit impossible. La trajectoire développementale semble se rapprocher fortement de celle des empans verbaux. Les performances augmentent avec l’âge. Cependant, les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore bien connus (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.1.3 Administrateur central

Intéressons-nous à présent à l’administrateur central. Son évaluation se fait via des tâches d’empans complexes, c’est-à-dire nécessitant le maintien et la manipulation simultanés d’informations. Il s’agit souvent de double tâche, car le sujet doit maintenir en mémoire une série d’items tout en faisant une autre activité. Dans le listening span (Daneman & Carpenter, 1980), le sujet écoute une série de phrases et effectue un test de compréhension. Il doit ensuite restituer le dernier mot de chacune d’entre elles. Le counting span (Case, Kurland, & Goldberg, 1982) ou l’empan de chiffres envers (WISC IV, Wechsler, 2005) sont également administré chez l’enfant.

Le counting span (tâche reprise dans nos pré- et post-tests) consiste à dénombrer un certain nombre de points tout en mémorisant à chaque fois le total. Le but est de restituer dans l’ordre les totaux de chaque planche. Pour l’empan de chiffres envers, le sujet doit simplement répéter une liste de chiffres dans l’ordre inverse.

De manière générale, les tâches d’empans complexes sont beaucoup plus difficiles que les tâches d’empans simples. Avant l’âge de 6 ans, un enfant aura beaucoup de difficulté à réaliser ce type de tâche. Une progression régulière est visible entre l’âge de 6 ans et l’adolescence, avec un fort développement à partir de 9 ans, contrairement aux empans simples dont la maturation commence plus tôt (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.2 Modèle A-O-STM : Majerus

D’autres modèles de la MdT existent et méritent également d’être détaillés, notamment les recherches de Majerus et ses collègues. Le modèle A-O-STM à trois composants de la mémoire à court terme (Majerus et al., 2009), présenté dans la Figure 2, laisse volontairement de côté l’administrateur central qui est évalué en même temps que les fonctions exécutives, afin de se focaliser spécifiquement sur la mémoire à court terme verbale. Cette dernière émerge selon lui de l’interaction entre les connaissances à long terme (représentation phonologique et lexico-sémantique), le traitement de l’ordre sériel et les capacités attentionnelles. De nombreux effets démontrent un lien très fort entre les connaissances langagières et les performances en mémoire.

L’effet de lexicalité, qui se traduit par une meilleure performance mnésique pour les mots par rapport aux non-mots, en est un bon exemple. Les connaissances langagières influencent donc surtout la composante « item » qui correspond aux informations lexicales à maintenir. En fait, selon lui, une tâche d’empans simples contient à la fois une composante « item », mais également des informations concernant l’ordre sériel. Par exemple, pour se souvenir d’un numéro de téléphone, il faut mémoriser tous les chiffres qui le composent (composante « item »), mais également leur ordre (composante « sérielle »). Afin de se focaliser uniquement sur les aspects concernant l’ordre, la course des animaux (tâche reprise dans nos pré- et post-tests) a été développée (Majerus et al., 2006 ; Majerus, 2008). L’enfant entend un certain nombre d’animaux qu’il doit replacer sur un podium selon leur ordre de présentation. La composante « item » est minimisée, car l’enfant reçoit l’image de chaque animal entendu. Finalement, Majerus met l’accent sur le rôle central de l’attention dans une tâche de mémoire à court terme verbale. L’attention sélective permet un maintien dans le temps des informations « ordre » et « item ». En effet, des tâches d’attention sélective auditive expliquent environ un tiers de la variance des performances en mémoire à court terme verbale (Majerus, Heiligenstein, Gautherot, Poncelet, & Van der Linden, 2009).

Figure 2. Modèle A-O-STM de Majerus et al. (2009).

1.3.3 Modèle TBRS : Barrouillet et Camos

Le modèle TBRS (Time-Based Ressource-Sharing model) de Barrouillet, Bernardin, et Camos (2004) accorde également beaucoup d’importance aux processus attentionnels. En effet, selon les auteurs, le focus attentionnel serait partagé sur une base temporelle entre le traitement et le stockage. Contrairement au modèle de Baddeley (2000) où ces deux processus sont séparés, le modèle TBRS propose une hypothèse de partage des ressources dans le temps.

L’attention serait donc une ressource limitée qui se restreint à un processus à la fois. Si l’attention doit être dédiée au traitement, la réactivation des traces ne peut pas avoir lieu. Ainsi, dans une tâche interférente, plus l’intervalle de temps est long, plus l’attention peut être accordée à la réactivation des traces et meilleur sera le rappel. Le focus attentionnel alterne donc sans cesse entre traitement et stockage dans « une course contre le temps ».

Le principe de ce modèle est illustré dans la Figure 3. La tâche du sujet est de stocker des mots présentés à l’écran tout en effectuant entre chaque mot un traitement dans un intervalle de temps plus ou moins long. Dans le cas b), le rappel sera meilleur, car le sujet a plus de temps pour réactiver les traces, contrairement à l’exemple a), où l’attention doit être dédiée prioritairement au traitement (Camos & Barrouillet, 2014).

Figure 3. Alternance entre traitement et stockage dans le modèle TBRS.