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Effet de l’entraînement MM sur les performances en syntaxe complexe

L’hypothèse au cœur de ce projet consiste à analyser si une rééducation spécifique des fonctions mnésiques, proposée avec le programme MM, permettrait un bénéfice au niveau de la syntaxe complexe sur le versant expressif et réceptif. Premièrement, lorsque nous prenons en compte tous les enfants ayant suivi l’entraînement cible, nous remarquons qu’un effet indirect de l’entraînement a lieu sur certaines tâches de syntaxe. En effet, deux épreuves de production mettent en lumière une amélioration significative entre le pré- et le post-test chez les enfants entraînés avec MM. Il s’agit des épreuves de production de questions racines et de répétition de phrases complexes. Nous commencerons par analyser chaque épreuve séparément, puis nous discuterons de manière plus spécifique des résultats obtenus par les enfants DT.

4.4.1 Production syntaxique

Concernant la production de questions racines, le nombre de questions correctes augmente significativement entre le pré- et le post-test lorsque toute la population est analysée.

Cependant, nous obtenons également un effet significatif pour le groupe contrôle s’entraînant sur Squla. Ce résultat est difficilement interprétable et remet en question l’impact spécifique de MM.

Cependant, il est à noter que cet effet n’est plus présent lorsque la cohorte est plus grande. Nos résultats mettent également en lumière un accroissement significatif grâce à l’entraînement MM dans notre groupe clinique. Ces résultats sont similaires sur un échantillon TDL plus grand. En

effet, Delage et ses collègues (2018) observent une augmentation significative du pourcentage de questions correctes. Cet effet est spécifique à l’entraînement MM et ne se retrouve pas chez les enfants avec TDL suivant l’entraînement alternatif. Lors d’analyses complémentaires, nous avons tenté d’investiguer comment se manifeste précisément cette progression à l’aide d’un score d’antéposition. Ce score permet de mettre en évidence la complexité des structures syntaxiques utilisées lors de la formulation d’une question. En effet, une question in situ est syntaxiquement plus simple qu’une question contenant une antéposition. Dans la continuité de Jakubowicz (2011), nous supposions qu’un entraînement de la MdT permettrait une complexification syntaxique et donc une présence plus marquée de questions antéposées. Contrairement à nos attentes, l’indice d’antéposition ne montre pas d’accroissement significatif entre le pré- et le post-test pour le groupe ayant suivi l’entraînement MM. D’autres analyses doivent donc être menées.

Le nombre total de pronoms clitiques correctement produits entre le pré- et le post-test n’augmente pas, quel que soit le groupe cognitif analysé et le type d’entraînement suivi. Comme expliqué par Tuller et ses collègues (2011), la tâche proposée est particulièrement difficile, car elle nécessite une co-occurrence entre le pronom nominatif et le pronom objet. Cela peut créer une surcharge en mémoire et engendrer des erreurs de genre ou de nombre. Des analyses supplémentaires auraient pu être menées afin d’investiguer plus finement le type d’erreurs commises. En effet, il est envisageable que les enfants avec TDL produisent plus de pronoms clitiques après l’entraînement MM, mais commettent encore des erreurs. Cependant, il est probable que la petite taille de notre cohorte explique cette absence de significativité, car selon Delage et ses collègues(2018), le pourcentage de pronoms clitiques augmente grâce à l’entraînement cible en comparaison au groupe contrôle.

Pour la répétition de phrases complexes, le nombre de syllabes correctement répétées augmente significativement après l’entraînement cible lorsque toute la population est analysée.

Cet accroissement entre le pré- et le post-test est bien spécifique à l’entraînement MM, car il n’est pas présent chez les enfants suivant l’entraînement alternatif. Aucune amélioration n’a été relevée concernant le respect de la structure syntaxique et le respect du degré d’enchâssement. A nouveau, ces résultats sont à nuancer, car ces deux mesures sont significatives sur un échantillon plus grand. Le groupe clinique montre également un accroissement des performances entre le pré- et le post-test au niveau du pourcentage de répétition correcte, du nombre de structures respectées et du degré d’enchâssement (Delage et al., 2018). Dans ce travail, nous nous sommes focalisés sur les phrases complexes. Les phrases contrôles, contenant le même nombre de syllabes, n’ont pas été analysées. Leur rôle est de montrer qu’une tâche de répétition de phrases

complexes implique un traitement syntaxique et pas uniquement la MdT. Ainsi, les phrases complexes sont censées être moins bien répétées que les phrases contrôles de par le traitement syntaxique qu’elles nécessitent. De plus, en ne s’intéressant qu’aux phrases complexes, il est possible que la tâche ait été trop difficile pour certains enfants TDL et donc qu’aucune amélioration ne soit visible entre le pré- et le post-test. L’analyse des phrases contrôles permettrait peut-être de mettre en évidence une progression.

4.4.2 Compréhension syntaxique

A la différence des épreuves de production, aucun bénéfice de l’entraînement MM n’est observable en compréhension. Les deux épreuves évaluant la compréhension ne montrent pas d’effet significatif entre le pré- et le post-test, quel que soit le groupe analysé. Ces résultats sont étonnants étant donné les associations que nous avons mises en lumière entre les capacités en MdT et les deux épreuves de compréhension (Tableau 7). De plus, Montgomery et ses collègues (2008) et Montgomery & Evans (2009) relèvent également la présence d’un lien entre les empans complexes et la compréhension syntaxique. Cela nous questionne sur les tests que nous avons utilisés.

L’épreuve de compréhension de phrases complexes s’intéresse aux phrases enchâssées. Elle nécessite le traitement visuel de quatre images en plus d’un traitement syntaxique. La complexité visuelle des images a probablement entravé le traitement syntaxique coûteux que nécessite une phrase à enchâssements. Il est donc difficile de tirer des conclusions à partir de cette tâche, car elle n’évalue pas uniquement les compétences en compréhension.

En ce qui concerne l’ECOSSE, nous remarquons tout d’abord que cette épreuve semble moins difficile pour les enfants. Contrairement à l’épreuve de compréhension de phrases complexes, cette tâche évalue une variété de structures syntaxiques : phrases actives/passives, relatives, pronoms clitiques, prépositions. Cette épreuve implique également un choix parmi quatre images. Pour la suite, il faudra prêter une attention particulière aux structures syntaxiques évaluées par le test, ainsi qu’au traitement visuel qui peut être impliqué par ce type d’épreuve.

Des études doivent encore être menées afin de comprendre plus précisément cette absence d’effet en compréhension.

4.4.3 Analyse des performances des enfants DT

Intéressons-nous à présent au groupe DT pour lequel aucune épreuve de syntaxe ne montre d’amélioration significative quel que soit le type d’entraînement. Comme évoqué précédemment, ce résultat peut être expliqué par la présence d’un effet plafond sur plusieurs

tâches de syntaxe. Les épreuves sont trop faciles et ne permettent pas de distinguer les performances suffisamment finement. La tranche d’âge pour les enfants DT a d’ailleurs été réduite pour la suite du projet, afin que le niveau de difficulté soit plus adapté. Nous avons réalisé une analyse complémentaire dans le but de prendre en compte un éventuel effet de l’âge et de minimiser l’impact des effets plafonds. Le score de gain pour les épreuves de syntaxe n’est pas associé à l’âge des participants. Plus précisément, les jeunes enfants DT ayant suivi l’entraînement MM ne progressent pas plus en syntaxe que les enfants plus âgés. Ce résultat s’explique peut-être par la taille de notre échantillon composé de seulement dix enfants.

Ainsi, les résultats présentés ci-dessus doivent être pris avec prudence, mais ils sont tout de même encourageants et vont dans le sens de notre hypothèse. L’entraînement MM a un effet indirect sur la production de certaines structures syntaxiques complexes. En effet, selon Delage et ses collègues (2018), le groupe clinique s’améliore significativement sur les épreuves concernant la production de questions racines, de pronoms clitiques et la répétition de phrases complexes, tant au niveau de la structure respectée que du degré d’enchâssement. En ce qui concerne la compréhension, il est important de noter que l’absence d’effet de MM ne semble pas être explicable par la petite taille de notre échantillon, car les résultats sont similaires dans les analyses à plus grande échelle (Delage et al., 2018).