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1.2 Théorie de la complexité syntaxique

1.2.1 Déplacements syntaxiques et enchâssements

1.2.1.2 Construction interrogative

En français, il existe deux types de questions : les questions sujets [5] et les questions objets [6]. Elles sont utilisées en fonction de l’information que l’on veut obtenir.

[5] Qui nettoie cette assiette ? Question sujet (on veut savoir qui exécute l’action) [6] Le garçon nettoie quoi ? Question objet (on veut savoir ce qu’il nettoie)

Pour les questions sujets, le pronom interrogatif remplace le sujet de l’énoncé. L’ordre canonique (SVO) est donc toujours respecté, quel que soit le type de structures utilisées [7], [8]

ou [9]. Ainsi, la structure des questions sujets n’est pas complexe, car elle n’implique pas de déplacement syntaxique.

[7] Qui peint ce tableau ? Ordre SVO

[8] C’est qui qui peint ce tableau ? Question clivée Ordre SVO [9] Qui est-ce qui peint ce tableau ? Question « est-ce que » Ordre SVO

Dans l’exemple [10] qui présente une question objet, le pronom interrogatif se trouve à la position canonique du complément, comme s’il s’agissait d’une phrase déclarative. On parle alors de question finale ou in situ. Dans ce cas, il n’y a pas de mouvement syntaxique du pronom interrogatif. Parfois, en plus du déplacement du pronom interrogatif [11], une inversion sujet-verbe peut avoir lieu, comme en [12]. La construction [12] est la plus complexe, car elle implique deux déplacements : un déplacement du pronom interrogatif en position initiale, ainsi qu’une inversion sujet-verbe. La structure des questions sujets est beaucoup plus simple que celle des questions objets antéposées comme en [11] et [12] qui nécessitent des déplacements syntaxiques et donc un bouleversement de l’ordre canonique. Les enfants avec TDL se trouveront en échec avec ce type de structure complexe et auront donc tendance à fortement les éviter (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Jakubowicz, 2011). Au niveau de la compréhension, Friedmann et Novogrodsky (2011) ont obtenu des résultats similaires. De manière générale, le taux de réussite est beaucoup plus élevé pour les questions sujets par rapport aux questions objets.

[10] Tu tires qui ? Question finale (in situ) Ordre SVO

[11] Qui tu tires [t ] ? Question antéposée Ordre OSV

[12] Qui tires-tu [t ] [t ] ? Question antéposée avec une inversion SV Ordre OVS

Intéressons-nous à présent plus précisément aux structures avec inversion sujet-verbe chez les enfants avec TDL. Cronel-Ohayon (2004) analyse les types de questions posées lors du jeu « Qui est-ce ? ». Par exemple, pour obtenir une réponse, les enfants sont obligés de poser une question contenant une inversion sujet-verbe. L’analyse des productions fait ressortir de nombreuses erreurs. Une tendance à suivre l’ordre canonique en changeant de structure, comme dans cette production d’un enfant avec TDL de 6;4 ans [13] ou en supprimant le pronom sujet [14]

a été relevée.4 Une évolution est constatée avec l’âge, mais la structure avec inversion est toujours difficile même lorsque les enfants sont plus âgés.

[13] « A-t-il il a un chapeau ?»

[14] « Quand fêtes _ ton anniversaire » 1.2.1.3 Proposition relative

En ce qui concerne les propositions relatives, il en existe deux types : sujet et objet. La relative sujet implique très peu de déplacements. En effet, afin que le sujet n’apparaisse qu’une seule fois, il est simplement remplacé par un pronom relatif [15]. La relative objet est plus complexe, car elle implique un déplacement de l’objet et donc une structure OSV. Comme illustré en [16], l’objet « la fille » est déplacé avant le verbe, mais laisse une trace dans sa position canonique où il sera interprété. Il existe également des relatives objets avec inversion sujet-verbe qui sont encore plus complexes en raison des deux déplacements et de la structure OVS qui en résulte [17].

[15] La fille qui dessine a six ans (RS / ordre SVO)

[16] La fille que sa grand-mère dessine [t ] (RO / ordre OSV)

[17] La fille que dessine sa grand-mère [t ] [t ] (RO avec inversion / ordre OVS)

4 Exemples tirés de Cronel-Ohayon (2004)

Chez les enfants avec TDL, le déficit est d’autant plus marqué pour les relatives objets par rapport aux relatives sujets, car elles impliquent une structure non-canonique. Le pattern d’apparition des relatives se fait donc en fonction de leur complexité chez les jeunes enfants DT et arrive beaucoup plus tardivement chez les enfants présentant un TDL (Cronel-Ohayon, 2004 ; Novogrodsky & Friedmann, 2006).

1.2.1.4 Passif

Dans le cas de la forme passive, on observe également un bouleversement de la structure canonique. En effet, dans la forme active, l’agent est sujet [18], tandis que pour le passif, le patient se trouve en position sujet et l’agent en position postverbale, soit d’objet. Dans l’exemple [19], on parle de passive réversible, car chaque syntagme peut plausiblement prendre le rôle d’agent. Ce type de passive pose particulièrement problème, car il demande une analyse syntaxique précise qui permet d’assigner correctement les rôles thématiques. Les enfants avec TDL auront tendance à assigner le rôle d’agent au premier élément de la phrase. Ainsi, « bébé » sera erronément interprété comme agent et non patient, ce qui revient finalement à une phrase active telle que la proposition [20] plutôt qu’à l’interprétation correcte [18]. Les passives non-réversibles [21] sont moins difficiles, car les rôles thématiques ne sont pas interchangeables. L’enfant peut ainsi s’appuyer sur l’agent et le patient pour interpréter l’énoncé. Cette difficulté de traitement des passives va entraîner des erreurs d’interprétation, particulièrement observables dans des tâches de compréhension (Bishop, Bright, James, Bishop, & Van der Lely, 2000).

[18] Le garçon observe le bébé Forme active (SVO)

[19] Le bébé est observé par le garçon Forme passive réversible (SVO)

[20] Le bébé observe le garçon Exemple d’erreur d’interprétation [21] Le bonbon est mangé par l’enfant Forme passive non-réversible 1.2.1.5 Enchâssements

Après avoir exposé les différents cas de figure impliquant un mouvement syntaxique, il est important de s’intéresser aux enchâssements qui ont une influence sur le nombre de fusions. Il est à noter qu’une phrase enchâssée n’inclut pas nécessairement un bouleversement de la structure canonique, comme c’est le cas pour la relative objet.

agent patient

S V O

S V O

patient agent

Le terme d’enchâssement est utilisé lorsque plusieurs propositions sont emboîtées pour ne former qu’un seul énoncé. A titre d’exemple, la phrase [22] est un énoncé verbal simple et ne contient pas d’enchâssement, alors que les phrases [23] et [24] sont enchâssées. Il existe deux types d’enchâssement. L’enchâssement simple, tout d’abord, correspond à l’ajout d’une subordonnée à la principale [23], alors que l’enchâssement multiple (ou profond) inclut un enchâssement supplémentaire, comme en [24].

Le degré d’enchâssement a une influence importante sur la complexité syntaxique. En effet, une phrase enchâssée contiendra plus de mots à traiter et va engendrer une accumulation d’opérations syntaxiques. Ainsi, les enchâssements augmentent la complexité syntaxique et rendent donc la phrase de plus en plus difficile à traiter. Afin d’illustrer ces propos, l’énoncé [24]

contenant un enchâssement profond est plus complexe que l’énoncé [23], lui-même plus complexe que l’énoncé verbal simple en [22].

[22] Marc cuisine énoncé verbal simple

[23] Je suppose [que Marc cuisine] enchâssement simple [24] Je suppose [qu’il pense [que Marc cuisine]] enchâssement multiple

A partir de 6-7 ans, les énoncés deviennent de plus en plus complexes chez l’enfant DT.

Le degré d’enchâssement est de plus en plus profond et ce progressivement avec l’âge (Delage, 2008). Hamann, Tuller, Monjauze, et Delage (2007) ont mené une étude sur la production de subordonnées en langage spontané auprès d’enfants DT de 6, 8 et 11 ans, d’enfants présentant un TDL âgés de 6 à 10 ans et d’adolescents avec TDL. Il en ressort que le taux d’enchâssement est plus faible chez les enfants avec TDL par rapport aux enfants DT. Un nombre plus important d’énoncés agrammaticaux, caractérisés notamment par une omission du pronom relatif est relevé chez les enfants avec TDL. De plus, la complexité syntaxique des énoncés produits par des adolescents avec TDL est similaire à celle des enfants avec TDL. Cependant, les adolescents produisent moins d’énoncés agrammaticaux grâce à l’évitement et au développement de stratégies compensatoires, telles que la juxtaposition de deux phrases simples.

Pour conclure, ces structures syntaxiques complexes sont particulièrement problématiques pour les enfants présentant un TDL et les jeunes enfants DT, qui ont tendance à privilégier des structures nécessitant moins d’opérations syntaxiques. Certaines hypothèses postulent que des ressources cognitives limitées liées au TDL, et plus particulièrement au niveau de la MdT, entravent le traitement syntaxique. Le chapitre suivant sera consacré aux différents modèles de MdT, ainsi qu’aux déficits présents en cas de TDL.

1.3 Les différents modèles de la mémoire de travail

1.3.1 Modèle de mémoire de travail à composants multiples : Baddeley et Hitch

La mémoire de travail peut être définie comme étant la capacité à maintenir et manipuler simultanément des informations visuelles et verbales. Baddeley et Hitch (1974) proposent un modèle de mémoire de travail à composants multiples. Ce modèle voit le jour en opposition à celui de Atkinson et Shiffrin (1968) qui ne considérait qu’un seul système limité de mémoire à court terme. Le modèle de Baddeley est tripartite. Il se compose de deux sous-systèmes esclaves.

D’une part, un système traite les informations verbales grâce à la boucle phonologique et d’autre part, un système stocke les éléments visuels via le calepin visuo-spatial. L’administrateur central gère l’interaction entre ces deux systèmes esclaves. Il s’agit donc d’un système de stockage et de traitement de l’information. Une quatrième composante a été ajoutée par Baddeley en 2000 : le buffer épisodique. Plusieurs fonctions lui sont attribuées, notamment la coordination d’informations de différents types, provenant des deux systèmes esclaves, mais également la création de liens entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme (Barrouillet & Camos, 2007). Les différentes composantes de ce modèle sont détaillées dans la Figure 1.

Figure 1. Modèle à composants multiples de Baddeley et Hitch (2000).

1.3.1.1 Boucle phonologique

La boucle phonologique correspond à la mémoire à court terme verbale. Elle comprend un stockage temporaire des informations verbales ou acoustiques, et une boucle articulatoire, dont le but est de maintenir temporairement une trace en mémoire. L’existence de la boucle articulatoire est mise en évidence notamment par le fait que des mots courts, plus rapidement articulés, sont mieux retenus que des mots longs, car ils peuvent être rafraîchis plusieurs fois. Il s’agit de l’effet de longueur.

Lorsque l’on évalue la boucle phonologique, des tâches d’empans simples sont utilisées, car elles nécessitent uniquement le maintien en mémoire sans traitement supplémentaire. Une des tâches très répandue pour évaluer les capacités de la boucle phonologique est la répétition

de pseudo-mots. Cette tâche est dite pure car elle ne permet pas de se baser sur des représentations lexicales présentes en mémoire (Baddeley, 2003).

Les capacités en empans simples progressent considérablement entre 2 et 9 ans, pour atteindre 7 ± 2 à l’âge adulte, qui correspond au nombre moyen d’items qu’un être humain peut retenir. Cela est fortement lié à l‘augmentation avec l’âge de la vitesse d’articulation, car un plus grand nombre de récapitulation est possible et donc un meilleur rappel (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.1.2 Calepin visuo-spatial

Contrairement à la boucle phonologique, les études concernant le calepin visuo-spatial sont beaucoup moins nombreuses. Comme son nom l’indique, ce dernier est spécialisé pour le traitement des informations visuelles et spatiales. Des tâches d’empans simples spécifiques sont administrées. Elles sont conçues afin qu’un traitement verbal soit impossible. La trajectoire développementale semble se rapprocher fortement de celle des empans verbaux. Les performances augmentent avec l’âge. Cependant, les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore bien connus (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.1.3 Administrateur central

Intéressons-nous à présent à l’administrateur central. Son évaluation se fait via des tâches d’empans complexes, c’est-à-dire nécessitant le maintien et la manipulation simultanés d’informations. Il s’agit souvent de double tâche, car le sujet doit maintenir en mémoire une série d’items tout en faisant une autre activité. Dans le listening span (Daneman & Carpenter, 1980), le sujet écoute une série de phrases et effectue un test de compréhension. Il doit ensuite restituer le dernier mot de chacune d’entre elles. Le counting span (Case, Kurland, & Goldberg, 1982) ou l’empan de chiffres envers (WISC IV, Wechsler, 2005) sont également administré chez l’enfant.

Le counting span (tâche reprise dans nos pré- et post-tests) consiste à dénombrer un certain nombre de points tout en mémorisant à chaque fois le total. Le but est de restituer dans l’ordre les totaux de chaque planche. Pour l’empan de chiffres envers, le sujet doit simplement répéter une liste de chiffres dans l’ordre inverse.

De manière générale, les tâches d’empans complexes sont beaucoup plus difficiles que les tâches d’empans simples. Avant l’âge de 6 ans, un enfant aura beaucoup de difficulté à réaliser ce type de tâche. Une progression régulière est visible entre l’âge de 6 ans et l’adolescence, avec un fort développement à partir de 9 ans, contrairement aux empans simples dont la maturation commence plus tôt (Barrouillet & Camos, 2007).

1.3.2 Modèle A-O-STM : Majerus

D’autres modèles de la MdT existent et méritent également d’être détaillés, notamment les recherches de Majerus et ses collègues. Le modèle A-O-STM à trois composants de la mémoire à court terme (Majerus et al., 2009), présenté dans la Figure 2, laisse volontairement de côté l’administrateur central qui est évalué en même temps que les fonctions exécutives, afin de se focaliser spécifiquement sur la mémoire à court terme verbale. Cette dernière émerge selon lui de l’interaction entre les connaissances à long terme (représentation phonologique et lexico-sémantique), le traitement de l’ordre sériel et les capacités attentionnelles. De nombreux effets démontrent un lien très fort entre les connaissances langagières et les performances en mémoire.

L’effet de lexicalité, qui se traduit par une meilleure performance mnésique pour les mots par rapport aux non-mots, en est un bon exemple. Les connaissances langagières influencent donc surtout la composante « item » qui correspond aux informations lexicales à maintenir. En fait, selon lui, une tâche d’empans simples contient à la fois une composante « item », mais également des informations concernant l’ordre sériel. Par exemple, pour se souvenir d’un numéro de téléphone, il faut mémoriser tous les chiffres qui le composent (composante « item »), mais également leur ordre (composante « sérielle »). Afin de se focaliser uniquement sur les aspects concernant l’ordre, la course des animaux (tâche reprise dans nos pré- et post-tests) a été développée (Majerus et al., 2006 ; Majerus, 2008). L’enfant entend un certain nombre d’animaux qu’il doit replacer sur un podium selon leur ordre de présentation. La composante « item » est minimisée, car l’enfant reçoit l’image de chaque animal entendu. Finalement, Majerus met l’accent sur le rôle central de l’attention dans une tâche de mémoire à court terme verbale. L’attention sélective permet un maintien dans le temps des informations « ordre » et « item ». En effet, des tâches d’attention sélective auditive expliquent environ un tiers de la variance des performances en mémoire à court terme verbale (Majerus, Heiligenstein, Gautherot, Poncelet, & Van der Linden, 2009).

Figure 2. Modèle A-O-STM de Majerus et al. (2009).

1.3.3 Modèle TBRS : Barrouillet et Camos

Le modèle TBRS (Time-Based Ressource-Sharing model) de Barrouillet, Bernardin, et Camos (2004) accorde également beaucoup d’importance aux processus attentionnels. En effet, selon les auteurs, le focus attentionnel serait partagé sur une base temporelle entre le traitement et le stockage. Contrairement au modèle de Baddeley (2000) où ces deux processus sont séparés, le modèle TBRS propose une hypothèse de partage des ressources dans le temps.

L’attention serait donc une ressource limitée qui se restreint à un processus à la fois. Si l’attention doit être dédiée au traitement, la réactivation des traces ne peut pas avoir lieu. Ainsi, dans une tâche interférente, plus l’intervalle de temps est long, plus l’attention peut être accordée à la réactivation des traces et meilleur sera le rappel. Le focus attentionnel alterne donc sans cesse entre traitement et stockage dans « une course contre le temps ».

Le principe de ce modèle est illustré dans la Figure 3. La tâche du sujet est de stocker des mots présentés à l’écran tout en effectuant entre chaque mot un traitement dans un intervalle de temps plus ou moins long. Dans le cas b), le rappel sera meilleur, car le sujet a plus de temps pour réactiver les traces, contrairement à l’exemple a), où l’attention doit être dédiée prioritairement au traitement (Camos & Barrouillet, 2014).

Figure 3. Alternance entre traitement et stockage dans le modèle TBRS.

1.4 Performances en mémoire de travail chez les enfants avec TDL

Après cet aperçu des différents modèles de MdT existants, il est intéressant de se concentrer sur les difficultés en MdT rencontrées chez les enfants avec TDL. En effet, parmi les hypothèses explicatives du TDL, certaines avancent que des déficits en MdT pourraient entraver le développement langagier (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Jakubowicz, 2011).

Commençons par analyser les performances au niveau de la boucle phonologique, évaluées par des tâches d’empans simples. Les performances sur des tâches d‘empans de chiffres endroit sont déficitaires chez les enfants présentant un TDL. Le même constat est fait pour des tâches de répétition de mots (Archibald & Gathercole, 2006) ou de répétition de

non-mots (Archibald & Gathercole, 2006 ; Montgomery & Evans, 2009 ; Delage, 2015 ; Delage &

Frauenfelder, soumis).

Les enfants avec TDL présentent également des difficultés dans des tâches d’empans complexes, c’est-à-dire concernant l’administrateur central. Un déficit est relevé pour le counting span et l’empan de chiffres envers (Archibald & Gathercole, 2006 ; Delage, 2015 ; Delage &

Frauenfelder, soumis). Le listening span est également une épreuve qui pose problème d’après Archibald et Gathercole (2006). Selon les résultats obtenus par Archibald et Gathercole (2006), l’épreuve du counting span est la plus déficitaire. De plus, de manière générale, 70% de leur échantillon d’enfants avec TDL est en difficulté sur au moins deux de ces trois épreuves de MdT.

1.5 Liens entre mémoire de travail et capacités langagières

Les enfants présentant un TDL ont donc, en plus de difficultés en syntaxe complexe, des performances déficitaires en MdT, plus précisément au niveau de la boucle phonologique et de l’administrateur central. Certains chercheurs pensent que les déficits en syntaxe de ces enfants pourraient être expliqués par un système mnésique immature. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre consacré à la complexité syntaxique, les enfants avec TDL et les jeunes enfants DT évitent certaines structures syntaxiques complexes et privilégient des structures plus simples et par conséquent moins coûteuses en ressources. Cela s’explique par le fait que le développement du langage typique ou atypique est affecté par un certain nombre de contraintes développementales externes au système langagier, telles que les capacités en MdT. En fait, selon l’hypothèse proposée par Jakubowicz (2011), la complexité syntaxique d’un énoncé représente une surcharge au niveau de la MdT. Chez les enfants avec TDL, le système langagier serait donc totalement intact, mais des capacités en MdT immatures, entraveraient son bon fonctionnement.

Ces mêmes limitations seraient à l’œuvre chez les jeunes enfants tout-venant. Afin d’illustrer ces propos, Delage (2015) propose d’utiliser la métaphore du « goulot d’étranglement » dans lequel les phrases complexes ne peuvent pas être traitées (Figure 4a), puis, grâce à la maturation du système dans le développement typique, une libération des ressources a lieu, permettant ainsi le traitement de phrases complexes (Figure 4b). Or, chez les enfants avec TDL, des limitations en MdT persistantes empêcheraient la complexification syntaxique.

Figure 4. Représentation de la surcharge en mémoire des phrases complexes en cas de limitation en mémoire [a] ou de diminution des limitations [b].

Dans le but de démontrer ce lien entre mémoire et langage, des études chez des enfants tout-venant ont été menées. Adams et Gathercole (2000) montrent que chez des enfants de 3 à 5 ans, plus la boucle phonologique est performante, plus les phrases produites seront longues et complexes. Selon Dispaldro et ses collègues (2011), les habiletés grammaticales d’enfants de 3 à 4 ans peuvent être prédites par leurs résultats à une tâche de répétition de mots. De plus, les empans simples peuvent également être en lien avec l’apprentissage de mots nouveaux (Gathercole & Baddeley, 1990 ; Leclercq & Majerus, 2010). En ce qui concerne les empans complexes, un lien prédictif a été mis en évidence entre les performances sur des tâches d’empans complexes et la compréhension de phrases complexes chez des enfants anglophones de 6 à 12 ans (Montgomery, Magimairaj, & O’Malley, 2008). Delage et Frauenfelder (sous presse) décident d’aller plus loin en incluant une analyse du versant expressif avec des tâches de répétition et de production de phrases. Ils ont répliqué les résultats de Montgomery et ses collègues (2008) pour la compréhension de phrases complexes. En ce qui concerne la production, le counting span s’est révélé être la tâche la plus sensible et la plus explicative, bien plus que l’empan de chiffres envers, pourtant fréquemment utilisé en clinique. Les empans complexes sont donc impliqués dans le traitement syntaxique en compréhension et en production. Quant à la répétition de phrases complexes, elle est expliquée majoritairement par les empans simples, car

Dans le but de démontrer ce lien entre mémoire et langage, des études chez des enfants tout-venant ont été menées. Adams et Gathercole (2000) montrent que chez des enfants de 3 à 5 ans, plus la boucle phonologique est performante, plus les phrases produites seront longues et complexes. Selon Dispaldro et ses collègues (2011), les habiletés grammaticales d’enfants de 3 à 4 ans peuvent être prédites par leurs résultats à une tâche de répétition de mots. De plus, les empans simples peuvent également être en lien avec l’apprentissage de mots nouveaux (Gathercole & Baddeley, 1990 ; Leclercq & Majerus, 2010). En ce qui concerne les empans complexes, un lien prédictif a été mis en évidence entre les performances sur des tâches d’empans complexes et la compréhension de phrases complexes chez des enfants anglophones de 6 à 12 ans (Montgomery, Magimairaj, & O’Malley, 2008). Delage et Frauenfelder (sous presse) décident d’aller plus loin en incluant une analyse du versant expressif avec des tâches de répétition et de production de phrases. Ils ont répliqué les résultats de Montgomery et ses collègues (2008) pour la compréhension de phrases complexes. En ce qui concerne la production, le counting span s’est révélé être la tâche la plus sensible et la plus explicative, bien plus que l’empan de chiffres envers, pourtant fréquemment utilisé en clinique. Les empans complexes sont donc impliqués dans le traitement syntaxique en compréhension et en production. Quant à la répétition de phrases complexes, elle est expliquée majoritairement par les empans simples, car