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L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

II / L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

2.2. LES REPRESENTATIONS SOCIALES : DES LIENS AVEC LES POLITIQUES D’INSERTION

2.2.2. Les différents concepts de la représentations sociale

A la suite des travaux de MOSCOVICI, les représentations sociales ont intéressé un certain nombre de chercheurs dans des disciplines diverses : des psychologues comme CHOMBARD de LAUWE (1972), HERZLICH (1972), FARR (1977), JODELET (1984) ; des anthropologues comme LAPLANTINE (1978), des sociologues comme BOURDIEU (1982), des historiens tels que ARIES (1962), DUBY (1978).

Ils ont investi des champs de représentation assez larges : la santé et la maladie pour HERZLICH et LAPLANTINE, le corps humain et la maladie mentale pour JODELET, la culture avec KAES, l’enfance avec CHOMBART de LAUWE, la vie professionnelle pour HERZBERG, MAUSNER et SNYDERMAN, l’action pour ABRIC en particulier, les changements des représentations (MARTIN-SANCHEZ, 1999).

Dans le cadre de cette étude, l’accent est mis sur les théories des chercheurs tels que MOSCOVICI, JODELET, DOISE, HERZLICH et ABRIC.

Cette thèse n’a pas l’ambition de présenter l’ensemble des travaux et des théories concernant les représentations sociales, mais de s’appuyer sur certaines pour montrer comment celles de l’exclu évoluent dans le temps.

Pour Serge MOSCOVOCI, les représentations sociales se situent entre psychologie et sociologie. « La notion de représentation sociale a un positionnement mixte au carrefour d’une série de concepts sociologiques et de concepts psychologiques qui impliquent qu’elle soit en rapport avec un processus relevant d’une dynamique sociale et d’une dynamique psychologique » (MOSCOVICI, 1961/1976, p 39). D’un côté, la représentation sociale prend en compte le fonctionnement cognitif et celui de l’appareil psychique, et de l’autre côté, le fonctionnement du système social des groupes et des interactions (JODELET, 1989/2003, p 58).

MOSCOVICI insiste sur la spécificité des phénomènes représentatifs dans la société contemporaine que caractérisent l’intensité et la fluidité des échanges et communication, le développement de la science, la pluralité et la mobilité sociale. C’est donc Serge MOSCOVICI qui, en quelque sorte, a « dépoussiéré » le concept de représentation sociale en le rendant moderne et loin du déterminisme des sociétés traditionnelles présenté par DURKHEIM, mais au contraire positionnant les représentations sociales pour agir, pour envisager l’avenir.

Pour Denise JODELET, les représentations sociales se concrétisent par un processus de construction sociale de la réalité. Ces travaux concernant les représentations sociales de la santé mentale mettent en évidence les relations de l’évolution de la pensée sociale et celle du vécu corporel de l’individu. Les représentations sociales se modifient à travers les transformations dans la société telles que la diffusion croissante des connaissances biologiques, la montée du féminisme, l’extension de l’intérêt pour l’équilibre physique, le sport, le retour à la nature…

JODELET, citant FARR (1984/1988 p 384), explique l’interdépendance entre l’élaboration cognitive et l’adoption de compétences tout à fait concrètes.

Pour JODELET (1989/2003, p 53), les représentations sociales s’entendent comme un système d’interprétations qui régit la relation de l’individu au monde et aux autres, qui oriente et organise ses conduites et ses communications sociales.

Ces phénomènes cognitifs engagent l’appartenance sociale des individus par l’intériorisation des pratiques et des expériences, des modèles de conduite et de pensée. C’est une forme de

connaissance distincte d’une forme de connaissance scientifique, qui peut être assimilée au

« savoir sens commun » voire au « savoir naïf ».

Ces représentations sociales reposent sur deux approches, d’une part, un processus cognitif qui correspond à la psychologie sociale centré sur la compréhension du phénomène cognitif, et d’autre part, sur un processus social qui s’inscrit dans une perspective d’analyse anthropologique et sociologique du phénomène social constitué par les représentations sociales à l’œuvre dans les divers processus qui structurent le système social. Des éléments informatifs, cognitifs, idéologiques, normatifs, croyances, valeurs, attitudes, opinions, images composent cette forme de connaissance. Ce système d’interprétation modulant et orientant le rapport du sujet à soi, à l’autre, à la société, saisit les représentations sociales comme un élément constructif de ce processus de construction sociale de la réalité.

Pour JODELET, il n’y a pas de représentations sociales sans objet, elles sont une représentation de la réalité, d’un objet, d’individus, de faits de société, de mécanismes politiques ou économiques. « La représentation sociale est avec son objet, dans un rapport de

« symbolisation », elle tient lieu « d’interprétation », elle lui confère des « significations » JODELET, 1989/2003, p 61) ; d’où la mise en évidence de l’importance et la complexité des représentations sociales au sein des processus de constitution identitaire pour l’individu et pour les groupes.

JODELET propose la définition suivante des représentations sociales : « Le concept de représentations sociales désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel » (JODELET, 1984/1988, p 361)

Pour Claudine HERZLICH (1969), la réalité de la maladie dépasse le savoir médical.

Ces travaux ont concerné les représentations sociales de la santé et de la maladie, et montré que leurs représentations étaient claires et structurées. La santé est dénuée de causes, elle est harmonieuse et se passe d’explication. La maladie doit être expliquée, elle est attribuée à l’environnement, au côté artificiel de la vie urbaine, à la nourriture non naturelle, à la pollution par opposition à la vie à la campagne telle qu’elle était. La représentation de la maladie se nourrit largement de la théorie du « germe » dont l’environnement urbain serait infesté et pollué. La santé n’est pas simplement l’absence de maladie (FARR, 1984/1988, p

383). Ainsi la représentation de la maladie et de la santé est considérée comme une réalité extérieure aux modèles médicaux. La réalité de la maladie et de la santé déborde largement des savoirs médicaux. Le biologique est également social.

Pour HERZLICH, les représentations sociales s’inscrivent dans un champ déjà défini et structuré par un ensemble de rapports sociaux qui leur sont extrinsèques, mais les pratiques sociales et professionnelles génèrent un ensemble d’éléments agissant en interaction avec l’objet et qui apparaissent comme dimension constitutive des représentations.

Jean Claude ABRIC, pour sa part, décrit la théorie du noyau central ou structurant des représentations sociales. A mi chemin entre la psychologie et la sociologie, les représentations sociales permettent aux individus et aux groupes de maîtriser leur environnement social et d’agir sur celui-ci. Pour ABRIC (1994/1997), la représentation est comme une vision fonctionnelle du monde qui permet à l’individu ou au groupe de donner un sens à ses conduites, et à comprendre la réalité à travers son propre système de références, de s’y adapter et de s’y définir une place.

La représentation sociale est déterminée par le sujet dans le cadre de son vécu et de son histoire, par le système social et idéologique dans lequel il est inséré et par la nature des liens qu’il entretient avec ce système social.

Jean-Claude ABRIC définit une représentation comme étant « Le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe constitue le réel auquel il est conforté et lui attribue une signification spécifique »…« La représentation est donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référent à un objet ou une situation » (ABRIC, 1989/2003 p 206).

C’est le sujet qui la détermine avec son histoire et son vécu. Le sujet réagit sur la réalité représentée. Les comportements des sujets ou des groupes ne sont pas déterminés par des caractéristiques objectives de la situation, mais par la représentation de la situation.

Pour la théorie du noyau central toute représentation est organisée autour d’un noyau central qui est l’élément fondamental de la représentation déterminant à la fois le signifiant et l’organisation de la représentation. La nature de l’objet représenté et la relation que le sujet entretient avec cet objet, déterminent le noyau central ou structurant de la représentation qui est le plus stable et qui résiste au changement. C’est par ses éléments périphériques que la représentation peut changer de sens ou de nature.

Les fonctions génératrice et organisatrice sont assurées par le noyau central : la fonction génératrice est l’élément par lequel la signification des autres éléments constituants se créent ou se transforment ; ce qui donne à la représentation un sens nouveau ; la fonction organisatrice est assurée par le noyau central qui détermine la nature des liens qui unissent entre eux les éléments de la représentation. Le noyau central est l’élément unificateur et stabilisateur de la représentation. Il est composé d’éléments dont l’absence modifie radicalement le sens de la représentation.

Le contenu du noyau central structurant est constitué d’éléments qui donnent le sens de la représentation, la nature de l’objet représenté, la relation de cet objet avec le sujet ou le groupe, et le système de valorisation des normes ; c'est-à-dire du contexte idéologique.

La nature de l’objet et la finalité de la situation déterminent les éléments centraux qui prennent deux dimensions : une dimension fonctionnelle où les éléments centraux concernent la réalisation de la tâche, et la dimension normative constituée par une norme, un stéréotype ou une attitude dominante envers l’objet de la représentation.

Les éléments périphériques de la représentation prennent aussi une place importante car ils sont composés par des informations retenues, sélectionnées et interprétées, des jugements formulés à propos de l’objet et de son environnement, des stéréotypes et des croyances. Les éléments périphériques fonctionnent comme une grille de décryptage d’une situation à laquelle FLAMENT (1989/2003, p 224-239) attribue des fonctions essentielles : une fonction prescriptive dans laquelle les éléments périphériques indiquent ce qu’il convient de faire ou de dire selon les situations afin de prévoir ou de déduire le comportement approprié ; une fonction de personnalisation des représentations et des conduites qui lui sont rattachées. Les éléments périphériques permettent l’adaptation des comportements aux évolutions du contexte ; une fonction de protection du noyau central qui fonctionne comme un pare-choc aux représentations sociales. « Le noyau central est très résistant au changement. Les éléments périphériques permettent l’intégration d’éléments nouveaux dans la représentation, ce qui conduit à terme à la transformer » (MARTIN-SANCHEZ, 1999 p 9).

JODELET (1989/2003, p 52) propose une définition consensuelle de la représentation sociale en accord avec la communauté scientifique « La représentation sociale, c’est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique, et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social ».