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Les fonctions, les finalités et les enjeux de l’évaluation des politiques publiques

L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

II / L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

2.3. L’EVALUATION DES POLITIQUES D’INSERTION : DES LIENS AVEC LES REPRESENTATIONS SOCIALES

2.3.1. Les différents aspects de l’évaluation des politiques publiques

2.3.1.3. Les fonctions, les finalités et les enjeux de l’évaluation des politiques publiques

Les fonctions, les finalités et enjeux de l’évaluation des politiques publiques sont reprises du Petit guide de l’évaluation des politiques publiques (1996 p 6) qui classe les pratiques évaluatives selon leurs buts à atteindre qui peuvent être mis en opposition par certains.

L’évaluation récapitulative a pour but de forger une appréciation globale et distanciée des politiques, c'est-à-dire qu’elles sont axées sur les mesures quantitatives des résultats dans le but de préparer la prise de décision.

L’évaluation formative a pour objet d’éclairer les acteurs concernés par la mise en œuvre d’une politique sur le contexte et les conséquences de leurs pratiques. L’opposition persiste entre l’évaluation récapitulative à dominante quantitative centrée sur la mesure du résultat et dont la visée naturelle est l’aide à la décision et l’évaluation formative visant d’abord à augmenter les compétences et l’implication des acteurs de la politique, centrée sur les processus et recourant davantage aux méthodes qualitatives et participatives (PERRET, 2001, p 97).

L’évaluation managériale cherche à mettre en valeur, dans une vision plus économique, l’efficience de la gestion publique afin de l’améliorer. CHANUT (2003, p 237) parle pour la France de « Faiblesse des apports managériaux de l’évaluation » qui paraît tellement sacralisée et en quête de légitimité qu’elle néglige cet apport et lui préfère l’information ex-post.

L’évaluation démocratique met l’accent sur la qualité et la transparence du débat public. Pour PERRET (2001, p 93-107), l’évaluation est la clef d’une nouvelle gouvernance parce que répondre à la demande sociale est de plus en plus complexe. Les gouvernements sont devant une équation impossible face à l’addition des demandes et à l’aggravation de plusieurs grands problèmes de société tels que l’insécurité, l’exclusion sociale, la dégradation de l’environnement. Pour sa part, BASLE, (2000, p 10) se méfie de cette approche et s’interroge sur l’évaluation comme alibi pour les gouvernants. Il serait un peu naïf de croire à la bonne volonté de tous les acteurs de l’évaluation car ils n’ont pas tous le même poids de décision. Il est donc assez crédule de penser que l’évaluation est un moment « hors du jeu politique habituel». « Si évaluation et gouvernance allaient de pair, on reconnaîtrait peut être les

« bons gouvernants » à la qualité de leurs pratiques évaluatives ».

L’évaluation de modernisation serait l’avenir des politiques publiques et des administrations, et correspondrait à l’évolution de la démocratie dans le cadre d’un débat démocratique et de la participation du citoyen. CHANUT (2003, p 92) s’interroge sur l’évaluation comme outil de modernisation administrative moyennant certaines conditions et inflexions. L’évaluation devrait porter sur des aspects plus précis et plus techniques, dans une logique de transférabilité des expériences et en connexion plus étroite avec l’expérimentation. La gestion publique centralisée ne s’impose plus comme évidente dans les représentations ; le simple prisme de la gestion rationnelle ne suffit plus aux citoyens, elle s’est déplacée sur le terrain de l’évaluation pour légitimer les politiques publiques dans un contexte post moderne (BERTHET, 2000, p 86). L’évaluation doit favoriser une meilleure gestion des pratiques des acteurs administratifs et socioprofessionnels afin de poser les jalons d’une meilleure action publique pour l’avenir. L’analyse rétrospective doit être au service de l’avenir sans incriminer mais en cherchant les causes réelles des dysfonctionnements en vue d’une amélioration (Rapport CSE, 2000, p 21).

Lors du colloque « Evaluation et gouvernance » en 2000 de la Société Française d’Evaluation, le débat s’est aussi porté sur la place du citoyen dans l’évaluation. Les intentions étaient toutes positives pour admettre que la modernisation des politiques publiques ainsi que leur légitimité passaient par la participation des usagers. Pour PERRET (2003, p 8), il est indispensable de prendre en compte le point de vue des bénéficiaires ou des usagers des services des politiques sociales, et c’est ce qui se pratique de plus en plus. Mais, la difficulté réside dans le choix et l’identification des représentants et des interlocuteurs qui doivent être disponibles et motivés par le travail d’évaluation. Peut-on demander à tous les usagers et dans

n’importe quelles conditions de participer à l’évaluation de politiques dont ils sont bénéficiaires ?

La pluralité des fonctions est gage des évaluations réussies ; les finalités aussi sont à prendre en compte afin d’éclaircir une classification des différents types d’évaluation : Une finalité déontologique qui permet de rendre compte aux responsables et aux citoyens de la mise en œuvre et des résultats d’une politique correspond, à des fonctions informatives et démocratiques.

Une finalité gestionnaire consiste à répartir rationnellement les ressources humaines et financières entre les différentes actions et à améliorer la gestion des services. La dimension gestionnaire est importante dans le domaine de l’action sociale parce que les décideurs qui ont recours à l’évaluation ont une volonté d’optimiser économiquement leur politique suite aux contraintes de financement dues aux transferts insuffisants de l’Etat (MARTIN & RUFFIOT, 2000).

Une finalité décisionnelle permet de préparer les décisions concernant les suites à donner à une politique. CHANUT (2003, p 237) regrette que les pratiques de l’évaluation en France soient plus tournées vers le bilan ex post que vers une logique de prise de décision ex-ante, à l’inverse d’autres pays en avance sur l’évaluation. L’utilisation de l’évaluation comme aide à la décision moderniserait les pratiques des politiques publiques.

Une finalité d’apprentissage et de mobilisation permet aux agents mais aussi aux partenaires de mieux participer aux processus d’appropriation des objectifs. Dans le cadre d’une évaluation pluraliste, il est nécessaire que les différents acteurs s’approprient le travail d’évaluation. Cette appropriation sera garante d’une acceptation plus aisée des résultats et des perspectives retenues dans une logique plus consensuelle.

L’évaluation est un nouveau mode de construction de l’action publique pour PERRET (2007, p 29-39). Tout en regrettant la lenteur du développement de l’évaluation des politiques publiques, l’auteur conclut que bien que relevant d’un état d’esprit, elle est de mieux en mieux reconnue et qu’elle constitue une réponse pertinente aux défis des pouvoirs et des administrations publics : réduction des budgets, crise de légitimité des élus et du management public, modification des compétences territoriales, juridisation et procéduralisation de la vie sociale. « L’évaluation ne constitue certes pas un remède miracle à cette « crise de la gouvernance », mais elle peut apporter d’avantage de transparence au fonctionnement des organisations publiques, et surtout, contribuer à redonner du sens à l’action publique » (PERRET, 2007, p 38).

Le préambule de la Charte de l’Evaluation des politiques publiques et des programmes publics, actualisée en 2006 élaborée par la Société Française de l’Evaluation présente les enjeux de l’évaluation ainsi : « L’évaluation contribue ainsi à rationaliser la prise de décision publique, à moderniser la gestion de l’administration et des services publics et à rendre plus efficace la dépense publique. Elle contribue simultanément au développement de la responsabilité des pratiques de compte rendu interne ou externe, ainsi qu’à l’apprentissage organisationnel. Elle participe aux progrès parallèles de la bonne gestion et du débat démocratique à tous les niveaux de gouvernement ».

Ces enjeux de l’évaluation des politiques publiques, ainsi résumés, par la SFE semblent faire consensus et dépassent ceux de ses acteurs directs en y associant les citoyens car l’enjeu principal est bien l’intérêt général.

Que l’évaluation des politiques publiques ait des fonctions récapitulatives, formatives, managériales et/ou démocratiques, qu’elle ait des finalités déontologiques, gestionnaires, décisionnelles ou d’apprentissage, elle reste la clef de voûte d’une nouvelle gouvernance (PERRET, 2001). Mais, a contrario, parée d’une sorte de perfection théorique des enjeux décrits dans la Charte, l’évaluation ne risque-t-elle pas de décevoir comme le suggère BASLE ( 2000, p 10) en feignant de croire à la bonne volonté de tous les acteurs et à la disparition d’arrières pensées politiques dans la mise en œuvre d’une évaluation.