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La croissance : un facteur exogène aux chômeurs de longue durée

1.2. L'INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES PERSONNES EN CUMUL DE DIFFICULTES (1982-2002)

1.2.3. De l’accès individualisé aux droits aux politiques collectives de l’emploi dans un contexte de croissance (1998-2002)

1.2.3.4. La croissance : un facteur exogène aux chômeurs de longue durée

L’ensemble des politiques de l’emploi et des politiques d’insertion a été mis en œuvre pour et dans un contexte de pénurie d’emploi, d’allongement de la durée du chômage, de traitement social du chômage. L’insertion par l’activité économique, elle même, a été pensée à ses début dans une logique de sas avant l’emploi classique, en attente de jours meilleurs en matière de création d’emploi.

Cette période de croissance a été vécue par les acteurs de l’insertion comme la démonstration que l’insertion fonctionne et que des facteurs exogènes aux chômeurs de longue durée et aux bénéficiaires de minima sociaux, en particulier du R.M.I., entrent en jeu dans l’inemployabilité en faisant déplacer son curseur vers une meilleure employabilité, malgré les catégorisations, les diagnostics, les évaluations de tous les experts en employabilité et en reclassement. « Au fur et à mesure que le chômage progressait, les contrats aidés ont vu leur nombre augmenter ce qui peut être considéré comme un bon indicateur de la situation de l’emploi peu ou pas favorable » (NOBLET, 2005, p 77). La situation s’améliorant, ces contrats intermédiaires ne sont plus perçus comme indispensables. NOBLET pense que certains conseillers économiques des gouvernements peuvent même en déduire que cette décrue favorise l’amélioration de la situation : plus de main d’œuvre à mettre sur le marché de l’emploi et donc devenue employable. Ainsi les emplois aidés ont été en chute drastique de 1998 à 2004. Le nombre de chômeurs n’est jamais descendu en dessous des 2 millions en 20 ans mais le nombre de contrats aidés est passé de 400000 au milieu des années 90 à presque la moitié en 2002.

Dans son rapport de synthèse, l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (O.N.P.E.S., 2003-2004) précise que la diminution du nombre de contrats aidés entre

1998 et 2002 a été de 360000. De ce fait le nombre d’emplois proposés aux allocataires du R.M.I., de l’A.S.S. a reculé de 85000 entre ces deux dates.

Les contrats aidés ont-ils été plus utilisés comme variable d’ajustement de la réserve de travailleurs pour le marché de l’emploi chère à MARX, ou bien, dans une logique d’accession au droit au travail ?

Dans son rapport, l’O.N.P.E.S. (2001-2002, p 66) précise les chiffres des populations couvertes par les minima sociaux : 5,5 millions de personnes en métropole, constate que pour la première fois le nombre de bénéficiaires du R.M.I. au 31 décembre 2000 est de 965200 soit, une baisse de 6,3% par rapport à 1999 et que la diminution se poursuit au 1er trimestre 2001 de –1,2%.

Le rapport explique que l’évolution favorable reflète l’évolution de la conjoncture économique. L’évolution du R.M.I. est largement conditionnée par le nombre de chômeurs non bénéficiaires de régime d’assistance chômage et de solidarité. Le nombre de chômeurs a baissé de plus de 550.000 durant l’année 2000 et passe sous la barre des 10% (fin 1999, 10,4% ; fin 2000, 9,0%). La baisse du chômage non indemnisé a atteint de 14% en 2000, ce qui a contribué à faire diminuer le nombre d’allocataires du R.M.I.. D’après un modèle de calcul de la D.R.E.S.S. repris par l’O.N.P.E.S. (2001-2002 p 35), le lien entre le nombre de bénéficiaires du R.M.I. et l’emploi est assez fort. En effet, les calculs réalisés sur la période 1995-2001, montrent qu’une hausse de 100.000 emplois conduit, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse de 13.000 bénéficiaires du R.M.I. et donc une hausse de 1% de l’emploi induit une diminution de 2% du nombre d’allocataires du R.M.I..

L’Allocation Spécifique de Solidarité profite aussi de l’embellie. L’A.S.S est la principale allocation chômage du régime de solidarité. Sous condition de ressources et d’activités antérieures, l’A.S.S. est destinée aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage, c’est à dire, en grande majorité aux chômeurs de longue durée ayant eu des activités antérieures, par rapport à ceux qui n’ont pas acquis de droits liés au salariat. Fin 2000, près de 430000 personnes étaient allocataires de l’A.S.S., soit une diminution de 8,6%.

Cette embellie a permis à certains de pronostiquer le retour au « plein emploi » (DARES, 2003, p 50), mais dans certains secteurs apparaissent des difficultés sectorielles de recrutement, « les secteurs en tension » qui seraient susceptibles de freiner la croissance.

Il ne faut pas confondre difficultés de recrutement mesurées par des enquêtes réalisées auprès d’employeurs avec la vraie pénurie de main d’œuvre. Les études de la DARES (AMAR &

VINET, 2002) montrent, d’une part, qu’il s’agit plus de l’augmentation du temps nécessaire pour le recrutement, c’est à dire, le chômage de friction, et d’autre part, que ces difficultés de

recrutement, dans certains secteurs, pour des emplois de faibles qualifications, sont à renvoyer aux conditions de travail et de rémunérations.

La croissance et l’environnement économique ont donc un effet significatif sur la privation d’emploi des chômeurs, des chômeurs de longue durée, des bénéficiaires du R.M.I.. Les facteurs endogènes de responsabilité paraissent moins décisifs à la reprise de l’emploi pendant une phase de conjoncture favorable.

Les politiques d’insertion, c’est à dire, le traitement social du chômage, pour des personnes en cumul de difficultés, chômeurs de longue durée ou/et bénéficiaires du R.M.I., semblent essentiellement produire du sociétal, du lien social, de la citoyenneté : dimensions, qui ont été réduites ou perdues par la privation de l’emploi salarial.

L’accès aux droits, et en particulier au droit au travail, a permis de relancer les logiques d’insertion sociale et professionnelle, concernant les chômeurs de longues durée cumulant les difficultés, par un rapprochement des caractéristiques des politiques de l’emploi vers celles d’insertion : l’accompagnement, l’individualisation, le contrat ; ce qui induit à plus de contrôle individuel pour l’attribution d’un statut de chômage : la recherche effective d’emploi et la capacité à en trouver un. : ce qui correspond au passage d’une logique collective à une logique individuelle pour la gestion du chômage de longue durée.

L’I.A.E., dans le cadre du droit au travail, a été mobilisée et s’est institutionnalisée puisque l’Etat a décidé de maîtriser les activités des structures par le conventionnement avec la D.D.T.E.F.P. et le public avec l’A.N.P.E.. Elle a perdu en initiative et en innovation mais gagné en reconnaissance et en financements plus formels. L’I.A.E., de lutte contre les inégalités, s’est transformée dans cette période en lutte contre les exclusions, en participant comme outil de l’Etat, au traitement social du chômage parce que l’Etat était incapable d’intervenir sur le lien sociétal et sur les liens familiaux.

Les effets de la croissance sur les chômeurs de longue durée et sur les bénéficiaires de R.M.I.

ont montré que l’emploi (la création) se passe ailleurs que dans le traitement social du chômage qui n’a que peu d’emprise sur l’emploi classique et sur la privation d’emploi sauf, dans le cadre des emplois intermédiaires qui, avec leur rôle de création d’emplois salariés non pour des raisons économiques mais pour justement la valeur sociétale du travail, favorisent la création d’appartenance sociétale et d’identités sociales nouvelles.

Pour tenter de répondre à la question de départ de cette thèse « En quoi, les politiques d’insertion en faveur de personnes en cumul de difficultés, ne semblent pas donner les

résultats escomptés ? », l’évolution socio historique des politiques de l’emploi et d’insertion comme contexte précurseur à la prise en charge actuelle par l’Etat des sans emploi a été étudiée d’une façon approfondie. Mais force est de constater, d’une part, que ces politiques, même si elles ne fonctionnent pas sur les mêmes logiques, sont dans le cadre du traitement social du chômage, dédiées à un public commun en cumul de difficultés, les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires des minima sociaux, en particulier les bénéficiaires du RMI et d’autre part qu’ il est impossible, à ce niveau de la thèse, de pouvoir attribuer aux seules politiques d’insertion la moindre responsabilité sur la faiblesse ou pas des résultats escomptés puisqu'elles sont très imbriquées avec les politiques de l'emploi.

Ces politiques changent au gré de l’évolution des conjonctures du marché de l’emploi parce que le lien entre pauvreté et chômage est évident, ainsi que le lien entre chômage et perte d’identité sociale.

Les bénéficiaires du R.M.I. sont à la croisée des politiques de l’emploi et d’insertion, d’une part pour l’insertion, parce qu’ils se situent par la loi, dans une démarche d’insertion contractuelle individualisée, et d’autre part pour l’emploi, parce qu’ils sont, à 30%, inscrits à l’A.N.P.E. comme chômeurs de longue durée.

Afin de progresser dans la recherche de l'efficacité des politiques d'insertion et de la place des personnes en cumul de difficultés dans celles-ci, il paraît essentiel de préciser d’une part, les concepts et approches théoriques de l'insertion dans lesquelles les mêmes oppositions se constatent entre l’individu et le territoire, entre le processus et l’état, et d’autre part, la démarche méthodologique utilisée pour valider les hypothèses, d’une part celle d’une telle convergence entre les politiques d’insertion et de l’emploi depuis 2002 qu’elles n’en font plus qu’une, et d’autre part, le basculement des représentations sociales de l’exclu.

LA PLACE DETERIOREE DE LA PERSONNE EN CUMUL DE