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L’insertion ou l’exclusion : d'autres courants de pensée

L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

II / L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

2.1. L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE ENTRE ETAT ET PROCESSUS : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES

2.1.2. Les courants de pensée liés à l’insertion et à l’exclusion

2.1.2.4. L’insertion ou l’exclusion : d'autres courants de pensée

Le concept de « Capability » est à mettre à l’actif d’Amartiya SEN. Définir immédiatement ce que SEN entend par « Capability », permettra de mieux appréhender son concept. « Le mot anglais « Capability » signifie capacité, aptitude, possibilité ; pour SEN, c’est l’ensemble des modes de fonctionnements humains qui sont potentiellement accessibles à une personne, qu’elle les exerce ou non » (SEN, 2000, p 12).

La théorie de la Capability est une approche intéressante du couple « Insertion et Exclusion ».

« La vie est faite d’un ensemble de fonctionnements liés entre eux, composés d’états et d’actions ». Ces fonctionnements peuvent être élémentaires : se nourrir, se loger… et sociaux ou plus complexes, être heureux, être digne à ses yeux, prendre part à la vie communautaire.

Ces fonctionnements sont les vecteurs de l’accomplissement de l’individu et donc constitutifs de l’existence de la personne. La Capability est un ensemble de vecteurs de fonctionnements qui indiquent qu’un individu est libre de mener tel ou tel type de vie, et donc qu’il a sa liberté de choisir entre des modes de vie possible.

La Capability de fonctionnement est liée à la liberté d’accomplissement de son bien-être. La Capability représente un ensemble de modes de fonctionnements possibles pour une personne qui va en choisir un et un seulement. Agir librement et être en mesure de choisir sont des éléments directement constructifs du bien être, pas obligatoirement l’accomplissement.

« Jeûner n’est pas être affamé ; c’est choisir d’être affamé dans le cadre d’autres possibilités » (SEN, 2000). Pour l’évaluation du bien-être de la personne, il y a un intérêt direct à savoir si le jeûne est volontaire ou par manque de moyens.

Classiquement, la pauvreté est étudiée sous l’angle des revenus : le seuil de pauvreté. Cette approche ne prend en compte que les revenus ! Ce qui est insuffisant pour appréhender les situations d'exclusion. Un bénéficiaire du R.M.I. seul, avec ses 394 euros (01/2008) est plus pauvre monétairement qu’un handicapé qui perçoit 602 euros mais son handicap le restreint dans sa capacité d’avoir une vie communautaire ou l’oblige à dépenser plus pour avoir la capacité de se déplacer comme celui qui n'a pas ce handicap. Qui est le plus pauvre vis à vis de la réalité de la difficulté étudiée ? La prise en compte des revenus ne suffit pas ; la diversité des individus et des situations oblige à prendre en compte d’autres critères. La perception de la pauvreté s'inscrit dans le défaut des « capabilies » de base permettant d'atteindre certains niveaux minimaux acceptables.

La pauvreté est l’incapacité à édifier son bien être par la pauvreté de ses revenus, oui, mais pas seulement. « L’adéquation des moyens économiques ne saurait être estimée indépendamment des possibilités concrètes de conversion des revenus et des ressources en capacité de fonctionnement » (SEN, 2000). Ce sont les caractéristiques de l'individu qui déterminent le revenu adéquat pour échapper à la pauvreté.

Exprimer la pauvreté dans l'espace des revenus force à établir le lien de cause à effet entre l'exigence de capabilités et les revenus nécessaires à sa mise en œuvre. En matière d’exclusion, une privation relative dans la sphère des revenus peut entraîner une privation absolue dans l’espace des capacités : avoir honte de sortir de chez soi et d'accepter le regard d'autrui, engendre une incapacité à avoir des relations sociales, à avoir une vie communautaire ; dans ce cas les liens varient en fonction des autres, du regard que l'on imagine que les autres ont de soi.

L'approche du bien être par la « Capability » diffère de l'analyse traditionnelle de la richesse économique tels que les revenus réels, le niveau de consommation, à deux titres : d'une part, la centralité de l'intérêt se déplace de l'espace de moyens à celui de fonctionnement, éléments constitutifs de bien-être, et d'autre part, la prise en considération de l'ensemble des vecteurs de fonctionnements possibles sans obligation d'en faire fonctionner un.

Ainsi la possibilité de choisir entre différentes alternatives de fonctionnements est un enjeu concret et précieux dans la vie car il déterminera directement le bien-être de la personne.

Avec cette théorie du « Bien-être », l’exclusion et l’insertion prennent un autre sens si elles sont évaluées à travers le filtre de cette question : cette personne a-t-elle la capacité d’avoir la liberté de choisir …? C’est une question essentielle afin d’évaluer réellement une situation.

Les critères d’évaluation sont à retenir dans la sphère que l’on cherche à étudier. Pour chaque personne, suivant sa situation, les critères ou indicateurs devront être étudiés avec les intéressés d'une façon précise. Les évolutions de toutes les situations peuvent être, doivent être mesurées en mettant à disposition les moyens d'investigation des difficultés de la personne.

L’Europe défend le concept d’« Inclusion ». Cette approche des phénomènes d'exclusion au niveau des vingt sept pays européens semble devoir être abordée par l'articulation de l'Etat-providence et des représentations sociales de l'exclusion dans chaque pays (XAVIER, 2000, p 417).

Trois types d'Etat providence émergent en EUROPE : le WELFARE STATE, libéral et résiduel, l'Etat-providence « Bismarckien », dit « Conservateur » et l'Etat-providence

« Universaliste » ou « social démocrate » (ESPING-ANDERSEN, 1999) :

Le modèle libéral résiduel privilégie une politique de ciblage des efforts sociaux sur les plus démunis. Le marché est le mécanisme le plus efficace pour procurer à chacun des ressources en fonction des mérites individuels. En cas de perte de ressources, l'individu doit les trouver auprès de la solidarité familiale, auprès des réseaux primaires. L'Etat n'intervient qu'au niveau ultime ;

Le modèle bismarckien ou assurantiel, familier en France et en Allemagne se caractérise par des actifs sur le marché du travail qui payent pour la retraite et pour les chômeurs. La totalité des ressources disponibles couvre les besoins existants dans le meilleur des cas. L'assistance sociale est fondée sur le droit à bénéficier d'une prestation. La population n'ayant pas gagné ce droit à la protection bénéficie d'un système d'aide sociale, filet de protection plus ou moins protecteur. L'aide sociale est résiduelle. Ce système est complété par un ensemble d'associations privées ou semi publiques assurant le rôle d'articulation entre l'assurantiel et l'assistanat. Cet ensemble constitue un ensemble complet de protection de tous les risques, assurant à une minorité le minimum vital et aux autres le maintien de leur statut social sur le principe d'une solidarité horizontale aux idéaux basés sur la méritocratie ;

Le modèle universaliste privilégie une solidarité verticale à visée égalitariste. Le principe n'est pas l'assurance sociale mais l'offre de services universels gratuits à tous les citoyens ; c'est à dire payés par l'impôt et fondés sur le besoin et non sur des droits acquis par des cotisations

sociales. Au nom de ce principe d'égalité et d'universalité, tous les citoyens sont assurés de bénéficier d'un revenu ou d'une prestation sociale en déconnectant partiellement l'allocation de revenu de la valeur marginale du travail ce qui nécessite des dépenses sociales élevées.

La prise en compte de ces trois modèles de réponse a été nécessaire à l'élaboration d'un concept d'exclusion et d'insertion européen : l'inclusion.

« Les états se sont accordés sur les raisons de l'exclusion dans l'Union Européenne : la vulnérabilité croissante de large fraction de la population déterminée par les mutations technologiques, les transformations du marché du travail, la fragilisation des statuts familiaux, les tendances à la fragilité des liens sociaux, l'évolution des phénomènes d'immigration, les mutations des systèmes de valeurs » (EVRARD & PRELIS, 1994, p 113).

La société fonctionne sur quatre systèmes fondamentaux : le système démocratique et juridique, le marché de l'emploi, la protection sociale et, la famille et la communauté : le système démocratique et juridique permet l'intégration civique en assurant la possibilité d'être un citoyen à part égale dans le système démocratique ; le marché de l'emploi permet l'intégration économique car le fait d'avoir un travail, une fonction économique reconnue assure de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ; la protection sociale confère une intégration sociale en favorisant l'accès aux services sociaux mis à disposition par les états ; la famille et la communauté permettent l'intégration personnelle par les liens avec la famille, les amis, les voisins et plus largement avec les réseaux personnels et sociaux sur lesquels on peut compter en cas de besoin.

« Le processus d'inclusion sociale se caractérise essentiellement par la place réservée au citoyen. La participation active du citoyen dans la vie active est le pilier fondamental de ce processus » (Commission des Communautés Européennes, 2006). « L'inclusion sociale a pour objectif de promouvoir la cohésion sociale et l'égalité des chances, de renforcer la croissance européenne et d'améliorer la qualité et la quantité de l'emploi et le développement durable et enfin, d'améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des personnes en précarité à la construction, à l'exécution et au suivi de la politique » ( Commission au Parlement Européen, 2005).

Les concepts d’Insertion/Exclusion basés sur un processus dynamique multidirectionnel, se rassemblent autour d’un certains nombres de notions communes.