• Aucun résultat trouvé

L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

II / L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

2.1. L’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE ENTRE ETAT ET PROCESSUS : CONCEPTS, APPROCHES THEORIQUES

2.1.2. Les courants de pensée liés à l’insertion et à l’exclusion

2.1.2.1. L’insertion et l’exclusion comme un état

L’exclusion abordée comme un état se réfère à une approche déterministe de ce phénomène.

Les individus subissent le poids de la société qui les exclut sans qu’ils puissent influer sur cet état de fait. C’est la place, la position sur l’échiquier de la société qui détermine l’état d’exclusion qui peut être une sorte d’inclusion sociale ou une sorte d’exclusion sociale, selon les concepts.

L’insertion et l’exclusion comme un état naturel dépendent des mécanismes de la société et de l’époque d’observation. Les sociétés traditionnelles sont des sociétés de rang, hiérarchisées naturellement, ce qui signifie d’une part, que la hiérarchie relève d’une évidence qui n’étonne personne, l’équilibre étant révisable mais injuste. Cet état repose sur le statut qui est celui du tout social et de ses hiérarchies. D’autre part, le statut de nature repose sur le principe qu’il y a naturellement des supérieurs et des inférieurs selon la volonté des dieux.

DE QUIEROZ (2000, p 302) reprend DUMONT (1977) qui précise que dans les sociétés traditionnelles, la place de l’individu se détermine par le jeu d’un équilibre dont le résultat serait les inégalités des rapports sociaux. Les places sont déterminées d’une façon objective par la naissance. Les hommes de classe inférieure, tels que les serfs, tout en étant exclus de tout : pouvoir, propriété, liberté, n’en demeurent pas moins intégrés fortement dans la société.

L’exclusion elle-même leur confère une appartenance, une identité de pleine légitimité.

Chacun, selon son rang, se trouve inclus dans la totalité et l’espace de la société.

Contrairement à nos sociétés contemporaines, ce mode d’inclusion - exclusion ne remet pas en jeu l’identité personnelle de l’individu. Le rang qu’il occupe n’est pas déterminé par un processus de déchéance altérant son identité sociale.

La théorie des « In » et des «Out » considère l’exclusion comme un état. En effet, TOURAINE (1992, p 163-174) décrit des sociétés égalitaires et dénonce le danger de la fracture sociale qui serait le résultat d’une transformation des sociétés post-industrielles qui, de verticales, seraient devenues horizontales. Sociétés verticales parce que hiérarchisées selon le principe de classes sociales, de bas en haut, permettant une visibilité et une continuité des positions. L’échelon inférieur pourrait ambitionner à monter sur l’échelon supérieur. Sociétés horizontales caractérisées par le fractionnement, l’éclatement, l’illisible, dans lesquelles l’ascenseur social ne fonctionne plus.

Les inégalités justes (DUBET, 2004), conséquences des comportements entre les individus laissent à côté un certain nombre de compétiteurs. Les inégalités deviennent naturelles entraînant des dissociations des rapports sociaux. L’individu devient hors compétition et se retrouve en dehors de la sphère sociétale.

Tout en mettant en cause la validité de cette vision, AUTES (2004) remarque qu’elle met l’accent d’une part, sur l’illisibilité du social. L’individu est incapable de mettre du sens à sa position sociale, au rôle qu’il occupe dans la société, entraînant une dévalorisation identitaire et d’autre part, sur un sentiment d’inapartenance sociale du aux inégalités croissantes dans notre société ce qui accentue le sentiment de risque social.

Notre société serait passée d’une société pyramidale où la masse supporte le poids de l’élite, à une société réticulaire où les positions se jouent entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors (TOURAINE, 1992).

Cette vision paraît archaïque à ROSANVALLON (1998, p 87) et à GOGUEL d’ALLONDANS (2003, p 66) qui s’insurgent de la possibilité à quiconque de se trouver hors du social. « Les situations extrêmes sont les conséquences ultimes de processus qui agissent bien en amont, d’où l’idée de progression plus ou moins rapide dans cette descente aux enfers ».

L’exclusion comme un état s’envisage, en particulier, pour des formes d’exclusion spatiales.

C’est le territoire qui détermine l’appartenance, l’identité même si elles sont ou deviennent négatives. Les auteurs divergent et évoluent…

La relégation et la ségrégation spatiale sont présentées comme un état d’exclusion, même si ces théories évoluent vers un processus qui demeure stable en définitive.

L’individu, malgré lui, par le cumul de ses difficultés, est relégué vers des territoires où se concentrent des individus ayant les mêmes problèmes de chômage, de disqualification professionnelle, d’immigration, de santé, de faiblesse de liens sociaux...

La relégation décrite par DELARUE (1991) explique les concentrations de populations dans les banlieues et dans les quartiers des villes comme échappant à l’emprise des individus. A cette relégation en périphéries des villes s’ajoute la discrimination liée au quartier lui-même.

Le fait d’habiter le quartier devient doublement pénalisant par le relégation et par la discrimination. Cette situation pour l’individu aboutit à un état d’exclusion. Cette représentation binaire de l’exclusion peut se rapporter au courant de la sociologie du déterminisme. La société est responsable de ce fait social de construction d’exclusion.

L’individu n’a pas de prise sur sa mise en périphérie.

MAURIN (2004, p 6), tout en confirmant que les pauvres ne maîtrisent pas leur relégation spatiale, pense que les riches ont une stratégie de l’« Entre soi ». Il décrit un processus de classes qui, à tous les niveaux, souhaitent rester entre elles ou dans un milieu un peu plus élevé que le leur. Le processus ségrégatif s’explique par la volonté d’éviter, de contourner les groupes immédiatement inférieurs dans l’échelle des difficultés par le jeu du déclassement.

L’enfermement des individus dans un destin écrit d’avance participe à cette compétition terrible qui détermine l’avenir des situations. Une stratégie de ghettoïsation par le haut se met en place ; les plus riches, l’élite et les diplômés, mobilisent leurs ressources pour se mettre à l’écart. La demande importante et solvable de logements réhabilités en centre ville maintient les prix à un niveau tellement élevé que les pauvres quittent le centre ville. La concentration de familles pauvres dans des logements sociaux est donc un phénomène par défaut plus qu’une stratégie active de leur part. Cet « Entre soi » pourrait être décrit comme un processus pour les riches qui le maîtrisent, et comme un état pour les pauvres qui le subissent sans espoir d’en sortir. Riches et diplômés d’un côté, pauvres et exclus de l’autre sont les deux pôles extrêmes de la stratégie de la ségrégation territoriale.

Loin d’améliorer la situation, les politiques de la ville depuis vingt ans en matière de discrimination basée sur le territoire n’ont même pas su stabiliser le processus. Les situations se sont fixées pour les pauvres qui subissent ce processus qui, à long terme, devient état.

Peut-on qualifier cette situation de processus pour les riches et d’état pour ceux dont le processus est bloqué depuis des années sans espoir d’évolution ?

Peut-on pour le même phénomène évoquer l’interactionnisme pour les riches et le déterminisme pour les pauvres en matière de relégation spatiale ?

PAUGAM (2005, p 197) met l’accent sur l’identité négative que ressentent les habitants de ces quartiers. La détérioration de l’habitat, la forte rotation des locataires sont ressenties par les anciens locataires d’une façon dévalorisante qui les amènent à se replier sur eux même.

La détérioration des espaces sont les indices d’une misère morale et des rapports sociaux basés sur la mésentente, voire la violence. L’image négative accentue et renforce la dévalorisation qui se caractérise par l’absence de sentiment d’appartenance à un groupe lié par le même destin. Ainsi se construit une image négative du quartier mais aussi des individus qui y habitent.

Cette exclusion, basée sur la relégation spatiale à laquelle s’ajoute la ségrégation sociale, pose la question de l’exclusion ou de l’insertion durable à définir comme état ou comme processus.