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Les déterminants de la performance des fonds

Dans le document Private equity et capitalisme français (Page 67-71)

Chapitre 2. Le capital-investissement est-il performant ?

2. Économie politique des rendements du capital-investissement

2.1. Les déterminants de la performance des fonds

2.1.1. Les faits stylisés : influences de la taille, de l’expérience et persistance des rendements

Au-delà de la performance moyenne des fonds, Kaplan et Schoar (2005) observent que la distribution des rendements nets parmi les fonds se carac- térise par une forte hétérogénéité dans ses dimensions spatiales et tempo- relles. Cette hétérogénéité spatiale est très marquée au sein d’un même seg- ment (VC ou BO) et, en cohérence avec Cochrane (2005) s’accompagne d’un écart important entre rendement moyen et rendement médian.

Selon les estimations de Kaplan et Schoar (2005), la taille du fonds, l’expérience du GP (mesurée par le nombre de fonds levés par un même GP) et une dummy VC/LBO expliquent aux alentours de 20 % de la va- riance totale des rendements nets. Dans la coupe de l’échantillon, les fonds de grande taille et ceux gérés par des GPs expérimentés génèrent des rende- ments plus élevés avec une relation concave. Une fois contrôlée l’identité du GP, cette relation devient décroissante que l’on considère la taille ou l’expérience(42). Ces derniers deux faits révèlent la présence de rendements

(42) La relation négative entre performance nette et expérience du GPs est plutôt défavora- ble à l’idée d’un phénomène d’apprentissage, nous y reviendrons.

décroissants internes au GP. Cette décroissance peut avoir deux origines. D’une part, la gestion d’un fonds exige un talent particulier difficilement reproductible parmi les GPs et à l’intérieur d’un même GP. D’autre part, le nombre de projets d’investissement disponibles pour chaque fonds est li- mité.

Driessen, Lin et Phalippou (2007, cf. la section 1.2.3 du présent chapi- tre) cherchent à identifier l’origine de cette performance supérieure des fonds expérimentés et de grande taille en termes de facteurs « alpha » et « bêta ». Cette supériorité provient-elle d’une exposition plus intense au risque systématique (un facteur « bêta » plus élevé) ou à une supériorité managériale absolue (un facteur « alpha » plus élevé) ? Que l’on considère les segments VC ou BO, il apparaît que c’est l’exposition au risque de marché qui crée le lien positif entre la taille ou l’expérience et la perfor- mance.

Kaplan et Schoar (2005) constatent que les performances nettes des fonds construits successivement par un même GP persistent significativement(43). Un GP ayant connu le succès des fonds précédemment levés est plus enclin qu’un autre à délivrer un rendement élevé à ses investisseurs. De plus, la taille d’un fonds est positivement liée par une relation concave à la perfor- mance passée des fonds levés par le même GP. Comme le souligne Kaplan et Schoar (2005), la concavité implique que les « meilleurs » GPs choisis- sent volontairement de limiter la taille de leurs fonds pour éviter la zone de rendements décroissants.

Ces éléments sont en cohérence avec la présence d’un facteur spécifi- que à chaque GP, tel le talent de son management, qui bornerait sa taille. Cette question de la taille est au cœur de nombreuses réflexions sur le ca- ractère scalable de l’industrie, et sur le fait de savoir si les mega-buyouts auxquels nous avons assisté participent à une évolution ou bien sont révéla- teurs de son déclin, en mettant en cause son unité.

2.1.2. La compétence du fonds pour sélectionner les projets, premier facteur de succès

De nombreuses études ont cherché à examiner les facteurs qui détermi- nent le succès (sortie favorable) des fonds dans leurs investissements. Le premier facteur est lié à la capacité du fonds à mobiliser des compétences spécialisées indispensables à la sélection et à la gestion des projets. Ces études mettent ainsi en avant l’expérience du GP (Sorensen, 2007), sa spécia- lisation dans un secteur déterminé (Gompers, Kovner, Lerner et Scharfstein, 2006a), ses compétences et son expérience scientifiques (Zarutskie, 2006) ou encore la qualité de son réseau au sein de l’industrie du capital-investis- sement (Hochberg, Ljungqvist et Lu, 2007) comme autant de facteurs clés

(43) Ce résultat de persistance est en contradiction avec l’absence de persistance caractéri- sant l’industrie du mutual funds (cf. Berk et Green, 2002).

de succès. Peut-on identifier plus précisément la manière dont les compé- tences du fonds conduisent au succès de ses investissements ?

Sorensen (2007) estime un modèle structurel d’appariement entre le fonds de venture capital et les entrepreneurs. De la sorte, il montre que l’expé- rience des fonds joue plutôt sur la sélection des projets que sur la conduite de ces mêmes projets.

Dans leur étude sur le lien entre les cycles d’investissement en venture

capital et les évolutions des cours boursiers, Gompers, Kovner, Lerner et

Scharfstein (2005) montrent que les fonds expérimentés et spécialisés sont les mieux placés pour utiliser les signaux transmis par le marché afin de réaliser des investissements performants. Ce résultat d’une sensibilité plus élevée des fonds expérimentés au marché est cohérent avec l’analyse de Driessen, Liu et Phalippou (2007) décrit dans le paragraphe précédent, et illustre que la qualité de la sélection est essentielle.

À partir de données sur le venture capital américain, Gompers, Kovner, Lerner et Scharfstein (2006b) s’intéressent à la manière dont les compéten- ces et l’expérience des entrepreneurs et des fonds interagissent pour créer de la valeur. De manière peu surprenante, parmi les entrepreneurs soutenus par le venture capital, les serial entrepreneurs ont plus de chance de succès (entrepreneurs ayant déjà connu un succès) que les primo-entrepreneurs. Par ailleurs, l’expérience du fonds accroît le taux de succès des investis- sements.

Les auteurs montrent que le succès du serial entrepreneurs ne dépend pas de la qualité, mesurée par l’expérience, du fonds de VC qui accompa- gne le projet. Ainsi les fonds les plus expérimentés se distinguent des moins expérimentés dans leur capacité à valoriser des projets émanant d’entre- preneurs n’ayant pas encore fait leur preuve. Ceci plaide encore une fois pour un effet de sélection : les fonds les plus expérimentés sont en capacité de repérer parmi les entrepreneurs ceux possédant une compétence entrepreneuriale spécifique.

2.1.3. Caractéristiques des contrats et performance des fonds

Les caractéristiques du contrat ont des conséquences sur la performance des fonds. Ainsi, Cumming et Walz (2004) concluent que l’association avec d’autres partenaires (syndication) et la taille du fonds influence positive- ment la performance, alors que l’expérience semble sans influence.

Hege, Palomino et Schwienbacher (2006) comparent les rendements bruts générés par le VC en Europe et aux États-Unis. Au-delà du niveau de ces derniers, nettement plus élevés aux États-Unis, il apparaît que les mêmes facteurs (taille du syndicat, continuité de la relation) les influencent très différemment d’une rive à l’autre de l’Atlantique. Les auteurs en concluent que le degré de sophistication de la relation VC/entrepreneurs contribue de manière décisive à la sur-performance du VC américain.

2.1.4. Performance, environnement concurrentiel des fonds et cycle de l’industrie

Le fait stylisé de persistance des rendements nets des fonds obtenus par Kaplan et Schoar (2005) peut être révélateur d’une concurrence défaillante, s’effectuant à l’avantage des intervenants anciens du marché, qui parvien- draient, notamment par un accès prioritaire aux investissements les plus rentables, à dresser des barrières à l’entrée de nouveaux GPs sur le marché. Sur ce point, l’évidence empirique apportée par Kaplan et Schoar (2005) est ambiguë : l’entrée de nouveaux fonds baisse effectivement la perfor- mance des fonds déjà présents, d’autant plus que ces derniers sont jeunes. Les fonds les plus établis semblent donc être moins sensibles à l’entrée de concurrents, surtout dans le segment VC.

Surtout, il est troublant que la persistance concerne les performances

nettes des fonds. En effet, une concurrence sans entrave entre les GPs vis-à-

vis des investisseurs devrait conduire à la disparition des différences de rendements nets anticipés (en tenant compte de l’observation des track re-

cords). Le GP devrait capturer par sa rémunération l’intégralité de la rente

systématique provenant de son talent et des rendements décroissants. La persistance ne devrait ainsi affecter que les rendements bruts, et non les rendements nets. Faute de données sur les rémunérations, Kaplan et Schoar (2005) ne sont pas en mesure d’examiner la manière dont la rente se par- tage entre le GP et les LPs. Mais l’hétérogénéité et la persistance caractéri- sant la distribution des rendements nets indiquent que la relation qui se noue entre le GP et les LPs lors de la constitution d’un fonds relève plus d’une logique d’appariement frictionnel que d’une transaction en concur- rence parfaite.

Ce point est confirmé par l’étude de Lerner, Schoar et Wong (2006). Ces auteurs croisent des données de rendements en provenance de LPs et de GPs. Ils montrent alors que le rendement net obtenu par l’investisseur dé- pend de la nature de ce dernier. Sur les deux dernières décennies, les uni- versités et les fondations (endowments) dégagent annuellement un taux de rendement de leurs investissements supérieurs de 14 % à celui de l’inves- tisseur moyen(44). Les banques et les conseillers en investissement sont les moins performants des investisseurs. La présence d’un investisseur de qua- lité au sein d’un fond accroît donc sa performance nette. Les auteurs mon- trent que l’expérience du LP sur le marché est un facteur déterminant de performance. Lerner, Schoar et Wong (2007) concluent que le comporte- ment des LPs, leurs capacités à utiliser l’expérience acquise pour sélection- ner non seulement les fonds mais aussi les projets d’investissement du fonds, est un élément essentiel de performance. Il note par ailleurs que l’entrée de LPs non expérimentés en période de boom contribue encore à amplifier le

(44) Ce résultat est robuste à l’introduction de dummys temporelles ou caractérisant la na- ture du fonds, même si le sur-rendement dégagé par les « endowments » est alors réduit de 14 à 8 %.

cycle de l’industrie. Il semble donc bien que l’appariement (match) entre LPs et GP s’exerce avec des frictions, ce qui justifie une logique de partage de rentes entre les deux côtés du match.

On peut également penser que l’investissement en capital-investisse- ment peut avoir d’autres motivations que la réalisation d’un rendement di- rect provenant de l’opération. Une banque peut ainsi réaliser des revenus supplémentaires en participant aux opérations de syndication et de gestion de la dette qui accompagne le BO.

La nature de la concurrence, et de l’ajustement entre rendement et quan- tité, est aussi à l’origine d’une vaste littérature sur le caractère cyclique de l’industrie. Comment les caractéristiques intrinsèques de l’industrie et la de la concurrence qui s’y exerce contribue-t-il à amplifier le cycle qui l’affecte ? Gompers et Lerner (2000) ont mis en avant le phénomène du « money-

chasing deal » pour montrer que lors des phases hautes du cycle l’afflux de

capitaux se heurte au nombre restreint d’opportunités d’investissement, ce qui augmente la valeur de ces opportunités, et est susceptible de réduire le rendement obtenu.

Kaplan et Schoar (2005) montrent que des performances nettes élevées attirent, après un délai, des nouveaux entrants GP, qui lèvent des fonds de taille importante. Ces premiers fonds, montés après un « boom », sont peu performants et donc peu susceptibles d’être suivi par un second fonds du même GP. En se rappelant que les GPs les plus performants limitent la croissance de leurs fonds, Kaplan et Schoar (2005) concluent que le dollar marginal investi en période de « boom » se dirige plutôt vers des nouveaux GP, qui seront moins à même à créer des nouveaux fonds. La croissance de l’industrie s’accompagne ainsi d’une dégradation des performances moyen- nes des fonds, ce qui dégonfle progressive le « boom » et propulse le cycle.

Dans le document Private equity et capitalisme français (Page 67-71)